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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3115/2023

DCSO/121/2024 du 28.03.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Minimum vital; saisie; activité indépendante
Normes : LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3115/2023-CS DCSO/121/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 28 MARS 2024

 

Plainte 17 LP (A/3115/2023-CS) formée en date du 26 septembre 2023 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 9 avril 2024
à :

-       A______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de la poursuite n° 1______ engagée à son encontre par l'Etat de Vaud pour un montant en capital de 14'744 fr. 75, dont la continuation a été requise le 9 juin 2023.

b. Dans le cadre des opérations de saisie, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a auditionné la poursuivie sur sa situation financière le
11 septembre 2023.

A______ était au bénéfice d'une rente AVS de 1'893 fr. par mois et avait perçu, en qualité de médecin indépendant pour la période de janvier à août 2023, un montant total de 56'690 fr. 98, soit 7'086 fr. par mois (56'690 fr. 98 : 8). Ses charges s'élevaient à 4'918 fr. 65 et étaient composées de l'entretien de base en 1'200 fr., du loyer en 2'345 fr., de la prime d'assurance-maladie (640 fr. 50), des frais de repas à l'extérieur (242 fr.), des frais de transport (70 fr.), auxquelles s'ajoutaient 421 fr. 15 (rubrique autre), représentant les frais dentaires (100 fr.), l'assurance RC pour cabinet médical (45 fr.) et les cotisations personnelles
(276 fr. 15).

La quotité mensuelle saisissable a été arrêtée à 4'060 fr. 35 ([7'086 fr. + 1'893 fr.] – 4'918 fr. 65).

c. Par avis du 15 septembre 2023, l'Office a saisi en mains de la débitrice les gains d'indépendant à hauteur de 4'060 fr. 35 par mois dès le mois de septembre 2023.

d. Le 27 octobre 2023, l'Office a établi le procès-verbal de saisie.

B. a. Par acte daté du 21 septembre 2023, posté le 26 septembre 2023 et complété le 6 octobre 2023, A______ s'est plainte de la saisie de gains opérée en ses mains. Ses revenus, fluctuants, s'étaient élevés à 56'897 fr. en 2022, soit une moyenne de 4'741 fr. par mois. Ses charges étaient supérieures à celles admises par l'Office.

Elle a notamment produit deux attestations de la clinique médico-chirurgicale de B______ [VD], à teneur desquelles son taux d'activité en tant que médecin indépendant en 2023 était de 25%, contre 20% en 2022.

b. Dans son rapport du 26 octobre 2023, l'Office a exposé que les revenus de l'activité indépendante correspondaient à un taux d'activité de 25%, que la débitrice ne remettait pas en cause. De plus, compte tenu de la nature fluctuante des revenus, l'Office encaissait les mensualités moyennes mais ne procéderait à la distribution en faveur des créanciers qu'à la péremption de la saisie, afin qu'ils puissent déterminer les montants qui dépassent effectivement le minimum vital et, au besoin, compenser les autres mois durant lesquels le débiteur aurait gagné moins que le minimum vital. Pour ce qui était des charges, il avait procédé conformément aux règles applicables, qui écartaient du minimum vital du droit des poursuites les impôts et le remboursement des dettes. Quant aux autres allégués, ils étaient compris dans le montant de base de 1'200 fr. par mois.

c. Le rapport de l'Office a été communiqué à la débitrice, puis la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'exécution de la saisie ou la communication du procès-verbal de saisie.

La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP - condition de recevabilité devant être examinée d'office (Gillieron, Commentaire LP, n. 140 ad art. 17 LP) - est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3;
129 III 595 consid. 3, JT 2004 II 96; 120 III 42 consid. 3)

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (Erard, CR LP, n° 32 et 33 ad art. 17 LP).

1.1.3 Lorsque la plainte est dirigée contre la saisie, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2), avec pour conséquence qu'il ne pourrait être entré en matière sur une plainte déposée avant cette communication (en ce sens : Jent-Sorensen, in BSK SchKG I, 2010, n° 19 ad art. 112 LP et Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n° 4 ad art. 114 LP). Selon la jurisprudence de la Chambre de céans (DCSO/196/2021 du 27 mai 2021; DCSO/203/2019 du 2 mai 2019), les plaintes formées par le débiteur avant la communication du procès-verbal de saisie contre une saisie ou une mesure de sûreté sont toutefois recevables lorsque ce dernier fait valoir une atteinte à son minimum vital. Dans cette hypothèse en effet, l'impossibilité de contester la mesure litigieuse avant la communication du procès-verbal de saisie pourrait conduire à priver le débiteur pendant plusieurs semaines des moyens nécessaires à son existence.

1.2. Déposée dans les dix jours dès la réception de l'avis de saisie des gains d'indépendants par la débitrice, la plainte est recevable, étant observé que le procès-verbal de saisie a dans l'intervalle été notifié.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable - en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) - l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après : NI-2023).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI) ou les frais de déplacement du domicile au lieu de travail, doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, in CR-LP, n° 82 ad art. 93 LP).

Les dettes que rembourse chaque mois le débiteur ne font pas partie de son minimum vital, quand bien même il aurait pris des engagements dans ce sens (ATF 102 III 17; ATF 96 III 6, JdT 1966 II 49; Ochsner, op. cit., n° 157 ad art. 93 LP).

Les impôts ne constituent pas des charges indispensables au sens de l'art. 93 al. 1 LP (ATF 140 III 337 consid. 4.4).

2.1.2 Le caractère irrégulier des revenus d'un débiteur indépendant ne fait pas obstacle à la saisie d'un montant mensuel fixe, déterminé sur la base d'un revenu mensuel moyen. L'Office, qui encaisse les mensualités fixes, ne pourra toutefois procéder à leur distribution en faveur des créanciers participant à la saisie qu'à la péremption de celle-ci et après détermination du montant effectivement saisissable (ATF 112 III 19 cons. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 5.4.1; 5A_16/2011 du 2 mai 2011 consid. 2.2). Le montant mensuel fixé par l'Office peut par ailleurs être révisé pendant la durée de la saisie, sur requête ou d'office, en cas de modification déterminante des circonstances, et notamment des revenus perçus par le débiteur (art. 93 al. 3 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2011 déjà cité; Ochsner, in CR-LP, n. 209 ss. ad art. 93 LP).

2.2. En l'espèce, l'Office a établi une moyenne des revenus réalisés par la débitrice sur huit mois en 2023, année durant laquelle la plaignante a travaillé comme médecin indépendant à 25%. L'Office n'a pas tenu compte des revenus de 2022, dès lors que la plaignante travaillait cette année-là à un taux d'activité inférieur (20%). Ce procédé n'est pas critiquable, étant observé que l'Office ne procèdera à la distribution en faveur du créancier saisissant qu'à la fin de la période de saisie, de sorte qu'il pourra tenir compte des fluctuations éventuelles des revenus de la plaignante.

Concernant les charges, l'Office n'a à juste titre pas tenu compte des impôts, du remboursement des dettes et du paiement des amendes, qui ne constituent pas des dépenses indispensables. Quant aux frais d'électricité, d'eau et de téléphone allégués, ils sont compris dans le montant d'entretien de base mensuel.

Aussi, le minimum vital de la plaignante a correctement été fixé à 4'918 fr. 65, étant précisé que d'éventuels changements dans la situation de la poursuivie peuvent faire l'objet d'une adaptation de la quotité saisissable, conformément à l'art. 93 al. 3 LP.

Mal fondée, la plainte sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 26 septembre 2023 par A______ contre la saisie de gains d'indépendant effectuée par l'Office cantonal des poursuites le
15 septembre 2023 dans la série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.