Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/298/2024 du 27.06.2024 ( PLAINT ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3323/2023-CS DCSO/298/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 27 JUIN 2024 |
Plainte 17 LP (A/3323/2023-CS) formée en date du 13 octobre 2023 par A______.
* * * * *
Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 28 juin 2024
à :
- A______
______
______ [GE].
- ETAT DE GENEVE - SERVICE DES CONTRAVENTIONS
Chemin de la Gravière 5
Case postale 104
1211 Genève 8.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Le 10 juillet 2023, le Service des contraventions a requis la poursuite ordinaire de A______, avenue 2______ no. ______, [code postal] C______ [GE], en paiement de 180 fr. et 20 fr.
b. Le 12 juillet 2023, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi un commandement de payer, poursuite n° 1______. L'adresse du débiteur indiquée sur le commandement de payer est "chemin 3______ no. ______, [code postal] Genève".
c. Le 11 août 2023, le commandement de payer a été notifié à B______, mère de A______, à l'adresse avenue 2______ no. ______, [code postal] C______.
Aucune opposition n'a été formée au commandement de payer, dans le délai de dix jours.
d. Le 13 octobre 2023, A______ a obtenu un extrait du registre des poursuites, qui mentionne la poursuite précitée.
B. a. Par acte posté le 13 octobre 2023, A______ a formé plainte à la Chambre de surveillance pour notification irrégulière du commandement de payer, poursuite n° 1______. Il était domicilié à la route 4______ no. ______, [code postal] Genève, depuis le 1er août 2022 et avait annoncé sa nouvelle adresse à l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM). Il ne vivait plus chez sa mère depuis juin 2019.
b. Par décision du 24 octobre 2023, la Chambre de surveillance a accordé l'effet suspensif à la plainte.
c. Dans son rapport du 31 octobre 2023, l'Office s'en est rapporté à justice quant à l'issue de la plainte.
d. A l'audience du 19 mars 2024, A______ a confirmé que l'adresse indiquée par le Service des contraventions sur la réquisition de poursuite était celle de sa mère, chez laquelle il avait habité jusqu'en juin 2019. Son domicile actuel était à la route 4______ no .______ à Genève.
1. 1.1.1 La voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP est ouverte contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps
(ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).
1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).
A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'Office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).
1.2 En l'espèce, la plainte respecte les conditions de forme prévues par la loi et émane du débiteur poursuivi, soit d'une personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés.
En tant qu'elle vise le commandement de payer notifié le 11 août 2023, la plainte a été formée plus de dix jours après cette date. Sa recevabilité dépend donc de l'existence d'un vice de notification et, si un tel vice est avéré, de la date à laquelle le plaignant aurait le cas échéant eu connaissance du commandement de payer ou de son contenu essentiel (cf. infra consid. 2). L'éventuelle nullité de cette notification doit en tout état être examinée d'office.
2. Le plaignant dénonce le caractère vicié de la notification du commandement de payer, poursuite n° 1______.
2.1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en main du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en main d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP).
L'art. 64 al. 1 LP prescrit que les actes de poursuite sont notifiés au débiteur dans sa demeure ou à l'endroit où il exerce habituellement sa profession et que s'il est absent, l'acte de poursuite peut être remis à une personne adulte de son ménage ou à un employé. Il incombe au préposé de l'Office d'attester le jour où la notification a eu lieu et à qui l'acte a été remis (art. 72 al. 2 LP). Cette attestation, comme titre officiel au sens de l'art. 9 CC, a pleine valeur de preuve pour son contenu, sous réserve de la preuve du contraire (art. 8 al. 2 LP; Gilliéron, Commentaire LP, n. 30 ss ad art. 8). C'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification régulière du commandement de payer (ATF 120 III 117 consid. 2).
L'art. 64 al. 1 in fine LP prescrit que si le débiteur est absent, l'acte peut être remis à une personne adulte de son ménage ou à un employé. Une personne adulte du ménage du destinataire est celle qui vit avec ce dernier et qui fait partie de son économie domestique, sans nécessairement être membre de sa famille selon l'état civil et dont on peut s'attendre à ce qu'elle transmette l'acte dans le délai utile. La notification est réputée effectuée au moment où l'acte est remis au récipiendaire. Le fait que celui-ci omette, volontairement ou non, de le transmettre au débiteur n'affecte pas la validité de la notification (JAQUES, De la notification des actes de poursuites, in BlSchK 2011, p. 177 ss, ch. 5.1 p. 184-185 et les références citées).
2.1.2 Si du fait d'un vice de notification, le commandement de payer ne parvient pas dans les mains du destinataire, la notification est nulle de plein droit (cf. ATF 110 III 11 consid. 2; DCSO/416/2017 du 17 août 2017 consid. 2; DCSO/64/2016 du 11 février 2016 consid. 2; GILLIERON, op. cit., n. 20 ad art. 72).
Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable sur plainte (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP) commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance
(ATF 128 III 101 consid. 2).
Il n'y a toutefois pas lieu d'ordonner une nouvelle notification si le destinataire n'y a aucun intérêt juridique, ce qui sera le cas s'il a acquis du contenu de l'acte une connaissance telle qu'une nouvelle notification ne lui apporterait aucun renseignement supplémentaire et qu'il a été en mesure de faire valoir ses droits nonobstant le vice (ATF 112 III 81 consid. 2b).
2.2 En l'espèce, il est admis que le commandement de payer a été notifié le
11 août 2023 à la mère du poursuivi à l'avenue 2______ no. ______ à C______, soit à une personne qui ne demeurait pas au même endroit que le plaignant - qui était domicilié à la route 4______ no. ______, [code postal] Genève à cette date -, et qui ne faisait pas partie de son ménage; cette notification ne peut donc pas se fonder sur l'art. 64 al. 1 LP et est viciée.
Le plaignant indique avoir appris qu'il faisait l'objet de la poursuite litigieuse en date du 13 octobre 2023, lorsqu'il a requis un extrait du registre des poursuites. Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute ce qui précède, étant relevé qu'en tout état, la preuve d'une éventuelle prise de connaissance de l'acte avant cette date incombait à l'Office.
Il s'ensuit que la plainte, formée dans légal de dix jours (art. 17 al. 2 LP), est recevable.
Par ailleurs, il est constant que le vice affectant la notification du commandement de payer a empêché le plaignant de faire valoir ses droits, puisque celui-ci n'a pas été en mesure d'y former opposition dans le délai de l'art. 74 al. 1 LP.
Dans ces circonstances, il convient d'annuler le commandement de payer, poursuite n° 1______, ainsi que tous les actes de poursuite subséquents qui auraient été exécutés par l'Office sur la base de ce commandement de payer.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20 al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 13 octobre 2023 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 1______.
Au fond :
L'admet.
Annule le commandement de payer, poursuite n° 1______, ainsi que tous les actes de poursuite subséquents que l'Office cantonal des poursuites de Genève aurait pris sur la base de ce commandement de payer.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.