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Décisions | Chambre de surveillance

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C/2550/2024

DAS/145/2024 du 19.06.2024 ( ADOPT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2550/2024 DAS/145/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 19 JUIN 2024

 

Recours (C/2550/2024-1) formé en date du 29 janvier 2024 par Monsieur A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Melissa FISCHER, avocate, rue de Saint-Léger 6, Case postale 444, 1211 Genève 4.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier du 26 juin 2024 à :

- A______
c/o Me Melissa FISCHER, avocate
Rue de Saint-Léger 6, Case postale 444, 1211 Genève 4.

- SERVICE ETAT CIVIL ET LEGALISATIONS
Route de Chancy 88, 1213 Onex

 


 

 

 

 

EN FAIT

A. a) A______, originaire de B______ (Genève), est né le ______ 1960 à C______ (Genève).

b) D______ est née le ______ 1992 à Genève de l'union entre E______, née [E______] le ______ 1962 à F______, [région de] G______, en Espagne, et H______, né le ______ 1963 à Genève.

c) Divorcée de H______, E______ a contracté mariage avec A______ le ______ 1995.

Un enfant, I______, est né de cette union le ______ 1995 à Genève.

d) A______ et E______ sont séparés de fait depuis le 1er août 2011 et divorcés depuis le ______ septembre 2012.

B. a) Par requête déposée au greffe de la Cour civile de la Cour de justice le 16 juin 2023, A______ a sollicité le prononcé de l'adoption de D______ par lui-même en application de l'art. 266 CC. Il concluait également à ce que les liens de filiation entre D______ et sa mère E______ ne soient pas rompus et à ce que D______ conserve son nom de famille.

A l'appui de sa requête, il a exposé avoir rencontré E______ en automne 1994. La fille de cette dernière, D______, était alors âgée de 2 ans, E______ étant séparée du père biologique depuis les six mois de l'enfant. Depuis lors et jusqu'à la séparation du couple en 2011, A______, E______ et D______, puis I______, avaient tous vécu sous le même toit. Au moment du divorce de sa mère et de son beau-père, D______ avait fait le choix de rester vivre avec A______ et son demi-frère I______. Quelques années plus tard, elle avait emménagé dans son propre appartement.

A______ a précisé que le père biologique de D______ avait régulièrement séjourné à l'étranger, sans réellement se soucier de sa fille. Depuis avril 2020, les liens étaient définitivement rompus entre D______ et son père. La prénommée avait également un grand frère, J______, né le ______ 1985, issu de l'union entre E______ et H______.

A______ a encore indiqué qu'il avait toujours considéré D______ comme sa fille. Il lui avait fourni tous les soins nécessaires depuis ses deux ans jusqu'à présent, de même qu'il lui avait donné l'amour d'un père, et avait pourvu, aux côtés de sa mère, à son éducation, de manière strictement identique à ce qui avait prévalu pour son fils I______. De son côté, D______ avait toujours considéré A______ comme son père, tandis que son père biologique n'était pas – ou peu – présent. A______ et D______ avaient ainsi, dès le plus jeune âge de celle-ci, développé une relation harmonieuse, fondée sur la confiance et l'amour, qui perdurait encore aujourd'hui. Ils souhaitaient désormais faire coïncider les liens du cœur avec leur situation juridique et administrative, l'adoption n'étant que la suite logique du lien indéfectible qui s'était tissé entre eux.

b) D______ a consenti à son adoption par A______ par courrier du 28 mars 2023. Elle a indiqué que le prénommé avait toujours représenté sa figure paternelle. Elle a également exposé ses difficultés relationnelles avec son père biologique, précisant qu'elle avait finalement décidé de couper tout lien avec lui en avril 2020.

c) Selon une lettre datée du 11 novembre 2021, E______ s'est déclarée favorable à la demande d'adoption de sa fille par A______. Elle a indiqué que si le père de D______ avait brillé par son absence tout au long de la vie de sa fille, à l'inverse, A______ avait apporté son soutien en toutes circonstances et contribué au bien-être de D______. Il s'agissait, selon elle, d'une merveilleuse relation père-fille.

d) Par courrier du 30 octobre 2022, I______ s'est également déclaré favorable à l'adoption de D______ par son père.

C. a) A la suite de l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2023, du nouvel article 120 al. 3 LOJ, le dossier de la procédure, initialement déposé auprès de la Cour de justice (cf. B.a), a été transféré pour raison de compétence au Service état civil et légalisations de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: SECL).

b) Par courrier du 25 octobre 2023, le SECL a interpellé A______, soit pour lui son conseil, afin de lui signaler que les conditions au prononcé de l'adoption d'une personne majeure par le conjoint n'étaient pas réunies compte tenu de sa séparation de fait, puis son divorce d'avec la mère biologique et légale de D______. Le prononcé d'une décision d'adoption par une personne seule pouvait entrer en considération mais aurait pour conséquence de rompre définitivement les liens de filiation entre D______ et sa mère. Un délai de 30 jours lui était imparti pour indiquer au SECL la suite qu'il entendait donner à la procédure.

c) Par courrier du 15 décembre 2023, reçu en temps utile au vu de la prolongation de délai accordée par le SECL, A______ a fait savoir au SECL qu'il ne "persist[ait] pas dans sa requête en adoption, en raison du fait que le lien de filiation entre Madame D______ et sa mère devra être rompu" et prié le SECL de "rendre une décision sujette à recours".

d) Par téléphone puis courriel du 20 décembre 2023, le SECL a interpellé A______ afin de l'inviter à préciser ses conclusions.

e) Par courriel du 21 décembre 2023, le conseil de A______ a fait savoir au SECL que celui-ci persistait dans sa demande d'adoption de l'enfant majeure de son ex-conjointe et sollicitait une décision indiquant que l'adoption ne pouvait être accordée en raison de la rupture du lien de filiation avec la mère biologique de D______.

D. a) Par décision du 17 janvier 2024, le SECL a rejeté la requête en adoption formée par A______.

En substance, le SECL a retenu que les conditions de l'adoption de l'enfant du conjoint n'étaient pas remplies dès lors que A______ ne faisait plus ménage commun avec la mère de D______, ce à tout le moins depuis 2011, et que l'adoption par une personne seule n'était pas requise dans la mesure où elle entraînait la rupture des liens de filiation antérieurs.

Sous l'intitulé "Communication des voies de recours", il était indiqué que, conformément aux art. 308 ss CPC et 120 al. 3 LOJ, la décision pouvait faire l'objet d'un appel par-devant la Chambre civile de la Cour de justice dans les 10 jours suivant sa notification.

b) Par acte expédié au greffe de la Cour civile de la Cour de justice le 29 janvier 2024, A______ a "appelé" de cette décision, qu'il a reçue le 18 janvier 2024. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à son annulation et, cela fait, à ce que la Chambre civile de la Cour de justice prononce l'adoption requise, dise que les liens de filiation entre D______ et sa mère E______ ne sont pas rompus, dise que D______ conservera le nom de famille [de] H______ et communique la présente décision d'adoption à toutes les autorités compétentes, soit en tout état la Direction cantonale de l'Etat civil.

A______ a fait grief à l'autorité précédente de ne pas avoir considéré que l'adoption requise était possible sans porter atteinte au lien de filiation maternelle, eu égard aux circonstances du cas d'espèce.

c) Par courriel du 1er février 2024, la Cour civile de la Cour de justice a informé le SECL de "l'appel" déposé par A______ à l'encontre de sa décision de refus d'adoption du 17 janvier 2024.

d) Le SECL a requis, par courrier du 13 février 2024, qu'un délai lui soit imparti afin de faire parvenir ses observations.

e) Par courrier du 27 février 2024, la Chambre civile de la Cour de justice a imparti un délai de 30 jours au SECL pour répondre à "l'appel", prolongé au 29 avril 2024 sur requête du SECL.

f) Par acte expédié le 25 avril 2024 au greffe de la Chambre civile de la Cour de justice, le SECL a déposé des observations sur "l'appel" de A______, accompagnées d'un bordereau contenant les pièces du dossier. Il a conclu au rejet du "recours" et à la confirmation de la décision de refus du 17 janvier 2024.

Le SECL a précisé n'avoir pas poursuivi l'instruction et n'avoir notamment pas recueilli l'opinion de H______ dans la mesure où il était manifeste que l'une des conditions de l'adoption de l'enfant du conjoint, sollicitée par le recourant afin de ne pas porter atteinte au lien de filiation maternelle, n'était pas remplie.

g) Par avis du 27 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 Jusqu'au 31 août 2023, la Chambre civile de la Cour de justice était compétente pour statuer en matière d'adoption (art. 268 al. 1 CC; art. 120 al. 1 let. c aLOJ). Sa décision était sujette à appel, lequel devait être déposé, conformément aux délai et forme prescrits par les art. 308 al. 1 let. a, 311 et 314 al. 1 CPC, auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, en conformité des principes posés par le Tribunal fédéral le temps que l'organisation judiciaire soit adaptée aux exigences de double instance prévues par l'art. 75 al. 2 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 5A_243/2017 du 15 mai 2017 consid. 2.2; ATF 139 III 252 consid. 1.6),

A la suite d'une modification législative adoptée le 27 janvier 2023 et entrée en vigueur le 1er septembre 2023, l'art. 12A al. 2 let. d LaCC prévoit que le département chargé de la population est l'autorité compétente pour prononcer l'adoption (art. 268 al. 1 CC) et l'art. 120 al. 3 LOJ prescrit que la Chambre civile [de la Cour civile de la Cour de justice] est l’autorité de recours contre les décisions du Service état civil, naturalisations et légalisations en matière d’adoption.

1.1.2 La procédure d'adoption relève de la juridiction gracieuse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_636/2018 du 8 octobre 2018 consid. 3.3.2).

A ce sujet, le Message du Conseil fédéral indique: "Le CPC règle – c’est le principe général – la procédure applicable aux affaires civiles (art. 1), contentieuses et non contentieuses. Il est également applicable à la procédure dite gracieuse (let. a et b). Alors que les affaires contentieuses sont régies sans exception par le CPC, pour la juridiction gracieuse existent d’importantes restrictions. Seules les affaires attribuées au pouvoir judiciaire sont soumises aux CPC […]. [L]es affaires civiles traitées par des autorités administratives cantonales (art. 54 Tit. fin. CC […]) restent soumises à la procédure administrative cantonale en raison des motifs constitutionnels invoqués lors de la procédure de consultation. Les cantons sont toutefois libres d’appliquer le nouveau CPC." (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6874).

Ni la LaCC, ni aucune autre loi cantonale ne prévoit l'application du CPC à la procédure d'adoption pour laquelle le SECL, autorité administrative, est désormais compétent.

La loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; E 5 10) s'applique à la prise de décision par les autorités administratives et les juridictions administratives (art. 1 LPA). Sont réputées juridictions administratives les autorités que le droit fédéral ou cantonal charge du contentieux administratif en les désignant comme autorité de recours (art. 6 al. 1 let. e LPA). Compte tenu de ce qui précède, tel est le cas de la Cour de justice lorsqu'elle fonctionne comme autorité de recours contre les décisions du SECL en matière d’adoption.

1.1.3 Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

Aux termes des art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA, l'acte de recours, formé par écrit, contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant, ainsi que l'exposé des motifs.

Le délai de recours est de trente jours et court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 1 let. a et al. 3 LPA; art 17 al. 1 LPA).

1.2 Dans le cas d'espèce, la décision attaquée indiquait erronément que la voie de l'appel, conformément aux art. 308 ss CPC et 120 al. 3 LOJ, était ouverte par-devant la Chambre civile de la Cour de justice, dans les 10 jours suivant sa notification. En réalité et conformément à ce qui précède, la décision attaquée pouvait faire l'objet d'un recours par-devant la Chambre civile de la Cour dans un délai de 30 jours, conformément aux art. 57 ss LPA et 120 al. 3 LOJ.

Ces indications erronées n'ont cependant pas porté préjudice au recourant, puisque son mémoire de recours, intitulé "appel", a été introduit dans le délai de recours de 30 jours de l'art. 62 LPA (décision reçue le jeudi 18 janvier 2024 et recours expédié au greffe de la Cour de justice le lundi 29 janvier 2024) et respecte les conditions de forme des art. 64 et 65 LPA, en sorte qu'il est recevable, peu importe sa dénomination inexacte.

1.3 L’autorité qui a pris la décision attaquée et toutes les parties ayant participé à la procédure de première instance sont invitées à se prononcer sur le recours (art. 73 al. 1 LPA). Dans ce cas, la juridiction administrative fixe les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs écritures (art. 75 LPA).

L'art. 73 LPA n'impose pas d'exigences particulières auxquelles doit satisfaire la réponse au recours. Cette disposition se limite à offrir aux parties ayant participé à la procédure de première instance la possibilité de s'exprimer sur le recours et de faire valoir leurs points de vue (ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2a ; ATA/915/2019 du 21 mai 2019 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013). En outre, le délai fixé par la juridiction administrative à teneur de l'art. 75 LPA est, au sens technique, un terme, susceptible d'être prolongé (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3a).

En l'espèce, la Chambre civile de la Cour de justice a imparti un délai de 30 jours à l'autorité intimée pour se déterminer sur "l'appel", puis l'a prolongé, sur demande du SECL, au 29 avril 2024. Expédiées au greffe de la Cour civile de la Cour de justice le 25 avril 2024, les observations du SECL ont été déposées en temps utile. Elles sont ainsi recevables.

2. Le recourant reproche à l'autorité intimée de ne pas s'être écartée de la "solution rigide" des art. 267 al. 2 et 268 al. 2 CC et d'avoir ainsi méconnu les circonstances du cas d'espèce. Il estime que l'exigence de l'art. 264c al. 2 CC selon laquelle l'adoptant doit mener une vie de couple avec le parent de l'enfant qu'il souhaite adopter ne doit pas trouver application lorsque ledit enfant est majeur au moment du dépôt de la requête et que l'adoptant lui a fourni des soins et pourvu à son éducation durant sa minorité, au sens de l'art. 266 al. 1 ch. 2 CC. En effet, la personne majeure à adopter ayant très souvent déjà pris son indépendance, il n'est plus nécessaire de prévoir que l'adoptant et le parent biologique vivent ensemble dans le but de garantir une certaine stabilité familiale.

2.1.1 Selon l'art. 266 al. 1 CC, une personne majeure peut être adoptée si elle a besoin de l'assistance permanente d'autrui en raison d'une infirmité physique, mentale ou psychique et que le ou les adoptants lui ont fourni des soins pendant au moins un an (ch. 1), lorsque, durant sa minorité, le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an (ch. 2) ou pour d'autres justes motifs, lorsqu'elle a fait ménage commun pendant au moins un an avec le ou les adoptants (ch. 3).

L'art. 266 al. 2 prévoit que les dispositions sur l’adoption de mineurs s’appliquent par analogie, à l’exception de celle sur le consentement des parents.

Les liens de filiation antérieurs sont rompus (art. 267 al. 2 CC). Les liens de filiation ne sont pas rompus à l’égard de la personne avec laquelle le parent adoptif est marié, est lié par un partenariat enregistré, mène de fait une vie de couple (art. 267 al. 3 ch. 1 à 3 CC).

2.1.2 Une personne peut adopter l'enfant de son conjoint (art. 264c al. 1 ch. 1), de son partenaire enregistré (art. 264c al. 1 ch. 2 CC) ou de la personne avec laquelle elle mène de fait une vie de couple (art. 264c al. 1 ch. 3 CC). Le couple doit faire ménage commun depuis au moins trois ans (art. 264c al. 2 CC).

Le ménage commun d'un couple ne signifie pas seulement une communauté domestique vécue par deux ou plusieurs personnes, comme cela peut être le cas entre frères et sœurs ou amis qui partagent un même logement, mais la vie commune d'un couple vivant sous le même toit dans une communauté semblable au mariage. La condition du ménage commun vise à garantir une certaine stabilité de la relation entre les personnes souhaitant adopter, dans l'intérêt de l'enfant (Message relatif à la modification du code civil suisse [Adoption] du 28 novembre 2014, in FF 2015 p. 835 ss. [ci-après Message Adoption], 859). Ainsi, selon la volonté claire du législateur, l'adoption de l'enfant du partenaire est possible uniquement dans le cadre d'une relation stable et étroite entre deux personnes de sexes différents ou de même sexe, au sens d'une communauté semblable au mariage, et donc uniquement pour les personnes vivant en couple. L'adoption de l'enfant du partenaire vise à fonder une famille dans laquelle la personne qui adopte prend le rôle de second parent (Message Adoption, p. 866).

2.1.3 Selon l'art. 268 al. 2 CC, les conditions d'adoption doivent être remplies dès le dépôt de la requête. Il résulte donc du texte clair de la loi que le mariage, le partenariat enregistré ou la communauté de vie de fait au sens d'une relation de couple doivent encore exister, au moins au moment du dépôt de la demande d'adoption (DAS/166/2023 consid. 3.1.3).

L'adoption de l'enfant du conjoint, selon l'art. 264a al. 3 aCC [désormais: art. 264c CC], est exclue si la demande est déposée postérieurement au divorce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_822/2010 du 13 mai 2011 consid. 3.2.2.3).

2.2.1 En l'espèce, il est admis que le recourant et E______ sont séparés de fait depuis août 2011 et que leur divorce a été prononcé le ______ septembre 2012. Dès lors, le recourant ne formait manifestement plus, avec E______, et ce depuis plusieurs années, un couple vivant en ménage commun au moment du dépôt de la requête d'adoption de D______ formée le 16 juin 2023. L'une des conditions prévalant à l'adoption de l'enfant du conjoint, au sens de l'art. 264c CC, n'est dès lors pas satisfaite.

Le recourant en a certes conscience, mais soutient que la volonté du législateur d'assurer une stabilité à l'enfant à adopter en exigeant que l'adoptant forme un couple avec le parent biologique n'a plus de portée lorsque la requête d'adoption vise une personne majeure. A bien le comprendre, dès lors que D______ est majeure, la condition de la vie de couple de l'adoptant et du parent biologique de l'art. 264c CC devrait être remplacée par celle de la fourniture des soins et de l'éducation pendant la minorité de l'art. 266 al. 1 let. c CC, laquelle est remplie en l'espèce.

2.2.2 Comme la Cour de justice a déjà eu l'occasion de relever, l'art. 264c CC ne permet aucune interprétation extensive (DAS/166/2023 consid. 3.2.1). En outre, l'art. 266 al. 2 CC prévoyant l'application par analogie des dispositions sur l'adoption de mineurs à celle de personnes majeures ne contient qu'une seule exception, relative au consentement des parents, laquelle a été introduite lors de la récente réforme du droit de l'adoption (Message Adoption, p. 882; RO 2017 3699, p. 3701). En revanche, le législateur s'est gardé de supprimer l'exigence du ménage commun entre l'adoptant et le parent légal dans le cas où l'enfant du conjoint est majeur.

Ainsi, le fait que le recourant ait vécu sous le même toit que D______ pendant la quasi-totalité de la minorité de celle-ci, qu'il se soit occupé d'elle comme si c'était sa fille et que les intéressés allèguent tous deux avoir créé un lien très fort ne change rien à ce qui précède, dès lors que le libellé de la loi est clair et exige, au moment du dépôt de la requête fondée sur l’art. 264c CC, applicable aux personnes majeures par renvoi de l'art. 266 al. 2 CC, que le couple fasse ménage commun depuis au moins trois ans. De même, le fait que le principe de l'intérêt de l'enfant ne trouve pas application en l'espèce et que l'adoption requise ne présente pas d'inconvénients pour la personne majeure concernée ne signifie pas qu’une telle adoption doive être prononcée, même si les conditions légales ne sont, comme en l’espèce, pas remplies.

Peu importe, enfin, que les conditions de l'adoption de l'enfant du conjoint aient pu être réalisées par le passé, étant admis qu'elles ne l'étaient plus au moment du dépôt de la requête, seul moment déterminant selon l'art. 268 al. 2 CC.

2.2.3 C'est encore en vain que le recourant se prévaut de la jurisprudence de la CEDH (en particulier: ACEDH Emonet et autres c. Suisse du 13 décembre 2007) et de la protection devant être accordée à la cellule familiale créée entre lui-même, D______, E______ et I______, dès lors qu'il n’existe plus aucune relation de couple entre E______ et le recourant et qu'il n'existe pas non plus d’autres liens familiaux «de facto» – tels qu’une cohabitation en dehors de tout lien marital, à l’image du cas EMONET – puisque D______ ne vit ni avec le recourant, ni avec sa mère.

2.2.4 Il s'ensuit que seule l'adoption d'une personne majeure par une personne seule serait envisageable en l'espèce, au sens de l’art. 266 al. 1 ch. 2 CC, laquelle aurait toutefois pour effet de rompre les liens de filiation entre D______ et E______ conformément à l'art. 267 al. 2 CC, ce qui n’est pas souhaité, le recourant ayant clairement indiqué qu'il renonçait à sa demande d'adoption si elle entraînait la rupture du lien de filiation maternelle de D______.

Au vu de ce qui précède, dans la mesure où les conditions formelles des art. 264c CC cum 266 al. 2 CC ne sont pas remplies, c'est de manière fondée que l'autorité intimée a rejeté la requête.

Le recours sera donc rejeté et la décision entreprise confirmée.

3. Les frais de procédure, fixés à 800 fr., seront mis à la charge du recourant (art. 87 LPA; art. 1 et 2 du Règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative, entré en vigueur le 7 août 1986 [RFPA;
RSG E 5 10.03]. Ils seront compensés par l'avance de frais de 1'000 fr. versée par le recourant, qui reste acquise à l'Etat à due concurrence.

Aucune indemnité ne sera allouée au SECL, office étatique qui plaide en personne et n'expose pas avoir encouru de frais particuliers (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 29 janvier 2024 par A______ contre la décision du Service état civil et légalisations rendue le 17 janvier 2024 dans la procédure C/2550/2024.

Au fond :

Confirme cette décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., les met à la charge de A______, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaires à restituer 200 fr. à A______.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.