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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2588/2023

JTAPI/615/2024 du 24.06.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2588/2023 ICCIFD

JTAPI/615/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SARL, représentée par Mes Fouad SAYEGH et Yacine REZKI, avocats, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             A______ SARL (ci-après : la contribuable) est une société sise dans la principauté de Monaco. Selon l’extrait du registre du commerce de Monaco du ______ 2020, elle est active dans le domaine d’aide et d’assistance en matière d’étude de marché, gestion et management de projets, stratégie d’entreprise, prospection commerciale, toutes opérations d’intermédiation et mise en relation en matière de rachats, fusions et partenariats d’entreprises.

2.             Elle n’a jamais été soumise aux impôts en Suisse.

3.             Par une « convention d’apporteur d’affaires » du 8 juin 2021, la contribuable et la société genevoise B______ SA - qui cherchait un acquéreur pour ses titres et/ou son immeuble sis à Genève (______[GE]) - ont notamment convenu que :

-          « en cas de conclusion de [la] vente avec l’investisseur présenté » par la contribuable, elle serait rémunérée pour son rôle d’apporteur d’affaires par une commission correspondant à 2,4% du prix de vente ;

-          la contribuable accomplirait toute les activités nécessaires à la réalisation de cette vente, en travaillant avec tous les intervenants (acquéreur, notaire, avocat, propriétaires etc.).

En préambule de cet acte, il était précisé que :

-          la contribuable avait déjà « identifié » un investisseur intéressé à acquérir des parts de B______ SA et/ou son immeuble genevois ;

-          la contribuable avait « commencé des discussions avec l’acquéreur » et C______ Ltd. (ci-après : C______), qui représentait le vendeur, et elle « continu[ait] ces discussions afin d’aboutir à des conditions de vente et prix final convenables pour le vendeur ».

4.             Par un courrier du 17 novembre 2021, un fonds d'investissement immobilier zurichois a fait une offre à « l’intermédiaire », D______ AG, pour acquérir l’immeuble genevois de B______ SA, pour un prix de CHF 49'000'000.-.

5.             Le 1er février 2022, la contribuable a conclu avec l’entreprise monégasque E______ un « mandat d’assistance », selon lequel cette dernière devait l’assister dans le cadre de la vente des parts de B______ SA et/ou de son immeuble genevois.

6.             Par contrat du 10 mars 2022, B______ SA a cédé son immeuble genevois au fonds d'investissement zurichois, pour un prix de CHF 51'000'000.-.

7.             Par courrier du 18 mars 2022, la contribuable a demandé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) de l’assujettir aux impôts à Genève de manière limitée.

Suite à la vente du 10 mars 2022, un consortium étranger - composé d’elle-même, F______ Sàrl, E______ et G______ Sas (ci-après : le consortium) - avait perçu, en sa qualité « d’intermédiaire et de conseil », une rémunération correspondant à 2,4% du prix de vente. Cette activité déployée par un consortium étranger avait créé un assujettissement fiscal limité en raison du rattachement économique au lieu de situation de l’immeuble. Ce consortium devait donc être imposé à Genève selon les règles applicables aux personnes morales.

Elle priait donc l'AFC-GE de lui attribuer un numéro de contribuable, « au nom et pour le compte du consortium étranger », afin qu’elle puisse satisfaire à ses obligations fiscales liées à l’opération immobilière en question.

8.             Par courrier du 23 juin 2022, la contribuable a demandé à l'AFC-GE d’annuler sa demande d’assujettissement limité du 18 mars 2022.

Le 8 juin 2021, elle avait été mandatée pour une mission « de conseil et d'assistance », en lien avec l'évaluation et la vente de B______ SA. Il s’agissait d’une convention d'apporteurs d'affaires fixant les modalités du mandat et la rémunération. Les intervenants à ce mandat étaient toutes des sociétés étrangères, qui avaient réalisé « les travaux » depuis l'étranger et ne s’étaient jamais rendues à Genève pour la réalisation de leur mandat.

En octobre 2021, C______ lui avait indiqué avoir présenté à B______ SA un acquéreur potentiel pour son immeuble, à savoir un fonds d'investissement basé à Zurich. C______ n'avait toutefois pas été en mesure de fournir les documents requis par l'acheteur et les négociations n'avançaient pas.

Constatant que ces négociations avaient échoué, elle avait recontacté son client et redéfini son mandat. Ainsi, elle avait été à nouveau mandatée pour fournir des prestations de conseils, en étroite collaboration avec d'autres sociétés étrangères, avec lesquelles elle formait un consortium. La mission qui lui avait été confiée consistait à fournir tous les documents et toutes les informations utiles à la société de courtage C______ pour lui permettre de poursuivre les négociations. Les conseils et autres services, y compris les siens, avaient tous été fournis depuis l'étranger, soit depuis les sièges des sociétés du consortium (Monaco et Italie). Elle n'avait jamais été en contact direct avec l'acheteur, mais s’était limitée à fournir à C______ des conseils et de l'assistance dans la préparation de documents. Elle ne possédait pas de qualification particulière dans le secteur immobilier, et encore moins sur le marché genevois. Elle n'avait jamais reçu ni consulté l'offre d'achat présentée par l’acquéreur. Elle n'avait été informée de la signature du contrat de vente que la veille du rendez-vous chez le notaire. Dans ces conditions, elle ne pouvait être qualifiée d'intermédiaire, ni de courtière immobilière.

Elle avait été « contrainte » de s’annoncer auprès de l'AFC-GE dans le but de percevoir ses honoraires. Or, ceux-ci devaient être imposés uniquement au lieu du siège des différentes sociétés du consortium, car il ne s'agissait pas d'une commission de courtage. Le contrat qui la liait au vendeur ne pouvait en effet pas être assimilé à un contrat de courtage, mais à un contrat de mandat. Les honoraires perçus pour la réalisation d’un contrat de mandat devaient être imposés au lieu du siège de la société.

9.             Par courrier du 27 septembre 2022, l'AFC-GE a indiqué à la contribuable que suite à son « courriel du 23 septembre 2022 », elle l’avait rayée du rôle des contribuables, dès le 1er janvier 2022.

10.         Par courrier du 12 octobre 2022, l'AFC-GE a fait savoir à la contribuable que son courrier du 27 septembre 2022 était « manifestement inexact » et qu’il devait être considéré comme « nul et non avenu ».

11.         Par décisions du 10 février 2023, statuant sur la demande de la contribuable du 18 mars 2022, l'AFC-GE a assujettie le consortium aux impôts de manière limitée.

Compte tenu du rôle actif exercé par le consortium lors de la vente de l’immeuble de B______ SA, de la nature de la rémunération obtenue et de la connexité directe entre l’activité du consortium et la concrétisation de la vente, ce dernier était intervenu à titre d’intermédiaire dans le cadre de cette opération et, en conséquence, était assujetti aux impôts de manière limitée.

12.         Le 27 mars 2023, la contribuable a formé réclamation contre ces décisions.

Si, à l’origine, elle avait reçu un mandat de courtage pour procéder à la recherche d’un acheteur, ce mandat n’avait toutefois jamais pu être exécuté. L’opération prévue n’avait pas pu se réaliser, de sorte que son rôle avait été modifié.

Le contrat de courtage initial n’avait pas pu être exécuté en tant que tel, mais avait été modifié en un contrat de mandat, avec une rémunération du type « success fee ». Son rôle était de fournir les documents nécessaires à la vente et de convaincre l’acheteur potentiel de procéder à l’acquisition envisagée, ce qui avait été fait grâce à un membre du consortium.

Son inscription au rôle des contribuables genevois avait été requise uniquement parce qu’C______ refusait de lui verser sa commission avant l’accomplissement de cette formalité.

13.         Par décisions du 6 juillet 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

La nature juridique du contrat impliquant le consortium (mandat ou courtage immobilier) n'empêchait pas que celui-ci soit qualifié d’intermédiaire au sens de la loi fiscale. En effet, la notion d'intermédiaire était une notion plus large que celle de courtier. Aussi, afin d'être qualifié d'intermédiaire, il fallait contribuer de manière causale, et non nécessairement active, à la conclusion du contrat ayant pour objet une opération immobilière. En l’occurrence, le consortium avait manifestement exercé un rôle primordial et causal ayant permis de concrétiser la vente immobilière. Sans son intervention, la vente immobilière n’aurait pas pu avoir lieu. Il avait en effet fourni à la société C______ des prestations de conseil, des documents et toutes les informations utiles lui permettant de poursuivre et conclure les négociations avec l'acheteur. En contrepartie, il avait touché une importante commission, calculée en fonction du prix de vente, ce qui matérialisait la connexité directe entre son intervention, d'une part, et l'aboutissement de la vente immobilière, d'autre part. Force était dès lors de constater que le consortium avait servi d'intermédiaire lors de la vente. Son assujettissement limité devait donc être confirmé.

Sa communication du 27 septembre 2022 ne constituait pas une décision. De plus, elle l’avait annulée par courrier du 12 octobre 2022.

14.         Par acte du 10 août 2023, la contribuable, agissant pour son propre compte et pour celui du consortium, a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à leur annulation et à ce que le consortium ne soit pas assujetti aux impôts de l’année 2022, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a requis les auditions de son administrateur, Monsieur H______, et de l’administrateur d’C______, Monsieur I______.

Dans le cadre de l'exécution de son mandat, C______, en sa qualité de représentant du vendeur, était son interlocutrice. C’était C______, au travers d’un broker zurichois, D______ AG, qui avait trouvé l’acheteur potentiel à Zurich, en octobre 2021. A compter de cet instant, elle n'agissait plus comme apporteur d'affaires au sens de la convention de juin 2021, l'acheteur ayant été identifié par un broker tiers et présenté directement à C______, sans son assistance à elle. Par la suite, C______ ayant été dans l’impossibilité de fournir l'intégralité de la documentation requise par l’acheteur, mettant ainsi en péril la réussite de la transaction, elle avait repris contact avec le vendeur afin de « redéfinir le mandat » et l'assister d'une autre manière dans l'opération. Ainsi, la convention initiale avait été modifiée en un mandat d'une autre nature, par lequel elle devait fournir tous les documents et toutes les informations utiles à C______ pour lui permettre de poursuivre les négociations avec l’acheteur. Elle avait ainsi agi comme prestataire de services pour le compte d'C______. Le vendeur et elle-même avaient toutefois convenu de conserver la même rémunération, aux mêmes conditions, que celle prévue par la convention de juin 2021, à condition que la vente se réalise. C'était à la suite de ce nouveau mandat, et afin de l’exécuter, qu’elle avait sollicité l’assistance des trois autres sociétés du consortium.

Elle n’avait pas accompli un mandat de courtage, mais un mandat ordinaire qui n'engendrait pas d'assujettissement limité en Suisse.

15.         Le 16 octobre 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Selon elle, B______ SA avait initialement confié à la recourante, par le contrat du 8 juin 2021, un mandat de courtage-indication et de courtage-négociation, mais comme c'était C______, représentante du vendeur, qui avait trouvé l'acheteur potentiel, tout en ne disposant pas des compétences nécessaires pour produire les éléments techniques et les analyses financières que cet acheteur exigeait, et donc des arguments commerciaux indispensables pour pouvoir négocier la vente avec succès, la partie courtage-indication du contrat initial avait été abandonnée, mais la partie courtage-négociation avait été maintenue. C’était en effet C______, soit la représentante du vendeur, qui avait chargé la recourante de produire des éléments techniques, des analyses financières et des arguments commerciaux, soit tous les éléments nécessaires au volet courtage-négociation du contrat du 8 juin 2021 initial, qui avait manifestement été maintenu sur ce point. La recourante ne disposant pas davantage des compétences nécessaires pour fournir tous ces éléments, raison pour laquelle, elle les avait sous-traités aux trois autres sociétés du consortium.

Lactivité typique d'un courtier-négociateur consistait d'abord à produire les éléments techniques et les analyses financières concernant l'immeuble, puis à développer, sur la base de ces derniers, les arguments commerciaux susceptibles de convaincre l'acheteur, en fonction des exigences particulières de ce dernier. Celles-ci étaient élevées en l'espèce, le fonds d'investissement immobilier zurichois exigeant l'établissement d’une « due diligence ». En l’occurrence, ces éléments avaient été produits par la recourante, et non par C______, qui s’était limité à les communiquer à l’acheteur. La prestation fournie par la recourante représentait dès lors l'essentiel de la valeur rémunérée par la commission de courtage de CHF 1'224’000.- convenue, alors que l'activité d'C______ était mineure.

La recourante n'avait certes plus à chercher un acheteur, puisque ce dernier avait été trouvé par C______, mais le vendeur lui avait demandé de produire tous les éléments nécessaires à la négociation avec cet acheteur. Par conséquent, le volet du contrat du 8 juin 2021 prévoyant que la recourante devait accomplir toutes les activités nécessaires à la conclusion de cette affaire, en travaillant avec tous les intervenants (acquéreur, notaire, avocat, propriétaires etc.), avait manifestement été maintenu. Ainsi, il existait un lien évident entre l'activité de la recourante et la décision de l'acheteur potentiel trouvé par C______.

Enfin, la notion d'intermédiaire était plus large en droit fiscal qu'en droit civil, ce tant au plan formel qu’au plan économique.

16.         Par réplique du 8 janvier 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle contestait son assujettissement au motif que la décision de l'AFC-GE du 8 septembre 2022 [recte : du 27 septembre 2022], confirmant son non-assujettissement, était entrée en force le 10 octobre 2022, de sorte qu’elle ne pouvait plus être remise en cause. En effet, le courrier de l'AFC-GE du 27 septembre 2022 constituait une décision au sens de l’art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il s’agissait d’une décision incidente qui était entrée en force après l’échéance du délai de dix jours suivant sa notification. L'AFC-GE ne disposait d’aucune voie de droit pour la modifier ou l’annuler. En conséquence, la décision d’assujettissement du 8 octobre 2022 [recte : du 12 octobre 2022] violait l’autorité de la chose jugée de la décision du 27 septembre 2022, si bien qu’elle devait être annulée pour ce seul motif.

17.         Par duplique du 8 février 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position.

Son courrier du 27 septembre 2022 résultait d'une erreur qu’elle avait rectifiée par lettre du 12 octobre 2022. Dans la mesure où il constituait une décision sur l’assujettissement, ce courrier était attaquable dans un délai de 30 jours et ne pouvait donc entrer en force avant l’échéance de ce délai. Or, elle avait rectifié l’erreur y contenue par lettre du 12 octobre 2022, soit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, la décision, contenue le cas échéant dans le courrier du 27 septembre 2022, n'était jamais entrée en force.

18.         Dans ses écritures spontanées du 28 mars 2024, la recourante a notamment objecté que l'AFC-GE n’était pas légitimée à révoquer sa décision de non-assujettissement du 27 septembre 2022.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             La recourante sollicite l'audition de MM. H______ et I______.

4.             Aux termes des art. 115 LIFD et 18 al. 2 LPFisc, les offres de preuve du contribuable doivent être acceptées, à condition qu’elles soient propres à établir des faits pertinents pour la taxation.

Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes (cf. ATF 142 Il 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche toutefois pas l’autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il s’ensuit que le droit d'être entendu n'emporte avec lui aucun droit absolu d'obtenir l'audition de témoins ; l'autorité peut renoncer à les faire citer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, elle peut d'emblée dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement (ATF 130 II 425 consid. 21).

5.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition de MM. H______ et I______. De plus, la recourante n’explique pas ce qui l’aurait empêchée de produire les témoignages écrits de ces derniers.

Partant, cet acte d’instruction, en soi non obligatoire, ne sera pas ordonné.

6.             La recourante soutient que la décision de non-assujettissement du 27 septembre 2022 serait entrée en force et que, par conséquent, l'AFC-GE ne pouvait pas l’annuler par sa décision contraire du 12 octobre 2022.

7.             Ce grief apparaît d'emblée mal fondé. En effet, d’une part, les décisions de l'AFC-GE en matière d’assujettissement ne peuvent entrer en force qu’à l’échéance du délai de réclamation de 30 jours suivant leur notification (cf. art. 39 al. 1 LPFisc et 133 al. 1 LIFD). D’autre part, l'AFC-GE était parfaitement légitimée à révoquer sa décision du 27 septembre 2022, étant rappelé que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'autorité fiscale peut revenir sur une décision incorrecte et non encore contestée pendant le délai légal, sans que ne doivent être remplies les conditions de reconsidération ou de révision exigées après l'entrée en force formelle. Si l'autorité fait usage du droit de révocation et rend une nouvelle décision, la première décision est remplacée de plein droit par la deuxième, de la même manière qu'une décision sur réclamation remplace une décision qui est contestée par une réclamation. Pendant l'écoulement du délai de recours, le contribuable doit de toute manière s'attendre à un recours de la part de l'autorité (art. 141 LIFD). Il en va de même en ce qui concerne les conséquences d'une décision sur réclamation qui n'a pas été contestée : l'autorité fiscale peut la révoquer durant le délai de recours (cf. arrêt 2C_596/2012 du 19 mars 2013 consid. 2.2 et 3.2 = StR 68/2013 p. 474 ; cf. aussi arrêt 2C_637/2012 du 4 octobre 2012 consid. 5.1).

8.             Sur le fond, la recourante conteste avoir servi d’intermédiaire dans la vente de l’immeuble genevois appartenant à B______ SA, soutenant que son activité se serait limitée à la prestation de conseils relevant d’un mandat ordinaire, et non de celui de courtage.

9.             Selon les art. 3 al. 2 let. b de la loi sur l’imposition des personnes morales
(LIPM - D 3 15) et 51 al. 1 let. e LIFD, les personnes morales qui ont leur siège ou leur administration effective à l’étranger sont assujetties à l’impôt lorsqu’elles servent d’intermédiaires dans des opérations de commerce portant sur des immeubles sis dans le canton ou en Suisse.

Les travaux législatifs relatifs à l’art. 3 al. 2 let. b LIPM indiquent notamment que cette disposition garantit « que les commissions de courtage réalisées par des personnes morales seront traitées de la même façon que celles réalisées par des personnes physiques » (cf. PL 12755 p. 8).

L’assujettissement fondé sur ledit rattachement économique est limité au bénéfice imposable en Suisse (cf. art. 4 al. 2 LIPM et 52 al. 2 LIFD).

10.         En droit civil, selon l'art. 412 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), le courtage est un contrat par lequel le courtier est chargé, moyennant un salaire, soit d'indiquer à l'autre partie l'occasion de conclure une convention, soit de lui servir d'intermédiaire pour la négociation d'un contrat.

L’intermédiaire peut agir à la fois pour le compte de l'acheteur ou du vendeur et reçoit régulièrement une commission de courtage du client pour ses activités si un contrat est conclu ; dans ce cas, il est un courtier au sens des art. 412 ss CO. En revanche, le commerçant qui dispose d'une procuration pour conclure un contrat (art. 32 CO) représente directement l'acheteur ou le vendeur lors de la conclusion du contrat. Il reçoit également des commissions ou des parts de bénéfices effectifs. Le rattachement permet d'enregistrer ici les commissions ou les bénéfices intermédiaires du commerçant d’immeubles de biens immobiliers qui sont dues (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, vol. I, 2019, ad art. 4 LIFD, § 68, p. 148).

11.         Selon la jurisprudence en matière de droit civil, la question de savoir si la rémunération du mandataire consiste en un forfait convenu à l'avance, ou si elle consiste en un pourcentage du prix de vente à intervenir, n'est pas déterminante pour distinguer le contrat de courtage du contrat de mandat, parce qu’un contrat de mandat portant seulement sur du conseil, peut prévoir une rémunération similaire à celle habituellement prévue pour le courtage, soit un pourcentage du prix de vente à intervenir, sans pour autant devenir un contrat de courtage. Le critère déterminant pour distinguer le contrat de courtage de celui de mandat est de savoir si la rémunération du mandataire/courtier est liée à la conclusion de la vente à intervenir. Si tel n’est pas le cas, le courtage peut être exclu (cf. ATF 144 III 43 consid. 3.4.2).

12.         Pour pouvoir être qualifié d'intermédiaire en droit fiscal, il faut contribuer de manière causale à la conclusion du contrat ayant pour objet une opération immobilière (Stefan OESTERHELT, Moritz SEILER, in Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2022, ad. art. 4 al. 1 let. d LIFD, p. 82 n. 30). Le for d’imposition des intermédiaires dans le commerce immobilier concerne notamment les commissions de courtage (cf. Jean-Blaise PASCHOUD, Daniel DE VRIES REILINGH, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2017, § 57-60, p. 127-128).

13.         En principe, l'appréciation fiscale se base en premier lieu sur les circonstances de droit civil, notamment les contrats conclus par les parties. Pour interpréter un contrat de droit civil, le juge doit tout d'abord s'attacher à rechercher la réelle et commune intention des parties. Pour ce faire, il prendra en compte non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais aussi les circonstances antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_528/2019 du 5 décembre 2019 consid. 3.4 et l’ATF 140 III 86 consid. 4.1 y étant cité).

14.         La démonstration du fondement de l’assujettissement aux impôts est à charge des autorités fiscales, sur la base d'indices rendant vraisemblable le rattachement au lieu considéré. Il appartient à la personne morale, qui conteste un tel rattachement, d'établir les faits propres à détruire cette vraisemblance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.321/2003 du 4 décembre 2003 consid. 3.1 et les références citées ; Jean-Blaise PASCHOUD, Raphaël GANI in op. cit., ad art. 50 LIFD n. 16 et les références).

Par ailleurs, de jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/24/2024 du 9 janvier 2024 consid. 8.10 et les réf.).

15.         En l’espèce, la convention du 8 juin 2021, en tant que telle, constitue manifestement un contrat de courtage au sens de l’art. 412 CO, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la recourante, à juste titre. En effet, le versement de la commission prévu dépendait de la réalisation de la vente immobilière ainsi que des activités que la recourante devait accomplir à cette fin, à savoir, d’une part, « présenter » un acheteur et, d’autre part, effectuer « toutes les activités nécessaires pour arriver à la conclusion de cette affaire, en travaillant avec tous les intervenants (acquéreur, notaire, avocat, propriétaires etc.) », ce qu’elle a fait in fine. Quant à l’allégation de la conclusion d’une nouvelle convention, celle-ci repose uniquement sur les dires de la recourante sans qu’elle ne puisse fournir aucune preuve matérielle allant dans ce sens. A ce sujet, il est douteux qu’un contrat d’une telle importance et portant sur une somme d’argent aussi élevée ait pu être conclu oralement.

Cette question peut toutefois être laissée ouverte car, comme l’a à juste titre relevé l'AFC-GE, la notion d’intermédiaire apparaît plus large en droit fiscal qu’en droit civil, en ce sens qu’il suffit de contribuer de manière causale à la réalisation de l’opération immobilière et d’en percevoir une commission. Rien au dossier ne permet de retenir que la recourante a elle-même « présenté » un acheteur potentiel, mais elle a néanmoins contribué de manière causale et essentielle à la réalisation de la vente de l’immeuble, ce qui est corroboré par le versement de l’entier de la commission prévue par la convention du 8 juin 2021. La recourante indique d’ailleurs elle-même que sans une documentation importante et des informations décisives qu’elle a pu fournir, en recourant aux autres sociétés du consortium, la vente n’aurait pas pu avoir lieu. Dans ces conditions, on ne saurait admettre qu’il s’agit d’une simple activité de conseils. Elle a bel et bien accompli des activités d’intermédiaire en exécution de ladite convention, activités qui relève précisément de son but social (« toutes opérations d’intermédiation »). Du reste, dans sa demande du 18 mars 2022, la recourante a clairement indiqué avoir perçu une commission en sa qualité « d’intermédiaire et de conseil ». Il apparait par ailleurs que le vendeur a lui-même considéré la rémunération de CHF 1'224'000.- comme une commission de courtage, dès lors qu’il a obligé la recourante à l’annoncer à l'AFC-GE, ceci visiblement pour pouvoir par la suite valablement la faire valoir en déduction de son gain immobilier.

Au vu de ces éléments, la recourante doit être considérée comme intermédiaire au sens des art. 3 al. 2 let. b LIPM et 51 al. 1 let. e LIFD et, en conséquence, faire l’objet d’un assujettissement limité aux impôts de l’année 2022.

16.         Partant, le recours sera rejeté.

17.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 986.- versée à la suite du dépôt du recours.

18.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 août 2023 par A______ SARL contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 6 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 986.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière