Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/267/2025 du 28.07.2025 sur JTDP/1069/2024 ( PENAL ) , ADMIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/20143/2021 AARP/267/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 28 juillet 2025 |
Entre
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
appelant,
contre le jugement JTDP/1069/2024 rendu le 10 septembre 2024 par le Tribunal de police,
et
A______, domicilié c/o M. B______, ______ [GE], comparant par Me Renato CAJAS, avocat, PBM Avocats SA, boulevard Georges-Favon 26, case postale 48, 1211 Genève 8,
intimé.
EN FAIT :
A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement JTDP/1069/2024 du 10 septembre 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) pour des excès de vitesse commis les 6 août et 6 septembre 2021. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de neuf mois, assortie du sursis (délai d'épreuve de trois ans), ainsi qu'à une amende à titre de sanction immédiate de CHF 1'500.- (peine privative de liberté de substitution de 15 jours), frais de la procédure à sa charge.
Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce que A______ soit reconnu coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR) pour l'excès de vitesse du 6 septembre 2021 et à ce qu'il soit condamné à une peine privative de quatorze mois, assortie du sursis (délai d'épreuve de trois ans).
b. Selon l'acte d'accusation du 20 mars 2024, il est reproché ce qui suit à A______ :
- le 6 août 2021 vers 02h20, à la hauteur de la route de Thonon 253, 1246 Corsier, alors qu'il roulait en direction de Cologny au guidon du motocycle immatriculé GE 2______, il a circulé, après déduction de la marge de sécurité, à une vitesse de 89 km/h sur un tronçon limité à 50 km/h, soit un dépassement de vitesse total de 39 km/h, créant de la sorte un danger sérieux pour la sécurité d'autrui ou, à tout le moins, en prenant le risque (chiffre 1.1) ;
- le 6 septembre 2021 à 20h05, il a circulé au guidon du motocycle précité sur l'avenue Vibert en direction de la rue Jean-Jacques Grosselin à une vitesse maximale de 125 km/h alors que cette zone faisait l'objet d'une limitation à 50 km/h, soit un dépassement total de 75 km/h, acceptant sciemment de faire courir aux usagers de la route un danger d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (chiffre 1.2).
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. Le 6 août 2021, à 02h20 à proximité du n° 253 de la route de Thonon (Corsier), un radar a flashé A______, alors titulaire d'un permis d'élève conducteur pour la catégorie A depuis le 12 juillet 2021. Il circulait en direction de Cologny au guidon du motocycle de marque C______ (1______ [modèle]) immatriculé GE 2______ à une vitesse de 89 km/h alors que le tronçon était limité à 50 km/h. Le dépassement total, marge de sécurité de déduite, était de 39 km/h.
b.a. Le 6 septembre 2021 à 20h05, A______ et D______ ont circulé, au guidon de leurs motocycles, sur l'avenue Vibert en direction de la rue Jean-Jacques Grosselin, tronçon sur lequel la vitesse est limitée à 50 km/h. Cette voie est bordée d'une ligne de bus, réservée aux TPG ainsi qu'aux taxis et aux vélos. Elle est séparée de la voie en sens inverse par une petite berme centrale en béton. Ce jour-là, le volume de trafic était faible, le tracé rectiligne et les conditions bonnes. Il faisait jour et la chaussée était sèche.
Peu après le numéro 42 de l'avenue Vibert, A______ et D______ ont fortement accéléré sur une distance d'environ 450 mètres jusqu'à atteindre une vitesse importante. Ce comportement, filmé par une caméra de vidéosurveillance située sur un mat à l'intersection entre l'avenue Vibert et la rue Jean-Jacques Grosselin, a attiré l'attention d'un policier circulant au volant d'un véhicule banalisé, qui a procédé à leur interpellation.
b.b. Les images de vidéosurveillance ont dans un premier temps été confiées au Groupe Audio-Visuel Accidents (GAVA), qui les a utilisées, en sus de mesures prises sur les lieux à l'aide d'un odomètre, pour se prononcer sur la question de la vitesse atteinte par les motocyclistes. Selon le premier rapport, les deux motards avaient circulé à une vitesse maximale de 142 km/h sur l'avenue Vibert en direction du Stade de la Praille.
Compte tenu d'une erreur sur leur sens de marche, qui avait un impact sur les résultats des calculs, le GAVA a rendu un rapport rectificatif parvenant à la conclusion que A______ et D______ avaient roulé à une vitesse moyenne de 112.2 km/h.
b.c. Sur mandat du MP et subséquemment aux rapports du GAVA, le Dynamic Test Center (DTC) a rendu une expertise détaillée, dans le cadre de laquelle les deux motocyclistes ont été distingués et la vitesse calculée sur plusieurs segments du tronçon concerné. Les experts se sont basés sur le scan tridimensionnel des lieux ainsi que sur les images de vidéosurveillance, fichiers qu'ils avaient, à teneur des déclarations de l'expert entendu par le MP, l'habitude de traiter et qui, en l'occurrence, mentionnaient l'heure avec une précision assez élevée, soit au centième de secondes. L'importante distance entre la caméra et les véhicules avait d'ailleurs été prise en compte sous la forme d'une tolérance de cinq mètres (soit un peu plus de deux fois la longueur du scooter), de sorte que les experts avaient bénéficié d'un maximum de marge de manœuvre, ce qui expliquait les fourchettes assez larges pour les vitesses moyennes.
Les estimations de vitesse ont été calculées eu égard au temps nécessaire aux motocycles (en nombre d'images) pour parcourir une distance définie par plusieurs repères visuels sur la chaussée (A à F).
Le DTC a ainsi conclu que A______ avait roulé à une vitesse moyenne située entre 82 et 91 km/h, avec une médiane à 86 km/h et un pic de vitesse à 125 km/h. Plus précisément, au début du tronçon (point A), la vitesse moyenne du scooter de A______ devait être de 93 km/h. Il avait fortement accéléré, atteignant une vitesse d'environ 105 km/h au point B, puis de 125 km/h au point D. Ensuite, sa vitesse avait fortement diminué en raison d'un freinage, atteignant un niveau légèrement inférieur à 90 km/h, puis 65 km/h au point E. Sa vitesse avait enfin été relativement constante jusqu'au point F, placé juste avant un passage piéton.
c. A______ a d'emblée admis les deux excès de vitesse.
Il avait conscience d'avoir fait une bêtise le 6 août 2021. Il pensait que la vitesse était limitée à 60 km/h à cet endroit et s'était laissé emporter par l'effet de groupe alors qu'il roulait avec quatre amis motocyclistes. Il regrettait ses actes et reconnaissait qu'au moment des faits il était dans une période d'"inconscience totale".
Pour les faits du 6 septembre 2021, il a expliqué qu'il devait se rendre au restaurant pour son anniversaire et qu'il était pressé. Dans ces circonstances, il avait accéléré sur l'avenue Vibert et s'était laissé emporter par la vitesse, qu'il estimait à environ 100 km/h au maximum. Il n'avait pas eu l'intention de mettre les autres utilisateurs de la route en danger mais se rendait compte de ce que son comportement était inacceptable et en était désolé. Lors de son audition par la CPAR, A______ a encore affirmé qu'il avait, grâce à la présente procédure et aux diverses expertises psychologiques auxquelles il avait dû se soumettre, pris conscience du danger qu'il avait fait courir aux autres usagers de la route ainsi qu'à lui-même. Il ne conduisait plus de motocycle depuis environ deux ans et demi.
C. a. Le MP persiste dans ses conclusions, considérant qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des conclusions de l'expertise du DTC. Le seuil de dépassement de l'art. 90 al. 4 LCR était franchi, de sorte que la première condition de son al. 3 était remplie. S'agissant de celle du danger abstrait qualifié, un excès de vitesse aussi important suffisait en principe à la tenir pour réalisée. Cette présomption ne pouvait être renversée qu'en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le prévenu avait en effet commis son excès de vitesse sur une route fréquentée, en localité, à proximité de commerces et d'un passage piéton sans feu. Il ne se prévalait par ailleurs d'aucun élément susceptible de renverser cette présomption, son jeune âge n'en étant pas un, et persistait à minimiser sa responsabilité. Il avait en outre commis deux excès de vitesse à moins d'un mois d'intervalle et alors qu'il n'était que détenteur du permis de conduire d'élève conducteur.
b. A______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, frais de la procédure d'appel à la charge de l'État. L'expertise du DTC, qui retenait une vitesse moyenne située entre 82 et 91 km/h, était compatible avec ses déclarations à la procédure selon lesquelles il avait circulé à une centaine de km/h. Un grand degré d'imprécision pouvait néanmoins être observé s'agissant des vitesses calculées sur les tronçons, ce qui rendait cette expertise peu probante et non admissible. S'ajoutait à cela que l'expert n'avait pas expliqué comment la vitesse maximale de 125 km/h avait été calculée. Il convenait en définitive, en application du principe in dubio pro reo, de retenir la version la plus favorable à l'appelant comme l'avait fait le premier juge.
Le raisonnement du TP en lien avec l'application de l'art. 90 al. 3 CP demeurerait applicable si la Cour venait à retenir qu'il avait circulé à 125 km/h, la condition de la mise en danger abstraite, qualifiée et imminente d'autrui n'étant pas réalisée en l'espèce. Il a expressément renoncé à être mis au bénéfice d'une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
D. a. A______, ressortissant portugais, est né le ______ 2002 à Genève. Il réside en Suisse au bénéfice d'un permis C. Il est célibataire et sans enfant et vit chez ses parents. Il a obtenu un CFC d'électricien et travaille en tant que chef de projet auprès d'une entreprise spécialisée dans des installations électriques pour un salaire mensuel net de CHF 5'500.-, versé 13 fois l'an. Il s'acquitte auprès de ses parents d'un loyer de CHF 1'500.- et d'un montant allant de CHF 220.- à CHF 250.- pour la nourriture. Sa prime d'assurance maladie mensuelle, qu'il règle lui-même, s'élève à CHF 456.-. Il ne possède plus de véhicule mais utilise une voiture de fonction pour laquelle il paye une prime mensuelle d'environ CHF 180.-. Il n'a pas de dette, ni de fortune.
b. L'extrait du casier judiciaire suisse de A______ est vierge de tout antécédent.
EN DROIT :
1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).
La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).
2. 2.1.1. L'art. 90 al. 3 LCR réprime celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles.
2.1.2. Cette disposition est toujours applicable lors que la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 50 km/h là où la limite était fixée à 50 km/h (art. 90 al. 4 let. b LCR).
2.1.3. Lorsque l'excès de vitesse atteint l'un des seuils fixés par l'art. 90 al. 4 LCR, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est toujours remplie. Un tel excès de vitesse qualifié suffit déjà en principe à réaliser également la seconde condition objective, à savoir la création d'un danger abstrait qualifié, dès lors que l'atteinte de l'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cette disposition crée cependant une présomption réfragable de la réalisation de la condition objective du danger qualifié au sens de l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 143 IV 508 consid. 1.6). Le juge peut en effet arriver à la conclusion que même si l’auteur a franchi les seuils de l’alinéa 4, il n’a pas créé un grand risque d’accident au sens de l’alinéa 3 (arrêt du Tribunal fédéral 6B_592/2018 du 13 août 2018 consid. 2.2), en tenant compte des circonstances exceptionnelles du cas d’espèce, telles que : une limitation de vitesse liée à un chantier qui a été simplement oubliée sur la route (Y. JEANNERET, Via sicura : le nouvel arsenal pénal, Circulation routière 2/2013, p. 36) ; un dysfonctionnement des panneaux variables de limitation de vitesse sur l’autoroute (arrêt du Tribunal fédéral 6A.11/2000 du 7 septembre 2000 consid. 3b), ou encore une limitation de vitesse due non à des conditions dangereuses de la route, mais en lien seulement pour des motifs écologiques (arrêt du Tribunal fédéral 6B_148/2012 du 30 avril 2012 consid. 3.1).
2.1.4. Sur le plan subjectif, l'intention doit porter sur la violation des règles fondamentales de la circulation routière ainsi que sur le risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort. Celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalise en principe les conditions subjectives de l'infraction. Celles-ci ne peuvent être exclues que dans des constellations particulières, comme une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du régulateur de vitesse), une pression extérieure (menaces, prise d'otage), des problèmes médicaux soudains (par exemple une crise d'épilepsie) ou encore le caractère improbable de la limitation de vitesse (ATF 142 IV 137 consid. 3.3, 10.1 et 11.2).
2.2.1. Il est établi et non contesté que l'intimé est bien l'auteur de l'excès de vitesse commis le 6 septembre 2021 au guidon du motocycle immatriculé GE 2______ sur l'avenue Vibert, alors qu'il circulait en direction de la rue Jean-Jacques Grosselin.
La question de savoir si l'intimé a atteint une vitesse maximale de 112.5 km/h comme l'a retenu le GAVA dans son rapport rectificatif ou de 125 km/h comme cela découle de l'expertise du DTC importe en réalité peu, puisqu'il s'agit a priori, dans les deux cas, d'une violation fondamentale des règles sur la circulation routière. Cela étant, l'expertise rendue par le DTC se fonde sur plusieurs éléments probants – scan tridimensionnel et images de vidéosurveillance –. Les calculs réalisés de la sorte par des experts rompus à un tel exercice apparaissent plus précis que ceux réalisés par le GAVA sur la base de la vidéo des faits et de mesures effectuées sur les lieux à l'aide d'un odomètre. L'expert entendu dans le cadre de la présente procédure a expliqué de manière convaincante le procédé utilisé et certifié de la fiabilité des chiffres obtenus après avoir par ailleurs tenu compte de "tolérances". La Cour considère par conséquent, à l'instar du premier juge, qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de cette expertise et qu'il convient, dans cette mesure, de retenir que l'intimé a circulé à une vitesse maximale de 125 km/h, dépassant de la sorte la limitation, après déduction de la marge de sécurité, de 75 km/h.
La première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est, partant remplie.
2.3.1. Au moment de la commission de l'excès de vitesse, les conditions routières et météorologiques étaient certes bonnes : il faisait jour, le tronçon était rectiligne, la chaussée sèche et l'intensité de trafic faible. Toutefois, retenir ces uniques éléments pour renverser la présomption de la réalisation de l’élément objectif du danger qualifié reviendrait à omettre de tenir compte de la disposition du tronçon emprunté par l'intimé, qui, en sus de n'être séparé de la voie en sens inverse que par une petite berme centrale en béton, était également bordée d'une voie réservée aux bus, taxis et vélos. Bien que l'intimé n'accélérait plus à ce moment-là, il convient d'observer qu'un passage piétons se trouvait à la fin du tronçon considéré par le DTC dans son expertise (point F), ce qui confirme la présence possible de passants aux abords des voies.
En roulant à cet endroit à une vitesse aussi importante, l'intimé a dès lors pris le risque de ne pas pouvoir réagir suffisamment tôt à la survenance d'un danger ou d'obstacle sur la chaussée, dont la présence est toujours possible, qu'il soit d'origine humaine ou naturelle. Il ne ressort par ailleurs pas du dossier que la limitation de vitesse sur le tronçon en question avait eu une autre vocation que celle d'assurer la sécurité routière.
2.3.2. Compte tenu de ce qui précède, la présomption de la réalisation de l’élément objectif du danger qualifié de l’infraction réprimée par l’art. 90 al. 3 LCR n'est pas renversée. L'intimé sera par conséquent reconnu coupable de violation des règles fondamentales de la circulation routière, l'appel étant admis sur ce point, et le jugement entrepris réformé dans ce sens.
3. 3.1.1. La violation grave de la LCR (art. 90 al. 2 LCR) est sanctionnée par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire, tandis que celle des règles fondamentales de la circulation routière, au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR, l'est d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans.
3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).
3.2.2. Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a), ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).
3.2.3. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
3.2.4. Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une amende selon l'art. 106 CP. Celle-ci entre en ligne de compte en matière de délinquance de masse (Massendelinquenz), lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3 ;
134 IV 60 consid. 7.3.1). La sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné – ainsi qu'à tous – doit attirer son attention sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas. La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_835/2018 du 8 novembre 2018 consid. 3.2).
La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que l'amende est d'importance secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2). Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Les peines combinées, dans leur somme totale, doivent être adaptées à la faute. L'adéquation entre la culpabilité et la sanction peut justifier d'adapter la peine principale en considération de la peine accessoire (ATF 134 IV 53 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_952/2016 du 29 août 2017 consid. 3.1).
Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale. Des exceptions sont cependant possibles en cas de peines de faible importance, pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4).
3.2.5. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
3.3.1. La faute de l'intimé est sérieuse. Il a violé les règles de la circulation routière en commettant des excès de vitesse, important pour le premier, très important pour le second, à deux reprises sur une courte période pénale d'un mois et alors qu'il était au bénéfice d'un permis d'élève conducteur. Il a de la sorte et de manière parfaitement égoïste accepté de créer un danger pour les autres usagers de la route.
Il a entièrement admis l'excès de vitesse du 6 août 2021, les images du radar lui ayant toutefois difficilement permis de faire le contraire. Il a en revanche contesté jusqu'en première instance les conclusions des rapports et de l'expertise s'agissant des faits du 6 septembre 2021 pour lesquels sa vitesse n'avait pas été mesurée. Vu l'absence d'appel de sa part, il semble avoir fini par reconnaître avoir circulé à plus de 100 km/h. Sa collaboration ne peut dès lors être considérée comme bonne. Tout au plus peut-elle être qualifiée de modérée.
Dès l'ouverture de la procédure, l'intimé a affiché une forme de prise de conscience en manifestant des regrets pour le danger qu'il a fait courir aux tiers usagers de la route. En appel, il indique à nouveau avoir saisi la gravité de ses actes, tout en expliquant avoir abandonné la conduite de motocycles et se contenter de circuler au volant de la voiture de fonction mise à disposition par son employeur pour les besoins de son travail. Compte tenu de ces éléments, sa prise de conscience, qui a évolué positivement au fil de ses auditions, apparaît bonne.
Sa situation personnelle n'explique, ni ne justifie ses actes. Son jeune âge au moment des faits sera néanmoins pris en compte dans une juste mesure.
L'absence d'antécédents a en principe un effet neutre sur la fixation de la peine.
Or, l'intimé a certes commis les deux excès de vitesse en cause sur une courte période pénale de deux mois alors qu'il venait d'obtenir son permis d'élève conducteur. Au-delà de dénoter d'une certaine forme de mépris des règles, ces infractions sont surtout symptomatiques de l'immaturité de leur auteur, alors âgé de 18-19 ans. Cela ressort de ses explications, selon lesquelles il roulait avec des amis motocyclistes et s'était laissé entrainer par l'effet de groupe, sans se soucier de sa vitesse.
Son interpellation par la police le 6 septembre 2021 semble avoir suffisamment marqué le jeune homme pour lui faire prendre conscience de la gravité de ses comportements, ce qu'il a soutenu durant toute la procédure. Il a par ailleurs expliqué avoir abandonné la conduite de motocycles et n'a plus fait l'objet de condamnation ou de poursuites pour des infractions à la LCR. Il a renoncé à faire appel du premier jugement, assumant de la sorte la responsabilité de ses actes et leurs conséquences.
Au vu de ce qui précède et du fait que le prononcé d'une peine privative de liberté n'a pas été contesté dans son principe, c'est une peine de cette nature qui sera prononcée (art. 41 CP). Le sursis est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).
3.3.2. La violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR), infraction abstraitement la plus grave, emporte à elle seule une peine privative de liberté de douze mois, à laquelle doivent s'ajouter deux mois pour la violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR ; peine hypothétique de trois mois).
C'est ainsi une peine privative de liberté de quatorze mois qui sera prononcée à l'encontre de l'intimé, le sursis lui étant acquis.
3.4. L'amende de CHF 1'500.-, prononcée à titre de sanction immédiate par le premier juge, sera confirmée pour souligner la gravité des comportements de l'intimé et dans un but de prévention spéciale. Elle sera assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 15 jours (art. 106 al. 2 CP).
4. 4.1. Dans la mesure où l'intimé succombe, les frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'000.-, seront mis à sa charge (art. 428 al. 1 CPP).
4.2. Il n'y a pas lieu de revenir sur la mise à charge de l'intimé des frais de la procédure et de première instance (art. 426 al. 1 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/1069/2024 rendu le
10 septembre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/20143/2021.
L'admet.
Annule ce jugement.
Et statuant à nouveau :
Déclare A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR).
Condamne A______ à une peine privative de liberté de 14 mois (art. 41 CP).
Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Condamne A______ à une amende de CHF 1'500.- (art. 42 al. 4 CP).
Prononce une peine privative de liberté de substitution de 15 jours.
Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.
Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance qui s'élèvent à CHF 6'696.15, y compris un émolument de jugement de CHF 400.- (art. 426 al. 1 CPP et 428 al. 3 CPP).
Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'185.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'000.-.
Met les frais de la procédure d'appel à la charge de A______ (art. 428 al. 1 CPP).
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'à l'Office cantonal des véhicules.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| La présidente : Rita SETHI-KARAM |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Total des frais de procédure du Tribunal de police : | CHF | 6'696.15 |
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 60.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 50.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 1'000.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 1'185.00 |
Total général (première instance + appel) : | CHF | 7'881.15 |