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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24655/2023

AARP/205/2024 du 18.06.2024 sur OTDP/2849/2023 ( REV )

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);ORDONNANCE PÉNALE
Normes : CPP.410
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24655/2023 AARP/205/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 18 juin 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, France, comparant en personne,

demanderesse en révision,

 

contre l'ordonnance pénale du Service des contraventions n° 1______ du 26 juillet 2023 et l'ordonnance OTDP/2849/2023 rendue le 20 décembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A.           a. Le 24 avril 2023, le Service des contraventions (SDC) a adressé à A______ une amende d'ordre de CHF 40.-, au motif que le conducteur du véhicule immatriculé 2______ (France) avait circulé le 15 mars 2023 à 18h48, à hauteur de l'avenue Louis-Casaï en direction de l'aéroport, à une vitesse de 56 km/h, alors que la vitesse maximale autorisée était à cet endroit de 50 km/h.

Au cas où elle ne serait pas la conductrice responsable de l'infraction, elle était informée de la possibilité soit de faire en sorte que l'amende soit réglée de manière anonyme dans le délai de 30 jours, soit de fournir l'identité complète de l'auteur de l'infraction.

b. Sans réponse, le SDC a rendu, le 26 juillet 2023, une ordonnance pénale n° 1______, notifiée à A______ le 7 août 2023, la condamnant à une amende de CHF 40.-, majorée d'un émolument de CHF 40.-.

c. Le 21 septembre 2023, le SDC a adressé un rappel à A______ la sommant de verser sous 30 jours l'amende, l'émolument ainsi que des frais de rappel de CHF 20.-.

d. Entretemps, sous pli du 18 septembre, reçu par le SDC le 25 septembre 2023, A______ a fourni copie d'une plainte qu'elle avait déposée le 18 juillet 2023 à la Réunion pour usurpation de plaque d'immatriculation commise entre le 10 février et le 11 juillet 2023. Elle recevait en effet des amendes alors que son véhicule, de marque B______/3______ [modèle], de couleur noire, ne roulait plus depuis cinq ans et avait été détruit.

e. Par ordonnance du 9 novembre 2023, le SDC, considérant ce pli comme une opposition, a estimé qu'elle n'était pas valablement formée et a transmis la procédure au Tribunal de police (TP) afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et celle de l'opposition.

f. Par ordonnance du 20 décembre 2023, le TP a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition formée par A______, l'ordonnance pénale du 26 juillet 2023 devant être assimilée à un jugement entré en force.

A______ n'a pas recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre pénale de recours (CPR).

B.            a. Par demande reçue par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) le 4 avril 2024, A______ sollicite la révision de cette décision. Elle était victime d'une usurpation de plaques et n'était pas responsable des infractions commises par le véhicule visé dans celle-ci. Sa voiture était en effet hors d'usage depuis 2022 et avait été détruite en avril 2023, ainsi qu'en attestaient les pièces produites. Son relevé de carte bancaire confirmait par ailleurs que, le 15 mars 2023, elle se trouvait à la Réunion.

b. Le Ministère public (MP) relève qu'indépendamment de la réalité des motifs invoqués par A______, celle-ci en connaissait l'existence avant le prononcé de l'ordonnance pénale du 26 juillet 2023, de sorte que c'était par sa seule faute qu'elle ne les avait pas fait valoir à temps. Les conditions d'une révision n'étaient dès lors pas réalisées.

c. Le SDC conclut au rejet de la demande de révision.

EN DROIT :

1. 1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du code de procédure pénale [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la loi d'organisation judiciaire [LOJ]). Lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que la demande de révision ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure statue (art. 129 al. 4 LOJ).

1.2. La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).

1.3. Le demande en révision a donc été déposée devant l'autorité compétente, en temps utile.

2. 2.1. Selon l'art. 410 al. 1 let. a CPP, toute personne lésée par une ordonnance pénale peut en demander la révision s'il existe des faits antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

La révision est un moyen de droit instauré dans l'intérêt de la justice et la recherche de la vérité matérielle. Elle a pour fonction de ne pas laisser subsister un jugement entré en force de chose jugée qui constitue en réalité une erreur judiciaire résultant d'une erreur de fait (ATF 127 I 133 consid. 6 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, Commentaire romand du code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle, 2019, n. 3 ad art. 410).

Toutefois, de manière générale, la procédure de révision ne doit pas servir à détourner des dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution des dits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale. Lorsqu'un moyen de preuve invoqué à l'appui d'une demande de révision existait déjà au moment de la procédure de condamnation, qu'il y a des raisons de penser que le requérant en avait connaissance et aurait pu s'en prévaloir dans cette procédure et qu'il eût été à son avantage de le faire, on est par conséquent en droit d'attendre de lui qu'il s'explique quant aux motifs pour lesquels il ne s'en réclame que dans une procédure de révision. À défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1123/2023 du 21 mai 2024 consid. 3.1).

2.2. Cela vaut particulièrement en présence d'une ordonnance pénale, dont les conditions de révision sont particulièrement restrictives : l'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit donc s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 consid. 2.3).

En revanche, la révision d'une ordonnance pénale peut entrer en ligne de compte en raison de faits ou de moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment où l'ordonnance pénale a été rendue ou qu'il était impossible pour lui de faire valoir ou qu'il n'y avait aucune raison de faire valoir (ATF 130 IV 72 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_980/2015 du 13 juin 2016 consid. 1.3.3).

2.3. En l'espèce, il ressort de sa plainte du 18 juillet 2023 que la demanderesse en révision était, à cette date, consciente depuis plusieurs mois de l'usage indu de ses plaques d'immatriculation, dès lors qu'elle recevait régulièrement des amendes pour des infractions commises en France métropolitaine par un véhicule ne correspondant pas au sien.

Elle n'a toutefois pas réagi à réception de l'amende du 24 avril 2023, dont elle ne prétend pourtant pas qu'elle n'en aurait pas eu connaissance.

Elle n'a par ailleurs pas expliqué, ni dans son opposition du 18 septembre 2023, ni dans sa demande de révision, pourquoi elle n'a pas, à réception – postérieure à sa plainte – de l'ordonnance pénale, notifiée le 7 août 2023, fait valoir ses arguments dans le délai légal et selon la procédure ordinaire. Dans ces conditions, au vu de la jurisprudence stricte du Tribunal fédéral et quand bien même il serait établi qu'elle ne serait pas à l'origine de l'infraction sanctionnée, il n'est pas possible de faire droit à sa demande de révision, dont l'admission reviendrait à admettre un moyen de contourner la voie de droit ordinaire.

La Cour est consciente de la situation difficile dans laquelle se trouve la demanderesse, victime d'une usurpation de plaques qui l'amènent à se retrouver condamnée pour des infractions. Seul l'octroi d'une grâce par le Grand Conseil pourrait toutefois être envisagée à ce stade de la procédure (art. 7 al. 1 de la loi genevoise d'application du code pénal [LaCP] cum art. 381 let. b du code pénal [CP]).

Manifestement mal fondée, la demande de révision doit, elle, être considérée comme irrecevable (art. 412 al. 2 CPP).

3. Vu l'issue de la procédure, la demanderesse sera condamnée aux frais, lesquels comprennent un émolument minimum de CHF 100.- (art. 428 al. 1 CPP a contrario et art. 14 al. 1 let. b du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable la demande en révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale du Service des contraventions n° 1______ du 26 juillet 2023 et l'ordonnance OTDP/2849/2023 rendue le 20 décembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/24655/2023.

Condamne A______ aux frais de la procédure en CHF 275.- lesquels comprennent un émolument de CHF 100.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et au Service des contraventions.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

100.00

Total des frais de la procédure de révision :

CHF

275.00