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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14661/2023

ACPR/633/2023 du 11.08.2023 sur OTMC/2224/2023 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221; CPP.237; CP.187; CP.190

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14661/2023 ACPR/633/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 11 août 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 27 juillet 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 4 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 juillet 2023, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) l'a mis en détention provisoire jusqu'au 26 octobre 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de ladite ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement sous les mesures de substitution qu'il propose.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été interpellé par la police le 25 juillet 2023 à sa descente de l'avion en provenance du Cameroun.

b. Il est soupçonné d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP) et de viol (art. 190 al. 1 CP) pour avoir, à Genève, dans l'appartement familial, à l'avenue 1______ no. ______ à D______ [GE], entre septembre 2022 et juin 2023, à plusieurs reprises :

- embrassé de force E______, née le ______ 2011,

- procédé, en usant de contrainte, à des attouchements sur le corps de E______, à même la peau, notamment sur les seins, les parties génitales, les fesses et la région anale,

- tenté de pénétrer de force vaginalement et/ou analement E______ avec son sexe,

- pénétré de force vaginalement et/ou analement E______ avec son sexe,

- obligé celle-ci à tenir son sexe et à le masturber.

c. À teneur du rapport de renseignements du 7 juillet 2023, F______ s'était présentée au poste de police de G______ le 3 juillet 2023 pour signaler que la jeune E______, qui logeait chez sa tante, H______, aurait été violée quelques jours plus tôt par un dénommé "A______". Elle-même était une amie de la famille [de] H______.

Contactée par la police, E______ avait expliqué oralement habiter la semaine avec son "père", A______, et sa grand-mère, I______ à D______, tandis que le week-end et pendant les vacances, elle logeait chez sa tante à J______ [GE]. Elle se sentait en sécurité chez cette dernière. Elle avait ensuite été entendue par la police selon le protocole NICHD. À teneur du résumé de ses déclarations (qui n'ont pas encore été retranscrites), en substance, entre fin septembre/début octobre 2022 environ et juin 2023, à plusieurs reprises, la nuit, lorsque sa grand-mère était couchée, son père lui avait touché le corps par-dessus les habits, baissé son pantalon et sa culotte et tenté d'introduire ou avait introduit son sexe dans le "trou spécialement pour ça" ainsi que dans son anus. Elle avait eu mal, le lui avait dit mais il avait néanmoins recommencé quelques jours plus tard.

L'examen médical de la jeune fille effectué par la médecin légiste avait révélé qu'elle présentait des infections sexuellement transmissibles.

Selon la police, la mère biologique de E______ serait la sœur de H______ et serait décédée en essayant de rejoindre l'Europe. On ignorait à ce stade si A______ était le père biologique de E______, celle-ci ayant désigné K______.

L______, sœur de H______, avait expliqué à la police que E______ lui avait révélé son agression sexuelle le samedi 1er juillet 2023. E______ lui avait également raconté que A______ lui touchait les parties intimes en échange du téléphone.

d. Devant la police et le Ministère public, A______ a indiqué être arrivé en Suisse depuis le Cameroun en janvier 2004 sauf erreur, dans le cadre d'un regroupement familial, sa mère étant mariée à feu son beau-père, M______. Il travaillait comme peintre en bâtiment depuis 18 ans au sein de l'entreprise N______ à D______. Il était actuellement marié mais son épouse et leurs trois jeunes enfants vivaient au Cameroun. Précédemment, il avait été marié ou en couple avec d'autres compagnes, dont H______, et eu six autres enfants biologiques, dont deux vivent en Suisse. Il avait entretenu des rapports sexuels avec la mère de E______ au Cameroun, ce qui lui avait coûté sa séparation avec H______. La mère de E______ était décédée lors de la traversée pour venir en Europe. E______, qui l'accompagnait, avait vécu tout cela. À son arrivée en Suisse en 2022, elle avait été recueillie par H______, avant qu'il ne décide de la prendre avec lui.

Il contestait les faits reprochés. Il avait de très bonnes relations avec E______. Il pensait qu'elle était manipulée par son "père".

e. Le prévenu est originaire du Cameroun et est titulaire d'un permis C. Il a été condamné à deux reprises à Genève en 2017 et 2018 pour violation d'une obligation d'entretien.

C. Dans son ordonnance querellée, le TMC retient des charges graves et suffisantes, eu égard aux constatations de police, aux déclarations claires et détaillées de E______ à la police en audition EVIG, aux déclarations de L______ à qui la victime s'était confiée, aux circonstances du dévoilement et aux renseignements fournis par la médecin légiste.

L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public devant notamment procéder à de nouvelles auditions du prévenu, à l'audition des personnes à qui s'était confiée E______, à des confrontations, et recevoir le constat de lésion traumatique ordonné.

Il existait un risque de fuite concret, nonobstant les attaches du prévenu en Suisse, au vu de sa nationalité étrangère et de ses attaches au Cameroun, où vivent son épouse et leurs trois enfants.

À cela s'ajoutait un important risque de collusion vis-à-vis de E______, en particulier au vu de l'âge de cette dernière et de ses liens avec le prévenu, mais aussi vis-à-vis des personnes de l'entourage de la jeune fille et de F______ ainsi que de L______. L'engagement du prévenu de ne pas contacter E______ ou les autres personnes liées à l'enquête était insuffisant, vu l'enjeu particulièrement important pour lui, le respect de son engagement n'étant au demeurant pas vérifiable.

Le risque de réitération était par ailleurs tangible, nonobstant l'absence d'antécédents spécifiques du prévenu, au vu de la répétition des actes de nature sexuelle rapportés de manière particulièrement crédible par E______.

Aucune mesure de substitution au sens de l'art. 237 CPP n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention au vu desdits risques.

Enfin, la durée de la détention provisoire respectait le principe de la proportionnalité.

D. a. À l'appui de son recours, A______ conteste les charges. Les déclarations de E______ figurant au dossier, sous forme de résumé, ne permettaient pas d'apprécier la crédibilité de ses accusations. E______ avait vécu un épisode traumatique avec le décès de sa mère lors de leur traversée pour rejoindre l'Europe. Les faits reprochés devaient ainsi "être mis en parallèle avec [ces] évènements". Son témoignage n'avait en outre pas été confirmé par sa grand-mère, qui habite le même logement. L'infection sexuellement transmissible diagnostiquée chez E______ ne pouvait lui être imputée, lui-même n'étant porteur d'aucune maladie à sa connaissance.

Le risque de fuite était nul. Il était établi en Suisse depuis presque 20 ans et possédait un permis C. Ses deux filles et son ex-compagne résidaient également à Genève.

S'agissant du risque de collusion, il pouvait être pallié par son engagement formel de ne pas contacter, sous quelque forme que ce soit, E______ et tout autre membre de sa famille ou toute personne susceptible d'être entendue.

Il n'existait aucun risque de réitération. Il n'avait jamais été condamné pour des faits similaires et E______ était actuellement prise en charge par le SPMi.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, se référant intégralement à la décision querellée.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. Le prévenu persiste dans son recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste les charges.

2.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       En l'espèce, les déclarations détaillées et claires de E______ à la police en audition EVIG – résumées en l'état au dossier –, corroborées par les propos de L______, à qui elle se serait confiée, ainsi que par le signalement à la police d'une amie de la famille, F______, constituent de forts soupçons d'infractions graves, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP.

Que seul un résumé des déclarations de la jeune fille figure au dossier n'enlève rien à leur crédibilité, certains termes utilisés (et retranscrits dans le résumé) démontrant selon la police les lacunes de E______ en matière de sexualité (cf. rapport de renseignements du 7 juillet 2023, p. 5), ce qui apparaît cohérent vu l'âge de l'intéressée (12 ans).

On discerne par ailleurs mal le lien entre les évènements dramatiques qu'aurait vécu la jeune fille lors de sa traversée vers l'Europe et ses accusations contre le prévenu.

Que la grand-mère habite le même logement que E______ ne rend pas impossible les faits décrits par cette dernière, ceux-ci s'étant selon elle déroulés la nuit lorsque la grand-mère était couchée.

Enfin, les infections sexuellement transmissibles détectées chez la jeune fille interpellent et renforcent la prévention à ce stade, même si le recourant nie être porteur d'une quelconque maladie de ce type.

En l'état de la procédure, les charges retenues apparaissent ainsi suffisantes et graves, au vu des éléments au dossier, pour justifier la détention provisoire.

3.             Le recourant conteste le risque de collusion.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2.       En l'occurrence, dans la mesure où les charges pesant sur le recourant sont lourdes et apparaissent reposer avant tout sur les déclarations de E______ ainsi que sur celles d'autres membres de la famille ou de proches, il existe un risque de collusion très important entre tous les protagonistes, de nouvelles auditions et des confrontations devant avoir lieu. Vu l'âge de la jeune fille et la proximité de ses liens avec le prévenu, qu'il soit son père biologique ou non, ainsi que les liens proches des autres personnes à entendre avec le prévenu, on ne peut exclure que celui-ci exerce des pressions sur elles ou tente de les influencer et ainsi n'altère la manifestation de la vérité.

La mesure de substitution proposée par le prévenu pour pallier ce risque, à savoir l'interdiction de contacter, sous quelque forme que ce soit, E______ et tout autre membre de sa famille ou toute personne susceptible d'être entendue (art. 237 al. 1 et 2 let. g), n'apparaît pas suffisante pour pallier l'acuité du risque susévoqué à ce stade précoce de l'enquête et aucune autre mesure de substitution n'entre en ligne de compte ici.

4. Le risque de collusion étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si les risques de fuite et de réitération le sont également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3 et la jurisprudence citée).

5. Au vu de la peine menace concrètement encourue si le recourant devait être reconnu coupable des infractions qui lui sont reprochées, la durée de la détention provisoire prononcée respecte le principe de la proportionnalité.

6. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/14661/2023

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

1'005.00