Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1230/2024 du 16.12.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 16 décembre 2024
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dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, représentés par AR COMPTABILITE Sàrl, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige concerne les taxations 2018, 2019 et 2021 de Madame A______ et Monsieur B______, alors domiciliés à C______ dans la région parisienne.
2. Par bordereaux datés du 24 août 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), a taxé les contribuables pour les années en cause.
3. Le 22 septembre 2022, les époux A______ et B______ ont élevé réclamation à l’encontre de ces taxations.
4. Après avoir mené une instruction, l’AFC-GE, par décisions du 31 janvier 2024, a admis partiellement la réclamation et a notifié aux précités des bordereaux rectificatifs.
5. Par lettre du 25 avril 2024 reçue par l’AFC-GE le 6 mai suivant et portant l’adresse française des contribuables, ceux-ci ont déposé une seconde réclamation, faisant valoir que leurs taxations comportaient diverses anomalies.
6. Par pli du même jour, faisant état d’un domicile des contribuables se situant à Genève, ces derniers ont complété leur seconde réclamation.
Ils n’avaient reçu les bordereaux du 31 janvier 2024 que le 11 mars suivant. La lenteur d’acheminement de ces décisions s’expliquait par le fait qu’elles leur avaient été adressées à C______ (France). Ils avaient pourtant demandé, en octobre 2023, que leur courrier soit envoyé directement à leur fiduciaire. Celle-ci, le 12 mars [2024], avait sollicité un délai pour étudier leur taxation et n’avait pris connaissance des avis de taxation que le 12 mars 2024.
7. Par six décisions du 16 mai 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation du 6 mai précédent irrecevable pour cause de tardiveté.
8. Par trois actes du 18 juin 2024, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des décisions du 16 mai précédent.
Ils ont contesté la valeur fiscale, le rendement (valeur locative ou loyers encaissés), et les frais d’entretien d’immeubles sis au Royaume-Uni et en France, de même que le montant d’une rente britannique, ainsi que la prise en compte d’un salaire.
9. Dans sa réponse du 20 août 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet des recours.
La seconde réclamation n’avait pas été déposée dans le délai, de sorte qu’elle avait été déclarée irrecevable. Au surplus, les recourants n’avaient apporté aucun motif justifiant la révision des bordereaux du 31 janvier 2024.
Elle aurait pu, voire dû considérer cette seconde réclamation comme un recours et la transmettre au tribunal. Dans cette hypothèse, le recours aurait dû être déclaré tardif.
Étant donné que les décisions du 16 mai 2024 étaient des décisions d’irrecevabilité, seule cette question pouvait faire l’objet du recours. Ces prononcés déclaraient à juste titre irrecevable la contestation élevée à l’encontre des bordereaux du 31 janvier 2024. Au surplus, ceux-ci avaient été établis conformément aux justificatifs produits par les contribuables.
10. Les recourants n’ont pas produit d’écriture de réplique.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Le 16 mai 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation déposée par les contribuables à l’encontre de ses décisions sur réclamation du 31 janvier précédent. C’est à tort que l’autorité intimée a statué sur cette seconde réclamation, car une telle voie de droit n’existe pas. Elle aurait dû transmettre ce dernier acte au tribunal comme objet de sa compétence, en application de l’art. 133 al. 2 LIFD, applicable par renvoi de l’art. 140 LIFD, ainsi que 41 al. 2 LPFisc, applicable par renvoi de 49 al. 4 LPFisc. L’erreur commise par l’AFC-GE ne doit toutefois pas porter préjudice aux contribuables. Pour le surplus, les recours ont été interjetés dans les formes prescrites et devant la juridiction au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD. Ils doivent dès lors être déclarés recevables.
3. Lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).
4. Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation du 25 avril 2024 a été déposée tardivement. Il s’ensuit que le tribunal n’a pas à examiner les griefs des recourants relatifs à leurs immeubles sis en France et au Royaume-Uni, ni à la rente d’origine britannique, ni non plus à la question de l’imposition d’un salaire.
5. À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.
6. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).
Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).
7. Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).
8. En l’occurrence, les contribuables déclarent qu’ils n’ont reçu les bordereaux du 31 janvier 2024 que le 11 mars suivant, en raison du temps nécessaire pour acheminer le courrier à leur adresse française. Leur fiduciaire a pris connaissance de ces prononcés le lendemain.
Le délai de réclamation a ainsi commencé à courir dans tous les cas le 13 mars 2024 et a expiré le 11 avril suivant. Or, ils n’ont formé réclamation que le 25 avril 2024. Il s’ensuit que le délai de 30 jours n’a pas été respecté. Ni dans leur (seconde) réclamation, ni dans leurs recours, ils ne se prévalent d’un quelconque empêchement, en raison duquel ils n’auraient pas été en mesure de réclamer en temps utile. Partant, c’est à juste titre que l’AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.
9. À maintes reprises, le tribunal a jugé que lorsqu'un contribuable demande à l'AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération (ou de révision, au sens des art. 55 LPFisc et 147 LIFD) (JTAPI/849/2024 du 28 août 2024 consid. 10 et les réf.).
10. Aux termes des art. 55 al. 1 LPFisc et 147 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).
La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire, s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc et art. 147 al. 2 LIFD).
11. En l’espèce, rien ne permet de conclure, à la lecture de la seconde réclamation, ou encore des recours, que les contribuables auraient sollicité la reconsidération ou la révision des bordereaux du 31 janvier 2024. Au surplus, ils ne font valoir aucun argument dont ils n’auraient pas été en mesure de se prévaloir au cours de la procédure ordinaire, à savoir la réclamation du 22 septembre 2022.
12. Ne reposant sur aucun motif valable, les recours doivent être rejetés.
13. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt des recours. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevables les recours interjetés le 18 juin 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 16 mai 2024 ;
2. les rejette ;
3. met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |