Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/22281/2022

ACPR/127/2023 du 15.02.2023 sur OMP/22248/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;ASSISTANCE JUDICIAIRE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132; CP.49

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22281/2022 ACPR/127/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 15 février 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat,
Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 19 décembre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 23 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 précédent, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à ce que son conseil soit désigné à sa défense d'office avec effet au 6 décembre 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Il est reproché à A______, ressortissant nigérian domicilié en France, d'avoir, à Genève :

- à tout le moins les 19 octobre, 22 novembre et 24 novembre 2022, lendemain de sa dernière condamnation non encore définitive ni exécutoire, pénétré sur le territoire suisse en provenance de France puis d'y avoir séjourné du 19 au 20 octobre 2022, et du 24 novembre au 14 décembre 2022, date de sa dernière interpellation, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires ni d'un passeport valable indiquant sa nationalité;

- le 22 novembre 2022 et le 14 décembre 2022, lors de son interpellation par la police, de s'être légitimé au moyen d'un document ne lui appartenant pas, soit d'une demande d'asile effectuée en France au nom de B______, né le ______ 2000, dans le but de tromper les autorités sur sa véritable identité et de pouvoir pénétrer et séjourner sur le territoire helvétique;

- le 22 novembre 2022 et le 14 décembre 2022, lors de son interpellation, détenu respectivement 1.8 gramme et 0.5 gramme de haschich, drogue destinée à sa propre consommation.

Entendu par la police le 20 octobre 2022, en présence d'un interprète, le prévenu a indiqué que sa véritable identité était B______ et qu'il avait changé son nom à son arrivée en France. Il pensait que l'attestation de demande d'asile française dont il était porteur lui donnait le droit de venir en Suisse.

Entendu par la police le 23 novembre 2022, en présence d'un interprète, il a expliqué être venu en Suisse en tram depuis la France pour sortir en boîte de nuit. Les autorités françaises s'étaient trompées de nom lors de sa demande d'asile. Enfin, il consommait environ 8 grammes de haschich par jour.

Entendu par la police le 14 décembre 2022, en présence d'un interprète, le prévenu a indiqué avoir quitté le territoire suisse depuis sa dernière interpellation par la police. Il ne savait toutefois pas depuis quand il séjournait en Suisse. Il n'avait pas de passeport mais uniquement le document délivré par les autorités françaises, auprès desquelles il avait déposé une demande d'asile. Il y avait eu une erreur sur son nom et sa date de naissance lors de l'établissement du document. Pour le surplus, il ne savait pas qu'il ne pouvait pas se rendre en Suisse avec ce document. Il consommait jusqu'à trois joints de haschich par jour, étant précisé qu'il avait fumé ce jour.

b. Par ordonnance pénale du 21 octobre 2022, rendue dans la procédure P/22281/2022, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, pour entrée illégale et séjour illégal.

Par ordonnance pénale du 23 novembre 2022, rendue dans la procédure P/24822/2022, le Ministère public a condamné le prévenu à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 10.- le jour, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour faux dans les certificats étrangers, entrée illégale et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

Par ordonnance pénale du 15 décembre 2022, rendue dans la procédure P/26417/2022, le Ministère public a condamné le prévenu à une peine privative de liberté de 45 jours, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour faux dans les certificats étrangers, entrée illégale, séjour illégal et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

Le prévenu a fait opposition aux trois ordonnances pénales précitées, par son conseil.

c. Entendu par le Ministère public le 6 décembre 2022, en présence d'un interprète, le prévenu a déclaré que les autorités françaises ne l'avaient pas informé du fait qu'il ne pouvait pas voyager avec une attestation de demandeur d'asile. Elles avaient fait une erreur en inscrivant le nom de B______ et il devait avoir un rendez-vous à C______ [France] pour la rectifier. Il n'avait pas de passeport. Le haschich retrouvé sur lui était destiné à sa consommation personnelle.

À l'issue de l'audience, il a sollicité d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.

d. Par ordonnances des 13 et 22 décembre 2022, le Ministère public a joint les procédures P/24822/2022 et P/26417/2022 à la P/22281/2022 sous ce dernier numéro.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la cause ne présente pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et que le prévenu est donc à même de se défendre efficacement seul. La cause était de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que le prévenu n'était passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire maximale de 120 jours-amende.

D. a. À l'appui de son recours, A______ indique ne pas être familiarisé avec la pratique judiciaire, ne pas parler couramment le français, être sans instruction et être domicilié à l'étranger. En outre, au vu des peines prononcées par les trois ordonnances pénales dont il faisait l'objet, la limite des 120 unités pénales de l'art. 132 al. 3 CPP était atteinte.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours.

Par nouvelle ordonnance pénale du 22 décembre 2022, statuant sur les oppositions aux ordonnances pénales des 21 octobre, 23 novembre et 15 décembre 2022, il avait mis à néant ces dernières et déclaré A______ coupable de faux dans les certificats d'un document étranger (art. 252 CP cum art. 255 CP) ainsi que d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI, et l'avait condamné à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant 3 ans, et à une amende de CHF 100.- pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants infraction (art. 19a ch. 1 LStup). La cause était ainsi de peu de gravité. Elle ne présentait pas non plus de difficultés juridiques ou de fait. Si le recourant était sans instruction et ne parlait pas français, il avait pu, à l'aide d'un interprète, s'expliquer sur les faits reprochés, qu'il avait partiellement contestés. Ceux-ci ne présentaient à l'évidence aucune difficulté de compréhension, même pour un profane.

c. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1).

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.3. En l'espèce, la question de l'indigence du recourant n'a pas été examinée, mais peut toutefois rester ouverte vu ce qui suit.

Tout d'abord, il est faux de la part du recourant de considérer que les peines privatives de liberté encourues ensuite de ses oppositions s'additionneraient simplement et dépasseraient dès lors le seuil de gravité de l'art. 132 al. 3 CPP, ce raisonnement faisant fi des règles régissant le concours de peines (cf. art. 49 al. 1 CP). Cela est d'autant plus vrai que le Ministère public l'a, sur oppositions, condamné à une peine privative de liberté de 90 jours. Partant, la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP.

Quoi qu'il en soit, l'examen des circonstances du cas d'espèce permet de retenir que la cause ne présentait pas, au moment du dépôt de la demande d'assistance judiciaire, et ne présente toujours pas, de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que le recourant n'aurait pas été ou ne serait pas en mesure de résoudre seul. Les faits et dispositions applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application, même pour un profane. Le recourant a pu s'exprimer à cet égard, avec l'aide d'un interprète, à la police et devant le Ministère public, reconnaissant partiellement les faits. Il a ainsi parfaitement compris ce qui lui était reproché.

Ainsi, en l'absence de cette condition cumulative, la défense d'office ne se justifie pas.

Partant, c'est à juste titre que la défense d'office a été refusée par le Ministère public.

3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).