Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/16046/2022

ACPR/99/2023 du 07.02.2023 sur OMP/17431/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;ASSISTANCE JUDICIAIRE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16046/2022 ACPR/99/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 février 2023

 

Entre


A
______, domicilié c/o B______ SA, ______, FRANCE, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 11 octobre 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 24 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner sa défense d'office.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et, principalement, à la nomination de Me C______ en qualité de défenseur d'office avec effet au 7 octobre 2022 ; subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1997, est ressortissant du Nigéria et dispose du statut de requérant d'asile en France.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné :

- par ordonnance pénale du 5 février 2022 du Ministère public, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis durant trois ans, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]);

- par jugement du 4 juillet 2022 du Tribunal de police, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis durant 3 ans, pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

c. Le 28 juillet 2022, la police a procédé à l'interpellation de A______ à Genève. Selon le rapport d'arrestation du même jour, il attendait dans un passage entre la rue de la Coulouvrenière et la rue du Stand. Lorsque des policiers s'étaient approchés pour effectuer un contrôle d'identité, il était parti en courant en direction de la rue du Stand, où un policier l'avait sommé de s'arrêter en criant "stop police". A______ avait forcé le passage, percutant le policier, qui lui avait ensuite donné un "coup de déstabilisation" à la hauteur du visage lorsqu'il était revenu contre lui. A______ se débattant, le policier avait sorti son bâton télescopique et procédé à une clé de coude, puis à une clé de bras. Un autre policier avait ensuite mis le fuyard à terre pour le menotter. Dépourvu de documents d'identité, A______ avait été conduit au poste. Lors du trajet, il avait proféré des menaces à l'encontre des policiers.

Le rapport précise que les policiers n'ont pas souhaité déposer plainte pour ces faits.

d. Lors de son audition du même jour devant la police, l'intéressé a fait usage de son droit au silence.

e. Par ordonnance pénale du 29 juillet 2022, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 et ch. 2 al. 1 CP) et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI. Il a renoncé à révoquer les sursis accordés les 5 février et 4 juillet 2022.

En substance, il a retenu que A______ avait persisté à séjourner sans autorisation sur le territoire suisse entre le 6 février 2022, lendemain de sa condamnation pour la période pénale précédente, et le 28 juillet 2022, date de son interpellation. Le 28 juillet 2022 vers 20h30, il avait pris la fuite à la vue des policiers, sans respecter l'injonction "stop police", percutant l'agent qui lui faisait face, puis avait menacé les policiers lors de son transfert au poste de police, en leur disant qu'ils n'avaient pas intérêt à le croiser sans leur uniforme.

f. Le 2 août 2022, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée.

g. Le même jour, A______ a requis l'octroi de l'assistance judiciaire et la nomination d'office de Me C______ en sa faveur.

h. Par ordonnance rendue le 3 août 2022, le Ministère public a rejeté cette demande.

i. Par courrier du 26 août 2022, A______ a précisé son opposition du 2 août 2022 dans le sens qu'il ne contestait pas l'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI mais sollicitait, au vu du dépôt d'une demande d'asile en France, l'application de l'art. 115 al. 3 LEI. En revanche, il contestait l'infraction à l'art. 285 CP.

j. Le 7 octobre 2022, A______ a requis la reconsidération de l'ordonnance du 3 août 2022. À l'appui de sa requête, il a allégué ne pas pouvoir se défendre correctement seul en sa qualité de migrant, sans instruction, ne parlant pas français et mis en cause par deux policiers.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que la cause est de peu de gravité, A______ n'ayant pas été condamné à une peine privative de liberté supérieure à 4 mois ou à une peine pécuniaire supérieure à 120 jours-amende.

D. Le 12 octobre 2022, le Ministère public a procédé à l'audition de A______ – assisté d'un avocat et d'un interprète – et des deux gendarmes ayant procédé à son interpellation, entendus en qualité de témoins. Le prévenu a déclaré ignorer ne pas être autorisé à se rendre en Suisse. Par ailleurs, il n'avait pas remarqué que les individus qui cherchaient à l'interpeller étaient des policiers. Il a contesté avoir menacé ceux-ci après son arrestation.

E. a. Dans son recours, A______ soutient qu'il ne dispose pas des aptitudes pour mener seul la procédure, dès lors qu'il n'est pas familiarisé avec la pratique judiciaire, ne parle pas couramment français et est domicilié à l'étranger. La procédure présentait des difficultés sous l'angle des faits, l'audition des deux policiers ayant fait ressortir des divergences s'agissant de la question de savoir s'il s'était débattu après avoir été maîtrisé et menotté par les policiers.

b. Dans ses observations, le Ministère public expose que les faits reprochés au recourant ne sont pas particulièrement complexes. Ils portaient sur un unique épisode d'interpellation et ne présentaient pas de difficultés sur le plan factuel ni sur le plan juridique. En outre, le recourant était la seule partie à la procédure. Enfin, le Ministère public avait spontanément ordonné l'audition d'un troisième policier.

c. Dans sa réplique, A______ considère que la nécessité d'intervention d'un conseil juridique dépend d'éléments subjectifs liés à l'aptitude du prévenu. Or, ces éléments étaient remplis, compte tenu de sa situation personnelle. De plus, l'instruction impliquait l'audition d'un témoin supplémentaire, signe que les faits de la cause présentaient des difficultés.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). L'art. 132 al. 3 CPP prévoit qu'en tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois, d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende ou d'un travail d'intérêt général de plus de 480 heures.

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132). La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.3. En l'espèce, la peine privative de liberté encourue par le recourant s'élève à 60 jours, de sorte que la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP. Les faits se sont certes déroulés alors que le recourant était sous le coup de deux condamnations avec sursis, mais le Ministère public a renoncé à en requérir la révocation, de sorte que la peine concrètement encourue ne dépasse pas 60 jours.

En outre, l'examen des circonstances du cas d'espèce permet de retenir que la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que le recourant ne serait pas en mesure de résoudre seul. Les faits et dispositions applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application. Le recourant s'est déjà exprimé à leur égard lors de son audition du 12 octobre 2022 et a parfaitement compris ce qui lui était reproché. Dans ce cadre, il a donné des explications précises, indiquant en particulier ignorer qu'il n'était pas autorisé à se rendre en Suisse, n'avoir pas remarqué que les individus qui cherchaient à l'interpeller étaient des policiers et n'avoir rien dit à ceux-ci après son arrestation et lors de son transfert au poste de police. Par ailleurs, le fait qu'il ne parle pas français ne suffit pas à fonder la nécessité d'un avocat : l'intéressé a toujours été en mesure de bénéficier d'un interprète et ne prétend pas avoir mal compris certains éléments du dossier ou certaines questions qui lui ont été posées. Quant aux "divergences" relevées par le recourant entre les témoignages des deux policiers, celles-ci ne sont pas suffisantes pour qualifier l'affaire de complexe sur le plan factuel. D'une part, elles pourront être éclaircies par l'audition du troisième témoin cité par le Ministère public, qui instruit tant à charge qu'à décharge. D'autre part, les "divergences" précitées ne paraissent pas, à ce stade, être déterminantes dans la qualification des actes reprochés au recourant. Enfin, on ne saurait suivre l'appréciation du recourant lorsqu'il affirme être "mis en cause" par deux policiers puisque ceux-ci n'ont pas déposé plainte contre lui. Il est ainsi la seule partie à la procédure, de sorte que le principe d'égalité des armes est respecté, et ne commande pas l'assistance d'un avocat.

Partant, en l'absence de cette condition cumulative, la défense d'office ne se justifie pas, et rien ne permet de retenir que d'autres motifs que ceux prévus à l'art. 132 al. 2 CPP justifieraient une défense d'office.

Par conséquent, c'est à juste titre que la défense d'office a été refusée par le Ministère public.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).