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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2406/2023

JTAPI/808/2024 du 19.08.2024 ( ICC ) , ADMIS

ATTAQUE

Descripteurs : IMPÔT SUR LES SUCCESSIONS ET LES DONATIONS;ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT);DOMICILE FISCAL(DOUBLE IMPOSITION);FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : Cst; LDS.3.al1; LDIP.86.al1; CC.23; CC.24.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2406/2023 ICC

JTAPI/808/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 août 2024

 

dans la cause

 

Hoirie de feue Madame A______, soit pour elle Monsieur B______, représenté par Me Raphaël REY, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Madame A______ (ci-après : la défunte ou la de cujus), de nationalité britannique, née le ______ 1963, célibataire et sans enfants, est décédée le ______ 2018 à l’hôpital d’C______ en Egypte.

2.             A teneur de l’attestation de départ établie le 14 février 2023 par l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après l’OCPM), la défunte avait résidé légalement à Genève du 3 janvier 1975 au 3 janvier 2014, date pour laquelle elle avait annoncé son départ à destination de D______ (Etats-Unis). Sa dernière adresse connue dans le canton se trouvait au chemin E______, F______ (GE), chez Monsieur G______.

3.             Jusqu'à son départ, la défunte était au bénéfice d'un permis C échu le 3 janvier 2014 et jamais renouvelé. Elle avait été taxée d'office de 2001 à 2013. Sa déclaration fiscale 2014 faisait état d’avoirs bancaires à hauteur de CHF 144'473.- déposés auprès de H______ SA et de I______ SA.

4.             La défunte a été inhumée à C______. Sa dépouille a été transférée au mois de mars 2023 au cimetière ______ au J______ (Egypte).

5.             Par testament public instrumenté le 10 juillet 2014 par Me K______, la défunte avait institué « son ami » Monsieur G______ comme seul et unique héritier et avait nommé Me K______ aux fonctions d’exécuteur testamentaire.

Le testament stipulait que la défunte était domiciliée au chemin E______ à F______.

6.             Me K______ a déposé ce testament auprès de la Justice de paix le 11 janvier 2019.

Le procès-verbal de dépôt établi à cette occasion mentionnait que le domicile de la défunte se trouvait au chemin E______ à F______.

7.             Par testament olographe établi à Genève le 26 février 2017, la défunte a annulé ses dispositions testamentaires antérieures, a institué « son compagnon » Monsieur B______ (ci-après : l’exécuteur testamentaire) comme héritier et légataire de la succession et l’a désigné comme exécuteur testamentaire.

Le testament stipulait que la défunte était domiciliée au 1______, rue L______, M______ (GE), soit à la même adresse que l’exécuteur testamentaire.

8.             Le testament a été déposé à la Justice de paix par l’exécuteur testamentaire le 5 mars 2019.

Selon le procès-verbal de dépôt établi à cette occasion, le domicile de la défunte se trouvait toujours à F______.

9.             Par courriers du 20 avril 2018, l’AFC-GE a ordonné à N______ SA et H______ SA, en application de l’art. 47 de la loi genevoise sur les droits de succession (LDS - D 3 25), de ne pas se dessaisir des avoirs qu’elles détenaient et qui avaient appartenu à la défunte.

10.         Par courrier du 5 mars 2019, la Justice de paix a confirmé à Monsieur B______ que la défunte, en son vivant domiciliée au chemin E______ à F______, décédée le ______ 2018 à C______, l’avait désigné comme exécuteur testamentaire.

11.         Par courrier du 12 juillet 2019 à l’administration fiscale cantonale (ci-après l’AFC-GE), l’exécuteur testamentaire a indiqué avoir appris un mois auparavant qu’il avait été institué héritier par la défunte et avoir réclamé le bénéfice d'inventaire. Il a sollicité une prolongation du délai pour la remise de la déclaration de succession, demandes qu’il a renouvelées à plusieurs reprises entre novembre 2019 et mars 2021.

12.         Selon le certificat d'héritier établi en date des 6 et 27 mai 2020 par Me O______, Messieurs P______, demeurant au 2______, rue L______ à Genève, et Q______, demeurant au 3______, rue R______ à Genève, agissant comme témoins, ont attesté savoir que la défunte n'avait pas d'héritier réservataire et qu’elle avait, par testament olographe du 26 février 2017, désigné son compagnon Monsieur B______ comme unique héritier et comme exécuteur testamentaire.

Les témoins attestaient avoir bien connu la défunte, « en son vivant domiciliée à F______ (GE), chemin E______, demeurant toutefois à M______, rue L______ 1______ ».

Ce certificat a été homologué par la Justice de paix le 18 juin 2020.

13.         Aucune déclaration de succession ne lui ayant été retournée dans le délai imparti, l’AFC-GE a notifié, le 17 février 2022, un bordereau de taxation d'office à l’hoirie de la défunte (ci-après : l’hoirie), soit pour elle à l’exécuteur testamentaire. Les droits de succession étaient calculés sur un avoir imposable en CHF 144'473.- et s’élevaient à CHF 75'182.30.

14.         Par courrier du 21 mars 2022, l’exécuteur testamentaire, soit pour lui son mandataire Me S______, a interjeté réclamation contre cette décision, en concluant à son annulation. Il a fait valoir l’absence d'actif successoral et l'existence d'actes de défaut de bien à l’encontre de la défunte.

15.         Par courrier du 28 mars 2022, l’AFC-GE a accusé réception de la réclamation susmentionnée et requis la remise d'une déclaration de succession accompagnée de toutes les pièces justificatives. Un délai au 30 juin 2022 – par la suite prolongé jusqu’au 30 septembre 2022 – était octroyé à l’exécuteur testamentaire pour ce faire, faute de quoi la réclamation serait traitée en l’état du dossier.

16.         Par courrier du 2 août 2022, l’AFC-GE a confirmé à T______ SA que la défunte avait été taxée d’office de 2001 à 2013. Elle avait quitté Genève le 31 janvier 2014 « pour une destination inconnue ».

17.         Par courrier du 28 septembre 2022 adressé à l’AFC-GE, l’exécuteur testamentaire a notamment fait valoir que selon les informations en sa possession, les avoirs bancaires au jour du décès ne s’élevaient qu’à CHF 38'016.40. Il a sollicité une prolongation du délai pour la remise de la déclaration successorale au 30 octobre 2022, délai par la suite prolongé au 30 novembre 2022.

18.         Le 28 novembre 2022, le nouveau mandataire de l’exécuteur testamentaire a fait valoir que la de cujus avait quitté définitivement la Suisse le 31 janvier 2014 et était décédée le ______ 2018 à C______, où elle était domiciliée.

Il a produit des copies avec traductions certifiées conformes du permis d’inhumer délivré le ______ 2018 par le gouvernorat d’C______ et du certificat de décès établi le 22 février 2018 par cette même autorité. Selon ce dernier document, la défunte résidait à C______.

19.         Le 1er décembre 2022, l’AFC-GE a rendu une décision en matière d'assujettissement, sujette à réclamation.

La défunte était titulaire d'un permis d'établissement et domiciliée sans interruption à Genève depuis janvier 1975. Son domicile genevois avait été confirmé à plusieurs reprises, notamment dans le testament du 26 février 2017, dans le certificat d'héritier, dans le procès-verbal de dépôt de dispositions testamentaires de la Justice de paix et dans la décision d'homologation du certificat d'héritier de cette même autorité. La défunte était dès lors domiciliée en Suisse à son décès et sa succession s'était ouverte dans ce pays. L’AFC-GE était par conséquent compétente pour taxer celle-ci et une déclaration de succession devait être déposée.

20.         Le 23 décembre 2022, les nouveaux mandataires de l’exécuteur testamentaire ont formé réclamation contre cette décision.

La défunte avait quitté Genève au mois de janvier 2014 et séjourné durant deux ans à D______ aux Etats-Unis où elle avait travaillé dans une ferme. Elle avait élu domicile le 6 octobre 2016 à C______ où elle avait exercé une activité d’enseignante d’anglais et de traductrice touristique. En tant qu’amie de l’exécuteur testamentaire, elle séjournait parfois à Genève au domicile de ce dernier mais le plus souvent, c’était lui qui lui rendait visite en Egypte. Elle n’était dès lors pas domiciliée à Genève au jour de son décès. Sa succession n’était par conséquent pas assujettie aux droits de succession dus en vertu de la LDS.

21.         Par courrier du 10 janvier 2023, l’AFC-GE a octroyé à l’exécuteur testamentaire un délai au 28 février 2023 pour motiver sa réclamation.

22.         Le 28 février 2023, l’exécuteur testamentaire a remis à l’AFC-GE l’attestation de départ de la défunte établie le 14 février 2023 par l’OCPM ainsi qu’un affidavit (avec traduction libre en français) établi le 5 février 2018 par Monsieur U______, expert fiscal à V______ (Egypte).

Il ressortait en substance de cet affidavit que la défunte avait enseigné l’anglais dans des hôtels de W______ (Egypte), activité pour laquelle elle avait perçu 32'000 livres égyptiennes en 2017. Elle disposait d’un numéro de contribuable égyptien et avait été imposée en Egypte sur ce revenu.

23.         Par courrier du 1er mars 2023, l’AFC-GE a imparti à l’exécuteur testamentaire un délai au 31 mai 2023 pour fournir des justificatifs complémentaires sur l’établissement de la défunte hors de Suisse au moment de son décès.

24.         Le 15 juin 2023, l’exécuteur testamentaire a complété sa réclamation. Il a produit un affidavit établi le 26 février 2023 par Monsieur X______ accompagné d’une copie de sa carte d’identité et d’une traduction certifiée conforme. A teneur de cet affidavit, la défunte avait loué, entre juin 2017 et janvier 2018, un appartement propriété du précité à C______.

L’exécuteur testamentaire a également produit une traduction certifiée conforme de l’affidavit du 5 février 2018, un tirage de la page FACEBOOK de la défunte à teneur de laquelle celle-ci vivait à C______ ainsi qu’un courrier de l’ambassade britannique du Caire du 19 mars 2023 indiquant que celle-ci ne s’opposait pas au transfert de la dépouille de la défunte au cimetière ______ au J______. Il lui avait été indiqué verbalement que seuls des citoyens britanniques domiciliés en Egypte pouvaient être inhumés en ce lieu.

25.         Par décision sur réclamation du 19 juin 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation et s’est déclaré compétente pour taxer la succession de la défunte. Elle a fixé un délai au 30 septembre 2023 pour le dépôt de la déclaration de succession, à défaut de quoi la taxation d’office du 17 février 2022 serait confirmée, et ordonné le maintien de la mainmise fiscale.

La défunte avait été domiciliée à Genève sans interruption depuis le mois de janvier 1975. L’annonce de son départ aux Etats-Unis le 3 janvier 2014 n’était intervenue que le 14 février 2023 soit plus de cinq ans après son décès. Son dernier domicile à Genève avait en outre été confirmé dans les dispositions testamentaires du 26 février 2017, dans le certificat d’héritier des 6 et 27 mai 2020, dans le procès-verbal de dépôt des dispositions testamentaires dressé par la Justice de paix le 5 mars 2019 et dans la décision d’homologation du certificat d’héritier prononcée par cette instance le 18 juin 2020. Le Service des successions et droits d'enregistrement avait en outre entretenu des contacts avec l’exécuteur testamentaire et les mandataires de ce dernier du 16 avril 2018 au 28 novembre 2022 sans que ceux-ci ne remettent en cause l'assujettissement de la défunte en Suisse. Selon les circonstances reconnaissables pour les tiers, la défunte était dès lors domiciliée à Genève à son décès.

26.         L’hoirie, soit pour elle Monsieur B______, unique héritier et exécuteur testamentaire (ci-après : la recourante), a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 17 juillet 2023. Elle a conclu, avec suite de frais, à l’annulation de cette décision, à ce qu’il soit dit que la succession de Feue A______ n'est pas soumise aux droits de succession dans le canton de Genève et à la levée de la mainmise sur les avoirs de la succession. Elle a préalablement sollicité que la comparution personnelle de l’exécuteur testamentaire soit ordonnée.

L’AFC-GE n’avait pas fourni le moindre indice prouvant que la défunte avait conservé le centre de ses intérêts à Genève malgré l’annonce de son départ. La précitée n’y avait plus de parents et n’y disposait plus que de quelques amis auxquels elle rendait parfois visite. A l’inverse, il avait été démontré qu’elle disposait d’un logement en Egypte, qu’elle y exerçait une activité lucrative et qu’elle y était imposée, ce qui attestait de son intention de s'établir dans ce pays. Elle y avait été soignée après être tombée malade. Son certificat de décès et son inhumation au cimetière du J______ prouvaient qu’elle s’y était annoncée comme résidente aux autorités. L’AFC-GE ne s’était pas déterminée sur ces éléments et son argumentation reposait pour l’essentiel sur le domicile indiqué dans le testament de la défunte. Cette adresse était toutefois celle de l’exécuteur testamentaire qui était l’un de ses proches mais avec lequel elle ne faisait pas ménage commun. La défunte avait ainsi indiqué formellement être domiciliée à Genève, sans doute par souci de donner une forme valable à son testament. Ce document ne contenait cependant aucun indice sur son centre d’intérêts vitaux et personnels. Le certificat d’héritier de Me O______ et les documents de la Justice de paix se limitaient quant à eux à reprendre l’adresse d’F______ qui figurait sur l’ancien permis C de la défunte. L’AFC-GE n’avait ainsi pas démontré que la défunte était encore domiciliée à Genève au moment de son décès. Elle n’était dès lors pas compétente ratione loci pour percevoir des droits de succession.

L’hoirie a notamment produit une attestation de l’Office cantonal des véhicules du 10 juillet 2023 selon laquelle la défunte n’avait plus possédé de véhicule immatriculé à Genève à compter du 1er décembre 2013, une attestation d’Y______ SA selon laquelle la défunte n’était plus affiliée à l’assurance maladie obligatoire depuis le 30 novembre 2015 et un avis funéraire de Monsieur Z______, à teneur duquel la défunte avait travaillé dans sa ferme de D______ au printemps 2016.

27.         Dans sa réponse du 2 novembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les éléments de fait sur lesquels elle s’était fondée dans sa décision du 1er décembre 2022 démontraient que la défunte était domiciliée dans le canton de Genève au moment de son décès. Le fardeau de la preuve de la création d'un nouveau domicile hors de Suisse incombait dès lors à l’hoirie. Or, elle s’était limitée à produire une traduction en anglais du certificat de décès établi le 22 février 2018 par le Ministère de la santé et de l'intérieur égyptien, une attestation de départ de l’OCPM du 14 février 2023, une attestation sur l'honneur selon laquelle la défunte aurait exercé une activité d'enseignante d'anglais à W______ (Egypte) et payé des impôts sur le revenu en 2017, et une attestation d'un bailleur pour un logement au C______ entre juin 2017 et janvier 2018. Le C______, où la défunte aurait habité en 2017 et 2018, et la ville d’W______ (Egypte), où elle aurait exercé son activité d'enseignante d'anglais, étaient toutefois distants de près de 510 km. Quant au départ de la défunte pour les Etats-Unis en date du 3 janvier 2014, il n’avait été annoncé à l’OCPM que le 13 février 2023 et était manifestement intervenu pour les besoins de la présente cause.

Concernant ce dernier point, l’AFC-GE se prévalait des données relatives à la défunte enregistrée dans CALVIN, lesquelles comportaient une « liste des diffusions » avec une ligne mentionnant les indications suivantes : Code : 3 ; Libellé : départ ; Date : 13.02.2023 ; Heure : 122220 ; Opérateur : AA_____.

L’hoirie n’avait pour le surplus produit aucun document (contrat de bail ou de travail, factures d'eau/électricité ou de téléphone, attestation d'établissement en Egypte, etc.) permettant de vérifier la véracité des affirmations contenues dans les affidavits qu’elle avait produits. Elle n’avait pas non plus fourni de documents fiscaux égyptiens permettant d’établir que la défunte avait bien été imposée dans ce pays. Elle n’avait par conséquent pas démontré que la défunte avait réellement déplacé le centre de ses intérêts vitaux en Egypte et qu’elle y disposait d'un nouveau domicile.

28.         Dans sa réplique du 26 mars 2024, l’hoirie a persisté dans ses conclusions du 18 juillet 2023.

A titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où le tribunal devait considérer que la succession était assujettie à l’impôt sur les successions dans le canton de Genève, elle a conclu, avec suite de frais, à l’annulation de la décision de taxation d’office du 17 février 2022 et à ce qu’un délai lui soit imparti pour fournir à l’AFC-GE les documents permettant de déterminer la masse successorale et de procéder à une juste taxation.

Elle a en outre conclu, à titre préalable, à l’audition de Messieurs P______ et Q______.

Elle a notamment exposé que la défunte avait vécu les douze premières années de sa vie en Egypte, au Caire, avec sa famille, où elle avait emménagé peu après sa naissance. Elle s’était ensuite établie avec sa famille à Genève où elle avait étudié. Dans l’intervalle, ses parents, sa sœur et son frère étaient partis vivre en Australie, respectivement en Angleterre, où ils étaient décédés. La défunte avait quitté Genève au mois de janvier 2014 pour aller vivre aux Etats-Unis et avait ensuite décidé de s’installer en Egypte, à C______, afin de finir ses jours dans le pays où elle avait passé son enfance. Elle y louait une maison et couvrait ses frais de subsistance principalement grâce à l’héritage reçu de son père. Elle avait travaillé en 2017 dans un hôtel d’W______ (Egypte). Cette localité se trouvait certes à 500 km d’C______ mais la mission de la défunte s’était étendue sur plusieurs jours. Il s’agissait en outre d’une activité parmi d’autres.

Le testament du 26 février 2017 avait été retrouvé par la cousine de la défunte au domicile de la précitée en Egypte. L’exécuteur testamentaire n’avait pas connaissance de ce document et en avait été surpris à plus d’un titre. Il n’avait en effet connu la défunte qu’à la fin de l’année 2016 et n’avait jamais été son compagnon contrairement à ce qui était indiqué dans le testament. Il ne l’avait vue que quelques jours en Egypte en 2017 à l’occasion d’un bref séjour, lors de laquelle il avait visité son appartement et rencontré certains de ses amis. La défunte n’avait en outre jamais habité chez lui à la rue L______. Celle-ci avait vraisemblablement déclaré cette adresse comme domicile afin de s’assurer que le droit suisse s’applique à ses dernières volontés dès lors que ses avoirs bancaires et son héritier institué se trouvaient à Genève.

Elle a notamment versé à la procédure un tirage du profil FACEBOOK de la défunte mentionnant que celle-ci avait déménagé à C______ le 6 octobre 2016 ainsi qu’un courrier de Me O______ du 9 août 2023. Le précité y confirmait que pour établir le certificat d’héritier, il s’était basé sur l’adresse de la défunte figurant dans la lettre de la Justice de paix du 11 janvier 2019 et l’attestation d’exécuteur testamentaire délivrée par cette autorité le 13 mai suivant.

Elle a également produit un procès-verbal de constat d’huissier du 11 août 2023 à teneur duquel Me AB_____ avait interpellé la propriétaire actuelle de l’appartement sis E______ à F______. Celle-ci lui avait indiqué avoir acheté ce logement à M. G______ et y avoir emménagé au mois d’octobre 2015. Le vendeur lui avait dit qu’il retournait vivre au Royaume-Uni pour se rapprocher de sa fille. Elle n’avait en revanche jamais rencontré la défunte.

Elle a encore produit des attestations établies au mois de novembre 2023 par Messieurs P______ et Q______. Les précités y certifiaient avoir bien connu la défunte. Ils confirmaient que celle-ci avait quitté la Suisse en 2014 pour aller vivre aux Etats-Unis, avant de s’établir à C______ à la fin de l’année 2016 où elle avait vécu jusqu’à son décès.

S’agissant de la difficulté à obtenir des documents démontrant le domicile de la défunte en Egypte, elle a fait valoir que l’exécuteur testamentaire ne possédait aucun document administratif en lien avec la précitée dès lors qu’il n’avait jamais habité avec elle. Il n’avait pas non plus eu accès à ses effets personnels et avait dès lors dû entreprendre de nombreuses démarches dans le but de rassembler des documents. Il n’avait toutefois pas pu obtenir de documents de l’administration égyptienne dès lors qu’il ne parlait ni ne comprenait l’arabe, ne connaissait pas le fonctionnement de l’administration en Egypte et avait eu « toutes les peines du monde » à trouver un avocat égyptien parlant bien l’anglais et étant prêt à l’aider dans ses démarches. Ce pays ne connaissait en outre pas l’institution de l’exécuteur testamentaire.

Elle avait en revanche récolté de nombreux documents auprès de l’administration cantonale genevoise établissant que la défunte ne résidait plus en Suisse depuis 2014. A cet égard, c’était à tort que l’AFC-GE prétendait que le départ de la défunte pour les Etats-Unis n’avait été annoncé que le 13 février 2023 pour les besoins de la cause. Il ressortait en effet de l’extrait de la base de données CALVIN produit par l’AFC-GE que cette date correspondait à celle à laquelle l’attestation de départ – elle-même datée du 14 février 2023 – avait été préparée en vue de son envoi à l’exécuteur testamentaire, suite à la demande de ce dernier.

Elle a notamment fourni des attestations du Registre du commerce et du Registre foncier à teneur desquelles la défunte n’était pas inscrite dans lesdits registres. Elle a également produit des attestations des SIG et de la Centrale de compensation du 12 janvier 2024 selon lesquelles la défunte n’avait plus de contrat avec les SIG depuis octobre 2009, respectivement n’avait pas cotisé à l’assurance vieillesse et survivants depuis 2013.

29.         Dans sa duplique du 23 avril 2024, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions tendant au rejet du recours.

L’hoirie perdait de vue qu’en vertu du principe de la rémanence du domicile fiscal, le contribuable conservait son ancien domicile tant qu’il ne s’en était pas constitué un nouveau au lieu où il s’était installé. Le fardeau de la preuve incombait sur ce point à l’hoirie. Or, aucun document prouvant la création d’un nouveau domicile à l’étranger n’avait été produit. La défunte avait par conséquent conservé son domicile à Genève.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 67 al. 1 LDS).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 67 LDS, 63 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10)

3.             La recourante sollicite, à titre préalable, que la comparution personnelle de l’exécuteur testamentaire soit ordonnée. Elle conclut également, dans sa réplique, à ce que le tribunal auditionne les deux signataires des témoignages écrits qu’elle a versés à la procédure.

4.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire administrer des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 ; 132 II 485 consid 3.2). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d'être entendu n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; ATF 134 I 140 consid. 5.3). Il n'implique pas non plus le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 précité, ibidem ; 130 II 425 consid. 2.1).

5.             En l’espèce, il ne sera pas donné suite à ces offres de preuve. La recourante a eu l'occasion, tout au long de la procédure, d'exposer ses arguments et de produire des pièces. L'opportunité de s'exprimer lui a ainsi été donnée. A cela s'ajoute que l'on ne voit pas quelles informations complémentaires il pourrait apporter au moyen de son audition, que la procédure écrite l'aurait empêché d'exposer.

L'audition des témoins de la recourante n'est pas non plus nécessaire, le dossier contenant des déclarations écrites qui attestent de leur position. Comme il sera exposé ci-après, le dossier soumis au tribunal comporte en outre suffisamment d’éléments pertinents pour pouvoir statuer en connaissance de cause sur l’ensemble du litige.

6.             Le recours est dirigé à l’encontre de la décision d’assujettissement de la succession de la défunte à l'impôt successoral genevois, rendue par l’AFC-GE le 19 juin 2023.

La recourante fait en substance valoir que la succession de la défunte n’est pas assujettie à l’impôt susmentionné étant donné que le dernier domicile de la précitée se trouvait en Egypte.

7.             La question de l’assujettissement aux droits de succession genevois est réglée aux art. 2 ss LDS.

Les droits de succession sont un impôt qui frappe, notamment, toute transmission de biens résultant d'un décès ou d'une déclaration d'absence, à quelque titre que cette transmission ait lieu (art. 1 al. 1 et 2 LDS). Ils sont dus par ceux qui, à la suite d'un décès ou d'une déclaration d'absence, acquièrent des biens ou en sont bénéficiaires (art. 2 al. 1 LDS). Le domicile et la nationalité de l’ayant droit sont sans effet sur cette obligation (art. 2 al. 2 LDS).

Aux termes de l'art. 3 al. 1 LDS, est ouverte dans le canton de Genève la succession de celui qui y était domicilié au sens des art. 23 ss du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Pour les successions ouvertes dans le canton de Genève, les droits sont dus sur tous les biens qui en dépendent, quelle que soit leur nature et dans quelque lieu qu'ils soient situés, à l'exception des immeubles situés hors du canton, à condition qu'il n'en résulte pas une double imposition contraire au droit fédéral et aux traités internationaux (art. 4 al. 1 LDS).

L’administration de l’enregistrement peut taxer d’office la succession si l’ayant droit ou son mandataire, après en avoir reçu la demande par avis recommandé, ne remet pas sa déclaration dans le délai imparti (art. 42 al. 1 LDS). Elle notifie un bordereau au liquidateur de la succession, au déclarant ou à tout autre redevable (art. 43 al. 1 LDS). Le bordereau mentionne le montant des droits à payer et le délai dans lequel le paiement doit être effectué (art. 43 al. 2 LDS). Il indique les modalités et les délais de réclamation et de recours (art. 43 al. 3 LDS).

Les héritiers légaux et institués, les usufruitiers, les légataires, les bénéficiaires et attributaires d'assurances, de rentes et de libéralités sont tenus d'acquitter les droits de succession, intérêts, amendes, frais et émoluments (art. 53 al. 1 LDS). Les exécuteurs testamentaires, administrateurs d’office et liquidateurs officiels sont, quant à eux, tenus d’acquitter sur les biens de la succession les droits de succession, intérêts, amendes, frais et émoluments (art. 53 al. 2 LDS).

En cas de contestation en matière d'assujettissement, l'administration de l'enregistrement et du timbre peut, même avant l'expiration du délai prévu pour le dépôt de la déclaration de succession, notifier sa décision aux ayants droit ; celle-ci a force exécutoire (art. 66 al. 1 LDS). Cette notification mentionne qu'elle peut être l'objet d'une réclamation ou d'un recours en application du droit cantonal, fédéral ou international (art. 66 al. 2 LDS).

8.             Conformément à l’art. 86 al. 1 LDIP, les autorités judiciaires ou administratives suisses du dernier domicile du défunt sont compétentes pour prendre les mesures nécessaires au règlement de la succession et connaître des litiges successoraux.

A Genève, le juge de paix est l’autorité compétente, notamment en matière de dépôt facultatif du testament olographe (art. 505 CC), d’avis donné aux exécuteurs testamentaires (art. 517 CC) et d’établissement du bénéfice d’inventaire (art. 580 à 592 CC ; art. 3 al. 1 let. b, d et h de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile - LACC - E 1 05).

9.             L'art. 23 CC stipule que le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2). Selon l’art. 24 CC, toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau (al. 1). Cette disposition est applicable par analogie en matière de droit fiscal international (voir les références citées infra).

Par domicile fiscal, on entend en principe le lieu où la personne réside avec l'intention de s'y établir durablement (art. 23 al. 1 CC), ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts. La résidence est un élément de fait. L'intention de s'établir est l'élément subjectif du domicile. S'il n'est pas indispensable que la personne ait l'intention de s'établir en un endroit définitivement, il faut cependant qu'elle ait la volonté d'y séjourner. Toutefois, ce qui importe n'est pas la volonté intime de la personne, mais les circonstances reconnaissables par des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette intention. Autrement dit, le lieu où la personne assujettie a le centre de ses intérêts personnels se détermine en fonction de l'ensemble des circonstances objectives, et non en fonction des déclarations de cette personne; dans cette mesure, il n'est pas possible de choisir librement un domicile fiscal (ATF 132 I 29 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1045/2018 du 22 juillet 2019 consid. 3.2).

Le droit fiscal attache plus d'importance aux circonstances réelles qu'aux indices purement formels (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, p. 86, n. 4). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent ainsi des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_747/2015 du 12 mai 2016 consid. 4.2). L'obtention d'une autorisation de séjour ou d'établissement de la part de la police des étrangers n'est pas un critère décisif pour déterminer si une personne s'est valablement constitué un domicile au sens du droit civil (ATF 125 III 100 consid. 3 ; 125 V 76 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_675/2014 du 11 août 2015 consid. 4.3). Par ailleurs, le seul but du certificat d'héritiers est d'attester la qualité d'héritiers (ATA/361/2011 du 7 juin 2011).

En matière de droit fiscal international, il ne suffit pas, pour admettre la constitution d'un nouveau domicile, d'avoir coupé les liens avec le domicile antérieur; il faut au contraire s'être constitué un nouveau domicile fiscal. Ainsi, dans la règle, selon le principe de la rémanence du domicile fiscal, le contribuable qui abandonne son domicile suisse pour se rendre à l'étranger conserve son domicile fiscal au lieu de son ancien domicile tant qu'il ne s'en est pas constitué un nouveau au lieu de sa nouvelle installation. La notion du domicile fiscal reste ainsi très proche de celle du droit civil et l'art. 24 al. 1 CC, qui prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, s'applique par analogie en matière de droit fiscal international (ATF 138 II 300 consid. 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_330/2021 du 3 août 2021 consid. 5.3 ; 2C_1021/2013 du 28 mars 2014 consid. 5.1).

Le moment de l'annonce du départ et le départ effectif du contribuable de son précédent domicile ne sont ainsi pas déterminants pour établir un transfert de domicile à l'étranger (ATA/570/2015 du 2 juin 2015 consid. 10 et l’arrêt cité). N'est pas non plus suffisant, pour fonder un nouveau domicile, le seul fait de se faire enregistrer au nouveau lieu de séjour à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2A.475/2003 du 26 juillet 2004 consid. 2.3, RDAF 2005 II p. 103).

Pratiquement, cela signifie que l'existence d'un nouveau domicile ou d'un séjour à l'étranger – ce qui est équivalent sur le plan de l'assujettissement – ne sera admise que si l'intéressé y paie des impôts ou s'il établit qu'il en est dûment dispensé. Toute autre solution serait en effet susceptible d'entraîner des abus incompatibles avec les principes de droit fiscal appliqués en Suisse. Il est donc essentiel de savoir, preuves à l'appui, si et quand le contribuable s'est constitué un nouveau domicile (arrêt du Tribunal fédéral 2A.475/2003 précité, consid. 2.2 et les références ; dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 2C_1045/2018 précité, consid. 3.3).

10.         En matière fiscale, il appartient à l'autorité d'établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3). En ce qui concerne le domicile, cela implique qu'il appartient à l'autorité d'apporter les éléments de fait nécessaires pour établir le domicile fiscal déterminant pour l'assujettissement (arrêts du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 27 juillet 2012 consid. 4.4 ; 2C_627/2011 du 7 mars 2012 consid. 4.2). Celle-ci n’est aucunement liée par les décisions prises par d'autres autorités (décisions en matière d'exercice des droits politiques, cachet de la Chancellerie du canton et contrôle des habitants, etc.), qui ont tout au plus valeur d'indice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016, 2C_33/2016 du 24 novembre 2016 consid. 8.3).

Quand des indices clairs et précis rendent vraisemblable l'état de fait établi par l'autorité, il revient ensuite au contribuable de réfuter, preuves à l'appui, les faits avancés par celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 2C_111/2012 précité, ibidem ; 2C_484/2009 du 30 septembre 2010 consid. 3.3).

Ainsi, lorsque l’existence du domicile existant jusqu’à présent et établi par les autorités est hautement probable, le fardeau de la preuve du nouveau domicile repose sur le contribuable. Si la preuve du déplacement ne peut être apportée par le contribuable, le domicile existant jusqu’à présent subsiste (Jean-Blaise PASCHOUD/Daniel DE VRIES REILINGH, in Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 34a ad. art. 3 et les arrêts cités).

11.         En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 9b et les arrêts cités).

12.         En l’espèce, conformément aux principes rappelés ci-avant, il incombait en premier lieu à l’AFC-GE d’apporter les éléments aptes à démontrer que la de cujus était encore domiciliée à Genève au moment de son décès.

A cet égard, l’AFC-GE s’est fondée sur le fait que le départ de la défunte pour les Etats-Unis au mois de janvier 2014 n’avait été annoncé que le 13 février 2023, soit plus de cinq ans après son décès. Cette annonce était dès lors manifestement intervenue pour les besoins de la présente procédure. A cela s’ajoutait que le testament du 26 février 2017, le certificat d’héritier des 6 et 27 mai 2020, le procès-verbal de dépôt des dispositions testamentaires dressé par la Justice de paix le 5 mars 2019 et la décision d’homologation du certificat d’héritier prononcée par cette instance le 18 juin 2020 faisaient tous état d’un domicile à Genève.

A teneur du dossier soumis au tribunal, ces prémisses apparaissent toutefois erronées.

Ainsi que la recourante l’a exposé dans sa réplique, la date du 13 février 2023 sur laquelle s’est fondée l’AFC-GE figure en effet dans la « liste des diffusions » du profil CALVIN de la défunte. Selon toute vraisemblance, cette date ne correspondait dès lors pas à la date d’annonce du départ de l’intéressée à l’étranger, mais à la date à laquelle l’attestation de départ datée du 14 février 2023 avait été préparée par l’OCPM en vue de son envoi à l’exécuteur testamentaire, suite à la demande de ce dernier. Cette explication est convaincante et l’AFC-GE n’a pas cherché à démontrer qu’elle serait erronée.

Le fait que cette annonce n’est pas intervenue de manière rétroactive au mois de février 2023 mais avait bien été effectuée par la défunte au mois de janvier 2014 est confirmé par l’attestation de départ litigieuse, à teneur de laquelle l’intéressée a annoncé son départ pour le 3 janvier 2014 à destination de D______-USA. Cette temporalité est également corroborée par la lettre envoyée par l’AFC-GE à T______ SA le 2 août 2022 indiquant que la défunte avait été taxée d’office de 2001 à 2013 et qu’elle avait quitté Genève le 31 janvier 2014 pour une destination inconnue.

Dès lors, l’AFC-GE est partie à tort de la prémisse que le départ de la défunte pour les Etats-Unis n’avait été annoncé qu’au mois de février 2023 pour les besoins de la présente cause.

13.         Les autres documents sur lesquels s’est fondée l’AFC-GE ne sont pas non plus suffisants pour établir l’existence d’un domicile fiscal à F______, respectivement en Ville de Genève, au moment du décès.

Ainsi, la mention figurant dans le procès-verbal de dépôt des dispositions testamentaires du 5 mars 2019, selon laquelle la défunte était domiciliée à F______, revêtait une portée purement formelle et ne pouvait être considérée comme un indice clair et précis de l’existence d’un domicile à Genève. En outre, cette mention était vraisemblablement due au fait que le précédent procès-verbal de dépôt des dispositions testamentaires indiquait cette même adresse, laquelle figurait dans le testament établi par la défunte au mois de juillet 2014. Elle était dès lors dénuée de valeur probante, ce d’autant que la défunte avait annoncé officiellement avoir quitté cette adresse au mois de janvier 2014.

Les considérations qui précèdent peuvent être transposées à l’indication figurant dans le certificat d’héritier établi par Me O______ au mois de mai 2020, selon laquelle la défunte était, en son vivant, domiciliée à F______. Le précité a en effet attesté, dans un courriel adressé le 9 août 2023 à l’hoirie, qu’il avait établi ce document en se basant sur l’adresse de la défunte mentionnée dans la lettre de la Justice de paix du 11 janvier 2019 et l’attestation d’exécuteur testamentaire délivrée par cette autorité le 13 mai suivant. Il s’agissait dès lors, là également, d’une indication purement formelle, insuffisante pour démontrer l’existence d’un domicile à F______ au moment du décès.

Bien que l’AFC-GE ne se soit pas prévalue pas de cet argument, il convient encore de relever que le fait que la Justice de paix se soit considérée comme compétente pour prendre les premières mesures nécessaires au règlement de la succession de la défunte (établissement de procès-verbaux de dépôt des dispositions testamentaires, désignation de M. B______ comme exécuteur testamentaire, établissement du bénéfice d’inventaire) ne liait pas l’autorité fiscale s’agissant de la détermination du domicile de la défunte.

14.         La mention dans le testament du 26 février 2017 que la défunte était domiciliée à la rue L______ à Genève et était la compagne de l’exécuteur testamentaire ne permet pas non plus de retenir qu’elle s’était constituée un domicile à cette adresse. Il en va de même s’agissant de la reprise de ces éléments dans le certificat d’héritier établi par Me O______ en mai 2020.

Ainsi que le relève la recourante, ces documents ne donnent tout d’abord pas de réel indice sur le centre des intérêts vitaux et personnels de la défunte. La recourante a en outre exposé que l’exécuteur testamentaire n’avait fait la connaissance de la défunte qu’à la fin de l’année 2016 et qu’il s’était lié d’amitié avec la précitée, sans toutefois devenir son compagnon. La défunte avait parfois séjourné chez lui à Genève mais c’était lui qui lui rendait le plus souvent visite en Egypte. Ils n’avaient en outre jamais habité ensemble. La défunte avait dès lors vraisemblablement déclaré l’adresse de l’exécuteur testamentaire comme domicile afin de s’assurer que le droit suisse s’applique à ses dernières volontés dès lors que ses avoirs bancaires et son héritier institué se trouvaient à Genève. Or, ces allégations n’ont pas été contestées par l’AFC-GE. Cette dernière n’a pas non plus affirmé que la défunte et l’exécuteur testamentaire auraient formé un couple stable et que la première aurait durablement fixé son domicile chez le second.

La recourante a en outre produit deux attestations émanant des témoins ayant collaboré à l’établissement du certificat d’héritier, dans lesquelles les précités ont certifié que la défunte avait quitté la Suisse en 2014 pour aller vivre aux Etats-Unis, avant de s’établir à C______ à la fin de l’année 2016 où elle avait vécu jusqu’à son décès. Les contradictions entre ces attestations et le certificat d’héritier établi en 2020 peuvent certes susciter des interrogations. Le tribunal de céans ne discerne toutefois pas pour quelles raisons il faudrait – s’agissant de la détermination du domicile de la défunte – accorder plus de crédit au certificat d’héritier qu’aux attestations précitées, ce d’autant moins que selon la jurisprudence, le but du certificat d’héritier n’est pas d’attester de l’existence d’un domicile.

Au vu de ce qui précède, les indications figurant dans le testament et le certificat d’héritier, selon lesquelles la défunte était domiciliée à la rue L______, ne permettaient pas non plus de retenir l’existence d’un domicile à cette adresse. Ceci était d’autant moins le cas que la défunte n’avait jamais déclaré être domiciliée en Ville de Genève.

A supposer que ces éléments puissent être considérés comme suffisants pour démontrer l’existence d’un domicile dans le canton, il conviendrait quoi qu’il en soit de constater que la recourante est parvenue à les réfuter et à rendre suffisamment vraisemblable que la défunte s’était constituée un nouveau domicile fiscal en Egypte.

15.         La recourante a tout d’abord fourni de nombreux éléments démontrant que la défunte avait quitté définitivement la Suisse en 2014.

Il résulte ainsi des pièces produites que la défunte a annoncé son départ pour les Etats-Unis le 3 janvier 2014 et qu’elle n’a effectué aucune démarche pour renouveler son permis d’établissement depuis cette date. Elle n’a plus été taxée à Genève depuis lors, l’AFC-GE ayant elle-même indiqué dans un courrier du 2 août 2022 qu’elle avait quitté définitivement le canton au mois de janvier 2014 et que sa dernière taxation remontait à 2013. Le logement que la défunte a occupé à F______ jusqu’à son départ a en outre été vendu par son compagnon de l’époque, lequel est parti s’installer en Angleterre en 2015. La défunte ne possédait par ailleurs plus de véhicule immatriculé en plaques genevoises depuis décembre 2013 et avait cessé d’être affiliée à l’assurance maladie obligatoire au mois de novembre 2015. Pris ensemble, ces éléments suffisent à réfuter les indices sur lesquels s’est fondée l’AFC-GE pour soutenir que la défunte aurait conservé son domicile dans le canton jusqu’à son décès.

16.         Conformément au principe de la rémanence, la recourante ne pouvait toutefois se limiter à démontrer que la défunte avait abandonné son ancien domicile pour échapper à l’imposition de la succession à Genève ; elle devait encore démontrer que l’intéressée s’était constituée un nouveau domicile fiscal à l’étranger.

A cet égard, la recourante n’est certes pas parvenue à fournir de documents officiels démontrant que la défunte aurait été imposée en Egypte à compter de son installation dans ce pays en 2016. Les explications qu’elle a avancées pour justifier ses difficultés à obtenir de tels documents ne sont en outre aucunement étayées.

Il n’en demeure pas moins que la défunte a déclaré dès le mois d’octobre 2016 sur son profil FACEBOOK qu’elle résidait désormais à C______. A teneur de son attestation de décès, elle était officiellement domiciliée dans cette ville. Elle y louait un appartement, à tout le moins depuis le mois de juin 2017 et y conservait ses effets personnels, dont son testament. L’exécuteur testamentaire l’y avait visitée et y avait rencontré une partie de ses amis. La défunte avait en outre travaillé à W______ (Egypte) de manière temporaire et s’était acquittée d’impôts sur le revenu dans ce cadre, étant ici relevé que la véracité de l’attestation produite en ce sens n’a pas été contestée. Ces circonstances confirment que la défunte avait établi le centre de ses intérêts personnels en Egypte de manière durable. Cette intention est encore corroborée par son inhumation dans un cimetière du J______.

Dans les circonstances particulières du cas d’espèce, ces éléments doivent être considérés comme suffisants pour retenir que la de cujus s’était constituée un nouveau domicile fiscal à l’étranger au moment de son décès. Partant, sa succession ne s’est pas ouverte à Genève au sens de l’art. 3 al. 1 LDS.

17.         Au vu de ce qui précède, la décision sur réclamation prononcée par l’AFC-GE le 19 juin 2023, au terme de laquelle cette autorité s’est déclarée compétente pour taxer la succession de la défunte, a fixé un délai au 30 septembre 2023 pour le dépôt de la déclaration de succession sous peine de confirmation de la taxation d’office du 17 février 2022 et a ordonné le maintien de la mainmise fiscale, sera annulée.

En conséquence, il sera constaté que le bordereau de taxation d’office du 17 février 2022 est devenu sans objet.

18.         Le recours étant admis, la question de la recevabilité des conclusions subsidiaires formulées par la recourante dans sa réplique peut souffrir de rester indécise.

19.         Vu l'issue du litige, il sera renoncé à percevoir un émolument (art. 87 al. 1 LPA). La restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 700.- sera par conséquent ordonnée.

20.         Une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2023 par l’Hoirie de feue A______ à l’encontre de la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 19 juin 2023 ; 

2.             l’admet ;

3.             annule la décision querellée ;

4.             constate que le bordereau de taxation d’office du 17 février 2022 est devenu sans objet ;

5.             annule la mainmise prononcée par l’administration fiscale cantonale le 20 avril 2018 sur les avoirs successoraux détenus par N______ SA et H______ SA ;

6.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à l’Hoirie de feue A______, soit pour elle Monsieur B______ de l’avance de frais de CHF 700.- ;

7.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à à l’Hoirie de feue A______, soit pour elle Monsieur B______ une indemnité de procédure de CHF 2'000.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions de la recourante. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose la recourante.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Stéphane TANNER et Federico ABRAR, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière