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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21807/2023

AARP/134/2025 du 09.04.2025 sur JTDP/616/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MENDICITÉ
Normes : LPG.11A
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21807/2023 AARP/134/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 9 avril 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, ROUMANIE, comparant par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/616/2024 rendu le 22 mai 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 22 mai 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c de la Loi pénale genevoise (LPG) pour les faits du 24 août 2022, mais l'a reconnu coupable de cette infraction pour les faits des 25 et 26 août 2022, l'a condamné à une amende de CHF 140.- assortie d'une peine privative de liberté de substitution d'un jour, et l'a condamné aux frais de la procédure de première instance, arrêtés à CHF 300.-.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement complet.

b. Selon les ordonnances pénales du Service des contraventions (SDC) du 7 août 2023, il est encore reproché à A______ d'avoir commis des actes de mendicité, au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG :

- le jeudi 25 août 2022 entre 17h05 et 17h10 devant le magasin B______ sis rue 1______ no. 22, [code postal] Genève (ordonnance pénale n° 2______) ;

- le vendredi 26 août 2022 à 17h50 au rue 1______ no. 6, [code postal] Genève devant le magasin C______ (ordonnance pénale n° 3______).

Il lui était également reproché d'avoir agi de la sorte le 24 août 2022 devant le magasin B______ ; le TP l'a néanmoins acquitté de ces faits considérant que la première contravention valait avertissement quant aux risques encourus, en termes de sanction, en cas de mendicité passive dans des lieux proscrits.

B. Les faits de la cause ne sont pas contestés par l’appelant et correspondent aux faits décrits dans les ordonnances pénales du SDC.

Les trois ordonnances pénales du 7 août 2023 ont été notifiées en main propre au contrevenant le jour-même, au guichet du SDC. Il a formé opposition aux trois condamnations par l'intermédiaire de son avocate le 11 suivant, oppositions qui ont été transmises au TP.

A______ n'a pas comparu aux débats de première instance. Son avocate, autorisée à le représenter, a conclu à son acquittement sans soulever aucun grief quant à la validité des ordonnances pénales.

Il est pour le surplus renvoyé au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Il souligne se trouver dans une situation de dénuement et conteste – pour la première fois dans sa déclaration d'appel – la validité des ordonnances pénales du SDC, au motif qu'elles ne comportent pas de signature manuscrite.

Aux termes de son écriture, il conteste la validité de l'art. 11A LPG, au motif que cette disposition ne décrit pas suffisamment le comportement incriminé et porte ainsi atteinte au principe de la légalité. Il se plaint également d'une violation de ses droits fondamentaux, notamment des art. 7 (dignité humaine), 8 (égalité), 9 (protection contre l’arbitraire et protection de la bonne foi), 10 (droit à la vie et liberté personnelle), 16 (libertés d’opinion et d’information) et 36 al. 3 (proportionnalité au but visé de toute restriction d’un droit fondamental) de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et des art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 10 (liberté d’expression) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Il sollicite enfin d'être mis au bénéfice de l'art. 52 du Code pénal (CP).

c. Le Ministère public (MP) et le SDC concluent au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

D. A______ est citoyen roumain, né en 1993, domicilié dans son pays d'origine. Le dossier ne contient aucune autre information sur sa situation personnelle ; dans son mémoire d'appel il se dit analphabète, sans formation ni emploi.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). Lorsque des contraventions font seules l’objet du prononcé attaqué et que l’appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure statue (art. 129 al. 4 de la Loi sur l'organisation judiciaire [LOJ]).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1 ; 143 IV 241 consid. 2.3.1).

1.3. L'invocation d'un vice de forme trouve ses limites dans le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst. ; art. 3 al. 2 let. a CPP) qui s'applique tant aux autorités qu'aux particuliers et notamment au prévenu (ATF 143 IV 117 consid. 3.2). Ce principe oblige celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, soit à la première occasion possible (ATF 143 V 66 consid. 4.3). Lorsqu'un prononcé n'a visiblement pas été signé comme il devait l'être, le vice doit être invoqué auprès du tribunal. Il ne peut en revanche l'être avec succès après l'échéance du délai de recours (arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.4 ; 6B_1051/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.3).

1.4. L'appelant fait valoir, pour la première fois dans sa déclaration d'appel, se fondant sur l'ATF 148 IV 445 rendu le 22 juin 2022, un vice de forme entachant les ordonnances pénales du SDC en raison des signatures pré-imprimées de la "Direction".

Ce grief n'avait pas été invoqué dans l'opposition rédigée par son avocate, ni
par-devant le TP. L'appelant n'explique pas en quoi il aurait concrètement été empêché de soulever ce grief plus tôt, alors que la jurisprudence invoquée date du 22 juin 2022. Il est par ailleurs notoire que les ordonnances pénales rendues par le SDC ne comportent pas de signature manuscrite, ce que le conseil de l'appelant, rompu à la défense de justiciables face à cette autorité, ne pouvait ignorer.

Partant, l'appelant est forclos à se prévaloir d'un tel vice au stade de l'appel et ce grief ne sera pas examiné.

2. 2.1. L'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG punit quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques.

2.2. L'appelant ne conteste pas la matérialité des faits reprochés, tels que retenus par le TP. Il allègue toutefois que leur punissabilité viole ses droits fondamentaux.

L'interdiction partielle de la mendicité a fait l'objet d'un contrôle abstrait de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle qui a conclu que la disposition incriminée était conforme au droit supérieur, niant notamment toute atteinte à la dignité humaine (art. 7 Cst.), à la liberté (art. 10 Cst.), écartant les griefs en lien avec le caractère discriminatoire de la norme (art. 8 al. 2 Cst. et art. 14 CEDH) et niant toute violation de la liberté d’expression (art. 10 CEDH et 16 Cst. ; cf. ACST/12/2022 du 28 juillet 2022). Dans cette mesure, les griefs de l'appelant seront examinés uniquement au regard de l'état de fait qui lui est concrètement reproché.

2.3. Le fait de mendier doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. ou du droit au respect de la vie privée au sens de l'art. 8 § 1 CEDH (ATF 149 I 248 consid. 4.3 ; CourEDH Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021 §59).

À l'instar de tout autre droit fondamental, la liberté personnelle n'est pas absolue et sa restriction est admissible si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et si elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; conditions similaires à celles de l'art. 8 § 2 CEDH).

2.4. L'appelant ne remet pas en cause que l'interdiction de mendier figure dans une loi au sens formel. Il estime toutefois que le libellé de l'interdiction contrevient au principe de la légalité (art. 1 CP et 7 CEDH), en particulier de l'exigence de précision.

La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a déjà considéré, dans une jurisprudence désormais bien établie à laquelle il peut être renvoyé, que le texte de l'art. 11A al. 1 let. c LPG et en particulier la notion des "abords immédiats", seul pertinent dans la présente cause, était suffisamment clair et précis, de sorte que le principe de la légalité était respecté (AARP/358/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.4.4 et références citées).

Tel est également le cas in casu. L'appelant ne saurait se prévaloir du fait qu'il n'aurait pas compris qu'il était interdit de mendier à l'endroit où il se trouvait. Il a été contrôlé et déclaré en contravention sur le champ le 24 août 2022, avant de récidiver le lendemain au même endroit et le surlendemain devant un autre commerce, à une centaine de mètres du précédent. Une ignorance ou incompréhension de la règlementation n'a manifestement joué aucun rôle dans sa détermination à commettre les infractions qui lui sont reprochées. En tout état, il lui appartenait de se renseigner en cas de doute et d'adapter son comportement au nouveau cadre légal, l'interdiction de mendier n'étant que partielle, en particulier à la suite de la première contravention dont il a fait l'objet, laquelle n'a finalement pas été sanctionnée par le TP.

2.5. L'appelant soulève que sa condamnation porterait une atteinte injustifiée à sa liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 8 CEDH).

Le cas de l'appelant ne présente aucune particularité justifiant que la CPAR revienne sur sa jurisprudence désormais constante, selon laquelle l'interdiction partielle de mendier aux abords immédiats d'un magasin ou de l'entrée d'un centre commercial consacre une ingérence admissible de la liberté personnelle, en tant qu'elle poursuit un intérêt public reconnu et est proportionnée au but visé (cf. notamment AARP/358/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.4.6.1 à 2.4.7.2 ; AARP/364/2024 du 7 octobre 2024 consid. 2.3.1 à 2.4.2 ; AARP/268/2024 du 5 août 2024 consid. 2.3.1 à 2.4.2 ; AARP/133/2024 du 29 avril 2024 consid. 2.3.1 à 2.4.2 ; AARP/88/2024 du 6 mars 2024 consid. 2.4.3.1. à 2.4.4.2).

En effet, le Tribunal fédéral a confirmé que la réglementation de la mendicité à proximité immédiate des points de paiement et des distributeurs automatiques de billets, à l'entrée des magasins, dans les gares ou dans d'autres bâtiments publics répondait à un intérêt public à la protection de l'ordre, de la tranquillité et de la sécurité publics (ATF 149 I 248 consid. 4.6.2). Une telle interdiction protège l'accessibilité des bâtiments et installations publics et privés, de même que la sphère privée de celles et ceux qui les fréquentent à des fins pécuniaires ou personnelles ; tout en laissant subsister des possibilités suffisantes de pratiquer la mendicité sur le territoire cantonal, y compris dans le centre-ville (ATF 149 I 248 consid. 5.3.1 et 5.3.2).

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la liste des lieux contenue à l'art. 11A LPG n'aboutit pas à une interdiction de facto de toute mendicité. Même en ville de Genève ou dans les communes péri-urbaines, nombreux sont les lieux qui ne sont pas concernés par les interdictions prévues à l'art. 11A al. 1 LPG. En l'occurrence, l'appelant se trouvait précisément à l'entrée d'un magasin, alors qu'il lui suffisait de s'éloigner davantage de l'accès des commerces pour pratiquer son activité de manière licite.

Les considérations de l'appelant reprochant au TP de ne pas avoir cherché à vérifier si les réseaux criminels évoqués par les arrêts de la CJCST et du Tribunal fédéral existaient bel et bien, tombent à faux, la notion de réseau organisé étant visée uniquement par la let. a de l'art. 11A al. 1 LPG, non pertinente en l'espèce. La comparaison aux collectes caritatives ne lui est d'aucune aide non plus, de telles collectes étant soumises à un régime d'autorisation étatique (cf. Règlement genevois sur les collectes ; J 4 15.04).

2.6. L'argument de l'appelant faisant valoir une atteinte à sa liberté d'expression
(art. 16 Cst et 10 CEDH) peut d'emblée être rejeté.

Si dans l'arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH a laissé ouverte la question de savoir si l'exercice de la mendicité était protégé par la liberté d'expression (cf. § 120), le Tribunal fédéral a tranché ce point par la négative, considérant que ce droit n'offrait pas d'effet protecteur allant au-delà de celui de la liberté personnelle (ATF 149 I 248 consid. 4.4 ; cf. aussi AARP/6/2025 du 8 janvier 2025 consid. 2.6.3 ; AARP/358/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.5.2 ; ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 12).

Le cas d'espèce ne présente pas de particularité sous cet angle, étant rappelé qu'il est reproché à l'appelant, non pas d'avoir mendié en soi, mais de l'avoir fait dans un périmètre interdit. En tous les cas, une ingérence dans son droit serait justifiée et proportionnée, les motifs retenus en lien avec la liberté personnelle valant mutatis mutandis.

2.7. Enfin, l'appelant fait valoir que sa condamnation procéderait d'un traitement discriminatoire en raison de sa situation sociale (art. 8 al. 2 Cst et 14 CEDH), en érigeant sa pauvreté extrême et son mode de survie en une infraction pénale.

Là encore, ce grief doit être rejeté. La CPAR a déjà eu l'occasion de juger que le texte de loi cantonal ne contenait aucune expression directement discriminante et, comme l'a souligné la CJCST, le fait d'être pauvre ne donne pas d'emblée droit à la protection de l'art. 8 al. 2 Cst. De surcroît, il n'y a pas de discrimination dans la mesure où l'activité demeure autorisée dans des espaces publics avec du passage et est seulement règlementée là où les motifs d'intérêt public évoqués supra le justifient (cf. consid. 2.5).

2.8. Il découle de ce qui précède que les art. 7 et 9 Cst. n'ont pas non plus été violés, les restrictions reposant sur une base légale valable et respectant les principes de proportionnalité et d'intérêt public.

2.9. Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que l'appelant a été reconnu coupable de mendicité au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG. Sa condamnation de ce chef doit être confirmée.

3. 3.1. L'appelant conteste la peine infligée au motif que le prononcé d'une amende violerait le droit supérieur, se fondant sur la jurisprudence de la CourEDH dans l'arrêt Lacatus c. Suisse.

3.2.1. Les infractions de mendicité (art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG) sont punies de l'amende.

3.2.2. Dans son arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH n'a pas exclu en soi une sanction pénale à la mendicité. Elle a néanmoins relevé que, eu égard à la situation précaire et vulnérable des mendiants, la conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution était quasiment inévitable et constituait dès lors une sanction grave, laquelle devait être justifiée par de solides motifs d'intérêt public et être proportionnée aux buts poursuivis. En l'absence de mendicité intrusive ou agressive, ou de plainte pénale contre le mendiant, l'on pouvait douter d'un intérêt public concret de protection des droits des passants, résidents ou propriétaires des commerces, justifiant la sanction de l'amende. Il convenait ainsi que les tribunaux procèdent à un examen approfondi de la situation concrète et vérifient si des mesures moins sévères que la sanction pénale auraient pu aboutir au même résultat. Si ces conditions n'étaient pas remplies, la sanction de l'amende violait l'art. 8 CEDH (arrêt Lacatus c. Suisse, § 108ss).

Le Tribunal fédéral a confirmé depuis lors qu'il n'était pas admissible, au regard de la Cst. et de la CEDH, de sanctionner d'emblée la mendicité passive pratiquée dans certains lieux par une amende qui, au vu du dénuement des personnes concernées, était presque automatiquement convertie en jours de détention. Une amende, même modique et n'excédant pas CHF 50.-, ne pouvait ainsi être envisagée qu'en dernier recours, après que d'autres mesures mieux adaptées ont échoué (ATF 149 I 248
consid. 5.4.6). À cet égard, quand bien même il n'a pas donné de pistes, le Tribunal fédéral a indiqué que des mesures de droit administratif, échelonnées et successives, pouvaient être envisagées, par exemple une évacuation du contrevenant par la police hors de l'aire d'interdiction, avec enregistrement de son identité lors de la première infraction ; un avertissement administratif avec menace de l'amende la deuxième fois, et la troisième fois la sanction pénale, sous forme d'amende (ATF 149 I 248
consid. 5.4.7).

La CPAR a toutefois exclu que cette jurisprudence s'applique lorsqu'une personne déclarée coupable de mendicité avait déjà été interpellée pour de tels actes (ACPR/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.4.4.5).

3.3. Selon l’art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte – conditions cumulatives – sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à lui infliger une peine. Si les conditions indiquées à l'art. 52 CP sont réunies, l’exemption par le juge est de nature impérative. Si elles ne sont réalisées qu'en instance de jugement, un verdict de culpabilité est rendu, mais dépourvu de sanction
(ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2 p. 135).

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s’agit pas d’annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, telles que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l’auteur après l’infraction
(ATF 135 IV 130 consid. 5.4 p. 137).

3.4.1. En l'espèce, l'appelant ne fournit aucun développement, au-delà des arguments plaidés en lien avec l'infraction elle-même, pour critiquer la peine prononcée. Il se réfère principalement à sa situation précaire, étant sans emploi et sans revenu.

Sa faute doit être qualifiée de faible à moyenne. Il a persisté à mendier dans des lieux proscrits, malgré ses verbalisations successives.

Sa situation personnelle est sans doute effectivement précaire, même si l'appelant n'a apporté aucune explication sur la situation qui l'a conduit à solliciter la générosité des passants. Cette précarité explique ses agissements, mais ne les justifie pas, dans la mesure où il existait d'autres lieux où il pouvait s'adonner à la mendicité de manière licite.

Sa collaboration n'appelle pas de remarque particulière, puisqu'il ne s'est pas exprimé durant la procédure.

Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine (art. 49 cum 104 CP).

Les deux occurrences sont de gravité sensiblement équivalente.

3.4.2. En l'espèce, les infractions de mendicité sont certes de peu d'importance au regard d'autres infractions, ce dont il est tenu compte dans le type de sanction prévu par l'art. 11A al. 1 LPG. L'appelant n'explique toutefois pas en quoi sa culpabilité serait peu importante par rapport à d'autres cas relevant de la même disposition. Il ne peut à cet égard rien tirer du jugement du TP qu'il cite, qui n'est pas motivé et ne permet donc pas de conclure, le cas échéant, à une situation similaire.

La culpabilité de l'appelant n'est au demeurant pas anodine, dès lors qu'il a agi à plusieurs reprises aux mêmes endroits, alors qu'il ne pouvait ignorer que son comportement était illicite.

Les conditions de l'art. 52 CP ne sont pas réalisées, de sorte qu'une exemption de peine sur cette base n'entre pas en considération.

3.4.3. Le montant de CHF 140.- arrêté par le premier juge apparaît toutefois trop élevé au vu de la situation personnelle de l'intéressé et de la jurisprudence de la Cour de céans (cf. AARP/53/2025 du 12 février 2025 ; AARP/6/2025 du 8 janvier 2025).

Ainsi, la peine de base sera fixée à CHF 50.- pour les faits du 25 août 2022, auquel s'ajouteront CHF 30.- pour ceux du lendemain (peine hypothétique : CHF 50.-).

C'est donc une amende globale de CHF 80.- qui devra être prononcée, assortie d'une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

4. L'appelant, qui obtient partiellement gain de cause (diminution de la peine), supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, y compris un émolument d'arrêt réduit de CHF 200.-, pour tenir compte de sa situation personnelle (art. 425 et 428 CPP). Le solde de ces frais sera laissé à la charge de l'État.

Les frais de la procédure préliminaire et de première instance ne seront pas revus, vu la confirmation des verdicts de culpabilité.

5. L'appelant n'a pas pris de conclusions en indemnisation, quand bien même il est représenté par une avocate et avait été enjoint de chiffrer et justifier de telles conclusions. Il est donc réputé y avoir renoncé (art. 429 al. 2 CPP).

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/616/2024 rendu le 22 mai 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/21807/2023.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c LPG pour les faits du 24 août 2022.

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c LPG pour les faits du 25 et du 26 août 2022.

Condamne A______ à une amende de CHF 80.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 774.-, arrêtés à CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 355.-, comprenant un émolument de décision réduit de CHF 200.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 177.50 à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Sarah RYTER

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

300.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

355.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

655.00