Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/154/2025 du 08.05.2025 sur AARP/295/2024 ( REV )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/22352/2023 AARP/154/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 8 mai 2025 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, chemin de Champ-Dollon 22, 1241 Puplinge,
demandeur en révision,
contre le jugement AARP/295/2024 rendu le 22 août 2024 par la Chambre pénale d'appel et de révision,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
cité.
EN FAIT :
A. a. À une date indéterminée, A______ a annoncé appel du jugement JTDP/349/2024 du 18 mars 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'avait reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et l'avait condamné à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (art. 40 CP). Le dispositif de ce jugement avait été notifié le jour-même, à l'issue de l'audience.
Cette annonce d'appel, reçue au Tribunal fédéral le 2 avril 2024 (mardi de Pâques) qui l'a transmise au TP, lequel l'a à son tour transmise à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), portait la date du 17 mars 2024. L'enveloppe l'ayant contenue ne comportait aucun tampon d'expédition permettant de déterminer la date effective à laquelle elle avait été formée, celle du 17 mars, antérieure au jugement querellé, étant manifestement erronée. Interpellé à ce sujet, A______ n'a pas répondu ; le Tribunal fédéral a confirmé avoir reçu ce pli par voie postale le 2 avril 2024.
La CPAR a dès lors invité le TP à motiver son jugement, ce qu'il a fait. Le jugement ainsi motivé a été expédié le 7 mai 2024 au prévenu, à l'adresse c/o B______, rue 1______ no. ______ à Genève, utilisée par le prévenu dans le cadre de la procédure préliminaire et à laquelle il avait été convoqué pour les débats du TP. Le pli recommandé n'a pas été retiré par le destinataire et a été réexpédié au TP le 15 mai 2024, à l'échéance du délai de garde légal.
Aucune déclaration d'appel n'étant parvenue à la CPAR dans le délai de 20 jours dès cette notification, A______ a été interpellé par courriers du 12 juin 2024 (envoyé à l'adresse c/o B______, rue 1______ no. ______) et du 24 juillet 2024 (à l'adresse c/o C______, Bld 2______ no. ______ à Genève, figurant sur son annonce d'appel), au sujet de l'apparente irrecevabilité de son appel. Il n'a pas retiré ces plis, qui lui ont à chaque fois été renvoyés par pli simple, et n'y a pas non plus répondu.
Par arrêt AARP/295/2024 du 22 août 2024, la CPAR a constaté l'irrecevabilité de l'appel formé par A______. Le pli contenant cette décision, envoyé à l'adresse c/o C______, Bld 2______ no. ______, n'a pas été retiré.
b. Sa condamnation étant entrée en force, A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon. Il s'est adressé le 5 avril 2025 à la CPAR pour demander la révision de sa condamnation. Une copie de l'arrêt du 22 août 2024 lui a été communiquée en attirant son attention sur les conditions de l'art. 410 du code de procédure pénale (CPP).
c. Par courriers datés des 14 (reçu le 17), 9 (reçu le 23) et 25 avril (reçu le 30) 2025, A______ persiste dans les termes de sa demande de révision. Il soulève ce qu'il considère comme des contradictions entre la date de son annonce d'appel et celle du jugement, et entre la date du jugement et sa notification.
Il se prévaut par ailleurs, au fond, du fait qu'il a été mis au bénéfice d'une carte AVS, d'une autorisation de séjour et bénéficiait d'un contrat de travail et ne pouvait donc se voir reprocher un séjour ou un travail illégal, notamment du fait qu'il s'était acquitté des charges sociales en lien avec son activité professionnelle dans le canton de Vaud.
d. A______ a également saisi le Tribunal fédéral d'un recours contre l'arrêt du 22 août 2024.
B. Selon le jugement JTDP/349/2024, il était reproché à A______ d'avoir, à Genève, depuis le 1er septembre 2023, pénétré et séjourné en Suisse, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, alors qu'il faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse, valable du 9 mars 2022 au 8 mars 2025, et d'avoir travaillé pour l'entreprise D______ SA à E______ (Fribourg) sans être au bénéfice d'une autorisation idoine.
Le premier juge a retenu que le prévenu avait admis être entré en Suisse le 1er septembre 2023, avoir loué une chambre à la rue 3______ no. ______, à Genève, du 5 septembre 2023 au 10 octobre 2023, et avoir travaillé en Suisse à tout le moins en septembre 2023, faits corroborés notamment par une fiche de salaire de septembre 2023 et un courrier du Service de la population vaudois du 23 septembre 2023 lequel avait requis qu'une saisie des données biométriques soit effectuée dans les 90 jours afin qu'un permis frontalier soit délivré.
Au bénéfice d'un passeport guinéen valable, A______ n'avait pas de visa et contestait les faits au motif qu'il ignorait qu'une interdiction d'entrée lui avait été notifiée et qu'il disposait par ailleurs d'une autorisation de travail délivrée par les autorités vaudoises. Le TP a tenu pour établi que contrairement à ses dénégations, le prévenu savait qu'il faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse du 9 mars 2022 au 8 mars 2025 qui lui avait été notifiée le 11 mars 2022 alors qu'il était détenu à la prison de Champ-Dollon. En raison de celle-ci, à sa sortie de prison le 14 décembre 2022, il avait été réadmis en Italie. Il n'avait jamais soutenu disposer de la nationalité italienne, ni même vivre à F______ au moment des faits, alors qu'il affirmait disposer d'une autorisation de travail frontalière UE/AELE valable jusqu'au 31 août 2028. N'étant pas un ressortissant italien, ni d'un autre pays membre de l'UE/AELE, il n'avait pas le droit d'obtenir une telle autorisation, raison pour laquelle elle avait d'ailleurs été révoquée le 28 février 2024. Le prévenu savait qu'il n'était pas fondé à en disposer. Il aurait sinon regagné chaque jour le domicile indiqué aux autorités vaudoises à F______ en Italie, respectivement, il aurait avisé les autorités vaudoises qu'il séjournait durant la semaine à Genève. En définitive, le prévenu ne pouvait valablement prétendre qu'il remplissait très vraisemblablement les conditions d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation frontalière UE/AELE et qu'il était ainsi légitimement convaincu d'obtenir un titre de séjour en Suisse. Partant, il n'était pas dans l'erreur quant à l'illicéité de son comportement, dont il était parfaitement conscient. Le même raisonnement valait mutatis mutandis s'agissant de son droit à exercer une activité lucrative sur le territoire suisse.
EN DROIT :
1. 1.1. Conformément à l'art. 410 al. 1 CPP, toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, peut en demander la révision : s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ou plus sévère du condamné ou encore la condamnation de la personne acquittée (let. a); si la décision est en contradiction flagrante avec une décision pénale rendue postérieurement sur les mêmes faits (let. b) ou s'il est établi dans une autre procédure pénale que le résultat de la procédure a été influencé par une infraction, une condamnation n'étant pas exigée comme preuve; si la procédure pénale ne peut être exécutée, la preuve peut être apportée d'une autre manière (let. c).
Par faits, on entend les circonstances susceptibles d'être prises en considération dans l'état de fait qui fonde le jugement. Quant aux moyens de preuve, ils apportent la preuve d'un fait, qui peut déjà avoir été allégué. Une opinion, une appréciation personnelle ou une conception juridique nouvelles ne peuvent pas justifier une révision (ATF 141 IV 93 consid. 2.3; 137 IV 59 consid. 5.1.1). Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 137 IV 59 consid. 5.1.2 et 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2020 du 15 octobre 2020 consid. 1.1).
La procédure de révision ne peut pas être utilisée pour remettre continuellement en question une décision ayant acquis force de chose jugée, pour s'écarter des dispositions légales en matière de délais de recours ou de restitution des délais, ou encore pour faire valoir des faits qui, par négligence procédurale, n'ont pas été soumis lors du premier procès (ATF 145 IV 197 consid. 1.1).
1.2. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2). Si la juridiction d'appel entre en matière sur la demande, elle invite les autres parties et l'autorité inférieure à se prononcer par écrit (al. 3). Elle détermine les compléments de preuves à administrer et les compléments à apporter au dossier et arrête des mesures provisoires, pour autant que cette décision n'incombe pas à la direction de la procédure en vertu de l'art. 388 CPP (al. 4).
Selon l'art. 412 al. 2 CPP, la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. La procédure de non-entrée en matière selon cette disposition est en principe réservée à des vices de nature formelle (par exemple le défaut de la qualité pour recourir, le caractère non définitif du jugement entrepris, etc.) ; il est néanmoins loisible à la juridiction d'appel de refuser d'entrer en matière si les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés, ou lorsque la demande de révision apparaît abusive (ATF 143 IV 122 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_596/2023 du 31 août 2023 consid. 4 ; 6B_244/2022 du 1er mars 2023 consid. 1.2 ; 6B_525/2022 du 8 février 2023 consid. 2.1.2). Le refus d'entrer en matière s'impose alors pour des motifs d'économie de procédure, car si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations pour ensuite rejeter la demande (arrêts du Tribunal fédéral 6B_596/2023 du 31 août 2023 consid. 4 ; 6B_244/2022 du 1er mars 2023 consid. 1.2). Pour autant, le seul fait que la juridiction d'appel invite une partie à se déterminer ne suffit pas à retenir qu'elle est déjà, par ce fait même, entrée en matière ; la question décisive demeure celle de savoir si, au vu des motifs de révision invoqués, les conditions pour rendre une décision d'irrecevabilité sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 du 6 octobre 2021 consid. 2.3).
1.3. La présidente de la CPAR peut statuer seule sur les demandes de révision manifestement irrecevables (art. 388 al. 2 let. a CPP). Tel est le cas en l'espèce.
2. 2.1. Le demandeur en révision a omis de former valablement appel du jugement du TP, par carence procédurale. Pour ce motif déjà, sa demande en révision apparaît abusive, cette voie de droit n'ayant pas vocation à remédier aux éventuelles erreurs commises par un justiciable dans la procédure. Il appartenait au requérant, se sachant faire l'objet d'une procédure et ayant de surcroît annoncé appel, de prendre ses dispositions utiles pour recevoir la notification du jugement du TP et former une déclaration d'appel en temps utile.
2.2. Au surplus, il ressort de la lecture du jugement du TP que les motifs de révision invoqués par l'appelant avaient déjà été évoqués lors de la procédure principale.
Le premier juge a en effet examiné, et rejeté, les arguments du demandeur en révision relatifs à l'autorisation délivrée par les autorités vaudoises, retenant que le prévenu ne pouvait pas s'en prévaloir.
Il ne s'agit donc pas de faits nouveaux au sens de l'art. 410 al. 1 CPP. La demande en révision est manifestement irrecevable en l'absence de tout motif de révision au sens de la loi.
2.3. Enfin, il ressort de la chronologie figurant ci-dessus que si le demandeur en révision semble parfois confus dans les dates qu'il appose sur ses courriers, les règles en matière de notification des décisions, notamment s'agissant du jugement motivé du TP, ont été respectées. Le prévenu a plusieurs fois eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet (multiples courriers de la CPAR), mais ne l'a pas saisie. Il n'y a là aucun motif de révision.
3. Le demandeur en révision, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), incluant un émolument de décision réduit au vu de sa situation financière peu favorable.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare irrecevable la demande en révision formée par A______ contre le jugement AARP/295/2024 rendu le 22 août 2024 par la Chambre pénale d'appel et de révision dans la cause P/22352/2023.
Condamne A______ aux frais de la procédure de révision, en CHF 395.-, qui comprennent un émolument de CHF 300.-.
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal fédéral (réf. 6B_385/2025) et à la prison de Champ-Dollon.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| La présidente : Gaëlle VAN HOVE |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 20.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 00.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 300.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 395.00 |