Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/371/2022 du 27.05.2022 ( PSPECI ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/18/2022 ACPR/371/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 27 mai 2022 |
Entre
A______, domicilié ______, comparant par Me Gaétan DROZ, avocat, MBLD associés, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge,
requérant,
et
B______, Procureure, p.a. Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
citée.
EN FAIT :
A. a. Par requête du 18 mars 2022, reçue le 21 suivant par le Ministère public, A______ a demandé la récusation de la Procureure B______ ainsi que l'annulation et la répétition de l'ensemble des actes d'instruction conduits depuis le 14 décembre 2021 dans la procédure pénale P/1______/2020.
b. Le 4 avril 2022, B______ a transmis cette requête à la Chambre de céans, accompagnée de ses déterminations, datées du 1er avril 2022.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. À la suite de plusieurs plaintes pénales, le Ministère public instruit, depuis le 10 novembre 2021, une enquête sous le n° P/1______/2020 contre A______ pour gestion déloyale (art. 158 CP) et corruption privée passive (art. 322novies CP). La procédure, menée conjointement par les Procureures B______ et C______, a depuis lors été étendue à dix autres prévenus.
En substance, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, dès 2016, en sa qualité d'administrateur de [l'agence immobilière] D______, dans le cadre de plusieurs promotions immobilières organisées sous la structure "quote-part terrain", obtenu le paiement d'honoraires de mise en valeur versés par les clients, s'être fait promettre et verser, en sus des honoraires officiels et à l'insu des clients, des rétrocessions considérables, notamment de la part des sociétés d'entreprise générale E______ SA et F______ SA, en échange de l'adjudication des chantiers et, enfin, adjugé les travaux de construction aux deux sociétés précitées à des prix insuffisants pour leur permettre de rémunérer l'intégralité des sous-traitants, engendrant l'arrêt du chantier.
b. Le 18 novembre 2021, la police, accompagnée par B______, a procédé à l'arrestation de A______, puis à la perquisition de son domicile. Elle a ensuite perquisitionné les locaux de D______, en présence du prénommé (PP 400'008 ss).
Le lendemain, la détention provisoire de l'intéressé a été prononcée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 21 décembre 2021.
c. Dans un rapport du 23 novembre 2021 (PP 400'113.1), la Brigade de criminalité informatique (ci-après : BCI) a informé le Ministère public avoir terminé l'analyse informatique des fichiers saisis lors de la perquisition du 18 novembre 2021. Elle avait procédé à leur indexation sur la plateforme G______. Les données se rapportant à des avocats avaient été exclues sur la base des mots-clés suivants : [suit une liste d'environ 70 noms, adresses e-mail et sites internet].
d. Le 24 novembre 2021, A______ a, par son conseil, demandé la mise sous scellés de tout document saisi pouvant être soumis au secret professionnel de l'avocat.
d.a. Le lendemain, le Ministère public, soit pour lui B______, a répondu que la sélection des pièces ou fichiers visés par la demande de mise sous scellés n'était pas de sa compétence. Dès lors, l'ensemble des données saisies seraient placées sous scellés, et elle demanderait la levée de ceux-ci au TMC dans les plus brefs délais. Elle relevait au passage que, selon le rapport du 23 novembre 2021, A______ avait communiqué aux policiers présents lors de la perquisition des noms de personnes qui ne travaillaient pas en qualité d'avocat, comme des employés de l'entreprise générale H______ SA ou des avocats constitués pour des parties plaignantes, pour lesquels il ne pouvait pas se prévaloir du secret de l'avocat (PP 600'094).
d.b. Le 29 novembre 2021, le conseil de A______ a maintenu sa demande de mise sous scellés. Comme le Ministère public l'observait à juste titre, toutes les personnes dont les noms avaient été fournis par son mandant ne paraissaient pas avoir travaillé en qualité d'avocat mandaté par ce dernier. Il allait faire un point de situation avec son mandant le lendemain.
d.c. Le 30 novembre 2021, le Ministère public a saisi le TMC d'une demande de levée de scellés. Le 7 décembre 2021, A______ a, au vu des garanties fournies par le Ministère public, renoncé aux scellés. Le TMC a dès lors rayé la cause du rôle.
d.d. Le 10 décembre 2021, le Ministère public, prenant note du retrait de la demande, a informé A______ avoir demandé à la BCI de mettre à disposition des enquêteurs toutes les données concernant H______ SA. Pour le surplus, il l'invitait à lui communiquer les noms et les mots-clés figurant dans le rapport du 23 novembre 2021 qui ne concernaient pas ses conseils, tels que les conseils de partenaires commerciaux (par ex : entreprise générale), parties plaignantes ou autres.
e. Le 14 décembre 2021, B______ a requis du TMC la prolongation de la détention provisoire de A______, pour une durée de trois mois.
Dans sa requête, de quatre pages, la Procureure retient, en référence à plusieurs éléments de l'enquête, que les charges pesant sur A______ sont suffisantes (p. 2-3). Elle relève ensuite l'existence d'un risque de collusion avec plusieurs autres personnes, puis affirme ce qui suit (p. 3) :
"Que par ailleurs, le prévenu n'a pas toujours témoigné d'une confiance sans faille jusqu'à ce jour ;
Qu'en particulier, lorsque A______ a fourni des noms d'avocats et d'études d'avocats afin d'expurger les données saisies d'informations susceptibles d'être couvertes par le secret professionnel, lors de la perquisition du 18 novembre 2021 dans les locaux de l'agence D______, il en a profité pour glisser des noms sans lien avec une activité juridique, comme des employés de H______ SA (pp 600'094, 400'113.1) soit l'entreprise qui aurait construit sa villa à un coût réduit, aux frais des autres clients de la promotion (cf. ci-dessus; pp 400'134)".
La requête précise ensuite que l'enquête avait piétiné, sans la faute du Ministère public, du fait de la demande de mise sous scellés de A______, finalement retirée, ce qui avait retardé le travail d'analyse des données saisies et entraîné le report d'une audition qui devait être menée auparavant (p. 3-4).
f. Dans ses déterminations du 17 décembre 2021, le conseil de A______ précise ceci (p. 5) :
"Dans la demande de prolongation, le Ministère public évoque une prétendue tentative de soustraire des documents par le biais du secret professionnel de l'avocat. Au moment d'écrire ces lignes, le soussigné n'a pas été en mesure de tirer au clair cet aspect. A______ le conteste, ceci étant dit. Il ne s'est pas livré à pareille manœuvre qui, au demeurant, était vouée à l'échec. Il semble qu'il s'agit, bien plutôt, d'un malentendu."
g. Le 20 décembre 2021, le TMC a prolongé la détention provisoire pour une durée de cinq semaines, soit jusqu'au 25 janvier 2022. Cette décision retient l'existence de charges suffisante et d'un risque de collusion concret vis-à-vis du prévenu I______, avec lequel une confrontation devait se poursuivre le 22 décembre 2021, ainsi qu'avec cinq autres personnes, dont J______, devant être confrontées à A______ en janvier 2022. Par ailleurs, une première analyse des pièces saisies préalablement à ces auditions était justifiée et n'avait, à ce stade, pas encore pu être effectuée ensuite de la procédure de mise sous scellés initiée – selon son droit – par le prévenu, lequel ne saurait toutefois se plaindre ensuite de l'écoulement du temps durant lequel le Ministère public n'avait pas pu analyser les pièces utiles à son instruction (et non visées par l'art. 264 CPP). Comme A______ avait renoncé à sa demande de mise sous scellés le 7 décembre 2021, l'analyse des pièces devait reprendre, dans le respect du principe de célérité.
L'ordonnance contient ensuite le paragraphe suivant (p. 4) :
"Que d'autres auditions pourraient s'avérer nécessaires en fonction des éléments que l'analyse des pièces saisies pourra apporter, notamment en ce qui concerne les relations du prévenu avec d'autres entreprises générales, notamment H______ SA, étant rappelé que lorsque A______ a fourni des noms d'avocats et d'Etudes d'avocats afin d'expurger les données saisies d'informations susceptibles d'être couvertes par le secret professionnel, lors de la perquisition du 18 novembre 2021 dans les locaux de l'Agence D______, il a également mentionné des noms sans lien avec une activité juridique, comme des employés de H______ SA, soit l'entreprise qui aurait construit sa villa à un coût réduit, aux frais des autres clients de la promotion et étant relevé les déclarations de I______ à cet égard."
h. Le 22 décembre 2021, le Ministère public a entendu A______ et deux autres prévenus – I______ et K______ – en confrontation.
i. Toujours le 22 décembre 2021, A______ a, par son conseil, communiqué au Ministère public une liste de 17 noms et adresses e-mail d'avocats devant être retirés des données saisies. Il contestait fermement s'être livré à une stratégie consistant à "glisser des noms sans lien avec une activité juridique", comme soutenu dans la demande de prolongation de la détention provisoire du 14 décembre 2021. La pièce 400'113.1, sur laquelle se fondait le Ministère public, contenait une série de noms et d'adresses e-mail qu'il ne connaissait pas. Il y avait là manifestement plus de noms que ceux qu'il avait lui-même donnés. Il s'agissait d'un vaste malentendu, qui portait toutefois sur une question importante, à savoir le risque de collusion. Le Ministère public était donc prié d'apporter des éclaircissements sur le fondement de ces affirmations (PP 600'124).
j. Par mandat d'actes d'enquête du 10 janvier 2022, le Ministère public a prié la BCI d'effectuer un nouveau tri des données en les expurgeant de la liste de mots-clés communiquée par A______ le 22 décembre 2021, puis de les mettre à disposition sur la plateforme G______ et de lui dire comment les mots-clés figurant dans le rapport du 23 novembre 2021 avaient été choisis (PP 400'590).
k. Par lettre du 13 janvier 2022, A______ a prié le Ministère public de bien vouloir répondre à sa demande d'éclaircissements du 22 décembre 2021. Selon le sort réservé à cette correspondance, il entendait en effet soumettre derechef au TMC la question du risque de collusion.
Le 17 janvier 2022, B______ a répondu avoir adressé le 10 janvier 2022 un mandat d'actes d'enquête à la police pour connaître l'origine des mots-clés et rester dans l'attente du rapport de cette dernière (PP 600'130).
l. Dans un rapport daté du 17 janvier 2022, les inspecteurs de la BCI ont indiqué que, pour établir la liste des mots-clés de leur rapport du 23 novembre 2021, ils avaient procédé à un pointage, sur la base des mots "avocat" et "étude", dans le but de répertorier et établir la liste des éléments à exclure.
Selon une note au dossier de la greffière datée du 14 mars 2022, ce rapport avait été adressé le lendemain par la police au Ministère public, mais ne lui était pas parvenu. La greffière en avait demandé une copie, qui lui avait été envoyée par e-mail le 3 mars 2022. Cette copie était versée au dossier.
m. Le 19 janvier 2022, le Ministère public a demandé au TMC la prolongation de la détention provisoire de A______, pour une durée de deux puis (deux paragraphes après) trois mois.
m.a. La demande se fondait sur une récente extension de l'instruction à l'encontre du prénommé, sur l'analyse en cours des données saisies chez D______, interrompue entre le 21 décembre 2021 et le 10 janvier 2022 en raison d'une faille de sécurité, sur la nécessité de procéder à sept nouvelles audiences au minimum, mais plus sur la problématique des noms fournis par A______ lors de la perquisition.
m.b. Le 20 janvier 2022, A______ a, à l'issue d'une audience de confrontation avec deux autres prévenus, I______ et J______, demandé sa mise en liberté.
Les jours suivants, le Ministère public a encore entendu plusieurs prévenus, seuls ou en confrontation.
m.c. Le 28 janvier 2022, le TMC a ordonné la mise en liberté immédiate de A______, sous mesures de substitution. Le risque de collusion, avec les co-prévenus notamment, était concret, mais devait être relativisé au vu du temps écoulé depuis l'arrestation, des engagements pris par le prévenu, de la documentation saisie lors des perquisitions ainsi que des auditions et confrontations déjà effectuées. Par ailleurs, à l'instar de ce qui prévalaient pour les co-prévenus, ce risque pouvait être suffisamment contenu moyennant une interdiction stricte de contact. Enfin, si la bonne collaboration dont se prévalait A______ devait être relativisée eu égard aux éléments mis en exergue par le Ministère public, cela n'imposait pas une autre solution.
n. Depuis l'ouverture de l'instruction, le Ministère public a procédé – lui-même ou par l'intermédiaire de la police – à de nombreuses auditions, dont certaines en l'absence des autres parties à la procédure et de leurs conseils.
n.a. A______ s'en est plaint à plusieurs reprises – notamment les 27 janvier et 8 février 2022 –, estimant que ce procédé violait l'art. 147 CPP et les droits de la défense et exigeant qu'une décision formelle soit rendue à cet égard.
n.b. En dernier lieu, le Ministère public a, le 3 mars 2022, délégué à la police l'audition de L______ et de M______ – directeur, respectivement ex-employé de H______ SA – en qualité de prévenus. Le mandat d'actes d'enquête, qui mentionne les voies de droit, précise qu'au vu de la nécessité d'administrer des preuves principales, les auditions se feront en l'absence des autres parties et de leurs conseils (PP 400'514).
L______ et M______ ont été arrêtés et entendus par la police en date du 7 mars 2022 (PP 400'518).
Le 8 mars 2022, le Ministère public a adressé une copie du mandat d'actes d'enquête du 3 mars 2022 au conseil de A______ (PP 400'516), qui l'a reçue le lendemain matin, selon le suivi des recommandés de la Poste.
n.c. Le 8 mars 2022, le Ministère public, représenté par C______, a entendu L______ en qualité de prévenu, en l'absence des parties (PP 500'252). À l'issue de l'audience – d'une durée de trente minutes –, il a ordonné sa mise en liberté, moyennant des mesures de substitution.
n.d. Le 9 mars 2022, le Ministère public, représenté cette fois-ci par B______, a entendu L______ et M______ en présence des autres parties, dont A______, et de leurs conseils (PP 500'256). En début d'audience, le conseil de A______ a déclaré apprendre "à l'instant" que M______ avait déjà été entendu (PP 500'258).
C. a. À l'appui de sa requête de récusation, A______ expose avoir eu connaissance du motif de récusation au moment de la réception, par son conseil, du rapport de la BCI, soit le 15 mars 2022. Ce rapport démontrait que les reproches de B______ dans la demande de prolongation de la détention provisoire du 14 décembre 2021 – avoir "glissé des noms sans lien avec une activité juridique" – n'avaient strictement aucun fondement. Au terme de l'audience de confrontation du 22 décembre 2021, son conseil avait interpellé la Procureure à ce sujet, qui lui avait répondu tenir cette information de la police. Elle avait pris note que le "stratagème" était contesté et offert de le faire acter au dossier par la police. Alors qu'il était détenu "sur la base" des soupçons litigieux, B______ avait attendu le 10 janvier 2022 pour interpeller la police. Le rapport du 17 janvier 2022 permettait de constater que les mots-clés figurant dans le rapport du 23 novembre 2021 n'émanaient pas de lui, mais de la BCI elle-même. Le TMC avait ainsi été "induit en erreur" par des affirmations fausses tenues par B______. Même si ces accusations devaient relever d'une négligence, ils traduisaient d'une prévention à son endroit. La prénommée n'avait en outre pris aucune mesure adéquate pour réparer son errance, attendant le 10 janvier 2022 pour interpeller la police, le 3 mars 2022 pour obtenir une réponse, puis le 15 mars 2022 pour l'en informer, malgré de nombreuses relances. Il était resté en détention quelque dix jours après que la police avait rendu son rapport du 17 janvier 2022.
Par ailleurs, et "très à la marge" de ce qui précédait, l'instruction était menée en violation désormais systématique du principe du contradictoire et du droit des parties de participer aux actes d'enquête. Il s'en était déjà plaint à de nombreuses reprises. Il avait connaissance de dix-huit audiences ou auditions menées par le Ministère public ou la police sans avis préalable. Il en avait appris l'existence a posteriori, de manière à rendre vain tout éventuel recours, alors qu'il avait déjà été entendu en détail sur les charges. Le délai légal était, ici aussi, respecté : il avait eu connaissance le 14 mars 2022 seulement, lors de la réception du plan de classement mis à jour, que L______ avait été entendu les 7 et 8 mars 2022 par la police, puis par le Ministère public. Il n'avait pas encore connaissance de ses déclarations ni des ordonnances suspendant le caractère contradictoire de l'instruction.
b. Dans ses déterminations du 1er avril 2022, B______ conclut au rejet de la requête et apporte les précisions suivantes : lors de la perquisition dans les locaux de [l'agence] D______, les inspecteurs de la BCI avaient, avec la collaboration de A______, examiné les données disponibles sur le serveur. Elle-même s'était concentrée principalement sur les documents se trouvant dans le bureau de J______. Sur question de sa part, elle avait été informée oralement par un inspecteur de la BCI que les mots-clés listés dans le rapport du 23 novembre 2021 avaient été fournis par A______ lui-même lors de la perquisition. Dans ses déterminations sur la demande de prolongation de détention du 17 décembre 2021, A______ n'avait pas contesté l'allégué selon lequel il était à l'origine des mots-clés litigieux. À l'issue de l'audience du 22 décembre 2021, le conseil du prévenu lui avait appris que ce dernier le contestait. Elle l'avait informé de la source de ses informations et avait effectivement proposé de clarifier la question par une demande écrite à la BCI, précisant qu'elle n'avait elle-même pas assisté aux échanges entre le prévenu et les inspecteurs. Elle avait ensuite été absente du 24 décembre 2021 au lundi 10 janvier 2022. À son retour, elle avait établi un mandat d'actes d'enquête à la BCI afin de clarifier l'origine des mots-clés. Sachant ce point contesté, elle n'en avait pas fait mention dans sa demande de prolongation de détention du 19 janvier 2022. Le rapport de la BCI, établi le 17 janvier 2021, n'était jamais parvenu au Ministère public. À plusieurs reprises, sa greffière avait cherché à savoir où se trouvait ce rapport. Finalement, une copie, reçue le 3 mars 2020, avait été versée au dossier.
Elle ne contestait pas aujourd'hui que A______ n'était pas à l'origine des mots-clés figurant dans le rapport du 23 novembre 2021. L'affirmation litigieuse avait été présentée dans un allégué à l'appui d'une demande au TMC et non comme un fait sur lequel elle se serait appuyée pour rendre une décision. Contrairement à d'autres allégués de la demande, il n'était pas assorti d'une référence à une pièce de la procédure. Rien ne permettait de retenir que cet argument avait été déterminant dans la décision du TMC d'ordonner la prolongation de la détention provisoire, pour une durée limitée à cinq semaines. Enfin, et surtout, elle croyait à la réalité de l'allégué à l'époque où elle l'avait rédigé. Elle n'avait jamais eu l'intention de spéculer sur un fait, de sciemment fournir des informations fausses au TMC ou de le tromper de quelque manière que ce soit. A______ ne le prétendait pas. Le fait, pour le TMC, de reprendre son allégué, certes erroné, mais non contesté, qui n'apparaissait pas le motif principal de sa décision, ne lui semblait pas suffisant pour fonder une apparence de prévention.
Quant à la violation alléguée de l'art. 147 CPP, le dernier mandat d'actes d'enquête avait été reçu par A______ le 9 mars 2022, soit neuf jours avant la demande de récusation. Par ailleurs, l'art. 147 CPP ne s'appliquait pas aux auditions portant sur le risque de fuite et les mesures de substitution, dont certaines n'avaient pas été conduites par ses soins. Le procès-verbal de ces auditions avait été versé au dossier et était consultable par les parties. Pour les autres auditions litigieuses, des décisions formelles d'exclusion des parties avaient toujours été actées au dossier et, pour certaines d'entre elles, notifiées à A______ (cf. ch. 16 ss). Ce dernier n'avait jamais contesté ces décisions, réservant son argument pour appuyer sa demande de récusation. Enfin, une audience de confrontation avait été tenue à la suite de chacune des auditions litigieuses.
c. Le 7 avril 2022, le Ministère public, soit pour lui C______, a transmis à la Chambre de céans une copie du pli que A______ lui avait adressé – et anticipé par e-fax – le jour même, accompagnée de sa réponse.
Dans ce courrier, A______, se basant sur les déterminations de B______ à la Chambre de céans, annonce vouloir "instruire plus avant le chemin suivi par le rapport de la BCI du 17 janvier 2022". Il sollicitait six actes distincts (confirmations, par B______, sur le moment de sa connaissance du rapport de la BCI et absence de contact informel avec la BCI ; versement au dossier de plusieurs documents ; documenter les recherches faites par sa greffière) et souhaitait connaître le nom de l'inspecteur de la BCI qui avait donné les fausses informations, rappelant que les membres de la police pouvaient eux aussi être récusés.
Dans sa réponse, C______ invite A______ à faire part de ses réquisitions de preuves ainsi que de ses observations à ce sujet directement auprès de la Chambre de céans.
d. Dans ses observations du 11 avril 2022, A______ reproche à B______ d'avoir traité la situation avec désinvolture, d'une part en attendant son retour de vacances pour interpeller la police, d'autre part en attendant le mois de mars pour obtenir une réponse écrite et la verser au dossier. Contrairement à ce qu'elle prétendait dans ses déterminations, il avait bien contesté être l'auteur de la liste de mots-clés dans ses écritures au TMC. Par ailleurs, l'allégué litigieux de la prénommée, présenté comme une affirmation, sans précaution de langage (usage du conditionnel), était bien assorti de références à deux pièces du dossier. Dans sa lettre du 25 novembre à son (précédent) conseil, B______ ne prétendait pas tirer l'information d'une discussion avec un inspecteur de la BCI, mais du rapport du 23 novembre 2021 lui-même, ce qui était, "objectivement parlant", faux. Il était impossible de déterminer le poids joué par l'allégation litigieuse dans la décision du TMC de prolonger sa détention provisoire. Cette question excédait toutefois l'objet du litige, qui se limitait au point de savoir si l'allégation fausse et le comportement postérieur traduisaient une apparence de prévention.
Le rapport de la BCI du 17 janvier 2022 "quittançait" le fait que l'ensemble des données perquisitionnées en novembre 2021 et janvier 2022 était sur la plateforme G______. Or, le Ministère public n'avait évidemment pas attendu le 3 mars 2022 pour traiter les données qui étaient à sa disposition dès le 17 janvier déjà. Le 7 avril 2022, il avait demandé certaines explications au Ministère public, lequel, par courrier du même jour, avait refusé d'y donner suite, "du moins spontanément". Il lui aurait pourtant suffi de démontrer qu'il n'avait jamais reçu le rapport litigieux avant le 3 mars 2022 pour "rassurer tout le monde". Ce refus, comme celui de révéler le nom de l'inspecteur en cause, étaient de nature à augmenter l'apparence de prévention.
Son sentiment de prévention à l'endroit de la Procureure ne découlait pas uniquement de "l'affaire des mots-clés" : alors que l'enquête visait désormais onze prévenus, les seules montres et voiture ayant été séquestrées ainsi que le seul téléphone ayant été restitué après quatorze jours (contre zéro pour les autres) avaient été les siens.
S'agissant enfin de l'instruction non contradictoire, la lecture des procès-verbaux de certaines auditions listées par le Ministère public permettait de constater qu'elles n'avaient pas porté sur le risque de collusion et les mesures de substitution. L'art. 147 CPP était alors pleinement applicable. Il n'avait pas recouru contre la suspension du caractère contradictoire de l'instruction car il n'en avait eu connaissance qu'après la tenue de l'audience, de sorte qu'un recours aurait été irrecevable, conformément à la jurisprudence de la Chambre de céans. Il retirait toutefois sa conclusion, prématurée, tendant à la répétition des actes d'instruction (art. 60 CPP), mais concluait, à titre "très subsidiaire", à ce que B______ se voit exhortée à respecter l'art. 147 CPP et la jurisprudence y relative, notamment en avisant les parties au minimum dix jours avant la tenue de toute audience non contradictoire.
EN DROIT :
1. 1.1. Aux termes de l'art. 59 al. 1 let. b CPP, lorsqu'un motif de récusation au sens de l'art. 56, let. a ou f, est invoqué ou qu'une personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale s'oppose à la demande de récusation d'une partie qui se fonde sur l'un des motifs énumérés à l'art. 56, let. b à e CPP, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement, par l'autorité de recours, lorsque – comme en l'espèce – le ministère public est concerné (cf. ATF 148 IV 17 consid. 2.3).![endif]>![if>
À Genève, l'autorité de recours, au sens de cette disposition, est la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ)
1.2. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP).![endif]>![if>
La récusation doit être demandée "sans délai", c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3). Les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six ou sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, tandis qu'ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois, deux à trois semaines ou vingt jours après que son auteur a pris connaissance du motif de récusation. Dans l'examen du respect des exigences de l'art. 58 al. 1 CPP, il convient notamment de prendre en compte les circonstances d'espèce ainsi que le stade de la procédure ; considérer que le droit de demander la récusation est perdu doit être apprécié avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_65/2022 du 18 mars 2022 consid. 3.1). Il incombe à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier de rendre vraisemblable le moment de la découverte de ce motif (arrêt du Tribunal fédéral 1B_305/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.2.1).
Lorsque seule l'accumulation de plusieurs incidents fonde l'apparence d'une prévention, il doit être tenu compte, dans l'examen de l'éventuel caractère tardif d'une requête de récusation, du fait que le requérant ne puisse réagir à la hâte et doive, le cas échéant, attendre afin d'éviter le risque que sa requête soit rejetée. Il doit ainsi être possible, en lien avec des circonstances nouvellement découvertes, de faire valoir des faits déjà connus, si seule une appréciation globale permettait d'admettre un motif de récusation, bien qu'en considération de chaque incident pris individuellement, la requête n'aurait pas été justifiée. Si plusieurs occurrences fondent seulement ensemble un motif de récusation, celle-ci peut être demandée lorsque, de l'avis de l'intéressé, la dernière de ces occurrences était la "goutte d'eau qui faisait déborder le vase" (arrêt du Tribunal fédéral 1B_265/2021 du 9 septembre 2021 consid. 3). Dans un tel cas, l'examen des événements passés, dans le cadre d'une appréciation globale, n'est admis que pour autant que la dernière occurrence constitue en elle-même un motif de récusation ou à tout le moins un indice en faveur d'une apparence de prévention (arrêts du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 ; 1B_305/2019 précité consid. 3.4.2.1).
Cependant, même s'il est admis que la partie qui demande la récusation d'un magistrat puisse se prévaloir, au moment d'invoquer une suspicion de prévention, d'une appréciation globale des erreurs qui auraient été commises en cours de procédure, il ne saurait pour autant être toléré qu'une répétition durable de l'accusation de partialité apparaisse comme un moyen de pression sur le magistrat pour l'amener progressivement à se conformer aux seules vues de la partie. Il a ainsi été jugé que l'exigence temporelle ressortant de l'art. 58 al. 1 CPP exclut qu'après avoir constitué une sorte de "dossier privé" au sujet d'erreurs de procédure commises au fil du temps par le magistrat en cause, la partie puisse choisir librement le moment où la demande de récusation est formée (arrêts du Tribunal fédéral 1B_118/2020 précité consid. 3.2 ; 1B_305/2019 précité consid. 3.4.2.1).
1.3. En l'espèce, la requête de récusation, qui date du 18 mars 2022, se fonde sur deux motifs de récusation distincts.![endif]>![if>
1.3.1. En premier lieu, une série de reproches au sujet de ce que le requérant nomme "l'affaire des mots-clés", qui aurait trouvé son paroxysme le 15 mars 2022, date à laquelle il avait reçu le rapport de la BCI du 17 janvier 2022. Déposée trois jours plus tard, la requête paraît l'avoir été "sans délai" au sens de l'art. 58 al. 1 CPP. Cependant, on constate que le requérant avait connaissance du motif de récusation plus tôt. Tel est notamment le cas du grief selon lequel la citée aurait allégué des faits faux dans sa requête au TMC du 14 décembre 2021 – date à laquelle il fait d'ailleurs remonter sa conclusion (entretemps retirée) en annulation des actes entrepris –, étant précisé que, dès le 17 décembre suivant, le requérant a contesté être l'auteur de la manœuvre qui lui était reprochée. Tel est également le cas lorsqu'il fait grief à la citée d'avoir attendu jusqu'à son retour, le 10 janvier 2022, pour interpeller la police sur cette problématique ; le requérant avait en effet été informé de l'existence du mandat d'actes d'enquête le 17 janvier 2022 déjà (let. B.k. supra). Dans la mesure toutefois où il se plaint de la désinvolture avec laquelle la citée a traité la situation dans son ensemble, la question de la tardiveté peut rester ici ouverte, les reproches liés à ce premier motif de récusation étant de toute manière infondés, comme on le verra ci-après.![endif]>![if>
1.3.2. En second lieu, le requérant se plaint d'une violation systématique du principe du contradictoire, même s'il reconnaît qu'elle se situe "très à la marge" de son grief principal. Il ne conteste pas s'en être déjà plaint à plusieurs reprises auprès de la citée, en des termes qui, s'ils ne contenaient pas explicitement d'accusation de partialité, pouvaient néanmoins être compris, par cette dernière, comme un moyen de pression sur sa manière de mener l'instruction. On renvoie notamment à sa lettre du 8 février 2022, qui contient une liste des auditions litigieuses similaire à celle figurant dans la demande de récusation. Si le requérant estimait que la violation de son droit de participer à l'administration des preuves fondait une apparence de prévention chez la citée, on ne voit pas ce qui l'empêchait de demander la récusation de cette dernière immédiatement, et non à l'occasion d'une demande de récusation déposée plusieurs semaines plus tard et fondée sur une toute autre problématique. En s'abstenant d'agir à l'époque, le requérant s'est accommodé de la situation et a vu son droit se périmer. ![endif]>![if>
Certes, à l'appui de sa demande, il se fonde sur de nouvelles auditions, notamment celles de L______ des 7 (police) et 8 (Ministère public) mars 2022, dont il dit avoir appris l'existence le 14 mars 2022 seulement, à réception de l'index de la procédure, sans avoir encore connaissance de la restriction de son droit d'y participer. Or, comme le relève la citée, le requérant a été informé le 9 mars 2022 déjà qu'il n'avait pas le droit de participer à la première de ces auditions, lorsque le mandat d'actes d'enquête du Ministère public lui a été notifié. Peu importe qu'il n'ait appris que le 14 mars 2022 que l'audition avait déjà eu lieu. Quant à la seconde audition de L______, le 8 mars 2022 par le Ministère public, elle n'a pas été menée par la citée, mais par la seconde Procureure en charge de la procédure, de sorte qu'elle ne saurait fonder une prévention de celle-là. Le requérant a également appris l'existence de la restriction de son droit de participer à l'audition de M______ par la police le 9 mars 2022 au plus tard, à réception du même mandat d'actes d'enquête, voire lors de l'audience du même jour devant le Ministère public. Sa requête de récusation, déposée neuf jours plus tard, paraît dès lors tardive au sens de l'art. 58 al. 1 CPP et de la jurisprudence y relative.
Il n'en va pas autrement des nouveaux motifs, invoqués par le requérant pour la première fois dans ses observations, relatifs à une différence de traitement avec ses co-prévenus quant aux séquestres prononcés au cours de l'instruction.
2. Le requérant estime que le comportement de la cité traduirait une apparence de prévention à son encontre, soit un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP. ![endif]>![if>
2.1. Un magistrat est récusable selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs que ceux prévus aux let. a à e, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 ; 143 IV 69 consid. 3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_536/2021 du 28 janvier 2022 consid. 4.1).![endif]>![if>
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention sous l'angle de l'art. 56 let. f CPP; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1 et 2.3.2).
Dans le cadre de l'instruction, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête (ATF 138 IV 142 consid. 2.2.1). Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte (arrêt du Tribunal fédéral 1B_320/2021 du 12 août 2021 consid. 3.1). Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1). De manière générale, ses déclarations – notamment celles figurant au procès-verbal des auditions – doivent être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêts du Tribunal fédéral 1B_255/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1B_192/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.1).
2.2. En l'espèce, le litige trouve sa source dans la demande de prolongation de la détention provisoire du 14 décembre 2021, dans laquelle la citée affirme, pour justifier le risque de collusion, que le requérant n'avait pas toujours témoigné d'une confiance sans faille puisque, lors de la perquisition du 18 novembre 2021, il avait "glissé", parmi les noms d'avocats devant servir à retrancher les documents couverts par un secret professionnel, des noms sans lien avec une activité juridique, notamment des employés de H______ SA. Il a depuis lors été établi que le requérant n'avait pas agi ainsi et que cette affirmation était erronée. ![endif]>![if>
Le requérant reproche à la citée d'avoir, ce faisant, "induit en erreur" le TMC, en lui communiquant une information fausse et non actée à la procédure. Or, contrairement à ce que le verbe "induire" sous-entend, aucun élément ne permet d'affirmer que la citée connaissait, déjà à l'époque, le caractère erroné des affirmations litigieuses. Elle a expliqué tenir cette information d'un inspecteur de la BCI, qui lui avait annoncé par oral que la liste de mots-clés du rapport du 23 novembre 2021 provenait du requérant lui-même. Compte tenu du fait que, lors de la perquisition du 18 novembre 2021, le requérant était physiquement présent lors de l'examen, par les inspecteurs de la BCI, des données figurant sur le serveur de l'entreprise – ce qu'il ne conteste pas –, la citée n'avait pas de raison de douter de la véracité de l'information qui lui avait été transmise, ce d'autant moins qu'elle reconnaît n'avoir pas elle-même assisté aux échanges entre le prévenu et les inspecteurs, occupée à trier les documents se trouvant dans le bureau de J______. Cette vision des choses est confortée par la lettre du 25 novembre 2021 relative à la procédure de scellés, dans laquelle la citée relève que le requérant avait communiqué aux policiers présents lors de la perquisition des noms autres que ceux de ses avocats (cf. let. B.d. supra). À cet égard, il ne peut lui être reproché, sous l'angle d'une apparence de prévention, de s'être alors trompée en affirmant que cet élément ressortait du rapport du 23 novembre 2021 : compte tenu des circonstances de la perquisition, elle pouvait raisonnablement inférer dudit rapport que la liste qu'il contenait avait été donnée par le requérant aux inspecteurs de la BCI présents à ses côtés.
Nantie de cette information, la citée en a ensuite fait état dans sa demande de prolongation – soit une procédure dans laquelle le Ministère public intervient en tant que partie et peut dès lors prendre une position plus orientée –, à côté d'un certain nombre d'autres arguments. Contrairement à ce que prétend une nouvelle fois le requérant (même s'il admet ensuite que ce point excède l'objet du litige), on ne saurait retenir que cette allégation ou cette affirmation aurait servi de "base" à la décision du TMC de prolonger sa détention provisoire jusqu'au 25 janvier 2022. Si, dans son ordonnance du 20 décembre 2021, le TMC s'y réfère, c'est surtout pour affirmer que, sous l'angle du risque de collusion, des auditions d'employés de H______ SA "pourraient s'avérer nécessaires", en fonction du résultat de l'analyse, toujours en cours, des pièces saisies. L'essentiel de son raisonnement quant au risque de collusion se concentre toutefois sur six personnes devant encore être confrontées au requérant d'ici à janvier 2022, une fois l'analyse des pièces saisies terminée.
Ce qui précède permet de répondre à un autre reproche soulevé par le requérant à l'encontre de la citée : celui d'avoir agi avec désinvolture en attendant son retour de vacances, le 10 janvier 2022, pour interpeller la police, alors qu'elle savait depuis le 22 décembre 2021 déjà qu'il contestait la manœuvre qui lui était reprochée et souhaitait des éclaircissements. Outre que le requérant n'était pas démuni de tout moyen contre l'inaction du Ministère public, il faut retenir que, dès lors que sa détention venait d'être prolongée avant tout pour permettre une première analyse des données saisies puis, sur cette base, une confrontation avec plusieurs co-prévenus et participants à la procédure au mois de janvier 2022, la citée pouvait valablement penser que, tant que ces actes n'auraient pas eu lieu, le risque de collusion restait suffisant pour maintenir le requérant en détention, sans qu'il faille instruire en urgence la question de la liste de mots-clés. Dans cette mesure, le fait d'avoir attendu le 10 janvier 2022 pour adresser un mandat d'actes d'enquête à la police ne peut être qualifié d'erreur permettant de fonder une apparence de prévention.
C'est le lieu de préciser que, dès lors qu'elle savait cette question controversée, la citée n'en a plus fait état dans sa nouvelle demande de prolongation de la détention du 19 janvier 2022, ce qui ne laisse pas non plus soupçonner une attitude partiale, au contraire. Si, le 28 janvier suivant, le TMC a ordonné la mise en liberté du requérant, c'est notamment en raison de la tenue de confrontations récentes avec des co-prévenus déjà mentionnés dans sa précédente ordonnance du 20 décembre 2021, ce qui montre bien que cet élément avait, à l'époque, joué un rôle décisif dans sa décision de prolonger de cinq semaines la détention provisoire du requérant.
Ensuite, l'erreur dans la notification du rapport de la BCI du 17 janvier 2022 n'est pas le fait de la citée. Il ne saurait lui être reproché d'avoir tardé à en obtenir une copie, dès lors qu'il ressort de la note au dossier du 14 mars 2022 et de ses déterminations à la Chambre de céans que sa greffière avait cherché à plusieurs reprises à savoir où ledit rapport se trouvait. Il n'y a pas lieu de remettre en question ces explications, ni de demander à ce qu'elles soient plus amplement documentées, comme le requérant le laisse entendre dans sa lettre du 7 avril 2022. Dès lors qu'une procédure de récusation était en cours, il n'était pas critiquable, pour le Ministère public – représenté non pas par la citée, mais par l'autre magistrate en charge de la procédure –, de transmettre ce pli à la Chambre de céans, étant précisé que, même si l'art. 59 al. 1 CPP prévoit que le litige est tranché "sans administration supplémentaire de preuves", toute instruction n'est pas pour autant exclue, notamment lorsque le motif de l'art. 56 let. f CPP est invoqué (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_186/2019 du 24 juin 2019 consid. 4.1).
Le point de savoir si une récusation de l'inspecteur de la BCI ayant donné l'information litigieuse pourrait entrer en considération excède l'objet du litige (cf. art. 59 al. 1 let. a CPP). On relèvera toutefois que le nom des deux policiers ayant réalisé la copie, l'indexation et le tri – à l'aide de la liste de mots-clés faussement imputée au requérant – des données saisies lors de la perquisition figurait déjà dans le rapport du 23 novembre 2021, et que ces enquêteurs sont également les auteurs du rapport du 17 janvier 2022. La citée, qui n'a pas formellement refusé de donner le nom de l'inspecteur en question, pouvait considérer que le requérant disposait de suffisamment d'éléments pour demander, le cas échéant, la récusation de l'intéressé. Son refus, même tacite, de donner une suite immédiate au pli du 7 avril 2022 ne constitue dès lors pas un indice de prévention.
Le temps écoulé entre la réception d'une copie du rapport du 17 janvier 2022 par e-mail (3 mars 2022) et son versement effectif au dossier (14 mars 2022) n'est pas non plus critiquable, étant rappelé que le requérant ne se trouvait alors plus en détention provisoire. Rien ne permet d'affirmer que la citée disposait déjà des données indexées et expurgées conformément à son mandat d'actes d'enquête du 10 janvier 2022 et qu'elle aurait tardé à en informer le requérant. Elle lui a d'ailleurs adressé une copie du rapport dès qu'il a été versé au dossier, puisqu'il dit l'avoir reçu le 15 mars 2022. Enfin, les quelques approximations ou erreurs contenues dans les déterminations de la citée à la Chambre de céans – allégué sans références à des pièces au dossier et absence de de contestation dudit allégué de la part du requérant – ne suffisent pas à fonder un soupçon de parti pris de la part de la Procureure.
Il s'ensuit que les reproches formulés en lien avec "l'affaire des mots-clés" ne constituent pas un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP.
2.3. Même s'il a été vu que la requête était à cet égard tardive (cf. consid. 1.3.2. supra), le second motif invoqué par le requérant, soit la violation du principe du contradictoire, n'aurait de toute manière pas justifié la récusation de la citée. ![endif]>![if>
En effet, il a manifestement trait à la manière dont est conduite l'instruction, pour laquelle le recourant dispose, quoi qu'il en dise, de moyens de contrôle, notamment en demandant le retrait du dossier ou le caviardage de déclarations à charge récoltées en violation de son droit de participer à l'administration des preuves (cf. art. 147 al. 4 CPP), puis en recourant auprès de la Chambre de céans contre une éventuelle décision négative du Ministère public (arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2021 du 26 novembre 2021 consid. 2.4 et 2.4.3 ; ACPR/172/2022 du 10 mars 2022 consid. 1 ; cf. aussi ACPR/905/2021 du 12 décembre 2021, cité par le requérant, qui réserve expressément cette possibilité [consid. 1.3.3, 1.5 et 1.6]). Cette voie lui permet de faire constater et de redresser d'éventuelles erreurs commises par la citée, aussi pour le cas où il n'apprend l'existence d'auditions non contradictoires que postérieurement, à réception de mandats d'actes d'enquête restreignant son droit de participer. Il est rappelé ici que la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de remettre en cause la manière dont la procédure est menée. En tout état, les violations de l'art. 147 CPP alléguées, à supposer qu'elles soient réalisées, ne peuvent être qualifiées d'erreurs particulièrement lourdes ou répétées au sens de la jurisprudence, compte tenu également de l'ampleur de la procédure, qui porte sur un vaste complexe de faits (plusieurs promotions immobilières concernées) et vise de nombreux prévenus, entre lesquels subsiste un risque de collusion important.
Enfin, la présente cause n'est en aucun cas comparable à celle ayant fait l'objet de l'arrêt cité par le requérant (arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2017 du 7 février 2018), dans lequel il était question de violations systématiques du droit du prévenu de participer à l'administration des preuves, mais également de l'audition d'une témoin sous des mesures de protection qui n'étaient pas justifiées et, surtout, du non-versement au dossier de la procédure de détention de moyens de preuve à décharge, voire même de potentielles incitations ou promesses faites à des victimes en échange de déclarations à charge.
Il s'ensuit que ce second motif, que le requérant qualifie lui-même d'accessoire ou de "très à la marge" du premier, ne justifie pas non plus la récusation de la citée. En conséquence, il n'y a pas lieu de donner suite à la conclusion "très subsidiaire" du requérant, prise au stade des observations seulement, tendant à ce que la citée soit exhortée à respecter à l'avenir les réquisits de l'art. 147 CPP.
3. Partant, la demande de récusation visant la Procureure B______ est, dans la mesure de sa recevabilité, infondée, et doit être rejetée.![endif]>![if>
4. En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 2'000.-.![endif]>![if>
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette la requête de récusation de B______, dans la mesure de sa recevabilité.
Condamne A______ aux frais de la procédure de récusation, arrêtés à CHF 2'000.-.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, ainsi qu'à B______.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PS/18/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
|
|
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1915.00 |
- | CHF | |
Total | CHF | 2'000.00 |