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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/485/2019

ACPR/522/2023 du 04.07.2023 ( MP ) , SANS OBJET

Descripteurs : PROCÈS DEVENU SANS OBJET;RETARD INJUSTIFIÉ;FRAIS(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.396.al2; Cst.29.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/485/2019 ACPR/522/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 juillet 2023

 

Entre

A______, avocat, ______, comparant en personne,

recourant,

 

pour déni de justice et retard injustifié du Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-            le recours formé le 9 mai 2023 par Me A______, avocat d'office de l'un des prévenus dans la présente procédure, pour déni de justice et retard injustifié, qu'il reproche au Ministère public;

-            les conclusions prises dans cet acte, le prénommé requérant, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 1'077.-, le constat desdits déni et retard, le Procureur devant être invité à statuer sur son indemnisation dans un délai de dix jours.

Attendu en fait que :

-            par ordonnance du 8 août 2022, le Ministère public, après avoir classé la présente cause, dirigée, entre autres, contre B______, a défrayé Me A______, avocat d’office de ce prévenu, à concurrence de CHF 4'289.05, somme qu’il a fixée ex aequo et bono (chiffre 7 du dispositif);

-            l’avocat précité a recouru contre cette indemnisation, sollicitant qu’elle soit portée à CHF 22'261.45;

-            par arrêt du 17 novembre 2022 (ACPR/814/2022), la Chambre de céans a admis le recours, annulé le chiffre 7 du dispositif de la décision attaquée – faute pour le Ministère public d’avoir (suffisamment) motivé sa décision – et renvoyé la cause à cette autorité pour qu’elle statue (à nouveau) sur l’état de frais détaillé du défenseur d’office, produit le 1er avril précédent;

-            les 6 mars et 18 avril 2023, Me A______ a demandé au Procureur de donner suite à cet arrêt, à défaut de quoi il se verrait contraint d’entamer une procédure pour déni de justice;

-            ce magistrat n’a pas répondu à ces requêtes;

-            à l’appui de son recours, Me A______ reproche au Ministère public de ne s’être pas conformé à l’injonction de la Chambre de céans et, de ce fait, d’avoir commis un déni de justice, respectivement violé le principe de la célérité;

-            invité à se déterminer, le Procureur conclut au rejet du recours, "frais à la charge de l’[É]tat", précisant avoir rendu, le 12 mai 2023, la décision d’indemnisation attendue;

-            dans sa réplique, Me A______ soutient que, dès lors que le recours était à l’origine du prononcé finalement rendu, les frais de la cause devraient être laissés à la charge de l’État et des dépens lui être alloués.

Considérant en droit que :

-            le recours, formé pour déni de justice et constatation de la violation du principe de célérité, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été déposé selon la forme prescrite (art. 396 al. 1 CPP), par le défenseur d'office, qui a qualité pour quereller les aspects afférents à son indemnisation (art. 16 al. 1 RAJ, 135 al. 3 let. a CPP);

-            cet acte est toutefois devenu sans objet, le Ministère public ayant statué le 12 mai 2023, soit postérieurement au dépôt du recours, sur l’indemnité réclamée
(ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1336/2018 du 19 février 2019 consid. 1.2);

-            l’avocat ne dispose ainsi plus d’un intérêt juridique, actuel et pratique, à l’examen de ses griefs (art. 382 CPP);

-            seule reste donc litigieuse la question des frais et indemnité de la procédure de recours;

-            lorsqu'un acte est sans objet, lesdits frais sont fixés en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2019 du 11 juillet 2019 consid. 1.1.2 et les références citées); il ne s'agit pas d'examiner en détail les chances de succès du recours ni de rendre un jugement au fond par le biais d'une décision sur les frais, mais d'apprécier sommairement l’affaire (cf. ATF 142 V 551 consid. 8.2; ACPR/497/2022 du 26 juillet 2022 consid. 9.1.1);

-            aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst féd., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable; cette disposition consacre le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer; l'autorité viole une telle garantie lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans celui que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable; le caractère raisonnable dudit délai s'apprécie selon les particularités du dossier, eu égard notamment à sa complexité, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, au comportement de ce dernier ainsi qu'à celui des autorités compétentes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_329/2017 du 11 septembre 2017 consid. 3);

-            dans l’arrêt précité, la Haute Cour a admis le recours pour déni de justice formé par un avocat d’office, lequel se plaignait du fait que quinze mois s’étaient écoulés depuis sa contestation de l'ordonnance d'indemnisation rendue par le Ministère public, sans que la juridiction de recours n’ait statué (ibidem);

-            le Tribunal fédéral a jugé, dans des cas de déni de justice invoqués par des parties à une procédure pénale, qu’une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, respectivement qu’un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours, apparaissent comme des carences choquantes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_637/2021 du 25 janvier 2022 consid. 2.1);

-            le défenseur d'office, même s'il plaide sa propre cause, a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès des points ayant trait à son indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1251/2016 du 19 juillet 2017 consid. 4 et 6B_429/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2);

-            en l’espèce, le recourant a produit, le 1er avril 2022, un état de frais détaillant l’activité accomplie par ses soins en faveur de son client;

-            le 9 mai 2023, date du dépôt du recours, le Ministère public n’avait toujours pas fixé l’indemnité réclamée – sa décision du 8 août 2022 ayant été annulée le 17 novembre suivant –;

-            un laps de temps de treize mois et demi pour statuer – de manière (suffisamment) motivée – sur le bien-fondé d’une note d’honoraires doit être qualifié de choquant, au regard des principes sus-exposés;

-            à cette aune, la Chambre de céans, si elle s’était prononcée sur le recours, aurait admis une violation du principe de la célérité;

-            le recourant aurait donc obtenu gain de cause (art. 428 al. 1 CPP), de sorte que les frais de la procédure doivent être laissés à la charge de l’État;

-            corrélativement, le défenseur d’office, chef d’étude, peut prétendre à l’octroi de dépens;

-            il réclame CHF 1'077.- TTC à ce titre, correspondant à 5 heures d’activité, au tarif horaire de CHF 200.-;

-            au vu de l'ampleur de ses écritures (six pages de développements en fait et en droit), 2 heures d'activité apparaissent en adéquation avec le travail accompli;

-       son indemnisation sera, partant, arrêtée à CHF 430.80 (2 heures x CHF 200.- l’heure), TVA de 7.7% incluse (CHF 30.80).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours sans objet.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 430.80, TVA de 7.7% incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

Par ailleurs, le Tribunal pénal fédéral connaît des recours du défenseur d'office contre les décisions de l'autorité cantonale de recours en matière d'indemnisation (art. 135 al. 3 let. a CPP et 37 al. 1 LOAP). Le recours doit être adressé dans les 10 jours, par écrit, au Tribunal pénal fédéral, case postale 2720, 6501 Bellinzone.