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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1095/2024

JTAPI/291/2024 du 03.04.2024 ( LVD ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;PROLONGATION;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1095/2024 LVD

JTAPI/291/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 avril 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et pour le compte de ses enfants mineurs B______ et C______, représentés par Me Anne ISELI DUBOIS, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur D______

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 25 mars 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement du 25 mars 2024 à 4h45 au 4 avril 2024 à 17h00 à l'encontre de Monsieur D______ lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de celle-ci ainsi que de ses enfants mineurs B______ et C______.

2.             Selon cette décision, M. D______ était présumé avoir menacé Mme A______ avec un couteau et lui avoir, précédemment, fait subir des lésions corporelles simples, des voies de fait, des menaces et des injures.

3.             Par acte portant la date du 31 mars 2024, remis à la Poste de Begnins le 2 avril 2024 à 16h59 et parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 3 avril 2024 à 8h49, Mme A______, sous la plume de son conseil, a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de trente jours, en expliquant avoir porté plainte à l’encontre de M. D______ pour les faits graves de violences domestiques notamment et du fait que le danger était toujours présent. Deux jeunes enfants de 5 et 6 ans étaient actuellement en vacances pour deux semaines : ils vivaient avec elle et devaient également être protégés jusqu’à nouvelle décision à rendre prochainement par le Tribunal civil sur le droit de visite de M. D______. En effet, ce dernier, détenteur du passeport algérien des enfants, avait prononcé des menaces d’enlèvement en sus de menaces.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Toute personne directement touchée par la mesure d’éloignement a le droit d’en solliciter la prolongation auprès du Tribunal administratif de première instance, au plus tard 4 jours avant l’expiration de la mesure (art. 11 al. 2 LVD).

La prolongation est prononcée pour 30 jours au plus ; depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder 90 jours (art. 11 al. 2 2ème phr. LVD).

Le tribunal statue avant l'expiration de la mesure ; s'il n'a pas statué à l'échéance du délai, la mesure cesse de déployer ses effets (art. 11 al. 3 LVD).

3.             Au terme de l'art. 16 al. 1 1ère phr. de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 1), un délai fixé par la loi ne peut être prolongé.

4.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions de droit public qui présentent un caractère impératif. A ce titre, ils ne sont pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, sauf par le législateur lui-même. Il s'agit d'une règle de procédure essentielle, dont la violation de ne peut être réparée. Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/171/2014 du 18 mars 2014 consid. 1a ; ATA/820/2013 du 17 décembre 2013 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n° 1506).

Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1 2ème phr. LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de l'extérieur de façon irrésistible (ATA/171/2014 du 18 mars 2014 consid. 1a ; ATA/820/2013 précité consid. 2), la charge de leur preuve incombant à la partie qui s'en prévaut.

5.             En l'occurrence, Mme A______ a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. D______ qui doit arriver à échéance le 4 avril 2024 à 17h00, en date du 2 avril 2024, soit seulement deux jours avant l'expiration de celle-ci.

Au vu de la formulation de l'art. 11 al. 2 LVD (« au plus tard »), il ne fait pas de doute que le délai fixé par celui-ci pour saisir le tribunal est impératif (cf. aussi le rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'Etat modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 LVD : « il ne s'agit pas d'un simple délai d'ordre, puisqu'en cas de dépassement, la mesure prend fin »).

Rien ne permet en outre de retenir que Mme A______ aurait été victime d'un cas de force majeure qui l'aurait empêchée d'agir en temps utile, ce qu’elle ne prétend d’ailleurs pas.

6.             Sa requête est donc tardive, de sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable.

7.             Cela a pour conséquence que la mesure d'éloignement en cause prendra fin le 4 avril 2024 à 17h00.

8.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

9.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).

 


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable la demande formée par Madame A______ le 2 avril 2024 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 25 mars 2024 à l’encontre de Monsieur D______

2.             dit qu’il n’est pas perçu d’émoluments ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

4.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

La greffière