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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9253/2012

AARP/241/2023 du 19.06.2023 sur JTDP/1203/2022 ( PENAL ) , RENVOYE

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI
Normes : CPP.333; CPP.319; CPP.329

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9253/2012 AARP/241/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt préparatoire du 19 juin 2023

 

A______ SARL, ayant son siège ______ [GE], comparant par Me Vincent SOLARI, avocat, PONCET TURRETTINI, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1203/2022 rendu le 29 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 

 

 

 

 

A.                Vu, EN FAIT, la plainte du 28 juin 2012 déposée par A______ SARL à l'encontre de C______ SA, de ses organes et de tout autre participant pour banqueroute frauduleuse (art. 163 du Code pénal [CP]), diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art.  164  CP), gestion fautive (art. 165 CP) et inobservation des règles de la procédure de faillite (art. 323 ch. 3 et 4 CP) ;

Vu l'ordonnance de classement OCL/251/2017 du 14 mars 2017 rendue par le Ministère public (MP) et confirmée par la Chambre pénale de recours (CPR ; ACPR/571/2017 du 28 mai 2017) ;

Vu l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_ 1107/2017 du 1er juin 2018, limitant les faits à l'examen d'une gestion fautive (art. 165 CP), et selon lequel l'autorité précédente n'avait, à tort, examiné que la question d'une faute de gestion dans l'augmentation du surendettement après sa survenance et non dans la survenance de celui-ci (consid. 2.6.4), une expertise devant être ordonnée pour établir la date à partir de laquelle C______ SA était surendettée ainsi que chiffrer l'augmentation du surendettement (consid. 2.6.2 et 2.6.3) ;

Vu les rapports d'expertise et expertises complémentaires ordonnées par le MP ;

Vu l'ouverture d'une procédure préliminaire à l'encontre de B______, lequel a été mis en prévention pour gestion fautive ;

Vu l'acte d'accusation du 8 novembre 2021 reprochant à B______ d'avoir, en tant que directeur de la société C______ SA, laquelle était en état de surendettement à tout le moins dès le 30 juin 2010, sciemment omis de se conformer aux obligations de l'art. 725 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse (CO), notamment de proposer des mesures d'assainissement, respectivement de dresser un bilan intermédiaire et d'aviser le juge, jusqu'au 9 décembre 2011, aggravant ainsi le surendettement de la société à concurrence de CHF  195'180.71, à tout le moins, entre le 30 juin 2010 et le 9  décembre 2011 ;

Vu le jugement JTDP/1203/2022 rendu le 29 septembre 2022 par le Tribunal de police rejetant notamment la question préjudicielle de A______ SARL tendant au renvoi de l'acte d'accusation au MP pour complément des faits reprochés à B______ au sens de l'art. 339 al. 2 let. a du code de procédure pénal (CPP), concurremment avec l'art. 333 CPP, s'agissant du champ d'application personnel et matériel de l'art. 725 CO ;

Vu la déclaration d'appel du 23 novembre 2022 de A______ SARL réitérant sa question préjudicielle afin qu'il soit imputé à B______ l'ensemble des violations de ses obligations ayant causé le surendettement de la société C______ SA, puis son aggravation jusqu'au 9 décembre 2011 ;

B.  Considérant, EN DROIT, que l'acte d'accusation définit l'objet du procès (art.  9  al.  1  CPP) et que le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le MP (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP) ;

Qu'à certaines conditions, l'art. 333 CPP déroge à la maxime accusatoire en permettant au tribunal saisi de donner au MP l'occasion de reprendre l'acte d'accusation ;

Que selon l'art. 333 al. 1 CPP, le tribunal de première instance peut donner la faculté au ministère public de modifier l'acte d'accusation lorsqu'il estime que les faits qui y sont exposés ne répondent pas aux exigences légales. Cette disposition s'applique lorsque les faits décrits dans l'acte d'accusation pourraient constituer une autre infraction (requalification) - ou, en cas de véritable concours, une infraction supplémentaire (ATF 148 IV 124 du 17 janvier 2022, consid. 2.6.2) ;

Que selon la jurisprudence, si le tribunal de fond ne peut obliger le MP à modifier ou à élargir une accusation, mais seulement lui en donner l'occasion, l'acte d'accusation doit néanmoins, en application du principe in dubio pro duriore, refléter également le point de vue de la partie plaignante, si nécessaire par le biais d'une accusation principale et d'une accusation alternative (art. 325 al. 2 CPP). Le MP ne peut dès lors pas refuser arbitrairement de modifier ou de compléter l'acte d'accusation, dès lors que celui-ci n'est pas sujet à recours (art. 324 al. 2 CPP), puisqu'il convient de tenir compte de l'intérêt juridiquement protégé de la partie plaignante à pouvoir faire valoir son point de vue dans la procédure (ATF 148 IV 124 précité, consid. 2.6.7) ;

Qu'il n'en demeure pas moins qu'il est interdit au juge du fond d'assumer le rôle de l'accusation : le tribunal saisi doit uniquement juger si le prévenu doit être déclaré coupable dans le sens de l'acte d'accusation, sans chercher de sa propre initiative à obtenir une qualification juridique plus sévère. Une modification de l'acte d'accusation à son initiative n'est donc possible que dans des limites étroites, lors de procédures sans participation de parties civiles, lorsqu'il s'agit d'éviter des acquittements injustifiés, par exemple parce que tous les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas suffisamment décrits dans l'acte d'accusation ou parce que le même état de fait doit être apprécié sous l'angle d'une autre infraction. La situation est différente en présence d'une partie plaignante : celle-ci, contrairement au juge du fond, n'est pas tenue à l'impartialité. Elle peut donc faire valoir son droit à la poursuite et à la condamnation dans la procédure, notamment, si elle estime l'accusation lacunaire, en déposant une requête visant à faire compléter l'acte d'accusation. Le tribunal est alors dans l'obligation de traiter une telle demande (ATF 148 IV 124 précité, consid. 2.6.7) ;

Qu'à teneur de l'art. 319 al. 1 CPP, le MP ordonne le classement de tout ou partie de la procédure, notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou qu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ;

Que si le MP n'entend réprimer qu'une partie des faits allégués par la plaignante, il doit prononcer simultanément une ordonnance pénale et une ordonnance de classement, cette dernière mentionnant expressément les faits qu’elle entend ne pas poursuivre et susceptible de recours. Cette formalisation de l’abandon des charges est nécessaire afin que la partie adverse puisse connaître les motifs qui ont guidé le MP à prononcer le classement. Elle constitue ainsi le préalable essentiel à l’exercice du droit de recours prévu par l’art. 322 al. 2 CPP et l’art. 393 CPP ;

Que l'art. 333 al. 1 CPP est applicable dans la procédure d'appel, par renvoi de l'art. 379 CPP, dans la mesure compatible avec l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 147 IV 167 consid. 1.3 et 1.4 p. 171 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_857/2017 du 3 avril 2018 consid. 3.2 ; sur la distinction entre les deux hypothèses, cf. M. SIMEONI, La modification de l'acte d'accusation au sens de l'art. 333 al. 1 CPP, in RPS 138/2020 pp. 193, 194 et 199), y compris après un arrêt de renvoi par le Tribunal fédéral (ATF 139 IV 214 consid. 3.4.5 p. 219) ;

Que l'art. 329 al. 2 CPP dispose que s'il apparaît lors de l'examen de l'acte d'accusation ou plus tard durant la procédure qu'un jugement au fond ne peut être rendu, le tribunal suspend la procédure. Au besoin, il renvoie l'accusation au ministère public pour qu'il la complète ou la corrige ;

Attendu en l'espèce, qu'après avoir mené une instruction faisant suite aux considérants de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 1er juin 2018, lequel posait clairement en son considérant 2.6.4 la question de la cause du surendettement, le MP n'a renvoyé B______ en accusation que pour avoir aggravé le surendettement de C______ SA entre le 30 juin 2010 et le 9 décembre 2011 ;

Qu'une extension de l'acte d'accusation à la question de la cause d'un surendettement de C______ SA au 30 juin 2010 devrait être appréhendée comme une mise en cause portant sur des faits distincts ;

Que le MP n'a pas rendu simultanément d'ordonnance de classement afin de formaliser un abandon des charges à l'encontre de B______ relative à une éventuelle responsabilité dans la survenance du surendettement de C______ SA au 30 juin 2010 ;

Qu'il s’agit d’un classement implicite, lequel ne permettait pas à la partie plaignante d’exercer ses droits ;

Qu'il convient alors de donner au MP, alternativement, l'opportunité de rendre une ordonnance de classement formelle ou de compléter son acte d'accusation ;

Que par conséquent, la Cour suspendra la procédure et renverra l'accusation au MP ;

Que s'il s'avérait que le MP entende compléter son acte d'accusation, la cause sera ultérieurement renvoyée au Tribunal de police pour juger de l'ensemble des faits reprochés ;

Que les frais du présent arrêt seront laissés à la charge de l'Etat.

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ SARL contre le jugement JTDP/1203/2022 rendu le 29 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/9253/2012.

Renvoie l'accusation au Ministère public en vue d'une décision de classement partiel ou un complément à l'acte d'accusation dans le sens des considérants.

Prononce la suspension de la procédure au stade de l'appel.

Laisse les frais du présent arrêt préparatoire à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique pour information au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss et 90 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), la présente ordonnance peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.