Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1464/2024

JTAPI/417/2024 du 03.05.2024 ( MC ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE;DÉLAI DE RECOURS
Normes : LaLEtr.8.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1464/2024 MC

JTAPI/417/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Madame A______, née le ______ 2000, est ressortissante française.

2.            Le 12 avril 2024, sur réquisition de la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (CECAL), une patrouille de la police est intervenue au magasin MANOR, sis rue de Cornavin 6, 1201 Genève, pour un voleur à l'étalage. Sur place, la patrouille a appréhendé Mme A______, laquelle avait volé des articles pour une valeur de CHF 495.50 et était retenue par le service de sécurité du magasin.

3.            Entendue par les services de police, Mme A______ a reconnu le vol, et a précisé qu'elle avait agi dans le but de revendre la marchandise et résoudre ses problèmes d'argent. S'agissant de sa situation personnelle, elle a déclaré résider à ______[FR], avoir quatre enfants, rendre visite à des membres de sa famille restés en Suisse, et plus précisément à ______[VD], ______[BE] et ______[ZH].

4.            Prévenue d'infraction au code pénal (art 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) – vol), elle a été mise à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

5.            Le 13 avril 2024, Mme A______ a été condamnée par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève pour les faits ayant conduit à son arrestation, puis elle a été remise en mains des services de police.

6.            Le même jour, en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le commissaire de police a prononcé à l'encontre de Mme A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès territoire du canton de Genève) pour une durée de douze mois. Cette décision a été contresignée par Mme A______ le même jour.

7.            Par pli qu'elle a rédigé à B______ (France) et qu'elle a daté du 19 avril 2024, Mme A______ a formé opposition contre cette décision, expliquant qu'elle avait besoin de pouvoir se rendre en Suisse pour y travailler et que la décision d'interdiction prise le 13 avril 2024 lui causait par conséquent un préjudice disproportionné.

8.            L'opposition de Mme A______ est parvenue le 1er mai 2024 au Tribunal administratif de première instance, lequel a effectué le 2 mai 2024 une recherche sur le site de la Poste française au sujet de l'acheminement du courrier de Mme A______. Il en résulte que celle-ci a remis son pli à la Poste le 24 avril 2024, que ce pli était prêt à partir de son territoire d'expédition le 27 avril 2024 et qu'il poursuivait son acheminement sur son territoire de destination le 30 avril 2024.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 8 al. 1 LaLEtr, l'opposition à une interdiction de pénétrer dans une région déterminée doit être formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée.

3.             Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d'être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/1157/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a ; ATA/1595/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3a).

4.             Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l'art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/512/2016 du 14 juin 2016 et les références citées).

5.             Les écrits doivent parvenir à l'autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

6.             Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

7.             En l'occurrence, en application des dispositions légales rappelées plus haut, Mme A______ avait dix jours pour s'opposer à la décision d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève qui lui avait été notifiée le 13 avril 2024. Ce délai de dix jours s'achevait donc le 23 avril 2024, date à laquelle, au plus tard, l'opposition aurait dû être remise à un bureau de poste suisse, ou aurait dû parvenir à la Poste suisse après avoir été expédiée plus tôt par un bureau de poste hors de Suisse. Or, c'est seulement le 30 avril 2024, soit hors du délai légal de dix jours, que l'opposition de Mme A______ est parvenue à la Poste suisse.

8.             Par conséquent, son opposition est tardive.

9.             A cela s'ajoute qu'à teneur du dossier, aucun cas de force majeur n'a empêché Mme A______ d'agir dans le délai qui lui était imposé.

10.         Par conséquent, son opposition devra être déclarée irrecevable.

11.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à Mme A______ et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

12.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable l'opposition formée le 24 avril 2024 par Madame A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 13 avril 2024 pour une durée de douze mois ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

3.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Madame A______, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière