Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2371/2020

JTAPI/354/2021 du 29.03.2021 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : VALEUR FISCALE;IMMEUBLE;REVENU DE LA FORTUNE IMMOBILIÈRE(DROIT FISCAL);VALEUR LOCATIVE
Normes : LIPP.50.lete; LIFD.21.al1.letb; LIPP.24.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2371/2020 ICCIFD

JTAPI/354/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 mars 2021

 

dans la cause

 

A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Le 11 septembre 2017, alors que ses taxations pour les années 2008 à 2016 étaient entrées en force, A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) a procédé, auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), à une dénonciation spontanée, indiquant qu’au cours de ces années, elle n’avait pas déclaré ses deux appartements situés en Espagne, ni les comptes bancaires qu’elle y détenait. Le premier appartement avait été acquis en 2006 pour le prix de EUR 153’822.- et revendu en 2016 pour EUR 110'000.-. Le second avait été acheté en 2016 pour EUR 120'000.-.

À teneur des actes notariés des 12 septembre 2006 et 31 mai 2016 (rédigés en langue espagnole) qu’elle avait produits à cette occasion, le prix du premier appartement était d’EUR 219'745.-, - lequel avait été « payé par l'acheteur au vendeur comme suit » : EUR 65'923,50 « que le représentant de l'entité vendeuse déclare avoir reçu de l'acheteur, avant le présent acte » et EUR 153'821,50 « que le représentant de l'entité vendeuse déclare avoir reçu de l'acheteur en vertu du présent acte, moyennant un chèque » (p. 14 et 15) - et celui du second de EUR 120'000.-.

2.             Par courrier du 11 décembre 2018, l’AFC-GE a informé la contribuable de l’ouverture à son encontre d’une procédure en rappel des impôts fédéral direct (IFD), cantonal et communal (ICC) pour les années 2008 à 2016, précisant notamment qu’elle procéderait à l’émission des bordereaux de rappel d’impôt sur la base des éléments qu’elle lui avait communiqués.

3.             Le 25 mars 2020, l'AFC-GE lui a notifié les bordereaux de rappel d'impôt pour lesdites années, ainsi que deux décisions datées du même jour, l’une pour les ICC et l’autre pour l’IFD, à teneur desquelles sa dénonciation du 11 septembre 2017 remplissait les conditions légales d’une dénonciation spontanée non punissable, de sorte qu’aucune amende ne lui était infligée.

À teneur des avis de taxation joints auxdits bordereaux, l’AFC-GE a retenu la valeur fiscale ressortant des actes notariés fournis par la contribuable, soit CHF 353'724.- (EUR 219'745.- au taux de change de 1,6097) pour l’appartement acquis en 2006 et CHF 128'640.- (EUR 120’000.- au taux de change de 1’072) pour celui acquis en 2016. Par ailleurs, pour l’année 2016, elle a fixé la valeur locative des deux appartements au prorata temporis, compte tenu du fait qu’ils avaient été vendus, respectivement acquis, en mai 2016.

4.             Par courrier du 14 avril 2020, la contribuable a formé réclamation contre ces bordereaux.

Le prix d’achat de l’appartement acquis en 2006 était d’EUR 185'000.-. À cet effet, elle produisait un document intitulé « Schedule of Payments », non daté et non signé, comportant la mention « Purchase Price : 185,000,00 € », ainsi qu’un tableau de divers montants totalisant EUR 209'001,60.

5.             Par courrier du 18 juin 2020, l’AFC-GE a informé la contribuable de son intention de rectifier la taxation 2016 en sa défaveur et lui a imparti un délai pour se déterminer.

Suite à la correction de la valeur locative de l’appartement situé en Espagne, un supplément d’impôt de CHF 581,10 était dû.

6.             Par courriers des 26 et 29 juin 2020, la contribuable a en substance exposé qu’elle ne comprenait pas comment la valeur fiscale de son appartement espagnol pouvait s’élever à CHF 353'724.- alors qu’elle l’avait payé EUR 185'000.- et revendu pour seulement EUR 110'000.-. Par ailleurs, elle n’aurait jamais pu louer ce bien pour plus d’EUR 4'800.- par année. La valeur locative que l’AFC-GE avait retenue pour ce bien en 2016, au prorata temporis jusqu’au 16 mai de cette année, était de CHF 2'640.- (recte : 3'614.- avant l’abattement et CHF 2'168.- après l’abattement de 40 %), ce qui correspondait à une valeur locative annuelle de CHF 6'932.-. Or, pour les taxations des années 2008 à 2015, l’AFC-GE avait retenu les valeurs locatives (avant l’abattement) de respectivement CHF 25'255.-, 24'036.-, 21'974.-, 19'634.-, 19'185.-, 19'591.-, 19'333.- et 17'001.-.

7.             Par décision du 13 juillet 2020, l’AFC-GE a rectifié les bordereaux contestés tant en faveur de la contribuable, en tant qu’ils concernaient le prix d’achat de son appartement espagnol, qu’en sa défaveur, ce conformément à ce qu’elle lui avait annoncé par le courrier du 18 juin 2020. Il s’ensuivait des dégrèvements des ICC et IFD notifiés précédemment.

8.             Par acte du 7 août 2020, la contribuable a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

Le montant de l’impôt que l’on lui réclamait après sa réclamation paraissait toujours « disproportionné » par rapport au prix d’achat de l’appartement qu’elle avait acquis en 2016. Elle produisait une estimation, effectuée par la société immobilière espagnole qui lui avait vendu cet appartement de 77,71 m2, selon laquelle son prix d’achat était d’EUR 120'000.-, le prix par mètre carré d’EUR 1'544,20 et le « prix de location » d’EUR 500.- s’il était meublé et d’EUR 400.- s’il ne l’était pas.

9.             Dans sa réponse du 13 novembre 2020, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

En l'absence d'une valeur locative établie par les autorités fiscales espagnoles, c'était à juste titre qu’elle avait fixé la valeur locative à 4,5 % de la valeur fiscale des immeubles de la recourante, comme le prévoyait son information n° 0/1991 du 1er février 1991 (intitulée « Détermination de la valeur locative nette en matière d'impôt fédéral direct pour la période de taxation 1991-1992 » ; ci-après : la directive de 1991).

10.         Par réplique du 7 décembre 2020, la recourante a maintenu ses conclusions.

L’appartement qu’elle avait acheté pour EUR 185'000.-, soit au prix « correct pour le marché », avait été revendu en 2016 pour EUR 110'000.-. Ce dernier montant représentait la valeur réelle de ce bien, laquelle devait être prise en compte, puisqu’il avait eu une « surestimation ».

S’agissant de l’appartement qu’elle avait acquis en 2016 pour EUR 120'000.-, elle payait un impôt annuel d’EUR 445,12 et des frais de copropriété d’EUR 90.-. Le montant de l’impôt qu’on lui réclamait représentait 20 % de la valeur de ce bien.

11.         Dans sa duplique du 23 décembre 2020, l’AFC-GE a elle aussi persisté dans ses conclusions, relevant que l’a recourante n’avançait aucun argument nouveau, ni ne produisait de pièces déterminantes pouvant influer sur le sort du litige.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le litige concerne en partie une période antérieure au 1er janvier 2010, de sorte que se pose la question du droit applicable.

4.             La loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), s'applique dès la période fiscale 2010, les périodes antérieures étant régies par l'ancien droit (art. 72 al. 1 LIPP), soit les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à V). De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 4 : 2C_11/2018 du 10 décembre 2018consid. 4 ; 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 3 et les références ; ATA/379/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/330/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/236/2018 du 13 mars 2018).

5.             La présente cause porte sur les périodes fiscales 2008 à 2016. Elle est ainsi régie par le droit en vigueur durant chacune de ces périodes, à savoir les dispositions de l'ancien droit cantonal (aLIPP-I à V ; années fiscales 2008 et 2009), de la LIPP (années fiscales 2010 à 2016), de la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, et de la LPFisc, entrée en vigueur le 1er janvier 2002.

6.             La recourante conteste la valeur fiscale retenue pour l’immeuble qu’elle avait acquis en 2006, soutenant que cette valeur devrait correspondre au prix auquel elle l’avait vendu en 2016, soit EUR 110'000.-.

7.             Les immeubles sont soumis à l'impôt sur la fortune (art. 47 LIPP), à la valeur vénale qu'ils ont au 31 décembre de l'année pour laquelle cet impôt est dû (cf. art. 49 al. 1 et 2 LIPP).

La valeur fiscale des immeubles sis à l'étranger n'entre en considération que pour la détermination du taux d'impôt sur la fortune (cf. art. 7 al. 1 LIFD et 6 al. 1 LIPP), dès lors que l'assujettissement illimité aux impôts en Suisse ne s’étend pas à ces immeubles (cf. art. 6 al. 1 LIFD et 5 al. 1 LIPP).

8.             L'art. 50 LIPP, qui a repris l'art. 7 let. e aLIPP-III, pose les principes d'estimation de la valeur des immeubles, dont notamment les villas, parcs, jardins d'agrément, ainsi que les immeubles en copropriété par étage (let. e) qui sont « estimés en tenant compte du coût de leur construction, de leur état de vétusté, de leur ancienneté, des nuisances éventuelles, de leur situation, des servitudes et autres charges foncières les grevant, de prix d'achats récents ou d'attribution ensuite de succession ou de donation et des prix obtenus pour d'autres propriétés de même nature qui se trouvent dans des conditions analogues, à l'exception des ventes effectuées à des prix de caractère spéculatif. Cette estimation est diminuée de 4 % par année d'occupation continue par le même propriétaire ou usufruitier, jusqu'à concurrence de 40 % ».

Par évaluation d'immeubles à la valeur vénale, il faut entendre la valeur attribuée à un objet sur le marché des échanges économiques, lors d'un achat ou d'une vente dans des conditions normales. En d'autres termes, lorsque la valeur vénale d'un élément de fortune est donnée par le résultat d'une transaction ayant eu lieu sur le marché libre, la loi la désigne comme valeur fiscale imposable (cf. ATF 134 II 207 consid. 3.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 4.4 ; 2C_316/2010 du 29 juillet 2010 consid. 3.3 ; ATA/1834/2019 du 17 décembre 2019 consid. 12b).

9.             Dans un jugement du 29 mai 2019 (JTAPI/493/2019), le tribunal a retenu qu'un immeuble sis à l’étranger devait être évalué selon le taux de change applicable à l'impôt sur la fortune pour l'année fiscale litigieuse. Ce jugement n'a pas fait l'objet d'un recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Dans son jugement du 28 août 2019 (JTAPI/768/2019), le tribunal a confirmé cette jurisprudence. Statuant sur le recours interjeté contre ce jugement, par arrêt du 9 juin 2020 (ATA/575/2020), la chambre administrative a confirmé que l'autorité intimée pouvait se fonder sur le prix d'acquisition des biens immobiliers en adaptant le taux de change applicable au 31 décembre de chaque année fiscale en cause, relevant que l'emploi de cette méthode était d'autant moins critiquable que l'estimation des immeubles étrangers servait uniquement à déterminer le taux de l'impôt sur la fortune (consid. 5).

10.         Il faut en outre rappeler que dans la procédure de recours, le tribunal a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation (art. 142 al. 4 LIFD ; art. 50 al. 2 LPFisc). Il peut ainsi à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au désavantage de ce dernier (art. 143 al. 1 LIFD ; art. 51 al. 1 LPFisc).

Selon la jurisprudence, il incombe au tribunal de procéder à une reformatio in pejus, ce même en cas de retrait du recours, en cas de décisions de taxation « manifestement incompatibles avec les dispositions applicables » et dont la correction revêt « une importance notable », au vu des montants des impôts à reprendre (cf. ATF 144 IV 136 précité consid. 7.1).

11.         En l’espèce, compte tenu de ce qui précède, force est de constater que c’est à bon droit que l’AFC-GE s’est fondée, en principe, sur le prix d’acquisition de l’appartement litigieux pour déterminer sa valeur vénale, ce dès l’année fiscale 2006. Ce faisant, elle n’aurait cependant pas dû retenir celui de EUR 185'000.- ressortant du document que la recourante lui a remis le 14 avril 2020 - celui-ci n’étant ni signé ni daté et n’indiquant au demeurant pas son auteur - mais celui indiqué clairement dans l’acte notarié du 12 septembre 2006 (EUR 219'745.-). Cette erreur justifierait une reformatio in pejus des taxations entreprises au sens des art. 143 al. 1 LIFD et 51 al. 1 LPFisc. Toutefois, le tribunal y renoncera compte tenu des faibles montants à reprendre (cf. à ce sujet not. ATF 144 IV 136) et du fait que ceux-ci ne seraient pris en compte que pour le taux d’imposition, l’immeuble concerné étant situé à l’étranger (cf. art. 7 al. 1 LIFD et 6 al. 1 LIPP).

Cela étant, en vertu de à la jurisprudence citée plus haut, le prix d’acquisition retenu par l’autorité intimée (EUR 185'000.-) doit être converti au taux de change applicable au 31 décembre de chaque année fiscale en cause.

Ce grief est ainsi admis partiellement. Dans la mesure où, comme on le verra ci-après, la cause doit être renvoyée à l'AFC-GE, il lui appartiendra, lors de la notification des nouveaux bordereaux d'impôt, d'établir la valeur de l'immeuble selon ce qui précède.

12.         La recourante conteste également la valeur locative retenue pour l’appartement qu’elle a acquis en 2016, soutenant qu’elle ne pourrait le louer mensuellement que pour EUR 400.-, non meublé, voire pour EUR 500.- s’il l’était.

13.         Parmi les revenus soumis à imposition figure la valeur locative d'un bien immobilier, propriété du contribuable. Il s'agit d'un revenu en nature dont la valeur économique correspond au loyer que le contribuable aurait pu obtenir d'un tiers en louant son logement (ATF 131 I consid. 2.2 ; ATF 112 I a 242 ; RDAF 1997 II p. 706 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd. 2012, p. 155 n. 210 ; Yves NOËL in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 55 ad art. 16 LIFD).

14.         En matière d'imposition fédérale, la valeur locative d'un bien immobilier dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit est imposable comme revenu au titre de rendement de la fortune immobilière (art. 21 al. 1 let. b LIFD). La valeur locative est déterminée compte tenu des conditions locales et de l'utilisation effective du logement ou du domicile du contribuable (art. 21 al. 2 LIFD).

En matière d'imposition cantonale, la LHID, qui a pour objet de désigner les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixer les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID) prévoit que l'impôt sur le revenu a notamment pour objet la valeur locative de l'habitation du contribuable dans son propre immeuble (art. 7 al. 1 LHID), sans donner d'autres détails.

Sur cette base, le législateur cantonal a édicté l'art. 24 al. 1 let. b LIPP, lequel est d'une teneur similaire à celle de l'art. 21 al. 1 let. b LIFD.

15.         La valeur locative des immeubles sis à l'étranger n'entre en considération que pour la détermination du taux d'imposition des contribuables, tant pour l'IFD que pour l'ICC (ATF 140 II 157 consid. 7.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 5.1).

La valeur locative d'une maison de vacances ne se calcule pas en fonction de son utilisation effective (ATF 132 I 157 consid. 6) ; elle ne peut être réduite proportionnellement qu'au cas où l'utilisation de la maison est pratiquement impossible une partie de l'année (ATF 99 Ia 344 consid. 5).

16.         La pratique de l'AFC-GE fait application de la directive de 1991, qui prévoit que la valeur locative correspond à 4,5 % de la valeur fiscale du bien (villa ou appartement).

Le Tribunal fédéral a jugé que l'application de cette directive et de la méthode forfaitaire de calcul de la valeur locative, par l'AFC-GE, pour les immeubles situés dans des pays ne connaissant pas l'imposition de la valeur locative, dont l’Espagne, n'apparaissait pas contraire à l'art. 21 al. 2 LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 5 et 6.2). Se fondant sur cet arrêt, la chambre administrative a retenu que l'Espagne était un pays n'imposant pas la valeur locative et que partant l'AFC-GE avait à juste titre utilisé la méthode de calcul forfaitaire prévue par sa directive de 1991 (ATA/440/2020 du 30 avril 2020).

Toutefois, dans son arrêt du 19 janvier 2021 (2C_486/2020), le Tribunal fédéral a jugé que, contrairement à la formulation employée au consid. 5 de l'arrêt 2C_137/2019 précité, l'Espagne connaissait une imposition de la valeur locative (consid. 6.5), mais qu’il s'agissait encore d'examiner si la valeur locative calculée selon les critères du droit espagnol respectait les exigences légales et jurisprudentielles imposées par le droit interne suisse et cantonal, notamment en matière de respect des conditions locales et de limites à respecter par rapport au loyer du marché (consid. 6.6). Il a par conséquent renvoyé la cause à la chambre administrative pour qu’elle examine en particulier si l'application de la méthode forfaitaire selon la directive de 1991 de l’AFC-GE restait applicable en dépit de la connaissance par l'Espagne d'un concept de valeur locative (consid. 8.1).

17.         Pour le surplus, le Tribunal fédéral a jugé que l'évaluation faite, à la demande du contribuable, par une agence immobilière locale du loyer mensuel n'est pas un document propre à établir de manière objective la valeur locative, d’autant moins si - comme en l’espèce - cette estimation ne contient notamment aucune référence à des biens similaires loués dans la région (cf. arrêt 2C_829, 830/2016 du 10 mai 2017 consid. 4.4).

En l’occurrence, il découle de ce qui précède que, sur ce point également, le dossier doit être renvoyé à l’AFC-GE pour qu'elle procède au sens des considérants, à savoir qu’il lui appartiendra d'examiner si sa directive de 1991 reste applicable en dépit de la valeur locative calculée selon les critères du droit espagnol.  

18.         Il convient enfin de préciser, à toutes fins utiles, que la Convention du 26 avril 1966 entre la Suisse et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (CDI CH-ESP - RS 0.672.933.21) ne s'oppose pas à ce qui précède. Elle prévoit en effet l'imposition des revenus provenant des biens immobiliers dans l'État contractant où ces biens sont situés (art. 6 al. 1 CDI CH-ESP), tout en laissant à la Suisse la possibilité de tenir compte des revenus ou de la fortune imposables en Espagne selon la Convention pour établir le taux d'imposition sur le reste du revenu ou de la fortune (art. 23 al. 2 let. a CDI CH-ESP ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 5.1).

19.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement et le dossier renvoyé à l’AFC-GE pour nouveaux bordereaux de rappel d’impôt pour les années 2008 à 2016.

20.         Vu cette issue, un émolument réduit de CHF 350.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe partiellement (art. 52 al. 1 LPFisc et 144 al. 1 LIFD). Il est couvert par l'avance de frais de CHF 700.- versée à l'ouverture du recours.

21.         Le solde de l'avance de frais, soit CHF 350.-, sera restitué à la recourante.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 août 2020 par A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 13 juillet 2020 ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             annule ladite décision et les bordereaux y relatifs et renvoie le dossiers à l'administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 350.-, lequel est couvert par son avance de frais de CHF 700.-, et ordonne la restitution, en sa faveur, du solde de cette avance, soit CHF 350.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière