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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16783/2022

ACPR/94/2023 du 07.02.2023 sur OTMC/102/2023 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16783/2022 ACPR/94/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 février 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention rendue le 13 janvier 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 26 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 janvier 2023, notifiée le 16 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 16 avril 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate avec les mesures de substitution qu'il propose.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        À teneur des rapports d'interpellation du 9 août 2022 et d'arrestation du lendemain, la police a été appelée, à 18h24, au numéro no. ______ de la rue 1______, à Genève, pour un homme blessé à l'arme blanche au niveau du dos. En montant au deuxième étage de l'immeuble, elle a observé du sang dans les escaliers. Dans l'appartement, elle a été mise en présence de A______, blessé visiblement par arme blanche et allongé dans la baignoire, ainsi que de D______. A______ a désigné E______ comme étant l'auteur de ses blessures.

Ce dernier a été retrouvé un peu plus tard gisant sur le sol devant l'arrêt TPG Métropole, rue du Rhône, également blessé au flanc gauche, visiblement par arme blanche. Lors de son interpellation, un couteau de type couteau de chasse a été découvert dans sa chaussette droite; il a été saisi.

L'appartement de A______, particulièrement insalubre, était encombré par de nombreux meubles, objets et déchets en tous genres; des objets servant à la consommation de stupéfiants, des seringues usagées et de nombreux médicaments y étaient disséminés. Aucun signe évident de lutte n'y a été constaté. La porte palière était fracturée à la hauteur de la poignée, laquelle, arrachée, a été retrouvée sur le palier. Des gouttes de sang étaient visibles sur le sol du couloir d'entrée et de la pièce principale; une quantité plus importante était visible sur le sol de la salle de bain et dans la baignoire; plusieurs traces de sang ont été retrouvées également à l'extérieur de l'appartement, sur les marches d'escaliers, sur le palier du premier étage, dans le hall d'entrée de l'immeuble et sur la poignée intérieure de la porte d'accès du bâtiment.

Un étui de couteau en cuir noir a été retrouvé sur le canapé de la pièce principale; il a été saisi.

Les images issues de la caméra située à l'intersection du boulevard Helvétique et de la rue du Rhône montrent E______ sur un vélo, torse nu et portant un t-shirt sur l'épaule. Venant de la place des Eaux-Vives, il roule sur le trottoir de droite, à la hauteur du numéro ______, en direction de la place Bel-Air. À ladite intersection, il la traverse, sans prêter attention aux véhicules lui coupant la route. Il a une tache sur la partie basse gauche du ventre qui pourrait correspondre à la blessure constatée lorsqu'il sera interpellé, une centaine de mètres plus loin. Sa façon de rouler, quelque peu hasardeuse, laisse penser qu'il n'est pas dans son état normal.

Les deux hommes ont été pris en charge par les secours. D______ et A______ ont été entendus par la police, tandis qu'une audition de E______, qui se trouvait au quartier cellulaire des HUG, n'a pas été possible en raison de son état.

b.        À teneur du rapport de laboratoire de la Brigade de la police technique et scientifique du 10 novembre 2022, le couteau saisi sur E______ est de marque "F______ [marque, modèle]" (selon une inscription présente sur la lame) muni d'un manche recouvert de corde de couleur verte. Le numéro "2______" est inscrit sur la seconde face de la lame. La lame est fixe et lisse avec un côté tranchant; elle présente une longueur d'environ 15,5 cm pour une largeur maximale de 3 cm.

L'étui pour couteau saisi au domicile de A______ est de marque G______ (inscription présente sur l'étui). La zone prévue à la protection de la lame mesure environ 18 cm de long et 5 cm de large au maximum. Un bouton pression permet de fermer une lanière sur le manche du couteau rangé dans cet étui.

L'hypothèse que cet étui est celui du couteau saisi plutôt que celui d'un autre couteau est privilégiée.

L'analyse des prélèvements biologiques a permis d'identifier:

Concernant l'étui:

-        sur les échantillons des traces rougeâtres (sang) prélevés sur le haut de l'étui (partie couvrant le manche) et sur l'étui (partie recouvrant la lame), le profil ADN complet de E______.

-        sur les échantillons effectués aléatoirement sur le corps de l'étui, en évitant les traces rougeâtres, un profil ADN de mélange dont la fraction majeure correspond au profil ADN de E______; le profil ADN de A______ est compatible avec le mélange tandis que celui de D______ est incompatible avec le mélange.

-        sur les échantillons effectués sur le bouton pression pour fermer l'étui, un profil ADN de mélange dont la fraction majeure est vraisemblablement composée des profils ADN de E______ et de D______.

-        sur les échantillons effectués aléatoirement à l'intérieur de l'étui, un profil ADN de mélange composé de plus de 2 profils ADN, les profils ADN de A______ et de D______ étant compatibles avec le mélange, celui de E______ étant incompatible.

Concernant le couteau de chasse:

-        sur les échantillons des traces rougeâtres (sang) face G______ prélevés sur la lame ainsi que proche du manche, face 2______ (sur la lame), ainsi que sur les échantillons effectués aléatoirement sur le manche, un profil ADN de mélange composé de vraisemblablement deux hommes, les profils ADN de E______ et de A______ étant compatibles avec le mélange.

c.         Le constat de lésions traumatiques du CURLM du 24 janvier 2023 a mis en évidence chez A______ les lésions suivantes pouvant entrer chronologiquement en relation avec les faits:

-        trois plaies à bords nets respectivement situées au niveau latéro-thoracique gauche (plaie n° 1), dorsal latéro-thoracique gauche (plaie n° 2), associées à une lacération pulmonaire et un pneumothorax gauche, et de la paume de la main droite (plaie n° 3), présentent les caractéristiques de lésions provoquées par un instrument tranchant ou tranchant et piquant, tel qu'un couteau par exemple. Les plaies constatées au niveau thoracique et dorsal présentent un caractère pénétrant (coup d'estoc), tandis que la plaie constatée au niveau de la paume de la main droite présente un caractère tranchant (mouvement tangentiel de l'objet vulnérant). Par ailleurs, la plaie constatée au niveau de la main droite, de par sa localisation et son aspect, pourrait être interprétée comme une lésion de défense. Le couteau présenté pourrait être à l'origine de l'ensemble des plaies susmentionnées.

-        des ecchymoses au niveau de la pointe du nez, du bras droit, des deux mains et du membre inférieur droit, et des dermabrasions au niveau de la main et de la jambe gauches sont la conséquence de traumatismes contondants (heurts du corps contre un/des objet/s contondant/s, coups reçus par un/des objet/s contondant/s, ou pressions locales fermes pour les ecchymoses), avec une composante tangentielle (frottement) pour les dermabrasions. Elles sont trop peu spécifiques pour pouvoir se prononcer quant à leur origine précise. Toutefois, elles sont compatibles avec une chute dans les escaliers, telle que relatée par l'expertisé

En raison d'un état de choc de A______ ayant nécessité une exsufflation en urgence durant la prise en charge pré-hospitalière et des transfusions sanguines durant la prise en charge hospitalière, les lésions constatées ont concrètement mis en danger la vie de l'expertisé.

d.        Le constat de lésions traumatiques du CURLM du même jour a mis en évidence chez E______ les lésions suivantes pouvant entrer chronologiquement en relation avec les faits:

-        quatre plaies à bords nets respectivement situées au niveau latéro-thoracique gauche (plaie n° 1 à 3; associées à une lacération pulmonaire et un pneumothorax gauche), dont une superficielle (plaie n° 3), et de l'hypochondre gauche (plaie n° 4; associée à un hématome de la paroi gastrique, sans perforation), présentant les caractéristiques de lésions provoquées par un instrument piquant et tranchant, tel que le couteau présenté.

-        une plaie à bords irréguliers d'aspect contus au niveau du cuir chevelu en région pariéto-occipitale gauche, compatible avec un coup reçu à ce niveau avec un ustensile de cuisine.

-        des ecchymoses au niveau de la tempe gauche, du cou à droite, du dos et des membres supérieurs, et des dermabrasions au niveau des membres supérieurs et inférieur droit, trop peu spécifiques pour pouvoir se prononcer quant à leur origine précise, mais toutefois compatibles avec une chute dans les escaliers, telle que relatée par l'expertisé.

E______ a présenté une hypotension artérielle et une tachycardie (sans état de choc) lors de sa prise en charge pré-hospitalière, toutefois la rapidité de prise en charge et les soins prodigués (remplissage vasculaire par solution saline) ont permis une rapide stabilisation de ses paramètres vitaux. Les lésions constatées n'ont pas concrètement mis en danger la vie de l'expertisé.

e.         Le 11 août 2022, le Procureur a prévenu A______ de tentative de meurtre (art. 111 CP cum 22 CP) subsidiairement de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et d'agression (art. 134 CP), et de contravention à l’art. 19a LStup pour avoir à Genève, le 9 août 2022, vers 18h30, au numéro no. ______ de la rue 1______, [code postal] Genève, de concert avec D______, tenté de tuer E______, en lui assénant plusieurs coups de poêle et deux coups de couteau au niveau du flanc gauche lui causant des lésions, ayant nécessité une hospitalisation, en envisageant ou en acceptant pleinement que les coups portés aient une issue fatale au cas où elle se produirait. Il lui est également reproché de consommer régulièrement des stupéfiants, soit de la cocaïne.

La même prévention a été retenue contre D______.

f.         Le même jour, E______ a été prévenu également de tentative de meurtre (art. 111 CP cum 22 CP) subsidiairement de lésions corporelles graves (art 122 CP) et d'agression (art. 134 CP), de dommages à la propriété (art. 144 CP) et de contravention à l'art. 19a LStup pour avoir, en substance, tenté de tuer A______, en lui assénant trois coups de couteau au niveau du flanc gauche et des coups de poing, lui causant des lésions ayant nécessité une opération et une hospitalisation.

g.        Il ressort des déclarations des prévenus s'agissant des coups de couteau que selon:

-        E______: après qu'il eut bloqué avec le pied la porte ouverte par A______, celui-ci était allé chercher un couteau avec lequel il lui avait asséné les coups, lorsqu'ils se trouvaient sur le palier de l'appartement, au second étage. Il avait tiré A______ dans les escaliers jusqu'au 1er étage. Après que ce dernier eut laissé tomber le couteau, il s'en était emparé et avait asséné les coups de couteau à A______.

-        D______: l'altercation s'était passée au deuxième étage; elle n'avait pas vu les coups de couteau, seulement le sang et ne savait pas que E______ avait reçu des coups de couteau (PV d'audience du 11/8/22 p. 3)/ elle avait vu E______ sortir le couteau de sa ceinture et donné un coup à A______, après celui qu'elle avait donné avec la poêle (PV d'audience du 11/8/22 p. 5)/ ce n'était qu'après que E______ eut réussi à descendre A______, que le couteau avait été sorti et qu'elle avait vu E______ donner quatre coups de couteau (PV d'audience du 30/8/22 pp. 17-18-19). Elle n'en avait pas donné plus que A______ qui n'avait pas de couteau sur lui. Elle avait vu E______ sortir le couteau de derrière le dos, au niveau de la ceinture, lorsqu'elle se trouvait sur le palier (PV d'audience du 30/8/22 pp.16-17).

A______: E______ avait reçu un coup de poêle, lui-même un coup de poing au visage de la part de E______ qui l'avait trainé par la jambe dans les escaliers, jusqu'au premier étage où le précité lui avait donné un coup dans le dos. Il était remonté dans son appartement, perdant beaucoup de sang. Il ne se rappelait pas s'il avait saisi le couteau de E______, mais il avait une importante coupure à la main droite/ il avait dû saisir le couteau par la lame mais ne l'avait pas tenu par le manche. Il n'avait pas tenu le couteau au moment des faits, le seul contact avait été avec sa main droite que l'objet avait tranchée (PV d'audience du 30/8/22 p. 17) / E______ avait lâché le couteau lorsqu'il avait hurlé en recevant le coup au poumon; lui-même avait saisi le couteau et sa main avait dérapé sur la lame, Sans qu'il se rende compte sur le moment de la coupure, il avait jeté le couteau au sol (PV d'audience du 3/11/22 p.7).

Les trois prévenus ont déclaré que ni le couteau ni l'étui ne leur appartenaient et qu'ils n'avaient ni vu ni touché ce dernier.

C.           Dans son ordonnance querellée, le TMC a retenu que les charges étaient graves et suffisantes pour justifier le maintien en détention provisoire du prévenu; elles ne s'étaient pas amoindries, au contraire. L'ADN du prévenu avait été retrouvé sur le manche du couteau ainsi que sur et dans l'étui retrouvé dans l'appartement, et ce, alors même que les faits reprochés se seraient déroulés sur le palier et dans la cage d'escalier. L'instruction se poursuivait; notamment avec un prochain rapport concernant les extractions des téléphones de A______ et D______.

Le risque de collusion demeurait très concret, dans la mesure où des contradictions persistaient entre les versions des différents protagonistes et que seules les mesures d'instruction à la suite des constats de lésions traumatiques et extractions des téléphones permettraient d'apporter des éclaircissements déterminants. Il était essentiel, au vu des déclarations contradictoires des parties, d'éviter que les protagonistes s'accordent sur le déroulement des faits, empêchant ainsi la manifestation de la vérité.

Le risque de réitération était tangible, au vu de la gravité des faits reprochés, s'agissant en particulier d'une tentative d'atteinte à la vie. Le risque de nouveaux actes de violence ne pouvait être exclu, en dépit de l'absence d'antécédents spécifiques, au vu de la toxicomanie des trois protagonistes, des relations troubles qu'ils entretenaient, de la violence entre eux par le passé et des tensions très importantes qui existaient au sein de ce trio. Les tensions entre les prévenus semblaient toujours présentes.

Le principe de proportionnalité de la détention provisoire demeurait largement respecté et aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre le but de la détention, au vu des risques retenus. Les mesures proposées par le prévenu, comme une interdiction de contact, une interdiction de se rendre dans certains lieux, voire une assignation à résidence n'étaient pas aptes à réduire ces risques, vu leur intensité en lien avec la gravité des faits reprochés.

D.           a. À l'appui de son recours, le recourant donne une lecture différente des charges pesant contre lui. Son ADN ne se trouvait pas sur le bouton de pression de l'étui, ce qui démontrait qu'il ne l'avait pas ouvert, première étape avant de se saisir du couteau. Son ADN retrouvé sur et dans l'étui pouvait être le résultat d'un transfert et celui trouvé sur la lame et le manche correspondait à ses déclarations. S'agissant du risque de collusion, seul E______ avait une version des faits différente de celle de D______ et de la sienne. Ils avaient été entendus à plusieurs reprises de sorte que le risque d'influence sur l'un ou l'autre était inexistant. Il conteste le risque de réitération, les antécédents des coprévenus ne pouvaient lui être imputé; son casier était vierge; il n'entretenait aucune relation trouble ou violente avec eux. Il allègue la violation du principe de la proportionnalité au regard des précédentes ordonnances du TMC, qui avaient ordonné une prolongation d'un mois et de célérité au motif que le rapport d'analyse des raccordements téléphoniques n'avait pas encore été reçu. Il propose des mesures de substitution: une interdiction de contact, une interdiction de se rendre dans certains lieux, voire une assignation à résidence.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il y avait un risque de collusion vu les déclarations contradictoires des parties et qu'aucun ne dit qui aurait donné les coups de couteau à E______; il convient d'éviter que les protagonistes s'accordent sur le déroulement des faits, empêchant ainsi la manifestation de la vérité. Le risque de récidive se justifiait par la gravité des faits et le contexte de toxicomanie des trois protagonistes, accompagnés d'un relationnel trouble que l'analyse des téléphones des prévenus permettra peut-être d'éclairer. Les mesures de substitution proposées par le prévenu n'étaient pas aptes à réduire les risques, vu leur intensité en lien avec la gravité des faits reprochés.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. Le recourant réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant donne une lecture différente des charges qui pèsent sur lui sans réellement les contester.

À juste titre, il soutient que ni le couteau ni l'étui ne lui appartiennent. Cependant, il est mis en cause par le codétenu pour lui avoir donné les coups de couteau en premier, et son ADN a été retrouvé sur et dans l'étui ainsi que sur le manche et la lame du couteau.

Les charges sont, ainsi, sans conteste graves et suffisantes et il n'appartient pas à la Chambre de céans d'établir les responsabilités de chacun des protagonistes.

3.             Le recourant conteste l'existence du risque de collusion.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. Si E______ a admis avoir donné les coups de couteau au recourant, aucun des deux autres prévenus ne donne d'explications sur ceux reçus par le précité, lesquels ne peuvent être dus à une auto-agression. Le couteau n'appartient à personne et personne n'a vu ni touché l'étui du couteau qui porte cependant des traces ADN des trois protagonistes. Ainsi, même si plusieurs audiences ont été tenues, cet aspect essentiel de la cause reste inexpliqué, les prévenus souhaitant vraisemblablement protéger l'autre et lui-même. Il paraît évident que le recourant, s'il devait être remis en liberté, pourrait être enclin à orienter les déclarations de sa compagne, ou faire pression sur elle, directement ou par l'intermédiaire de tiers.

L'analyse des téléphones portables des prévenus et des données rétroactives de leurs appareils, qui devrait être à bout touchant, permettra probablement d'éclairer les circonstances antérieures aux événements et de préciser leur chronologie. Une audience avec les inspecteurs de la Brigade de police technique et scientifique apparait également essentielle pour établir par qui et comment le couteau et l'étui ont été manipulés. Confrontés à ces nouveaux éléments, les prévenus pourraient être amenés à faire état de souvenirs plus précis.

Vu l'intensité du risque de collusion entre le recourant et sa compagne, les mesures de substitution proposées ne sont pas suffisantes, à ce stade de l'instruction.

4.             L'admission du risque de collusion dispense d'examiner si s'y ajoutent les risques de fuite et de réitération.

5.             Le recourant reproche à l'ordonnance querellée de violer les principes de la célérité et de la proportionnalité.

5.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.2. En l'espèce, aucun retard injustifié ni manquement ne saurait être reproché au Ministère public, l'instruction de la cause suivant son cours à un rythme soutenu.

Le recourant estime que la prolongation, pour trois mois, de sa détention provisoire alors que précédemment elle n'avait été prolongée que d'un mois, à deux reprises, violerait le principe de proportionnalité.

En l'occurrence, au vu des infractions graves reprochées au recourant, la détention ordonnée ne s'approche de loin pas de celle de la peine concrètement encourue s'il devait être reconnu coupable de tous les faits qui lui sont reprochés, étant rappelé qu'il n'appartient pas au juge de la détention de spéculer sur le rôle tenu par un prévenu au regard de celui de ses comparses.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus. L'indemnité du défenseur sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/16783/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

900.00