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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17522/2020

ACPR/574/2023 du 25.07.2023 sur OCL/322/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;ACTE D'ORDRE SEXUEL AVEC UN ENFANT;VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION
Normes : CPP.319; CP.219; CP.187

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17522/2020 ACPR/574/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 25 juillet 2023

Entre

A______ et B______, mineures, représentées par leurs parents, C______ et D______, représentés par Me Alix JOB, avocate, BLAGOJEVIC BRANDULAS PEREZ, rue Marignac 14, case postale 504, 1211 Genève 12,

recourantes

contre l'ordonnance de classement rendue le 6 mars 2023 par le Ministère public,

et

E______, domicilié ______, France, représenté par Me F______, avocate,

G______, domiciliée ______, France, représentée par Me H______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 17 mars 2023, les mineures A______ et B______, représentées par leurs parents, C______ et D______, recourent contre l'ordonnance du 6 mars 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de E______ et G______.

Les recourantes concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour reprise de l'instruction.

b. Les recourantes ont versé les sûretés en CHF 900.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 21 septembre 2020, le Dr I______, pédiatre, a signalé à la police que ses patientes, A______ et B______, nées le ______ 2016, auraient été victimes d'attouchements sexuels de la part du compagnon de leur nounou. Il a expliqué avoir été contacté le 18 précédent par le père des fillettes, D______, qui avait recueilli leurs confidences.

b. Le lendemain, ce dernier, accompagné de son épouse, C______, a déposé plainte à la police contre E______.

En substance, il a exposé que ses jumelles étaient nées très prématurément, de sorte qu'elles avaient nécessité des soins particulièrement importants. Dans ce contexte, son épouse et lui avaient engagé G______ en qualité de nounou dès le mois d'octobre 2016. Cette dernière leur avait d'abord apporté son aide dans les soins à prodiguer à leurs enfants, puis s'était occupée d'elles quotidiennement, à l'exception des week-ends. De plus, depuis septembre 2019, elle les emmenait et récupérait à l'école J______ où elles étaient scolarisées à mi-temps. Il lui arrivait également de les garder chez elle, en France voisine, afin qu'elles puissent profiter du jardin, dans lequel étaient installés une piscine gonflable et un trampoline. Elle s'était toujours très bien occupée de leurs filles, qui la surnommaient "G______", de sorte qu'ils avaient toute confiance en elle.

Depuis quelques mois, G______ avait emménagé avec son compagnon, E______, qu'il avait lui-même rencontré à quelques reprises, notamment lors d'un dîner chez lui et son épouse et de l'anniversaire de ses filles organisé au domicile des prénommés. Les jumelles ne lui avaient jamais rien dit au sujet du compagnon de leur nounou.

Cependant, le 14 septembre 2020, au moment du coucher, A______ lui avait spontanément dit : "tu sais papa, E______ et G______ ont fait une blague aujourd'hui et on a beaucoup ri", avant d'ajouter que "E______ avait baissé son pantalon pour lui montrer ses fesses", que "c'était une blague", et que "G______" avait "beaucoup ri". Sur question, elle avait précisé que l'intéressé ne lui avait pas montré "autre chose". Il lui avait, pour sa part, indiqué que ce n'était "pas drôle" puis avait rapporté ces faits à son épouse. Le lendemain, décontenancé par ces révélations, il avait contacté K______, psychologue, qui suivait depuis peu de temps ses enfants, afin de s'assurer de leur bon développement. Elle lui avait recommandé de ne pas les questionner ni leur suggérer des réponses, mais l'avait conforté dans sa décision de licencier G______.

Durant la matinée du 16 septembre 2020, après avoir déposé ses filles chez leur grand-mère, son épouse et lui avaient licencié G______ avec effet immédiat. Confrontée aux propos de A______, elle avait nié les faits, expliquant "qu'il y avait un contexte", à savoir que son compagnon aurait eu un bleu dans le bas du dos. Il l'avait toutefois interrompue, considérant qu'il n'existait pas de raison justifiant de baisser son pantalon devant un enfant. Elle avait également évoqué le fait qu'elle aurait quitté son ex-époux pour "des faits similaires" mais il ne l'avait pas questionnée à ce propos.

Le lendemain soir, alors qu'il jouait avec B______, en la chatouillant, cette dernière lui avait demandé s'il pouvait "lui toucher les fesses", ce à quoi il avait répondu par la négative, expliquant qu'il s'agissait d'une partie intime que personne n'était autorisé à toucher. À cette suite, sa fille lui avait confié que "E______ [lui] avait mis le doigt dans les fesses", que cela lui avait "fait mal", qu'elle lui avait demandé d'arrêter mais qu'il n'avait pas voulu. Elle avait mimé le geste, en "glissant sa main à plat, sur la fente de ses fesses" à l'intérieur de sa culotte. Sur conseils de K______ et du pédiatre de ses enfants, le Dr I______, il ne lui avait posé aucune question mais lui avait assuré que E______ n'était pas autorisé à faire cela et que celui-ci et G______ n'avaient plus le droit de l'approcher.

En outre, le vendredi 18 septembre 2020, durant la soirée, A______ lui avait dit avoir vu E______ "mettre le doigt dans les fesses de B______". Contacté par téléphone, le Dr I______ n'avait pas jugé opportun de soumettre B______ à un examen médical, dès lors qu'il était peu probable de trouver des traces ADN plusieurs jours après les faits dénoncés. Sur recommandation dudit médecin, il avait crémé B______, laquelle lui avait dit avoir "des guêpes et des araignées dans les fesses". De plus, lorsqu'il lui avait mis son pyjama, elle lui avait "montré ce que E______ lui a[vait] fait", en écartant les jambes puis désigné son sexe, en expliquant que l'intéressé "avait mis le doigt dans [sa] nénette, dans le trampoline". En levant sa robe de nuit, elle avait ajouté qu'il lui aurait "pris les jambes" et jetée en avant, en lui mettant les doigts dans les fesses et qu'il ne voulait pas s'arrêter. A______, qui les avait rejoints, avait affirmé avoir "essayé de protéger B______, de mettre le soleil dans les yeux de E______" mais que celui-ci ne voulait pas s'arrêter. Par ailleurs, ce soir-là, B______ lui avait fait un dessin de "la méchante araignée noire qui [était] dans [ses] fesses" puis, alors qu'elle tenait un crayon dans sa main, avait déclaré que "E______ [lui] avait mis un crayon dans les fesses".

Le lendemain, au réveil, ses enfants lui avaient demandé pourquoi E______ avait agi de la sorte, ce à quoi il avait répondu que ce dernier n'en avait pas le droit. Son épouse, présente, avait tenu les mêmes propos. Durant l'après-midi, A______ lui avait répété que "E______ a[vait] mis le doigt très fort dans les fesses de B______", puis demandé si sa sœur et elle avaient "le droit de taper" l'intéressé, "de lui crever l'œil" et s'il pouvait, lui, "le tuer". Il avait répondu par la négative, précisant qu'elles avaient néanmoins le droit de se défendre. A______ lui avait encore demandé s'ils pouvaient "mettre E______ en prison", ce à quoi il avait répondu qu'ils iraient "tout expliquer" à la police, ajoutant qu'il y avait des gens "très méchants" et d'autres "très gentils".

Enfin, le matin-même, B______ lui avait dit : "papa, L______, elle met sa main sur mes fesses comme cela", en mimant une "main à plat" sur ses fesses, avant d'ajouter que "E______ met[tait] sa main comme cela" en mimant un doigt "remontant par devant son pubis vers son anus". Par le passé, ses enfants lui avaient déjà relaté d'autres épisodes durant lesquels la fille cadette de G______, L______, âgée de dix ans, aurait touché leurs fesses. Son épouse et lui ne s'en étaient pas préoccupés jusqu'à présent, pensant qu'il s'agissait de jeux d'enfants. Avec le recul, il était inquiet pour L______, victime potentielle, mais ne disposait d'aucun élément allant dans ce sens.

c. Le même jour, B______ et A______ ont été entendues, séparément, par la police selon le protocole NICHD. Les DVD des auditions, visionnés par la Chambre de céans, et leur retranscription ont été joints au dossier. Il en ressort les éléments suivants :

c.a. À la question de savoir ce qu'elle avait fait le jour-même, entre son réveil et le moment où elle avait bu son biberon, B______ a répondu qu'elle n'était pas allée à l'école, "mais aussi" que E______ n'était "pas gentil avec elle", parce que c'était un "méchant garçon, qui la tapait, mordait, touchait les fesses et la nénette" [17:11]. Questionnée au sujet du fait que "E______ [lui avait] mis le doigt dans les fesses", elle a répondu qu'il "mettait le doigt dans [ses] fesses parce qu'il ne compren[ait] pas les émotions et donc qu'il lui avait mis le doigt dans les fesses" et "G______ aussi" [39:09]. Invitée à parler du fait que "E______ lui aurait mis le doigt dans les fesses", elle a répondu : "c'est G______". Interrogée au sujet de cette dernière, elle a expliqué que chez "G______, il y avait une chenille blanche" qui avait mordu A______ et que "G______ a[vait] mis du vinaigre." [41:26].

c.b. Lorsque l'inspectrice a expliqué à A______ qu'elle se trouvait au poste car "quelqu'un aurait fait quelque chose de pas bien", elle a répondu : "E______ a enfoncé ses fesses [à B______] avec son doigt, aïe ! ça fait mal, c'est un bobo, c'est un accident" [10:58]. Invitée à confirmer que E______ avait "mis un doigt dans les fesses de B______", elle a répondu : "oui, les deux, G______ et E______, mais pas L______" [11:20]. Invitée à préciser, elle a indiqué que "E______" avait fait cela car il "était méchant", qu'il croyait que "c'était super drôle", mais que ce n'était "pas drôle" et que "ça, ça faisait mal !". [12:22].

Lorsqu'il lui a été demandé de parler davantage de "E______, quand il mettait ses doigts dans les fesses de B______", elle a répondu : "parce qu'y veut faire une blague à B______ y, il est mort B______, y croit E______ y croit, il est mort B______" [13:06]. Interrogée au sujet d'elle-même, lorsque "E______ avait mis un doigt dans les fesses de B______", elle a répondu : "mais non, c'est pas moi, c'est E______, euh, il a enfoncé ses doigts dans la nénette de B______" [13:56]. Invitée à préciser, elle a indiqué qu'il n'avait "pas enfoncé ses fesses [à elle], parce qu'elle était derrière en train de le mordre et de le taper, mais B______ était en avant". [15:26].

Questionnée sur les vêtements portés par E______ au moment des faits, elle a répondu "qu'il mettait ses doigts dans la bouche avec les microbes dans ses fesses", que ce n'était "pas bien", qu'il pouvait "tomber malade" [16:22]. Invitée à décrire les habits de B______, elle a répondu : "il me pousse dans le trampoline et boum ! ça me cogne l'œil et le visage aïe aïe aïe !" [17:13]. Sur question, elle a indiqué que E______ n'avait rien fait d'autre qu'elle n'aurait pas apprécié [17:23], qu'il était "méchant" car "on ne pouvait pas jouer avec [lui], mais avec L______", et qu'avec cette dernière, "on pouvait faire des activités" [19:03]. Invitée encore une fois à parler du prénommé, lorsqu'il "mettait ses doigts dans la nénette de B______", elle a répondu : "ben, il enfonce super fort mais ça, ça fait mal à B______, alors elle a dit arrête, arrête, arrête, et E______ il a pas vu ça, il a continué" [26:40]. Elle a ajouté qu'il "avait arrêté à la nuit" et qu'il avait dormi avec B______ [27:58]. Interrogée sur le nombre de fois qu'il aurait mis "ses doigts dans la nénette de B______", elle a répondu : "un deux trois quatre !" [33:30], puis "une fois" [34:35]. À la question de savoir s'il avait introduit ses doigts dans la "nénette et les fesses de B______" au-dessus ou au-dessous de ses vêtements, elle a répondu "dessous." [37:28]

d. Par ordonnance du 6 octobre 2020, le Ministère public a ouvert une instruction pénale contre E______ du chef d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP).

e. Entre les 20 et 30 octobre 2020, la police a procédé à l'audition, en qualité de témoins, des personnes suivantes :

e.a. M______, enseignante au sein de l'école J______, a expliqué que, le 1er octobre précédent, durant le repas de midi, B______ lui avait spontanément dit, d'un ton très neutre : "tu sais M______, avant G______, elle était gentille mais après, elle est devenue méchante, parce que son ami il m'a enfoncé son doigt dans les fesses et ça m'a fait très très mal". Choquée, elle avait répondu qu'elle comprenait mais était "passée à autre chose" afin d'éviter qu'un autre enfant prête attention auxdits propos. Après les avoir retranscrits mot pour mot dans une note – versée au dossier –, elle en avait parlé à la directrice de l'école puis avait téléphoné aux parents des fillettes. L'établissement scolaire était "au courant" que les époux C______/D______ avaient rencontré "un problème" avec leur nounou. En effet, deux semaines auparavant, C______ avait appelé l'école pour dire qu'elle avait un "gros problème de garde", qu'elle souhaitait scolariser ses filles à temps plein, qu'elle était bouleversée et sous le choc, sans pouvoir en dire davantage. Pour sa part, elle ne lui avait posé aucune question mais avait "compris" qu'il y avait un problème. Elle n'avait décelé aucun changement dans le comportement de B______ après avoir obtenu ses confidences.

e.b. K______ a déclaré avoir été consultée pour la première fois par les époux C______/D______ au mois de juin 2020 afin de réaliser le "bilan sommeil" de leurs enfants et s'assurer que celles-ci ne présentaient pas de symptômes de traumatisme liés à leur naissance prématurée. Un travail avait été effectué sur les nuits et les limites à poser par les parents. La situation s'étant améliorée, les consultations avaient pris fin le 31 août 2020. Elle avait rencontré les jumelles à cinq ou six reprises au total, dont deux fois depuis leurs révélations. Pour sa part, elle n'avait recueilli aucune confidence mais avait été informée des faits par D______. Elle lui avait conseillé d'ouvrir le dialogue avec G______ et de changer de nourrice. Depuis les faits, elle avait observé un changement dans le comportement de B______ qui était "frappant", cette dernière mettant davantage la main dans sa culotte.

e.c. Le Dr I______ a exposé suivre les jumelles A______/B______ depuis leur sortie de l'hôpital, précisant qu'elles avaient développé une maladie respiratoire chronique. Aujourd'hui, les fillettes étaient en forme et leur développement psychomoteur dans les normes. Il les avait vues pour la dernière fois le 15 juin 2020 mais n'avait observé aucun problème chez elles, hormis de sommeil. Elles semblaient heureuses et évoluer dans un environnement familial harmonieux. Il n'avait recueilli aucune confidence de leur part mais avait été contacté, le 18 septembre 2020, par D______, lequel souhaitait discuter de l'attitude à adopter face aux révélations de ses enfants. Il avait effectivement considéré qu'un examen médical n'était pas opportun, mais avait indiqué au prénommé qu'un constat pouvait être réalisé à sa demande. Il n'avait jamais rencontré E______ mais avait vu à plusieurs reprises G______, qui s'était toujours montrée adéquate avec les jumelles.

f. Entendu le 7 décembre 2020 par la police en qualité de prévenu, E______ a fermement contesté les faits reprochés, expliquant être "tombé des nues" lorsque G______, en pleurs, l'avait informé avoir été licenciée au motif qu'il aurait montré ses fesses aux enfants A______/B______. À cet égard, il a précisé qu'un jour, une des jumelles, qui était tombée dans les escaliers chez sa compagne, s'était fait mal aux fesses et avait pleuré. Afin de la faire rire, il lui avait montré le bas de son dos, en lui expliquant qu'il s'était également cogné et avait un bleu. G______, le fils de cette dernière, N______, âgé de 17 ans, et sa fille à lui, O______, âgée de 19 ans, étaient présents. Tout le monde avait ri. Il avait peut-être montré le haut de ses fesses mais en aucun cas n'avait baissé son pantalon. Il ne se souvenait pas d'une autre situation qui aurait pu prêter à confusion.

En couple avec G______ depuis trois ans, il avait emménagé chez elle en juin 2020. Il ne voyait pas souvent les jumelles, dès lors que sa compagne les gardait généralement au domicile de ces dernières et qu'il travaillait pour sa part. Après le licenciement de sa compagne, il avait voulu s'expliquer, mais cette dernière lui avait indiqué que les époux C______/D______ ne voulaient pas être contactés. Avant les faits, leurs relations étaient cordiales.

Le 14 septembre 2020, les jumelles avaient passé l'après-midi chez eux. Entre 14h00 et 16h00, il avait joué avec elles, en leur faisant des "croche-pattes" pour les faire tomber puis rebondir sur le trampoline, étant précisé qu'il leur avait uniquement touché les pieds. G______ les avait observés s'amuser. Les jumelles avaient également joué dans le jardin pendant qu'il buvait un café. Vers 16h00, sa fille O______ était arrivée. De manière générale, il ne s'était jamais retrouvé seul avec les fillettes plus de quelques minutes. Il ne les avait jamais touchées de manière inadéquate ni n'avait dormi avec elles. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait.

Selon lui, les fillettes étaient "perturbées" car elles ne dormaient pas la nuit et faisaient des crises. Pour le surplus, il se souvenait qu'un jour, sa compagne lui avait demandé ce qu'il pensait du fait que l'une d'elles lui aurait confié que son père aurait mis un doigt dans "sa nénette" durant le bain. Après discussion, G______ avait renoncé à en parler aux époux C______/D______, dans la mesure où il s'agissait vraisemblablement d'un geste anodin, étant précisé qu'il était déjà arrivé que les jumelles racontent "des bêtises".

g. Auditionnée le même jour par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements, G______ a expliqué que, le jour de son licenciement, elle avait tenté de comprendre les reproches formulés par D______ et demandé à pouvoir discuter, mais ce dernier n'avait rien voulu entendre, la priant de ne plus jamais les contacter. Elle avait pleuré. Très attachée à la famille C______/D______, surtout aux jumelles, son licenciement avait été difficile pour elle. Depuis son entrée en fonction, en octobre 2016, elle n'avait jamais rencontré de problème. Les jumelles, pleines d'énergie, consultaient une psychologue pour des troubles du sommeil, étant précisé que B______ dormait avec sa mère et A______ avec son père. Selon ce dernier, les fillettes subissaient un stress post-traumatique lié à leurs problèmes de santé passés.

Une semaine avant son licenciement, A______ était tombée dans les escaliers chez elle et avait pleuré, de sorte qu'elle avait tenté de la réconforter. Ses enfants ainsi que la fille de son compagnon étaient présents. Ce dernier s'était approché de la fillette et lui avait dit : "regarde, moi aussi je suis tombé et j'ai un bleu là" en baissant d'un centimètre son pantalon pour lui montrer le bas de son dos. Tout le monde avait ri pour dédramatiser la situation.

Le 14 septembre 2020, après les avoir récupérées à l'école, vers 13h00, elle avait emmené les jumelles à son domicile, où elles avaient passé l'après-midi. Son voisin, P______, qui rénovait le mur de son garage, les avait vues et avait discuté avec elles. Vers 15h15, E______ était rentré et avait attendu sa fille O______. À son arrivée, à 16h15, cette dernière était allée discuter dans la maison avec son père, pendant qu'elle-même avait donné un goûter aux jumelles dans le jardin. À 17h00, elle avait ramené ces dernières à la maison et elles semblaient satisfaites de leur après-midi.

Les fillettes n'étaient jamais seules avec E______. Ce dernier ne leur donnait pas le bain ni ne les accompagnait aux toilettes. Il n'était jamais arrivé non plus qu'elles dorment chez eux. Selon elle, il s'agissait "d'un gros malentendu".

Par ailleurs, une fois, en 2019, A______ lui avait spontanément dit que son père lui mettait le doigt "dans la nénette". Elle ne l'avait pas questionnée à ce sujet et lui avait dit que cela pouvait arriver, par exemple en la lavant. Elle en avait parlé à sa mère, sa sœur et son compagnon mais n'avait rien dit aux époux C______/D______. En effet, elle n'avait pas souhaité les alarmer, dès lors qu'il s'agissait vraisemblablement d'un geste anodin. Pour le surplus, depuis cette année-là, elle avait remarqué que les jumelles se touchaient assez régulièrement "la nénette".

h. Le 27 janvier 2021, le Ministère public a entendu D______ et E______.

h.a. Le premier a maintenu les termes de sa plainte. Il a précisé que ses filles avaient eu un début de vie très difficile. Au mois de septembre 2019, elles avaient commencé à se rendre au domicile de G______, mais cette dernière les gardait principalement chez lui. D'après ses souvenirs, E______ n'interagissait pas avec ses filles, lesquelles n'avaient jamais parlé de lui avant le 14 septembre 2020. Depuis leurs révélations, elles faisaient des cauchemars "plus intenses" qu'auparavant.

h.b. Le second a confirmé ses précédentes déclarations. Il avait vu les jumelles le jour de leur anniversaire au mois de juin 2020, une fois en août ainsi que les 2 et 14 septembre 2020, précisant avoir "épluché" son agenda, car les faits l'avaient énormément travaillé. Il n'avait jamais passé plus d'une heure et demie avec les fillettes, et toujours en présence de G______ et/ou des enfants de cette dernière. Sa fille à lui était également parfois là. L'épisode durant lequel il avait montré un bleu dans le bas de son dos à l'une des fillettes, qui était tombée dans les escaliers, s'était déroulé le 2 septembre 2020. Il s'en souvenait car il avait récupéré sa fille O______ à l'aéroport de Genève ce jour-là. Le 14 septembre 2020, il avait joué environ 45 minutes avec les jumelles, qui se trouvaient sur le trampoline, mais lui-même n'était pas monté dessus. À un moment, il avait placé sur celui-ci une bouée gonflable, sur laquelle une des jumelles était montée, pendant que l'autre la tirait. Les fillettes avaient ensuite pris leur goûter. Lors de leur départ, vers 17h00-17h30, leur comportement était normal.

i.a. Par pli du 8 février 2021 au Ministère public, E______ a produit un bordereau comportant diverses pièces, parmi lesquelles des captures d'écran d'une application retraçant ses trajets en vélo les 10 août et 14 septembre 2020 ; les messages WhatsApp échangés avec G______ et sa fille O______ entre les 25 octobre 2019 et 14 septembre 2020 ; un calendrier établi par G______, énumérant les dates auxquelles les enfants A______/B______ étaient venues chez elle ; ses relevés d'heures de travail [à lui] au sein de la société coopérative Q______ pour la période allant du 1er janvier 2019 au 31 janvier 2021 ; et trois photographies du jardin de G______ – dans lequel figuraient un trampoline muni d'un filet de sécurité et un toboggan –, qui n'était pas clôturé.

i.b. Il ressort desdites pièces les éléments suivants :

- les jumelles A______/B______ sont venues à trois reprises chez G______ en 2019 et treize fois en 2020, essentiellement en l'absence de E______, qui travaillait. Ce dernier était présent les 17, 20 juin, 20 août, 2 et 14 septembre 2020 ;

- le 17 juin 2020, durant la matinée, E______ a passé à tout le moins 2h15 à son domicile en présence de sa compagne, la fille de cette dernière, L______, et des jumelles ;

- le 20 juin 2020, G______ a organisé l'anniversaire des jumelles chez elle, auquel a assisté toute la famille de ces dernières (soit leurs parents, grands-parents, la sœur de D______, son époux et leurs enfants). E______ a travaillé jusqu'à 13h46 [au sein de la société coopérative] Q______ de R______ ;

- le 20 août 2020, ce dernier a travaillé jusqu'à 13h14 puis passé à tout le moins 3 heures chez lui en présence de G______, des jumelles et de L______ ;

- le 2 septembre 2020, E______ et G______ ont échangé des messages entre 7h27 et 15h15. De 16h à 17h15, ils étaient tous deux chez eux, en compagnie de O______, N______ et des jumelles ;

- le 14 septembre 2020, E______ a travaillé jusqu'à 13h13 puis est rentré à vélo entre 13h34 et 14h15. Sa fille O______ l'a informé par message qu'elle arriverait chez lui vers 16h15.

j. Par lettre de leur conseil du 18 février 2021 au Ministère public, les époux C______/D______ ont relevé qu'il ressortait des déclarations de leurs filles que G______ était présente au moment des attouchements dénoncés. Cette dernière aurait en effet ri, applaudi et n'aurait rien entrepris pour y mettre un terme, alors qu'elle occupait une position de garante. Dans ces circonstances, il existait des soupçons suffisants contre elle de complicité d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 25 cum 187 CP), de mise en danger de la santé d'autrui (art. 127 CP) et de violation du devoir d'assistance (art. 219 CP).

Enfin, une nouvelle plainte était déposée par D______ contre G______ et E______ pour calomnie (art. 174 CP), subsidiairement diffamation (art. 173 CP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), pour l'avoir faussement accusé d'être l'auteur d'actes d'ordre sexuel sur l'une de ses filles.

k. Par missive du 26 suivant au Ministère public, ils ont sollicité la réaudition de M______, au motif que cette dernière aurait recueilli, le 23 précédent, les propos suivants de leur fille A______ : "Tu sais, E______, il était très très méchant, quand y'avait la piscine chez G______, E______ était très très méchant, il a fait mal à B______, il a enfoncé très fort son doigt dans ses fesses". L'enseignante avait retranscrit mot pour mot cette déclaration dans une note – non signée et non datée, annexée au courrier – mais n'avait pas questionné leur enfant.

l. Le 1er avril 2021, le Ministère public a tenu une audience, lors de laquelle G______ a été prévenue de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP) et de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP). Elle a contesté l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés, expliquant "tomber de haut".

À l'issue de l'audience, G______ et E______ ont donné leur accord pour la perquisition de leurs téléphones portables respectifs, qui ont été remis au Ministère public.

m. À teneur du rapport de renseignements du 27 avril 2021, la police a procédé à l'analyse du contenu desdits téléphones – contenant plus de 110'000 photographies, une "très grande quantité" de vidéos, documents et conversations –, qui n'a révélé aucun élément probant pour l'enquête, à l'exception de deux vidéos figurant sur l'un des deux téléphones de G______. Ces vidéos, datées du 14 septembre 2020, d'une durée respective de 131 et 27 secondes, visionnées par la Chambre de céans, montrent les enfants A______/B______ jouer avec les branches-lianes d'un arbre, sur un toboggan dans le jardin de G______, ainsi que sur un trampoline sur lequel figure une bouée en forme de flamant rose. Les fillettes sont vêtues identiquement d'une combinaison-short à manches longues.

n. Le lendemain, le Ministère public a tenu une audience, lors de laquelle les parties ont maintenu leurs précédentes déclarations.

n.a. G______ a ajouté que E______ ne l'aidait pas à s'occuper des jumelles lorsqu'elles se trouvaient chez elle. Il ne les avait notamment jamais habillées ou déshabillées ni n'avait joué avec elles dans la piscine. Les fillettes ne "faisaient jamais trop leurs nuits". Les époux C______/D______ avaient tout tenté pour y remédier, notamment en instaurant un protocole au coucher. Les enfants avaient également eu une période de cauchemars qui, selon leurs parents, étaient liés à leur passé hospitalier. Par ailleurs, elle n'avait pas du tout accusé D______ d'avoir commis des attouchements sur A______. Enfin, le jour de son licenciement, elle avait évoqué son ex-époux afin d'expliquer avoir un jour mal interprété les propos de ses enfants, lesquels lui avaient dit que leur père aurait touché leurs fesses. Cependant, il s'était avéré qu'il s'agissait d'un geste anodin sans connotation sexuelle mais, en tant que mère, elle avait eu peur. Ces faits concernaient ses deux premiers enfants, N______ et S______, et n'étaient pas à l'origine de sa rupture avec son ex-époux. Ce dernier ne s'était jamais remis d'avoir fait l'objet de telles accusations.

n.b. C______ a essentiellement confirmé les dires de son époux, insistant sur le fait qu'elle n'avait aucune raison de remettre la parole de ses enfants en question. Elle reconnaissait que le coucher de ses filles n'était pas en "ligne droite" et qu'il pouvait y avoir des réveils nocturnes. Cela étant, leurs cauchemars avaient commencé après les révélations.

o. Une expertise de crédibilité des déclarations de A______ et B______ a été confiée aux Drs T______ et U______, psychiatres. Ceux-ci ont appliqué une méthode d'analyse reposant sur 19 critères appelée "SVA" (Statement Validity Assessment"), fondée sur l'étude des auditions EVIG puis affinée en fonction des autres éléments du dossier. En dessous de six points, les allégations pouvaient être considérées comme non crédibles et en dessus de huit comme crédibles. Cette méthode était validée scientifiquement pour des enfants entre 6 et 13 ans ; en-deçà, elle demeurait une structure d'analyse utile mais devait être adaptée à l'âge de l'enfant.

Sur cette base, les experts ont retenu, en tenant compte de leur âge, que B______ présentait un score de crédibilité de 3 sur 19 CBCA ("Criteria-Based Content Analysis") et A______ un score de 5 sur 19, ce qui orientait vers une absence de crédibilité.

Les facteurs de pondération à prendre en compte affaiblissaient la crédibilité de leurs propos, en particulier le fait qu'elles variaient dans leurs déclarations (morsures, participation de G______) ou que celles-ci étaient parfois fausses (E______ aurait dormi avec B______).

Selon les experts, les déclarations de B______ étaient lacunaires et désordonnées. Elle ne répondait pas aux questions de l'inspectrice et certaines de ses réponses étaient incohérentes. L'enquêtrice avait été amenée à poser beaucoup de questions directes pour tenter d'obtenir un récit. Aucune information concernant le lieu où le moment où les faits se seraient déroulés n'était mentionnée. Si l'enfant avait spontanément indiqué que "E______ lui avait touché les fesses et la nénette", ce n'était que plus tard, sur rappel de l'inspectrice – laquelle avait affirmé qu'elle lui aurait dit que "E______ mettait le doigt dans ses fesses" –, qu'elle avait répété la même chose. Capable d'évoquer ses émotions, la fillette n'en mentionnait aucune en lien avec les faits. Son niveau de langage correspondait à celui de son âge. Les mots utilisés ne laissaient pas présumer une influence externe, à l'exception de la phrase "il comprend pas les émotions", qui semblait avoir été répétée par l'enfant, sans qu'elle n'en comprenne le sens. Elle ne paraissait pas très impressionnée par l'audition, mais son agitation traduisait une certaine tension. Lors de son audition, elle s'était touché plusieurs fois l'entrejambe ou les fesses, mais ces gestes ne semblaient pas relever d'un comportement sexualisé.

Les déclarations de A______ étaient inconsistantes et manquaient de cohérence. La description des faits était répétitive et pauvre en détails, étant précisé que le défaut de crédibilité survenait alors que, dès le début de l'audition, les consignes (dont le concept de vérité) avaient été mal comprises par l'intéressée. Malgré son jeune âge, elle avait été capable de fournir des précisions pour d'autres rappels d'évènements épisodiques mais avait donné peu de détails concernant les faits, dont certains étaient faux voire suggérés. Son langage était en adéquation avec son âge. Elle ne semblait pas très impressionnée par la situation, même plutôt joyeuse. Lors de la première pause, elle s'était touché l'entrejambe mais ce geste ne semblait pas relever d'un comportement sexualisé.

p. Les 11 janvier et 2 mars 2022, le Ministère public a procédé à l'audition des experts, qui ont confirmé la teneur et les conclusions de leurs rapports, sous réserve d'une correction, la déclaration de A______ comprenant en réalité 4 critères sur 19 possibles, et non 5, une erreur s'étant glissée en page 13 du rapport. Ce constat ne modifiait pas leurs conclusions.

Ils avaient tous deux pris connaissance de l'intégralité du dossier puis analysé les déclarations des enfants chacun de leur côté. Les rapports avaient fait des "aller-retours" entre eux afin de parvenir à la version finale. Ils avaient pris en compte l'âge des fillettes. Le fait de retenir que les paroles d'un enfant n'étaient pas crédibles ne signifiait pas forcément que celui-ci ne disait pas la vérité, mais plutôt que la déclaration avait de fortes chances de ne pas être le reflet d'un événement qui s'était effectivement déroulé. S'agissant des capacités cognitives des mineures pour remplir les critères de crédibilité, B______ pouvait effectivement rencontrer des difficultés. Ses propos étaient globalement incohérents, étant précisé qu'elle confondait les jeux et les bâtiments. Ils avaient par ailleurs constaté que l'inspectrice avait dû lui poser un certain nombre de questions directives, mais également suggestives. En particulier, lorsque l'inspectrice avait déclaré : "tu m'a dit E______ y met le doigt dans les fesses alors dis-moi tout ça", elle avait rappelé les faits allégués et les avait considérés comme la réalité. La fillette pouvait ainsi difficilement sortir de cette affirmation. Si son audition comportait certaines irrégularités, celles-ci n'empêchaient pas l'analyse de crédibilité et ne remettaient pas en cause leurs conclusions. Quant à A______, elle semblait plus avancée dans son développement psychique.

La concordance des déclarations des enfants et leur gémellité pouvaient renforcer la crédibilité ou inversement l'affaiblir, les fillettes ayant pu se parler, parfois pendant des périodes prolongées, et ainsi s'influencer. Par ailleurs, à la lecture du dossier, ils avaient constaté "un crescendo" dans leurs déclarations au fil des semaines, ce qui tendait à démontrer qu'elles avaient été influencées. À cela s'ajoutait qu'elles avaient eu beaucoup d'interactions familiales, ce qui pouvait également avoir conduit à une modification de leurs déclarations.

q. Par lettre reçue au Ministère public le 1er mars 2022, les époux C______/D______ ont sollicité l'audition de M______ et V______, la nouvelle assistante maternelle des jumelles, ces dernières étant désormais scolarisées auprès de l'Institut W______.

À l'appui, ils ont produit un e-mail du 11 février 2022 provenant de l'enseignante de leurs enfants, X______, selon lequel B______ aurait confié à V______, le 3 février précédent, avoir été poussée – à une date indéterminée – depuis le haut des escaliers par sa nounou.

r. Le 4 mai 2022, le Ministère public a procédé à l'audition de M______ et de P______ en qualité de témoins.

r.a. La première est revenue sur ses déclarations faites à la police, expliquant avoir recueilli les confidences de A______ et non celles de B______. L'enfant lui avait parlé d'une piscine et lui avait dit que "E______ avait mis son doigt dans les fesses de B______, ce qui lui avait fait très mal". L'attitude et le ton de la fillette, neutres et détachés, ne reflétaient pas le choc qu'elle avait elle-même ressenti en entendant ces révélations. Les deux notes manuscrites versées au dossier concernaient le même évènement. En effet, une seule des fillettes lui avait fait des confidences, étant précisé qu'elle n'en avait pas reçu d'autres le 23 février 2021. Si elle n'avait pas évoqué de "E______" ou de piscine dans sa première note, elle était néanmoins certaine que la fillette en avait parlé. Elle ne comprenait pas pourquoi ses deux notes divergeaient, mais probablement car elle était choquée lors de la rédaction de la première. Elle n'avait plus aucun contact avec les jumelles, ces dernières ayant quitté l'école J______ en juin 2021. Elle avait décelé un changement de comportement chez elles après qu'elles eurent intégré l'école à plein temps, dès lors qu'elles s'étaient montrées plus stressées et sensibles qu'auparavant.

r.b. Le second a expliqué être le voisin et bailleur de G______ et E______, avec lesquels ils entretenaient de bons rapports, mais rien de plus. Il avait aperçu à plusieurs reprise les enfants A______/B______ dans leur maison et/ou jardin. Il les avait probablement vues pour la dernière fois il y avait de cela deux ans. Ce jour-là, alors qu'il rénovait le mur de son garage, il avait aperçu et entendu les fillettes s'amuser et rire sur le trampoline qui se trouvait à environ dix mètres de distance de lui. E______ était rentré vers 14h-14h30, à vélo, mais il ne l'avait pas vu jouer avec les enfants. À sa connaissance, personne d'autre que ces dernières n'était monté sur le trampoline. Il n'avait pas le souvenir que quelque chose de particulier se soit passé ce jour-là. Questionné au sujet de l'attitude adoptée par G______ et E______, lorsqu'ils étaient avec les jumelles A______/B______, il a répondu qu'ils avaient un comportement "de parents-enfants qui s'amusaient".

s. Par lettre du 27 mai 2022, les époux C______/D______ ont transmis au Ministère public la copie d'un message WhatsApp du 23 février 2021 provenant de M______, dont le contenu était le suivant : "Bonsoir, voici le témoignage de A______ du 23 février 2021 : tu sais E______ il est très très méchant, quand y'avait la piscine chez G______, E______ il était très méchant, il a fait mal à B______, il a enfoncé son doigt dans ses fesses.". Ce message démontrait, selon eux, qu'il y avait bien eu des révélations de la part de leurs deux filles, nonobstant le souvenir imprécis de l'enseignante.

t. Par missive du 8 juin 2022 au Ministère public, les prénommés ont sollicité l'audition de V______ et X______, en produisant la copie d'un e-mail du 11 janvier 2022 provenant de cette dernière, dans lequel elle expliquait que, le 30 septembre 2021, lors du "rituel du matin", après qu'elle eut annoncé aux enfants de la classe que c'était la "Saint E______", B______ lui avait dit qu'il y avait "un E______ chez [elle], qu'il était gentil au départ mais qu'en fait il n'était pas gentil". Personne n'avait réagi et la fillette n'était pas revenue sur ses propos.

u. Par avis de prochaine clôture du 22 suivant, le Ministère public a informé les parties de son intention de rendre une ordonnance de classement. Un délai leur a été imparti pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve et requérir une indemnité.

v. Par missive du 7 juillet 2022, les époux C______/D______ ont réitéré leurs précédentes réquisitions de preuve et sollicité l'audition de la grand-mère paternelle de leurs filles, Y______.

À l'appui, ils ont joint un e-mail du 5 juillet précédent provenant de cette dernière, dans lequel elle exposait avoir vu G______ au mois de septembre 2020 afin de lui restituer ses affaires. L'intéressée lui aurait spontanément dit qu'il y avait eu un malentendu, que A______ s'était fait mal en tombant dans les escaliers et que E______ avait "juste baissé" son pantalon pour lui montrer un bleu. Par ailleurs, durant le printemps 2021, lors d'un trajet en voiture, B______ aurait éclaté en sanglots en disant "mais papa, pourquoi E______ m'a fait cela ? pourquoi il m'a fait mal ?". Enfin, un autre jour, les jumelles auraient cueilli des fleurs et feuilles en lui expliquant préparer une "soupe empoisonnée" pour "punir G______ et E______ pour leur grande méchanceté".

w. Par ordonnance du 23 décembre 2022, le Ministère public a rejeté ces réquisitions de preuve, considérant que les témoignages sollicités n'apporteraient aucun élément probant. En effet, les personnes citées n'avaient fait que recueillir plusieurs mois, voire années après les faits, des déclarations des fillettes, qui, telles que rapportées, se référaient soit à leur ressenti, soit à un épisode évoqué pour la première fois, à savoir que G______ aurait poussé B______ du haut d'un escalier. À cela s'ajoutait que les experts étaient arrivés à la conclusion que les déclarations des fillettes n'étaient pas crédibles.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public rappelle que les déclarations de A______ et B______ n'étaient pas crédibles selon les expertises de crédibilité du 28 octobre 2021. Celles des prévenus étaient, pour leur part, corroborées par les pièces versées au dossier. En particulier, il ressortait de celles-ci que E______ s'était trouvé chez lui, en présence des enfants A______/B______, les 17 juin, 20 août, 2 et 14 septembre 2020 seulement. Par ailleurs, P______, son voisin, avait déclaré avoir vu les jumelles jouer sur le trampoline et n'avoir constaté aucun incident le 14 septembre 2020. De plus, selon les vidéos prises par G______ ce jour-là, les jumelles étaient vêtues d'une combinaison descendant à la mi-cuisse, fermée dans le dos par une fermeture éclair. Ainsi, pour accéder aux parties intimes de B______, il aurait fallu à cet effet que E______ passe la main à travers la jambe de la combinaison ou défasse la fermeture éclair, ce qui apparaissait peu probable au vu des circonstances.

Quant aux évènements survenus le 2 septembre 2020, les explications des prévenus étaient cohérentes et compatibles avec les premières déclarations des enfants à leurs parents qui n'impliquaient pas la commission d'attouchements.

Pour le surplus, outre le fait que la commission d'actes d'ordre sexuel sur les mineures n'était pas établie, les déclarations de ces dernières étaient également contradictoires en ce qui concernait l'implication de G______.

Partant, au vu de l'ensemble de ces éléments, les probabilités de condamnation de E______ et/ou de G______ n'apparaissaient pas plus élevées ni équivalentes à celles d'un acquittement. Le classement de la procédure s'imposait donc pour ces faits (art. 319 al. 1 let. a CPP).

S'agissant de l'infraction de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), il n'apparaissait pas que les prévenus aient eu la volonté de faire ouvrir une instruction pénale contre D______ ni qu'ils aient eu connaissance de la fausseté de leurs allégations. Le classement de la procédure était donc ordonné sur ce point également.

D. a. Dans leur recours, B______ et A______ remettent en cause la pertinence des expertises de crédibilité du 28 octobre 2021, considérant que leurs déclarations n'étaient ni fragmentaires ni difficilement interprétables. Elles avaient toutes deux affirmé, de manière concordante, que E______ avait mis son doigt dans les fesses et la "nénette" de B______. De plus, au vu de leur jeune âge, les experts pouvaient, sauf rare exception, seulement parvenir à la conclusion d'une absence de crédibilité. À cela s'ajoutait qu'une déclaration considérée comme non crédible ne signifiait pas encore qu'elle était mensongère. On ne pouvait dès lors reconnaître une pleine valeur probante aux expertises en question.

Par ailleurs, les évènements ne s'étaient pas déroulés sans témoin, puisque toutes deux y avaient assisté. Elles avaient livré un témoignage similaire sur les points essentiels, à savoir les attouchements dont B______ avait été victime sur le trampoline. Leurs révélations trouvaient leur fondement dans la réalité et leurs déclarations étaient corroborées par d'autres éléments du dossier. En effet, les prévenus avaient confirmé que E______ se trouvait chez G______ et avait joué avec elles sur le trampoline le 14 septembre 2020. Ils avaient également admis que les interactions entre E______ et elles-mêmes s'étaient "intensifiées" dès le mois de juin 2020, soit trois mois avant la survenue des faits dénoncés, ce qui crédibilisait la temporalité de leurs dénonciations. En outre, K______ avait déclaré avoir constaté un changement de comportement "frappant" chez B______ après les révélations. Par ailleurs, elles avaient toutes deux connu des troubles du sommeil avec des cauchemars.

Pourtant, le Ministère public n'avait pas tenu compte de ces éléments, s'étant limité à suivre les conclusions des experts, alors que celles-ci devaient être hautement relativisées, voire exclues.

Les déclarations des prévenus devaient également être appréciées avec retenue, puisqu'ils avaient été auditionnés près de trois mois après le dépôt de la plainte et avaient eu tout le loisir de coordonner leurs versions.

Les autres éléments figurant au dossier ne plaidaient pas non plus en faveur de ces derniers. Le témoignage de P______ ne permettait notamment pas d'apporter un éclairage sur les faits. En effet, il n'avait pas été en mesure de dater le jour où il les avait vues jouer sur le trampoline. De plus, et quand bien même il les aurait aperçues le 14 septembre 2020, cela ne signifiait pas encore qu'il ne s'était rien passé un autre jour, puisqu'elles n'avaient pas daté les faits dénoncés. S'agissant des vidéos versées au dossier, le fait qu'elles fussent vêtues d'un vêtement une pièce ne permettait pas de retenir qu'elles auraient passé toute l'après-midi dans cette tenue, ni qu'elles n'auraient pas eu de contact avec le prévenu.

Partant, rien ne permettait d'aboutir à la certitude absolue que la situation était claire et que les faits n'étaient pas punissables, y compris s'agissant de G______, son implication ne pouvant être, à ce stade, exclue, au vu de sa qualité.

Les probabilités d'un acquittement étaient, sinon inférieures, à tout le moins équivalentes aux probabilités d'une condamnation, de sorte que les conditions de l'art. 319 CPP n'étaient pas réunies. Il appartenait ainsi au Ministère public de procéder à une "recherche plus approfondie" en auditionnant leurs proches et en établissant les circonstances dans lesquelles les enfants de G______ auraient eux-mêmes indiqué avoir été victimes d'attouchements sexuels.

b. Le Ministère public s'en tient à son ordonnance et propose le rejet du recours comme étant mal fondé.

c. E______ conclut au rejet du recours et à l'octroi d'un montant de CHF 3'392.55 à titre d'indemnité pour la procédure de recours.

L'évènement du 2 septembre 2020 s'était révélé être un épisode anodin sans connotation sexuelle. Le 14 septembre 2020, il était arrivé au domicile de sa compagne dans le courant de l'après-midi et avait joué avec les enfants A______/B______ qui se trouvaient sur le trampoline, en leur attrapant les pieds pendant qu'elles couraient.

Les déclarations des fillettes avaient été jugées non crédibles, après avoir été longuement étudiées, soumises à une expertise de crédibilité et confrontées à d'autres éléments du dossier. À l'opposé, sa version des faits et celle de G______ avaient toujours été cohérentes et étaient notamment corroborées par les déclarations de P______. Le témoignage de M______, émaillé de contradictions, devait, quant à lui, être écarté. En définitive, aucun élément du dossier n'était susceptible de l'incriminer.

d. G______ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens, à la charge des recourantes.

Il était inadmissible d'insinuer que les faits qui lui étaient reprochés s'inscrivaient dans le prolongement de ceux qu'elle avait évoqués le jour de son licenciement. Ce jour-là, elle avait confié aux époux C______/D______ les doutes qu'elle avait eus par le passé à l'égard de son ex-époux, précisément dans le but de les préserver des conséquences irréparables d'accusations infondées.

En ce qui concernait les expertises de crédibilité réalisées, les recourantes n'avaient marqué aucune opposition à leur établissement, alors qu'elles en auraient eu la possibilité, et cela avant d'en contester le résultat.

Ses déclarations et celles de E______ étaient demeurées constantes durant toute l'instruction et étaient corroborées par les autres éléments du dossier. Pour le surplus, aucune collusion ne pouvait être retenue, étant précisé que les seules informations dont elle disposait au moment de son audition par la police étaient celles données par D______ lors de son licenciement, à savoir que son compagnon aurait montré ses fesses à A______.

e. Les recourantes ont renoncé à répliquer.

EN DROIT :

1.             À titre liminaire, la Chambre de céans constate que D______ ne remet pas en cause l'ordonnance de classement querellée en tant qu'elle concerne les chefs de calomnie, diffamation et dénonciation calomnieuse, dès lors qu'aucun argument visant à démontrer la réalisation de ces infractions n'est développé. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

2.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignantes mineures, agissant par leurs représentants légaux (art. 106 al. 2 CPP), qui ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision entreprise (art. 104 al. 1 let. b ; 382 al. 1 CPP).

3.             Les recourantes contestent le classement de la procédure en ce qui concerne les actes d'ordre sexuel dénoncés.

3.1.  Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public classe la procédure lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi.

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe précité impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 2.2). Concernant plus spécialement la poursuite des infractions contre l'intégrité sexuelle, les déclarations de la partie plaignante constituent un élément de preuve qu'il incombe au juge du fond d'apprécier librement, dans le cadre d'une évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires figurant au dossier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.2 in fine).

Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation si : la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles; une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs; il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible et aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 2.2).

3.2. Enfreint l’art. 187 CP celui qui commet, sur un enfant de moins de 16 ans, un acte d'ordre sexuel, ce par quoi il faut entendre une activité corporelle sur soi-même/autrui qui tend à l'excitation ou à la jouissance sexuelle de l'un des participants au moins (arrêt du Tribunal fédéral 6B_277/2021 du 10 février 2022 consid. 3.1.4).

3.3. Se rend coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation, celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir (art. 219 al. 1 CP).

3.4.  L'art. 127 CP punit, du chef d'exposition, celui qui, ayant la garde d'une personne hors d'état de se protéger elle-même ou le devoir de veiller sur elle, l'aura exposée à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour sa santé, ou l'aura abandonnée à un tel danger.

3.5.1. Comme tous les autres moyens de preuve, les expertises sont soumises à la libre appréciation du juge. Celui-ci ne peut cependant pas s'écarter d'une expertise sans motifs pertinents. Il doit examiner, en se fondant sur les autres moyens de preuve administrés et sur les arguments des parties, si de sérieuses objections font obstacle au caractère probant des conclusions de l'expertise. En se fondant sur une expertise non concluante, le juge peut tomber dans l'arbitraire. Tel peut être le cas si l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, de toute autre façon, l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer (ATF 141 IV 369 consid. 6.1 p. 373 et les références citées).  

3.5.2 La validité de la méthode SVA, utilisée depuis une trentaine d'années en Suisse pour déterminer la crédibilité – ou plus exactement, au plan juridique, la validité – des déclarations de l'enfant lors d'allégations d'agression sexuelle, a été confirmée par le Tribunal fédéral, y compris s'agissant d'enfants âgés de moins de six ans (arrêts  6B_944/2019 du 10 décembre 2019 consid. 3.2.1 et 6B_288/2017 du 19 janvier 2018 consid. 2.3).

3.6. En l'espèce, les parties ont fourni des versions contradictoires. Les époux C______/D______ allèguent que E______ aurait, d'une part, baissé son pantalon pour montrer ses fesses à A______, et, d'autre part, introduit ses doigts dans le vagin et l'anus de B______. Ils accusent également G______, qui occupait une position de garante en sa qualité de nounou, d'avoir assisté à ces faits sans intervenir. Les intimés, quant à eux, contestent intégralement ces accusations, soutenant n'avoir jamais adopté de comportement à caractère sexuel ou inapproprié à l'endroit des mineures.

Les scènes sus-décrites (si elles ont eu lieu) se sont déroulées en l'absence de témoin direct, susceptible d'en confirmer, respectivement d'en infirmer, l'existence. Il convient, dès lors, de procéder à une analyse de la crédibilité des déclarations des enfants et des prévenus ainsi que des autres éléments figurant au dossier.

En l'occurrence, les propos des mineures ont été qualifiés de non crédibles par les experts. Selon ces derniers, les déclarations de B______ étaient lacunaires et confuses. Les experts ont, par ailleurs, relevé qu'il avait été difficile pour l'enquêtrice d'obtenir de la fillette un récit, de sorte que des questions directes, voire orientées, avaient dû lui être posées. En particulier, si elle avait spontanément déclaré que E______ lui aurait "touché les fesses et la nénette", ce n'était que sur rappel de l'inspectrice, qui lui avait indiqué que celui-ci lui aurait introduit les doigts dans les fesses, que la fillette avait répété ces propos. De plus, elle avait varié dans ses déclarations, puisqu'elle avait attribué les actes dénoncés tantôt à E______, tantôt à G______. Les experts ont encore relevé que les facteurs de pondération à appliquer aux déclarations de la fillette affaiblissaient sa crédibilité, en particulier le fait que certains de ses propos apparaissaient faux, notamment le fait qu'elle aurait été mordue par E______.

Quant aux déclarations de A______, elles étaient, aux dires des experts, inconsistantes et incohérentes. Ces derniers ont en particulier relevé qu'elle avait été capable, malgré son jeune âge, de produire des rappels d'évènements épisodiques, mais qu'elle n'avait en revanche fourni aucun détail concernant les faits dénoncés, hormis certains qui étaient faux, voire suggérés. Elle avait notamment affirmé que E______ avait introduit ses doigts "dans la nénette" de sa sœur, puis passé la nuit avec cette dernière, alors qu'il ressortait du dossier que les recourantes n'avaient jamais dormi chez les intimés.

Enfin, ils ont observé "un crescendo" dans les déclarations des fillettes au fil des semaines, ce qui tendait à démontrer qu'elles avaient été influencées. Le fait qu'elles aient eu beaucoup d'interactions familiales pouvaient également avoir entraîné une modification de leurs déclarations.

En l'état, aucun motif ne commande de s'écarter desdites expertises, qui ne comportent aucune contradiction ou incohérence. Les auditions des recourantes ont été menées conformément au protocole NICHD et les experts ont utilisé la méthode SVA, préconisée par le Tribunal fédéral, y compris s'agissant d'enfants âgés de moins de six ans. Dans ce dernier cas de figure, certains éléments doivent être adaptés et nuancés, ce qui a précisément été fait en l'espèce. La valeur probante de ces expertises n'est donc pas critiquable.

Force est pour le surplus de constater que, hormis les déclarations des fillettes, qui, comme vu ci-dessus, ont été jugées non crédibles, le dossier ne recèle aucun élément probant qui viendrait étayer leurs accusations.

En effet, aucune pièce médicale n'a été versée au dossier et les praticiens consultés n'ont pas recueilli les confidences des enfants. Leur psychologue, K______ a, certes, déclaré avoir observé un changement de comportement chez B______ depuis le 31 août 2020, en tant qu'elle aurait davantage mis la main dans sa culotte. Cependant, il ressort des déclarations de l'intimée à la police qu'elle aurait constaté, en 2019 déjà, que les recourantes se touchaient fréquemment l'entrejambe. En visionnant les auditions EVIG, les experts ont également remarqué que ces dernières posaient leurs mains sur leurs parties intimes mais ont considéré que ces gestes ne relevaient pas d'un comportement sexualisé. Dans ces circonstances, les déclarations de K______ ne sont pas suffisamment déterminantes, étant encore précisé qu'elle a rencontré les fillettes seulement deux fois depuis leurs révélations.

Par ailleurs, il ressort des déclarations des divers protagonistes entendus, dont celles de K______ et du Dr I______, que les mineures souffrent de troubles du sommeil depuis à tout le moins juin 2020, soit antérieurement aux faits dénoncés. À cet égard, l'intimée a expliqué que D______ lui aurait révélé penser que les troubles du sommeil de ses enfants étaient dus à un stress post-traumatique causé par leurs problèmes de santé passés et donc non consécutif aux évènements dénoncés. Cette allégation est corroborée par le fait que les parents des recourantes ont consulté K______ en juin 2020 afin d'effectuer le "bilan sommeil" des recourantes et s'assurer qu'elles ne présentaient pas de symptômes de traumatismes liés à leur naissance prématurée.

M______, ancienne enseignante des fillettes, a pour sa part déclaré n'avoir décelé, sous réserve d'un niveau de sensibilité et de stress plus élevé, résultant vraisemblablement de leur intégration à plein temps à l'école, aucun changement de comportement notable, après leurs révélations.

Pour le surplus, une circonspection toute particulière s'impose au moment d'apprécier les autres allégations de M______. En effet, cette dernière a sensiblement varié dans ses déclarations. Elle a d'abord soutenu devant la police avoir, le 1er octobre 2021, recueilli les confidences de B______, avant de déclarer, devant le Ministère public, avoir en réalité reçu celles de A______. La teneur des révélations prétendument faites par les fillettes a également varié d'une audition à l'autre, bien que l'intéressée ait affirmé avoir retranscrit mot pour mot leurs propos.

Les intimés, quant à eux, sont demeurés constants dans leurs dénégations à la police et au Ministère public.

S'agissant de l'épisode du 2 septembre 2020, ils ont affirmé, de manière concordante, que A______ était tombée chez eux dans les escaliers et avait pleuré. L'intimé lui aurait alors montré un bleu dans le bas de son dos, ce qui aurait fait rire leurs enfants respectifs, également présents, et les fillettes.

Cette version des faits est corroborée par les déclarations de D______, qui a exposé, dans sa plainte, que sa fille A______ lui aurait confié, le 14 septembre 2020, que l'intimé lui aurait "montré ses fesses", qu'il s'agissait "d'une blague" et qu'ils auraient "beaucoup ri". Il a également précisé que, le jour de son licenciement, l'intimée avait tenté de justifier l'acte de son compagnon, en expliquant qu'il y "avait un contexte", soit que ce dernier aurait eu un bleu dans le bas du dos.

En l'état, aucun élément du dossier ne permet d'infirmer leurs allégations, selon lesquelles le geste commis par E______ ne revêtait aucune connotation sexuelle. Le fait que A______ n'ait fait aucune mention de cet évènement lors de son audition EVIG paraît le confirmer.

Par ailleurs, le fait que les intimés aient été auditionnés par la police près de trois mois après le dépôt de la plainte ne permet pas de remettre en question la crédibilité de leurs déclarations. En effet, avant leur audition, ils ignoraient qu'une plainte avait été déposée contre E______. De plus, les seules informations dont ils disposaient alors étaient celles données par D______, au moment du licenciement de G______, le 16 septembre 2020, à savoir qu'il était reproché à E______ d'avoir montré ses fesses à A______. Pour le surplus, comme évoqué ci-dessus, G______ a donné à la police la même version que celle donnée le jour de son licenciement.

En ce qui concerne l'épisode du 14 septembre 2020, il est établi et non contesté que les fillettes ont passé l'après-midi chez les intimés. Ces derniers contestent en revanche avoir adopté un quelconque comportement inapproprié vis-à-vis d'elles. E______ a affirmé avoir joué avec les fillettes qui se trouvaient sur le trampoline et leur avoir uniquement touché les pieds, le tout en présence de G______. Il a précisé ne jamais être monté sur le trampoline, puis avoir ensuite passé du temps avec sa propre fille, arrivée à 16h15, et ce jusqu'au départ de A______ et B______, vers 17h00-17h30.

Sa version des faits, qui apparaît cohérente et crédible, est corroborée par les messages WhatsApp échangés avec sa fille ce jour-là et le témoignage de son voisin, P______. Ce dernier, qui a passé l'après-midi dans son jardin, à dix mètres de distance de celui des intimés, non clôturé, a déclaré au Ministère public avoir aperçu les fillettes jouer seules sur le trampoline et ne pas avoir constaté de problème particulier. À cela s'ajoute que, selon les vidéos prises ce jour-là par G______, les enfants étaient à ce moment-là vêtues d'une combinaison-short. Il apparaît ainsi peu probable que l'intimé soit parvenu à introduire ses doigts dans l'anus puis le vagin de B______, en dessous de ses vêtements, lorsqu'elle se trouvait sur le trampoline, et ce en présence de G______ et/ou de P______ et à leur insu. Il apparaît également douteux que G______ ait "ri et applaudi" à la vue de tels actes et ne soit pas intervenue pour y mettre fin, dès lors qu'à teneur du dossier, elle avait toujours pris grand soin des fillettes.

Pour le surplus, aucun élément ne permet de retenir que des attouchements auraient été commis sur A______ et B______ à d'autres dates que celles évoquées ci-dessus. En effet, il résulte des messages WhatsApp échangés entre les intimés et du relevé des heures de travail de E______, que celui-ci s'est uniquement trouvé en présence des fillettes les 17, 20 juin et 20 août 2020. À chaque fois, la famille des mineures et/ou G______ et/ou la fille cadette de cette dernière étaient présentes. Il ressort en outre des déclarations de D______ que les recourantes ne lui ont jamais parlé de E______ avant septembre 2020.

Enfin, les soupçons d'attouchements sexuels sur les propres enfants de l'intimée, évoqués dans la plainte et le recours, ne reposent sur aucun fondement. D______ le reconnaît, du reste, puisqu'il a déclaré ne disposer "d'aucun élément allant dans ce sens", de sorte qu'ils ne sauraient constituer un indice suffisant de prévention à l'endroit des intimés.

En définitive, au vu de l'ensemble des éléments cités ci-dessus, il y a lieu de donner un poids prépondérant aux déclarations des intimés, qui ont toujours contesté avoir commis ou vu le moindre abus. Aucune preuve matérielle ne vient – ou n'apparaît susceptible de venir – démentir celles-ci. Partant, l'on doit considérer qu'il n'existe pas d'éléments suffisants permettant de retenir une prévention d'infractions aux art. 127, 187 et 219 CP.

Dans ces conditions, c'est donc à bon droit que Ministère public, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qui est le sien, a considéré que la probabilité d'acquittement des prévenus était supérieure à celle d'une condamnation.

Quant aux auditions sollicitées, elles ne semblent pas susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête, puisque les personnes qui seraient invitées à se déterminer ne sont pas des témoins directs des faits. Les confidences qu'elles auraient prétendument recueillies après les révélations ne permettraient pas de démontrer l'existence des attouchements sexuels dénoncés. Pour le surplus, il sied de rappeler que les experts ont constaté un "crescendo" dans les déclarations des fillettes au fil des semaines, ce qui tendait à démontrer qu'elles avaient été influencées. Leurs propos doivent par conséquent être appréciés avec la plus grande retenue.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Les recourantes, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Les intimés, prévenus, qui obtiennent gain de cause, ont droit à une juste indemnité pour leurs dépens selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP.

6.1.  Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

6.2.1. E______ conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 3'392.55, TVA comprise, correspondant à 7 heures d'activité au tarif horaire de CHF 450.-.

Eu égard à ses observations (14 pages, dont 4 de discussion juridique), une indemnité de CHF 2'250.- lui sera allouée, correspondant à 5 heures d'activité au taux de CHF 450.-. La TVA n'est pas due, l'intimé étant domicilié à l'étranger (ATF
141 IV 344 consid. 4.1 p. 346). Cette indemnité sera mise à la charge de l'État (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 p. 53 s.), la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'ayant pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (ATF 139 IV 45 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_357/2015 du 16 septembre 2015 consid. 2.2).

6.2.2. G______ conclut à ce que les recourantes soient condamnées au paiement de ses dépens, non chiffrés, pour la procédure de recours.

Au vu de l'ampleur de ses observations (14 pages, dont une dédiée aux conclusions) – rédigées, semble-t-il, par la collaboratrice de son conseil – une indemnité correspondant à 5 heures d'activité au tarif horaire de CHF 350.-, hors TVA vu le domicile à l'étranger de l'intéressée, paraît justifiée.

Ses frais de défense seront donc arrêtés à CHF 1'750.-. Cette indemnité sera mise à la charge de l'État, conformément à la jurisprudence précitée.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne B______ et A______, représentées par leurs parents, C______ et D______, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à E______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'250.- pour la procédure de recours.

Alloue à G______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'750.- pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/17522/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

Total

CHF

900.00