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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14606/2021

ACPR/124/2023 du 15.02.2023 sur OPMP/7016/2021 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DISJONCTION DE CAUSES;CONNEXITÉ;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : CPP.29; CPP.30; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14606/2021 ACPR/124/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 15 février 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Paul-Edgar LEVY, avocat,
Pirker + Partners, rue des Maraîchers 36, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de disjonction rendue le 22 novembre 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 21 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 novembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a disjoint la procédure P/1______/2022 de la P/14606/2021.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance précitée et au maintien de la jonction des procédures sus-visées, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur des rapports de police du 24 juillet 2021, des policiers sont intervenus, le 23 précédent vers 22h30, à la place 3______ [GE], en raison d'une bagarre entre plusieurs individus. Ils ont été mis en présence de C______, D______ et E______, lequel a mis en cause un individu – identifié comme étant A______ – pour avoir commis, plus tôt dans la soirée, des vols au sein de son établissement "F______", sis rue 2______ no. ______.

b. Entendue à la police le jour-même, D______, serveuse de l'établissement, a déclaré qu'elle avait vu A______ sortir en courant du bar, puis constaté les vols de CHF 3'500 dans la caisse, ainsi que de sa trousse à maquillage et de deux portefeuilles contenant EUR 400.- et EUR 500.-. Sa cousine, C______, avait appelé le précité pour lui fixer un rendez-vous devant l'hôtel G______ afin de récupérer les objets volés. Une bagarre avait éclaté avec C______, E______ et A______ lequel, voulant s'enfuir, leur avait asséné plusieurs coups. E______ l'avait immobilisé en le serrant dans les bras par l'arrière. Elle avait pu récupérer les objets volés, sauf l'argent.

Également auditionné, E______ a déclaré qu'après que D______ lui avait signalé les vols dans son établissement, il s'était rendu, en compagnie de celle-ci et de sa cousine, à la place 3______ où se trouvait A______, lequel, voulant prendre la fuite, lui avait assené une claque. Il l'avait ensuite agrippé par la chemise et les deux étaient tombés au sol. Essayant de l'immobiliser, il lui avait assené deux ou trois coups de genou. A______ l'avait griffé et mordu sur la main, puis lui avait dit "je vais niquer ta mère, je vais t'enculer". Il n'avait pas pu récupérer son argent.

D______ et E______ ont porté plaintes pénales.

c. A______, entendu par la police le 24 juillet 2021 en qualité de prévenu, a refusé de s'exprimer en l'absence de son avocate qui n'a pu être jointe.

d. Par ordonnance pénale du 24 juillet 2021, le Ministère public a reconnu A______ coupable de vol, injures et voies de fait.

Le prévenu a formé opposition.

e. Le 27 juillet 2021, A______ s'est présenté à la police pour déposer plainte contre E______, D______ et C______.

Le 23 précédent, alors qu'il se trouvait dans le bar "F______", D______ et C______ lui avaient proposé de leur offrir des consommations, puis avaient commandé contre son gré une bouteille de champagne qu'il avait aussi été "obligé de payer", soit un total de CHF 630.-. Ils étaient ensuite descendus dans la cave du bar, où les prénommées l'avaient déshabillé et D______ lui avait prodigué une fellation. Lorsqu'il s'était rhabillé pour partir, il avait constaté que la somme d'EUR  2'000.- – qui se trouvait dans une enveloppe dans sa poche – avait disparu. Il s'était ensuite saisi de CHF  600.- dans la caisse du bar, ainsi que de deux sacs à main, dans le but de procéder à une compensation avec l'argent qui lui avait été volé. À la place 3______, C______ et D______ lui avaient "sauté immédiatement dessus" en le griffant, puis, E______, arrivé par derrière, l'avait projeté par terre et lui avait assené plusieurs coups. Ses agresseurs avaient ensuite volé ses écouteurs, son téléphone, son porte-monnaie et une enveloppe contenant de l'argent.

A______ a produit des photographies et un constat médical daté du 26 juillet 2021, attestant de blessures.

f. Les 21 août et 9 septembre 2021, la police a entendu D______ et E______ en qualité de prévenus.

Ils ont contesté les vols et l'agression reprochés, expliquant avoir griffé, respectivement donné des coups, à A______ pour l'empêcher de s'enfuir. D______ a nié avoir exercé une activité illicite de prostitution au sein de l'établissement "F______".

g. Selon le rapport de police du 21 septembre 2021, C______, également convoquée en tant que prévenue, était restée injoignable.

h. Le 21 octobre 2021, le Ministère public a entendu A______, en qualité de prévenu, en présence de D______ et E______.

Les parties ont en substance confirmé leurs déclarations à la police, A______ précisant que D______ et C______ lui avaient demandé, chacune, EUR 500.- pour des prestations sexuelles, ce qui a été contesté par D______.

Figure au procès-verbal de cette audience une note du Greffier-juriste mentionnant qu'"une nouvelle [audience] sera agendée prochainement pour continuer d'instruire l'opposition du prévenu mais également les faits visés par sa plainte".

i. Le Ministère public a convoqué les protagonistes à des audiences les 3 février et 5 mai 2022 pour les entendre en qualité de prévenus.

E______, D______ et C______ ne s'y sont pas présentés, sans être excusés.

En ce qui le concerne, A______ a, le 3 février 2022, en substance confirmé les termes de sa plainte du 27 juillet 2021. Il ne s'est pas présenté à l'audience suivante, son conseil justifiant son absence, le lendemain, par sa crainte de perdre son emploi.

j. Le 5 décembre 2022, le Ministère public a, par ordonnance sur opposition, maintenu l'ordonnance pénale du 24 juillet 2021 prononcée à l'encontre de A______, considérant que l'administration des preuves n'avait apporté aucun élément nouveau impliquant la prise d'une autre décision. Il a transmis la cause P/14606/2021 au Tribunal de police.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que – vu la qualité des parties et l'intérêt d'une bonne administration de la justice – les faits reprochés à C______, E______ et D______ devaient être traités dans une procédure différente afin de permettre à la procédure menée contre A______ de se poursuivre.

D. Dans son recours, A______ considère que la motivation de la décision querellée est insuffisante. Il reproche également au Ministère public d'avoir constaté de manière erronée les faits et d'avoir violé les art. 29 al. 1 et 30 CPP. Le traitement séparé de deux procédures concernant le même complexe de faits et les mêmes protagonistes risquaient d'aboutir à des décisions contradictoires. En outre, la disjonction ne reposait pas sur des raisons objectives, dès lors que la procédure n'avait pas connu de retards inadmissibles et que sa plainte ne présentait pas de complexité particulière. Le fait qu'une ordonnance pénale ait été rendue à son encontre dans la P/14606/2021 ne faisait pas obstacle à la jonction des causes. Finalement, la décision querellée violait le principe de l'économie de procédure et était inopportune.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénales suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 in fine ad art. 30) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant se plaint d'une motivation insuffisante de l'ordonnance querellée.

3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 connsid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3 et 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1 et 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid.  2.2). Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 IV 125 consid. 2.1 et 133 III 234 consid. 5.2).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, la motivation de l'ordonnance querellée apparaît succincte. Elle permet néanmoins de comprendre que la disjonction est dictée par l'avancement de la procédure menée contre le recourant. Elle est ainsi suffisante au regard des développements qui suivent.

Partant, ce grief doit être rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public une constatation "erronée" des faits. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 198; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

5.             Reste à examiner si la disjonction est justifiée.

5.1. À teneur de l'art. 29 al. 1 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (let. a) ou lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation (let. b).

Le principe d'unité de la procédure découle déjà de l'art. 49 CP et, sous réserve d'exceptions, s'applique à toutes les situations où plusieurs infractions, respectivement plusieurs personnes, doivent être jugées ensemble (Y. JEANNERET / A.  KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art.  29). Ce principe tend à éviter les jugements contradictoires quant à l'état de fait, l'appréciation juridique ou la quotité de la peine. Il sert en outre l'économie de la procédure (ATF 138 IV 214 consid. 3; 138 IV 29 consid. 3.2).

5.2. Si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales (art. 30 CPP).

La possibilité d'ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales si des raisons objectives le justifient, entraîne une extension de l'unité de la procédure à des situations qui ne sont pas incluses dans l'art. 29 CPP (ATF 138 IV 29 consid. 5.5).

5.2.1. Une étroite connexité entre différentes infractions plaide, en particulier pour une jonction au sens de l'art. 30 CPP. Une telle connexité est notamment donnée, lorsque des participants s'accusent mutuellement d'infractions qui auraient été commises dans le cadre d'un même conflit. Une jonction des causes dans ce cas de figure va dans l'intérêt de l'économie de procédure et permet d'éviter des décisions contradictoires. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que dans le cas d'une personne blessée par des policiers qu'elle aurait agressés auparavant, les procédures ouvertes contre la victime et les agents de police doivent être instruites par un seul Ministère public, en l'occurrence extraordinaire (ATF 138 IV 29 consid. 5.5; ACPR/654/2016 du 13 octobre 2016).

5.2.2. L'art. 30 CPP prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Au vu des inconvénients sérieux qu'elle entraîne pour les droits procéduraux des parties (pour une énumération: arrêt du Tribunal fédéral 1B_533/2018 du 20 février 2019 consid. 2.3), une disjonction ne doit être admise qu'à des conditions restrictives. Elle doit avant tout servir à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile. Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219 et les références).

5.3. En l'espèce, la plainte déposée par le recourant en relation avec les faits survenus le 23 juillet 2021 résulte certes du même complexe de faits que les plaintes déposées par D______ et E______ contre lui. Pour cette raison, le Ministère public a ouvert une unique procédure et poursuivi conjointement les protagonistes qui s'accusaient mutuellement.

Force est toutefois de constater que l'instruction diligentée contre le recourant semble terminée. Le Ministère public, considérant que l'administration des preuves n'avait apporté aucun élément nouveau impliquant la prise d'une autre décision, a maintenu l'ordonnance pénale du 24 juillet 2021 prononcée à son encontre et transmis la cause au Tribunal de police. Tel n'est manifestement pas le cas en ce qui concerne la plainte à l'encontre de D______, E______ et C______, ce d'autant que cette dernière n'a donné suite à aucune des citations à comparaitre. De surcroit, les infractions reprochées à D______ sont en partie différentes de celles reprochées au recourant, celle-là étant également soupçonnée d'exercice illicite de prostitution. Finalement, les droits procéduraux du recourant demeurent intacts, la disjonction lui laissant la possibilité de formuler les réquisitions de preuves utiles à sa propre cause.

Partant, au vu des stades différents d'avancement de chacune des deux procédures et compte tenu du large pouvoir d'appréciation qui est le sien en la matière, le Ministère public n'a pas violé la loi en ordonnant la disjonction des procédures.

6. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14606/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00