Décisions | Chambre de surveillance
DAS/162/2025 du 08.09.2025 sur DTAE/3761/2025 ( PAE ) , IRRECEVABLE
En droit
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/16139/2021-CS DAS/162/2025 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 2025 |
Recours (C/16139/2021-CS) formé en date du 2 juin 2025 par Madame A______ domiciliée ______ (Genève).
* * * * *
Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 10 septembre 2025 à :
- Madame A______
______, ______.
- Monsieur B______
c/o Me Noudemali Romuald ZANNOU, avocat
Rue de la Synagogue 41, 1204 Genève.
- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
Pour information à
- Docteur E______
CURML - UPFFEA
Rue Michel-Servet 1, 1211 Genève 14.
A. a) Le mineur F______ est né le ______ 2017 de la relation hors mariage entre A______ et B______, lequel a reconnu l'enfant.
b) Le 17 août 2021, le père a saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) d'une requête visant l'instauration de l'autorité parentale conjointe et l'élargissement du droit de visite convenu avec la mère.
c) Le 6 janvier 2022, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: le SEASP) a rendu son rapport d'évaluation sociale, relevant que les parents étaient en désaccord quant à l'autorité parentale conjointe, mais qu'il n'y avait aucune contre-indication à ce que le père détienne également cette autorité. Pour le surplus, le SEASP concluait à ce que la garde reste à la mère, qui se montrait soucieuse du bien-être du mineur, et à ce qu'un droit de visite usuel soit réservé au père, dont les capacités parentales n'étaient pas remises en question.
d) Le 18 février 2022, A______ a déposé une requête auprès du Tribunal de première instance visant à fixer la contribution d'entretien pour le mineur et la réglementation des droits parentaux (C/1______/2022).
e) Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 18 janvier 2023, le Tribunal de première instance a institué une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite en faveur du mineur, ce dont le Tribunal de protection a pris acte par ordonnance DTAE/1184/2023 du 15 février 2023.
f) A la suite des calendriers annuels établis par le Service de protection de mineurs (ci-après: SPMi), l'organisation des relations personnelles entre le mineur et son père a fait l'objet de plusieurs décisions rendues par le Tribunal de protection, les tensions parentales s'intensifiant quant à la prise en charge du mineur.
g) Par ordonnance DTAE/2449/2025 rendue le 18 février 2025, le Tribunal de protection a, sur le fond, instauré une curatelle d'assistance éducative en faveur du mineur, maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles et exhorté les parents à reprendre, dans les meilleurs délais, une thérapie familiale auprès de G______ [centre de consultations familiales]; à titre préparatoire, le Tribunal de protection a ordonné une expertise psychiatrique familiale et a imparti un délai au 18 avril 2025 aux parties et au SPMi pour lui soumettre la liste des questions qu'ils souhaitaient voir posées aux experts.
Sur ce dernier point, le Tribunal de protection a retenu que la situation était conflictuelle depuis plusieurs années, sans que les père et mère ne parviennent à communiquer ni à s'entendre dans l'intérêt de l'enfant, comme en témoignaient les procédures judiciaires actuellement pendantes devant deux tribunaux. Les curateurs du SPMi peinaient en outre à démêler la situation, laquelle ne s'était pas améliorée malgré la mise en place d'une curatelle propre au droit de visite il y a deux ans, et le mineur se trouvait au centre d'un conflit parental enkysté et dommageable pour son développement. Cette situation complexe justifiait qu'une expertise soit ordonnée afin de clarifier au mieux l'état développemental de l'enfant et ses besoins, la dynamique prévalant au sein de la famille, les difficultés et ressources des père et mère, de même que les solutions à envisager au regard du bien du mineur.
h) Par acte du 30 avril 2025, la mère a formé un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après: la Chambre de surveillance) contre l'ordonnance du Tribunal de protection précitée (voir ci-après: D.c)).
i) Par plis des 17 et 29 avril 2025, B______, respectivement le SPMi, ont fait parvenir au Tribunal de protection leur listes de questions à l'attention de l'expert.
B. Par ordonnance DTAE/3761/2025 rendue le 5 mai 2025 et notifiée le même jour aux parties, le Tribunal de protection a, sur mesures préparatoires, confirmé l'expertise familiale (let. A du dispositif), commis à titre d'expert le Dr E______, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents, ______ [fonction] et chef de clinique auprès de l'Unité de psychiatrie forensique pour familles enfants et adolescents du Centre universitaire romand de médecine légale (let. B), rappelé la mission confiée, soit, en particulier, déterminer l’état somatique et psychique du mineur et de ses parents, ainsi que l’état de leurs relations réciproques (let. C ch. 1 à 4), invité l'expert à faire part au Tribunal de ses constats et recommandations sur certains aspects (let. D ch. 1 à 12), invité l'expert à formuler toutes autres constatations et observations utiles (let. E), autorisé le Dr E______ à désigner, sous sa propre responsabilité, un ou plusieurs professionnels de son choix disposant des compétences requises pour effectuer l’expertise (let. F), autorisé l'expert à déléguer, sous sa propre responsabilité, les examens somatiques, de même que les tests neurologiques et/ou psychologiques utiles à l'appréciation de la situation, ainsi que, s'il l'estime nécessaire, à mandater un psychiatre d'adultes pour une évaluation actualisée de l'état psychique et cognitif des père et/ou mère (let. G.), imparti à l'expert un délai au 4 août 2025 pour déposer son rapport en trois exemplaires au Tribunal de protection (let. H), rendu l'expert attentif aux conséquences pénales d’un faux rapport au sens de l’art. 307 CP et de la violation du secret de fonction au sens de l’art. 320 CP, ainsi qu’aux conséquences d’un défaut ou d’une exécution lacunaire du mandat (let. I), réservé le sort des frais d’expertise et ajourné la cause à la date de réception du rapport d'expertise (let. J et K.).
En substance, le Tribunal de protection a considéré qu'il ressortait des éléments portés à sa connaissance que la situation s'avérait très compliquée et qu'il était nécessaire de clarifier au mieux l'état développemental de l'enfant et ses besoins, la dynamique prévalant au sein de la famille, les difficultés et ressources des père et mère, de même que les solutions à envisager au regard du bien du mineur.
Cette ordonnance a été adressée à A______ par pli recommandé du 5 mai 2025. La destinataire a été avisée le 7 mai 2025 par La Poste suisse de la notification à son attention d'un pli recommandé, lequel a été retourné au Tribunal de protection, non réclamé, à l'échéance du délai de garde à La Poste.
C. a) Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 2 juin 2025, A______ a recouru contre cette ordonnance, concluant à l'irrégularité de sa notification, à la suspension de son caractère exécutoire, à son annulation, à la mise à la charge de l'Etat des frais de procédure et à l'allocation de dépens.
Elle a produit un chargé de pièces.
b) Par déterminations du 12 juin 2025, B______ a conclu au rejet du recours.
c) Par décision DAS/105/2025 du 13 juin 2025, la Chambre de surveillance a octroyé l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais.
d) Par pli du 25 juin 2025, le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée. Il a précisé qu'au moment de la notification de celle-ci, le conseil de la recourante était considéré comme dessaisi de la cause dès lors que sa demande d'assistance judiciaire avait été refusée, si bien que l'ordonnance litigieuse avait été envoyée au domicile propre de la recourante. Par ailleurs, le Tribunal de protection relevait le manque de collaboration de la mère avec le réseau et indiquait craindre que les différents projets de vie à l'étranger de celle-ci, - soit trois projets distincts au cours des derniers mois, loin du domicile du père et impliquant une réduction du droit de visite de celui-ci -, aient pour effet de déstabiliser le mineur. Compte tenu de ces éléments, il envisageait de prendre des mesures de protection en faveur du mineur, une expertise du groupe familial devant cependant être mise en œuvre au préalable.
e) La recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions.
Elle a produit un chargé de pièces.
f) La cause a été gardée à juger à l'issue de ces échanges.
D. Postérieurement à la notification de l'ordonnance attaquée, les décisions suivantes ont été rendues:
a) Par courriel du 23 mai 2025, le SPMi a fait état du souhait de A______ de s'installer en France (H______) avec l'enfant F______ et sollicité le prononcé de mesures superprovisionnelles, visant à l'inscription du mineur F______ dans les bases de données RIPOL, SIS et INTERPOL et à ce qu'il soit fait interdiction à A______ de quitter le territoire suisse avec son fils F______.
Le 23 mai 2025, le Tribunal de protection a fait droit à la requête de mesures superprovisionnelles, par apposition d'un timbre humide sur le courrier précité, et confirmé ces mesures le 17 juin 2025 après audition des parties lors de l'audience du même jour, également par l'apposition d'un timbre humide sur ledit courrier.
Par décision DAS/143/2025 du 29 juillet 2025, la Chambre de surveillance a rejeté la demande de mesures provisionnelles formée par A______.
b) Par jugement du 22 juillet 2025, le Tribunal de première instance a, notamment, instauré l'autorité parentale conjointe de A______ et de B______ sur F______, attribué à A______ la garde de F______ et réservé à B______ un droit de visite qui s'exercera, sauf accord contraire des parties, un week-end sur deux du vendredi sortie de l'école au dimanche 18h00, sans avoir mangé auparavant, le mercredi par le biais d'un appel téléphonique en visioconférence entre 18h30 et 19h00, ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires et jours fériés selon les modalités qu'il a fixées.
c) Par décision DAS/159/2025 du 2 septembre 2025, la Chambre de surveillance a déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, le recours formé par A______ contre la décision préparatoire ordonnant une expertise psychiatrique familiale, et confirmé sur le fond l'ordonnance DTAE/2449/2025 rendue le 18 février 2025 par le Tribunal de protection.
1. 1.1.1 La décision litigieuse est une ordonnance d'instruction, dès lors qu'elle se rapporte à la préparation et à la conduite des débats (Jeandin, in Commentaire du Code de procédure civile, 2ème éd, 2019, ad art. 319 n. 14; DAS/43/2015 du 16 mars 2015 consid. 1.1).
Les décisions du Tribunal de protection peuvent faire l'objet d'un recours devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de dix jours à compter de leur notification lorsqu'il s'agit d'une ordonnance d'instruction (art. 450 et 450b al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC; 321 al. 2 CPC).
Les ordonnances d'instruction ne sont attaquables que si elles sont susceptibles de causer un dommage difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC). Tel est toujours le cas des ordonnances ordonnant préparatoirement une expertise psychiatrique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_655/2023 consid. 2.3).
1.1.2 Lorsque la partie est représentée, les actes sont notifiés à son représentant (art. 137 CPC). La notification n'est accomplie que lorsqu'elle est faite au représentant et non pas déjà au représenté (ATF 113 Ib 296 consid. 2).
En cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré, l'acte est réputé notifié à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (art. 138 al. 3 let. a CPC).
1.2 En l'espèce, le recours, déposé au greffe de la Cour de justice le 2 juin 2025, semble tardif.
En effet, l'ordonnance litigieuse adressée à la recourante le 5 mai 2025 n'a pas été réclamée à La Poste par sa destinataire et a par conséquent été retournée à son expéditeur à l'échéance du délai de garde de sept jours. La recourante ayant connaissance de la procédure pendante devant le Tribunal de protection, elle devait s'attendre à recevoir une notification par voie postale de ce même Tribunal de protection. Conformément à l'art. 138 al. 3 let. a CPC, l'ordonnance litigieuse était par conséquent réputée avoir été notifiée au domicile personnel de la recourante à l'échéance du délai de garde de sept jours à La Poste, soit le 14 mai 2025. Dans cette mesure, le délai pour recourir est arrivé à échéance le 24 mai 2025.
La recourante soutient cependant que l'ordonnance attaquée aurait dû être notifiée au domicile de son conseil et qu'en l'absence de notification régulière, le délai de recours n'a pas commencé à courir, de sorte que son recours doit être considéré comme valablement formé. Le Tribunal de protection considère pour sa part qu'au moment de la notification de l'ordonnance litigieuse, le conseil en question ne représentait plus la recourante, si bien que la notification au domicile personnel de la recourante était valable.
Point n'est toutefois besoin de trancher cette question, le recours apparaissant quoiqu'il en soit irrecevable pour un autre motif, conformément à ce qui suit.
1.3 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d'office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. Elle n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).
1.4 Les pièces nouvellement déposée devant la Chambre de céans par les parties sont recevables, dans la mesure où l’art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l’exclusion du CPC, ne prévoit aucune restriction en cette matière.
2. 2.1 La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance DTAE/3761/2025. Elle s'oppose à la mise en œuvre de l'expertise, qu'elle qualifie d'inopportune et de disproportionnée au regard de la situation.
2.2 L'ordonnance dont est recours confirme, sous let. A, une expertise psychiatrique familiale, alors qu'elle avait déjà ordonné dite expertise par ordonnance préparatoire du 18 février 2025. Or, cette ordonnance préparatoire a fait l'objet d'un recours par la recourante, lequel a été déclaré irrecevable par décision DAS/159/2025 du 2 septembre 2025, l'ordonnance attaquée ayant, dans son ensemble (c'est-à-dire: y compris la décision au fond qu'elle comportait), été confirmée pour le surplus. Le fait que le Tribunal de protection ait, vraisemblablement pour rappel, confirmé une telle expertise dans son ordonnance du 5 mai 2025, n'ouvre pas la possibilité d'un nouveau recours sur cette question, déjà tranchée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_1019/2020 du 30 juin 2021 consid. 4.2). Le Tribunal de protection aurait dû se limiter, après avoir entendu les parties, dans sa seconde ordonnance, à désigner l'expert et à fixer la mission de ce dernier. Le recours formé contre le principe même de l'expertise psychiatrique familiale (let. A) doit donc être déclaré irrecevable.
2.3 La lecture du recours ne révèle aucun grief formé à l'encontre des autres lettres de l'ordonnance, à savoir le choix de l'expert (let. B), la mission de l'expert (let. C), les questions posées à l'expert (let. D), l'invitation aux experts (let. E), la délégation (let. F et G), les délais impartis (let. H), le rappel aux experts du Code pénal (let. I), le sort des frais d'expertise (let. J) et l'ajournement de la cause (let. K).
En conséquence, à défaut de tout grief motivé à l'encontre des modalités concernant la mise en œuvre de l'expertise, qui seules sont encore susceptibles d'un recours, les conclusions en annulation de l'ordonnance attaquée doivent être déclarées irrecevables dans leur intégralité.
2.4 Le recours est ainsi irrecevable.
3. La procédure, qui porte sur des mesures de protection en faveur d'un mineur, est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC).
Il n'est pas alloué de dépens.
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable le recours formé le 2 juin 2025 par A______ contre l'ordonnance DTAE/3761/2025 rendue le 5 mai 2025 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/16139/2021.
Confirme l'ordonnance attaquée.
Sur les frais :
Dit que la procédure est gratuite.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame
Carmen FRAGA, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.