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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/71/2023

ACPR/624/2023 du 09.08.2023 ( PSPECI ) , ADMIS

Descripteurs : AVOCAT;DÉPENS;CONTRAVENTION
Normes : CPP.429.al1.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/71/2023 ACPR/624/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 9 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me C______, avocat, ______, Genève,

recourante,

 

contre la décision rendue le 16 juin 2023 par le Service des contraventions,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 22 juin 2023, A______ recourt contre la décision du 16 précédent, par laquelle le Service des contraventions (ci-après : SdC) a refusé de l'indemniser pour ses frais d'avocat à la suite du classement de la procédure ouverte à son encontre.

La recourante conclut, sous suite de frais et de dépens chiffrés, à l'annulation de ladite décision et à l'octroi d'une indemnité de CHF 2'641.35 (TVA incluse) pour la procédure de première instance, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est responsable du salon de massages érotiques B______, sis à Genève.

b. Lors d'un contrôle, le 27 janvier 2020, la police a été mise en présence de trois travailleuses du sexe roumaines qui, selon les renseignements obtenus de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), n'étaient pas autorisées à travailler. A______ a ainsi été mise en contravention, le 4 février suivant.

c. Par ordonnance pénale n° 1______ du 20 février 2020, l'intéressée a été condamnée à une amende de CHF 3'000.-, plus CHF 150.- d'émoluments, pour avoir, en tant qu'employeur, contrevenu à l'obligation d'annonce d'un employé étranger (infraction commise à trois reprises) (art. 9 - 32A OLCP).

d. Par courrier du 4 mars 2020, elle y a formé opposition, par l'intermédiaire de son conseil.

e. Sur requête du SdC adressée audit conseil, celui-ci a, par courrier du 15 avril 2020, motivé l'opposition de sa cliente. Il a conclu à l'acquittement de cette dernière et à l'allocation d'une indemnité de CHF 2'641.35 pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP). Était produite, à l'appui, sa note d'honoraires pour son activité déployée à compter du 4 mars 2020, laquelle totalisait 5 heures 15 minutes au tarif de CHF 450.-/heure, plus frais en CHF 80.- (ouverture du dossier) et CHF 10.- (photocopies, téléphones, correspondances), ainsi que la TVA.

f. Par ordonnance du 9 juin 2023, le SdC, après avoir interpellé l'OCPM, a classé la procédure n° 1______, aux motifs que les éléments constitutifs de l'infraction reprochée n'étaient pas réalisés, d'une part, et que l'infraction était de toute manière prescrite, d'autre part.

g. Par courrier du 13 juin 2023 au SdC, le conseil de A______ s'est plaint de ce que ladite ordonnance ne se prononçait pas sur la demande d'indemnité faite au nom de sa cliente et a sollicité l'octroi du montant précédemment demandé à ce titre.

C. Dans sa décision querellée, le SdC a considéré que le cas ne présentait pas de complexité particulière nécessitant de faire appel à un avocat, s'agissant d'un domaine de gestion du personnel pour lequel A______ était au bénéfice d'une longue expérience, d'une procédure qui requérait principalement l'interpellation de l'OCPM et qui s'était au surplus soldée notamment par un classement pour cause de prescription. L'indemnité requise était dès lors refusée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose avoir toujours contesté sa culpabilité, de sorte qu'elle avait dû faire appel à un avocat pour s'opposer à la contravention. Elle avait motivé son opposition dans le délai imparti et la prescription de l'infraction n'était pas de son fait. Le cas n'était pas simple, dès lors qu'une condamnation pénale aurait entraîné une sanction administrative, laquelle pouvait conduire à la fermeture de son établissement. Elle avait réussi à démontrer, avec l'aide de son conseil, qu'elle était innocente des faits reprochés.

Elle ajoute que son salon était très régulièrement contrôlé et qu'il arrivait que les rapports de police soient entachés d'erreurs. Elle avait fait appel à un avocat par le passé dans d'autres procédures contraventionnelles similaires, à l'issue desquelles elle avait été acquittée et indemnisée pour ses frais de défense par le Tribunal de police à la suite de ses oppositions, et dont elle produit les jugements (cf. chargé, principalement pièces 3a, 3b et 3c).

Le raisonnement du SdC était ainsi erroné et arbitraire.

b. Interpellé, le SdC persiste dans sa décision querellée et s'en remet à justice pour le surplus, sans autre commentaire.

c. La recourante persiste dans les conclusions de son recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la contrevenante qui, prévenue dans la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté, totalement ou en partie, ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

L'indemnité ici visée correspond en particulier aux dépenses assumées par le prévenu libéré pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1 p. 206). L'allocation d'une indemnité pour frais de défense selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l'art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Il faut garder à l'esprit que le droit pénal matériel et le droit de procédure sont complexes et représentent, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés. Celui qui se défend seul est susceptible d'être moins bien loti. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l'infraction en cause. Dans le cadre de l'examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu. Par rapport à un délit ou à un crime, ce n'est qu'exceptionnellement que l'assistance d'un avocat peut être considérée comme ne constituant pas un exercice raisonnable des droits de la défense. Cela pourrait par exemple être le cas lorsque la procédure fait immédiatement l'objet d'un classement après une première audition (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 p. 203 s.; arrêt 6B_387/2013 du 8 juillet 2013 consid. 2.1 non publié aux ATF 139 IV 241).

On ne peut pas partir du principe qu'en matière de contravention, le prévenu doit supporter en général seul ses frais de défense (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 p. 203 s.; arrêts du Tribunal fédéral 6B_983/2016 du 13 septembre 2017 consid. 2.2.; 6B_261/2016 du 24 mars 2017 consid. 2.2.; 6B_387/2013 du 8 juillet 2013 consid. 2.1 non publié aux ATF 139 IV 241).

2.2. En l'espèce, l'abandon de l'infraction reprochée ouvre le droit à une indemnisation pour l'activité déployée par l'avocat de choix aux conditions susévoquées.

La recourante admet exploiter un salon de massages érotiques depuis "de très nombreuses années" et qui "accueille de très nombreuses hôtesses érotiques" (cf. mémoire de recours, p. 4 consid. V. 2). Si on peut concevoir, à l'instar du SdC, que la précitée est dès lors rompue à la procédure visant à annoncer des employées étrangères à l'OCPM, et que la cause ne revêt pas de complexité particulière en fait ou en droit sous cet angle, tel n'est plus le cas lorsque l'intéressée affirme (et démontre) avoir répondu aux demandes d'informations complémentaires de cette seconde autorité relativement aux trois hôtesses, qui seront ensuite contrôlées, mais que ses réponses n'auraient pas été prises en compte, donnant ainsi lieu à un rapport erroné de la police (cf. chargé, pièce 7, courrier d'opposition du 15 avril 2020).

Le fait qu'elle se soit opposée, par le passé, et avec succès, à plusieurs ordonnances pénales du SdC pour des faits similaires (infraction à l'art. 32A OLCP), appuie encore le caractère raisonnable du recours à un avocat pour la présente affaire, ce d'autant que le SdC a demandé à ce dernier de motiver l'opposition de la contrevenante.

Il en résulte qu'une indemnisation est due, à l'instar des affaires ayant donné lieu aux acquittements susvisés.

Compte tenu du respect du double degré de juridiction, la décision de refus d'indemnisation querellée sera annulée et la cause renvoyée au SdC pour qu'il statue sur le montant de l'indemnité demandée.

3. Fondé, le recours est donc admis.

4. 4.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, cette indemnisation visant les frais de la défense de choix (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 12 ad art. 429). En application de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine donc d'office celles-ci et peut enjoindre l'intéressé de les chiffrer et de les justifier.

Dans tous les cas, l'indemnité n'est due qu'à concurrence des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303, p. 1313 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1349 p. 889). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

4.2. En l'espèce, la recourante sollicite des dépens chiffrés à CHF 2'140.53, TVA comprise, pour l'instance de recours, correspondant à 4 heures et 25 minutes d'activité pour la rédaction de l'acte de recours, divers brefs courriers et un entretien téléphonique.

Le montant réclamé apparaît excessif, eu égard à l'absence de difficulté de la cause, le litige étant circonscrit à une demande d'indemnisation ne nécessitant pas un recours de 21 pages (page de garde et conclusions comprises), fut-il accompagné d'un chargé de pièces.

Partant, 3 heures d'activité au tarif demandé de CHF 450.-/h seront allouées, ce qui correspond à CHF 1'350.-, plus la TVA à 7.7%.

5. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule la décision attaquée et renvoie la cause au Service des contraventions pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'453.95, TVA (7.7%) incluse, pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Service des contraventions.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).