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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1295/2022

ACPR/118/2023 du 14.02.2023 sur JTPM/876/2022 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1295/2022 ACPR/118/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 février 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé B______, ______, comparant en personne,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève-case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 28 décembre 2022, A______ recourt contre le jugement rendu le 15 décembre 2022, notifié le 19 décembre 2022, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le 16 janvier 2023, le recourant, sollicité par la Direction de la procédure, a complété son recours, concluant à ce que la libération conditionnelle lui soit octroyée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né en 1990, ressortissant algérien, exécute actuellement une peine privative de liberté de 18 mois prononcée par la Chambre pénale d'appel et de révision le 15 août 2022 pour vol, tentative de vol, violation de domicile, tentative de violation de domicile, dommages à la propriété, faux dans les certificats et injure. Cette peine comprenait la révocation de la libération conditionnelle accordée le 11 avril 2018 par le TAPEM (solde de peine : 1 an et 3 mois).

L'expulsion de A______ du territoire suisse au sens de l’art. 66a CP a également été prononcée pour une durée de 5 ans, avec signalement dans le système d'information Schengen (SIS).

Il a d'abord été incarcéré à la prison de C______ du 26 novembre 2021 au 5 juillet 2022, date à laquelle il a été transféré à l'Établissement fermé B______ où il se trouve encore actuellement.

b. Les deux tiers de la peine que A______ exécute actuellement sont intervenus le 22 novembre 2022, tandis que la fin de peine est fixée au 23 mai 2023.

c. À teneur de son casier judiciaire suisse (situation au 7 décembre 2022), A______ a été condamné à deux autres reprises, à savoir le 23 février 2015 par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de 90 jours pour rixe et le 2 mai 2016 par le Tribunal correctionnel de Genève pour dommages à la propriété, violation de domicile, entrée illégale, vol par métier, infractions commises à réitérées reprises, et tentative de violation de domicile, à une peine privative de liberté de 3 ans et 8 mois.

d. Le 5 décembre 2022, la direction de l'Établissement fermé B______ a préavisé favorablement la libération conditionnelle de A______. Son attitude en détention était qualifiée d'irréprochable, tant au sein des ateliers qu'il a fréquentés que dans son comportement face au travail. Les tests toxicologiques réalisés le 28 novembre 2022 étaient positifs aux benzodiazépines, étant souligné que ces résultats étaient en lien avec le traitement médical qu'il suivait en détention. Il est en outre noté que son avocate venait le voir régulièrement et que, le 6 septembre 2022, il avait reçu la visite d'un ami. Il a eu trois entretiens dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ponctuel, lors desquels il a indiqué ne pas envisager de retourner en Algérie à sa sortie de prison, mais souhaiter se rendre en France, sans évoquer avoir un réseau familial en France ou en Suisse.

Il disposait de CHF 612.90 sur son compte libre, de CHF 513.55 sur son compte réservé et de CHF 282.10 sur son compte bloqué.

e. Dans le formulaire qu'il a rempli en vue de sa libération conditionnelle, A______ indique avoir une partenaire enregistrée, ne pas avoir d'enfant, être démuni de papiers d'identité, ne pas être autorisé à séjourner en Suisse et y faire l'objet d'une interdiction d'entrée. À sa libération, il comptait se rendre en France, dans sa maison et travailler comme peintre, carreleur ou soudeur. Il avait une place de travail assurée et pouvait disposer d'un logement à D______ [France]. Comme il avait toujours travaillé dans sa vie, il n'avait pas de problèmes financiers. Des amis et sa femme l'attendaient à sa sortie.

Il a produit un certificat de travail établi le 18 novembre 2022 par l'Établissement fermé B______ attestant qu'il a travaillé du 5 septembre au 18 novembre 2022 au sein de l'atelier fer, se montrant organisé, structuré et capable de prendre des initiatives.

f. Selon les renseignements donnés par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), A______ n'a pas été reconnu par les autorités algériennes comme étant l'un de leurs ressortissants. Son dossier avait été transmis aux autorités marocaines, car il était connu en France comme étant de nationalité marocaine. Comme le recourant n'avait pas encore été identifié, l'exécution de son renvoi – initiée en 2011 déjà – n'était pas réalisable, faute de documents de voyage ou de laissez-passer, étant souligné que, s'il le voulait, il pourrait parfaitement entreprendre des démarches auprès de la représentation diplomatique de son pays d'origine pour solliciter la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur.

g. Le 7 décembre 2022, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a préavisé défavorablement la libération conditionnelle de A______, en raison de ses trois condamnations inscrites à son casier judiciaire et de l'échec de sa précédente libération conditionnelle. Ainsi, rien n'indiquait que l'intéressé saurait davantage mettre à profit un nouvel élargissement, de sorte que le risque de commission de nouvelles infractions demeurait élevé.

h. Par requête du 12 décembre 2022, le Ministère public a conclu au refus de la libération conditionnelle de A______.

i. Lors de l'audience du 15 décembre 2022 devant le TAPEM, A______ a assuré être algérien et ne pas comprendre pour quel motif son pays ne l'avait pas reconnu. Il a confirmé qu'à sa libération, il voulait se rendre en France, y travailler et se marier avec sa nouvelle compagne, qui avait la double nationalité algérienne et française. Il n'avait pas de titre de séjour en France, mais se rendrait en Italie pour y "faire les papiers" parce que c'était "plus facile" d'y obtenir un titre de séjour. Il suffisait que sa nouvelle compagne fasse une déclaration selon laquelle elle voulait emménager en Italie. Lors de sa précédente demande de libération conditionnelle en avril 2018, il avait effectivement déjà fait valoir de tels projets avec son ancienne compagne, sans avoir toutefois pu régulariser sa situation en raison de leur séparation. Il avait cessé de commettre des cambriolages et avait travaillé. Il avait fait des "conneries" et entendait désormais "marcher droit" et "faire sa vie"; il n'était pas un "délinquant". Il persistait à contester avoir commis les cambriolages à l'origine de sa condamnation du 15 août 2022. Il prenait acte du fait qu'une expulsion judiciaire avait été prononcée à son encontre. Durant sa détention, il avait été malmené physiquement en prison par des surveillants et avait déposé plainte, ladite procédure étant en cours.

C. Dans sa décision querellée, le TAPEM retient que le pronostic se présente sous un jour défavorable, vu les nombreux antécédents de A______ et l'échec de sa précédente libération conditionnelle. Sa situation personnelle était inchangée et on ne percevait aucun effort de l'intéressé pour modifier la situation, en particulier pour se procurer des pièces de légitimation. Aucun projet concret n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait dans la même situation à sa sortie. Il n'avait aucune garantie de pouvoir séjourner ou travailler légalement en France ou en Italie. Rien n'indiquait qu'il pourrait mettre davantage à profit une libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé.

D. a. Dans son recours, A______ affirme pouvoir bénéficier, à sa sortie, de l’aide financière d'amis, d'un logement et d'un travail. En raison de sa situation administrative, il ne pouvait pas fournir de contrat de travail, mais il promettait de se régulariser et de ne plus revenir en Suisse, étant souligné qu'auparavant il n'était pas au courant de l'interdiction d'entrée en Suisse. Il avait toujours avoué les faits à l'origine de sa condamnation de 2016, mais n'avait pas commis les cambriolages pour lesquels il avait été condamné en 2021. Il confirmait son projet de se marier avec sa compagne, avec laquelle il était en couple depuis un an. Cette dernière ainsi que ses amis pouvaient attester de leur soutien à sa sortie de prison.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écriture ni débats.


 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme (art. 384 let. b, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 396 al. 1 CPP) prescrits, par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 "a contrario" CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant estime que les conditions d'octroi de sa libération conditionnelle sont remplies.

3.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).

3.2. En l'espèce, le pronostic se présente sous un jour défavorable, nonobstant le préavis positif de l'Établissement fermé B______, étant souligné que ledit préavis n'est pas, à lui seul, déterminant en terme de risque de récidive.

Le recourant a déjà été condamné en mai 2016 à une lourde peine de prison, essentiellement pour des infractions contre le patrimoine. La libération conditionnelle dont il a bénéficié en avril 2018, avec un solde de peine conséquent de plus d'un an, ne l'a pas empêché de revenir en Suisse quelques mois à peine après sa sortie de prison et d'y commettre à nouveau des cambriolages, objet de sa condamnation du 15 août 2022, laquelle est exécutoire.

Son projet de partir en France, voire en Italie, et de travailler, n'est nullement étayé. En tout état, une telle intention n'est pas réaliste ni réalisable puisqu'il ne dispose d'aucune autorisation de séjour dans ces pays, qu'il n'a fait aucune démarche dans ce sens, en particulier pour obtenir des documents attestant de son identité, et que son expulsion de Suisse est inscrite dans le système d'information Schengen. En outre, son projet de mariage est similaire à celui exposé lors de l'examen de sa libération conditionnelle en 2018, qui ne l'a pas empêché de commettre de nouvelles infractions.

La répétition des infractions laisse craindre qu'il ne respecte pas les règles, ce qui représente une crainte pour la sécurité publique.

Le fait qu'il s'obstine à refuser de retourner dans son pays d'origine et à collaborer à son renvoi renforce le risque de récidive.

Les conditions d'une libération conditionnelle ne sont ainsi, en l'état, pas réalisées. L'appréciation émise par le TAPEM ne souffre d'aucune critique. Les critères qu'il a retenus et appliqués sont pertinents.

4.             Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique pour information au Service de l'application des peines et mesures et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1295/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

     

Total

CHF

600.00