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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3035/2023

ACPR/517/2023 du 04.07.2023 sur ONMMP/1106/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;ASSISTANCE JUDICIAIRE;GARANTIE DE PROCÉDURE
Normes : CPP.310; CPP.323; CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3035/2023 ACPR/517/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Lorella BERTANI, avocate, Etude BERTANI & AEBISCHER, rue Ferdinand-Hodler 9, case postale 3099, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre les ordonnances de non-entrée en matière et de refus de l'assistance judiciaire rendues le 21 mars 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 avril 2023, A______ recourt contre les ordonnances du 21 mars 2023, communiquées par pli simple, à teneur desquelles le Ministère public a refusé, d'une part, d'entrer en matière sur sa plainte et, d'autre part, de lui octroyer l'assistance juridique gratuite.

Le recourant conclut, avec suite de frais, à ce qu'il soit mis au bénéfice de l'assistance juridique et que Me B______ soit nommée à la défense de ses intérêts; préalablement à ce qu'il soit dispensé du paiement des sûretés et qu'un délai lui soit octroyé pour répondre aux observations du Ministère public; principalement, à l'annulation desdites ordonnances et à ce que la cause soit renvoyée au Ministère public pour qu'il procède à divers actes d'instruction.

b. À la suite du rapport du Greffe de l'assistance juridique du 14 avril 2023, selon lequel A______ n'avait pas la capacité de pouvoir faire face par ses propres moyens au paiement des honoraires de son avocat dans le cadre de la présente procédure, la Chambre de céans a renoncé à lui réclamer des sûretés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 17 novembre 2022, A______ a déposé plainte contre inconnu après l'agression subie quelques jours auparavant.

Il a expliqué que, durant la soirée du 11 au 12 précédent, il était sorti avec des amis, notamment C______, et avait consommé de l'alcool. Arrivé près du bar D______ vers 1h-2h, il ne se rappelait pas de ce qui s'était passé. Il se voyait contre une grille en train de cadenasser son vélo, avait entendu des gens lui hurler de ne pas toucher aux vélos, puis s'était retrouvé à l'hôpital. Il ne se souvenait pas du tout de s'être fait agresser ni d'avoir été frappé, et était dans l'impossibilité de décrire son agresseur, supposant toutefois qu'ils étaient plusieurs car il avait entendu des voix lui hurler dessus.

À l'appui de sa plainte, il a produit un constat médical (avec des photographies) établi le 12 novembre 2022, à teneur duquel il présentait un hématome en monocle à droite avec plaie sous palpébrale droite de 3 cm, un hématome associé au niveau de l'œil gauche. Il était agité et sous l'emprise de l'alcool (taux d'alcoolémie de 3 o/oo). Le médecin lui avait prescrit un arrêt total de travail du 12 au 16 novembre 2022.

b. Entendus par la police respectivement les 29 novembre et 28 décembre 2022 et 3 janvier 2023, les employés du D______, E______, se décrivant comme responsable, F______ et G______, comme médiateurs, ont tous les trois déclaré que A______, fortement alcoolisé, n'était pas entré dans l'établissement. À l'extérieur, il était tombé une ou deux fois de son vélo, était très agressif et importunait les passants en leur criant dessus. Lorsque C______ s'était fait sortir du bar, A______ l'avait rejoint et les deux hommes les avaient insultés. Ensuite, A______ avait jeté un vélo au sol et son propriétaire, client du bar, lui avait alors demandé ce qu'il faisait. A______ avait répondu en lui donnant un coup de poing (F______ et G______). Le propriétaire du vélo avait riposté et les deux hommes étaient tombés au sol (F______). Puis, des personnes s'étaient attroupées autour d'eux, empêchant ainsi F______ et G______ d'assister à ce qui s'était passé ensuite. Quant à E______, il s'était absenté après que le propriétaire du vélo précité avait demandé des explications à A______.

c. Entendu par la police le 9 janvier 2023, C______ a expliqué qu'à la sortie du D______, il s'était disputé avec les videurs – soit les employés du D______ susmentionnés et dont l'un était le cuisinier du bar H______ –. Son ami, A______, l'avait rejoint pour le défendre, puis avait pris un vélo, pensant que c'était le sien. Or, il appartenait à l'un des videurs, lequel s'était approché, et A______ s'était mis hors de lui. Une altercation avait éclaté entre les deux. Les videurs s'étaient mis à "casser la gueule" de son ami. En tout cas, l'un d'entre eux l'avait frappé, mais il ne pouvait pas certifier que les autres l'avaient fait aussi. Etant alcoolisé, il ne se souvenait pas de tout. Il ne pouvait pas non plus garantir qu'il s'agissait des videurs, c'était peut-être des clients. Ils étaient en tout cas plus de deux.

d. Selon le rapport de renseignements de la police du 3 février 2022, malgré les auditions menées, il n'avait pas été possible d'identifier l'agresseur.

e. Le 3 février 2023, A______ a sollicité la désignation de Me B______ en tant que conseil juridique gratuit. Il bénéficiait d'un hébergement d'urgence mis à disposition par la Ville de Genève, n'était affilié à aucune assurance-maladie et avait des dettes entre CHF 10'000.- et CHF 20'000.-.

C. a. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que, malgré l'enquête de police, la personne avec laquelle A______ avait échangé des coups n'avait pu être identifiée, de sorte qu'il existait un empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).

b. Par ordonnance séparée, le Ministère public a refusé l'octroi de l'assistance judiciaire à A______. L'action civile paraissait vouée à l'échec dès lors que sa plainte s'était soldée par une ordonnance de non-entrée en matière.

D. a. Dans son recours, A______ explique que, récemment, il avait été confronté à une personne – travaillant au bar H______ – qu'il avait identifiée comme étant son agresseur.

Dans ces circonstances, l'empêchement de procéder n'existait plus. En tout état, la procédure préliminaire devait être reprise, au sens de l 'art. 323 al. 1 CPP, en raison de la survenance de ce fait nouveau.

S'agissant du refus de l'octroi de l'assistance judiciaire, dans la mesure où le recours contre l'ordonnance querellée avait de grandes chances de succès, l'action civile n'était, à l'évidence, pas vouée à l'échec. Par ailleurs, sa situation financière n'avait pas changé.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant considère qu'une non-entrée en matière n'est plus justifiée.

3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

3.2. En l'espèce, force est de constater que le dossier ne contient aucun élément permettant d'identifier la personne qui serait à l'origine des blessures du recourant, ni même qu'il y aurait eu d'autres agresseurs. Les témoins n'ont assisté que partiellement aux faits. En outre, tant le recourant que son ami C______ – tous deux alcoolisés – n'ont pas été en mesure de donner des éléments susceptibles de faire avancer l'enquête. Il peut être retenu, tout au plus, que le propriétaire du vélo jeté au sol par le recourant, avec qui l'altercation a débuté, serait un client du D______, voire un videur, sans autre détail sur son identité.

Dans ce contexte, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière.

Le fait que le recourant aurait récemment découvert que son agresseur serait un employé du bar H______ n'est pas de nature à modifier ce qui précède.

Tout d'abord, ces nouvelles déclarations sont en contradiction avec celles exprimées quelques jours après les évènements dénoncés, lesquelles – absence de souvenirs et impossibilité d'identifier la ou les personne(s) avec qui il avait eu une altercation – concordent avec l'état fortement alcoolisé (3 o/oo) du recourant au moment des faits. Ensuite, elles contredisent les déclarations de C______, également alcoolisé, qui après avoir évoqué la présence, parmi les videurs, d'un employé du bar H______, a déclaré ne pas pouvoir affirmer qui – des videurs ou des clients –, avait frappé son ami.

Dans un tel contexte, l'identification de l'auteur du coup de poing plusieurs mois après les faits apparaît peu, voire pas fiable.

Partant, la non-entrée en matière sera confirmée.

4.             Enfin, le grief du recourant selon lequel la procédure préliminaire devrait être reprise, au sens de l'art. 323 al. 1 CPP, tombe à faux, dans la mesure où la décision querellée, en raison du présent recours, n'est pas encore entrée en force.

5.             Le recourant estime qu'il aurait dû être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'al. 2 de cet article, l'assistance judiciaire comprend, notamment, la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

5.2. En l'espèce, quand bien même le recourant est indigent, il a été jugé supra que ses griefs étaient juridiquement infondés. Il en découle que les conditions pour lui octroyer l'assistance judiciaire ne sont manifestement pas réalisées. Partant, c'est à bon droit que le Ministère public a rejeté sa demande de nomination de conseil juridique gratuit.

Au vu de l'issue du recours, la demande sera également rejetée pour cette instance.

6.             Justifiées, les ordonnances querellées seront donc confirmées et le recours rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 600.-, ceci au regard de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance judiciaire sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président, Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3035/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

600.00