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Décisions | Chambre de surveillance

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C/19262/2021

DAS/136/2024 du 11.06.2024 sur DTAE/10403/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19262/2021-CS DAS/136/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 11 JUIN 2024

 

Recours (C/19262/2021-CS) formé en date du 25 mars 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Sonia RYSER, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 13 juin 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Sonia RYSER, avocate.

- Monsieur B______
c/o Me Mattia DEBERTI
Avenue de la Roseraie 76A, CP, 1211 Genève 12.

- Madame C______
Madame D
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A.           a) B______, né le ______ 1960 à E______ (Sénégal), médecin, de nationalité française et A______, née le ______ 1967 à F______ (Italie), médecin, de nationalité italienne, ont entretenu une relation à compter de 2007 et se sont mariés le ______ 2014 à Genève.

Le couple a donné naissance à deux enfants, H______, né le ______ 2008 à Genève et I______, né le ______ 2015 à Genève également.

Les parties se sont séparées dans le courant de l’année 2018. Depuis lors, leurs relations sont conflictuelles.

b) En date du 19 septembre 2018, B______ a fait parvenir au greffe de la Cour de justice une requête en vue du retour immédiat des enfants en France, fondée sur la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (CLaH80). Il alléguait que A______ avait quitté le domicile familial sis à J______ (France) avec les enfants pour s’installer sur territoire suisse, alors qu’il était opposé au changement du lieu de résidence des mineurs.

Cette procédure s’est achevée par l’arrêt DAS/170/2019 du 27 août 2019, par lequel la Cour a ordonné le retour sur territoire français des deux mineurs, le Tribunal fédéral ayant rejeté le recours formé par A______.

Il résulte du dossier que cette dernière et les deux mineurs ont fini par s’installer à K______ [GE].

Les parties ont, chacune, initié des procédures en France pour B______ et en Suisse pour A______, afin de régler les effets accessoires de leur séparation. Une procédure de divorce est actuellement toujours en cours devant les tribunaux français.

Par ailleurs, par ordonnance pénale du 13 mars 2024, le Ministère public a déclaré B______ coupable de diffamation au préjudice de A______ et l’a condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., avec sursis pendant trois ans, peine à laquelle s’est ajoutée une amende de 500 fr., une peine privative de liberté de substitution de 12 jours ayant également été prononcée.

B______ a également déposé plainte pénale à l’encontre de A______, sans obtenir toutefois la condamnation de celle-ci.

c) Par courrier du 4 octobre 2021, A______ s’est adressée au Tribunal de protection.

Elle a notamment exposé que les tribunaux français, qui l’avaient autorisée à s’installer en Suisse avec les enfants, avaient fixé les modalités du droit de visite de B______ (durant une première période de trois mois à compter de l’arrêt, les dimanches des semaines paires de 10h00 à 18h00, y compris pendant les périodes de vacances scolaires ; à l’issue de cette période, les fins des semaines paires, du vendredi 19h00 au dimanche 19h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires), que celui-ci n’avait toutefois jamais respectées. Il s’était par ailleurs installé à L______, dans le sud de la France. Durant l’été 2021, B______ s’était soudainement manifesté en demandant à voir ses enfants. A______ avait proposé une reprise progressive du droit de visite, laquelle s’était mal passée, B______ ayant notamment refusé d’avoir une discussion avec son fils H______, alors que celui-ci la souhaitait et que les relations personnelles père-fils étaient interrompues depuis 2018. Il était à craindre que B______ ne veuille désormais exercer le droit de visite fixé par les tribunaux français, sans tenir compte des réticences des enfants, lesquels étaient inquiets. Il convenait dès lors que le Tribunal de protection tente « de trouver une solution urgente ».

d) Le Service de protection des mineurs (ci-après : le SPMi) a rendu son rapport le 28 juin 2022.

Il en ressort notamment que A______ vivait à K______ avec les deux mineurs ; B______ habitait pour sa part à J______ (France) avec sa compagne et leur enfant commun. La relation entre les parents demeurait conflictuelle et diverses procédures judiciaires étaient encore en cours devant les tribunaux français. Les deux enfants étaient élèves au sein de [l'école privée] M______ et pratiquaient de nombreuses activités extrascolaires. Selon la mère, H______ ne souhaitait pas voir son père. Il avait été suivi pendant deux ans par l’Office médico-pédagogique. Le mineur avait finalement décidé de rencontrer son père en janvier 2022 ; la rencontre avait duré une heure et l’enfant était rentré à la maison en pleurs. Selon ses dires, son père lui avait parlé des procédures judiciaires et avait critiqué sa mère.

B______ avait allégué avoir tout mis en œuvre pour se rapprocher de ses deux fils. Il ne souhaitait pas leur forcer la main et désirait reprendre les visites progressivement. Selon lui, les mineurs étaient pris dans un conflit de loyauté.

Selon H______, son père l’avait « quasi abandonné » pendant trois ans. Il ne lui avait même pas envoyé de message à Noël ou pour son anniversaire. Le mineur avait exprimé le fait que pour l’instant, il n’avait pas envie de voir son père ; il ne se sentait pas prêt. Il souhaitait seulement savoir pourquoi son père n’était pas venu lorsqu’il l’attendait.

I______ pour sa part avait exprimé le fait qu’il se sentait mal de ne pas voir son père, qui était gentil avec lui. Selon lui, sa mère avait « fait une grande bataille, parce que mon papa n’a pas été gentil » avec elle et avec son frère.

Au terme de son évaluation sociale, le SPMi a relevé les bonnes compétences parentales de la mère, qui parvenait à faire la différence entre la conjugalité et la parentalité. Les deux parents se montraient désormais collaborants, ce qui n’avait initialement pas été le cas de B______, qui contestait la compétence des autorités judiciaires suisses. Le SPMi a préavisé la reprise des liens entre le père et les deux mineurs dans un milieu thérapeutique et l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillances des relations personnelles.

e) Par décision rendue sur mesures superprovisionnelles le 1er juillet 2022, le Tribunal de protection a statué conformément à ce préavis.

f) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 6 octobre 2022.

Selon les avocats des parties, les procédures initiées en France allaient se poursuivre exclusivement sur le principe du divorce et les questions d’entretien, les parties ayant été renvoyées à agir en Suisse pour le surplus.

Le SPMi a indiqué avoir pris contact avec le [centre de consultation] P______ (ci-après : le P______) ; le dossier était sur une liste d’attente.

Les deux parties ont accepté que le Tribunal de protection examine la question de la reprise des relations personnelles entre le père et les deux mineurs.

A______ a sollicité la suspension des relations personnelles entre les enfants et leur père, tout en indiquant ne pas être opposée à une reprise ultérieure des liens, à la condition toutefois qu’une expertise familiale soit effectuée afin de permettre de clarifier la meilleure manière de procéder au regard du bien des enfants. Elle craignait, l’attitude de B______ ne changeant pas, que les enfants ne soient déçus s’ils devaient le revoir dans l’immédiat. La perte de contact avait été difficile à gérer pour les enfants, tout particulièrement pour H______, qui ne souhaitait pas revoir son père. Des tests étaient en cours sur I______ et semblaient confirmer qu’il présentait un haut potentiel ; il s’agissait d’en examiner les implications sur les plans scolaire et personnel.

B______ s’est déclaré « prêt à tout » pour le rétablissement des liens avec ses fils, qu’il aimait profondément. Il s’est engagé à entreprendre un travail thérapeutique personnel et à prendre contact avec les thérapeutes de ses enfants afin de recueillir tous conseils utiles.

Au terme de l’audience, le Tribunal de protection a accordé aux parties un délai pour lui faire parvenir « leurs déterminations finales, lesquelles devront procéder d’une réflexion préalable approfondie », la suite de la procédure étant réservée.

g) B______ a conclu, sur mesures provisionnelles, à ce que la reprise du lien père-fils soit ordonnée, en milieu thérapeutique et à l’instauration (sic) d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles.

A______ a conclu pour sa part, sur mesures superprovisionnelles, à la suspension du droit de visite du père ; sur mesures provisionnelles et au fond, elle a conclu à ce qu’une expertise familiale soit ordonnée, à ce que le droit de visite du père soit suspendu jusqu’à nouvelle décision à réception de l’expertise familiale, à être autorisée à procéder seule à toutes les démarches visant au renouvellement des passeports et cartes d’identité français des enfants, ainsi qu’à obtenir la délivrance d’un permis C pour ces derniers et leur naturalisation, l’autorité parentale du père devant être limitée en conséquence.

h) Par courrier du 30 avril 2023 adressé au Tribunal de protection, B______ a indiqué avoir initié un suivi thérapeutique. Il avait en outre rencontré la psychologue de I______, afin de préparer de la meilleure des manières possibles la reprise de leurs liens. La psychologue lui avait expliqué que I______ rencontrait des difficultés à l’école et avec ses amis, vraisemblablement en raison du conflit parental, ce qui l’avait particulièrement touché. Il avait également tenté de recueillir les conseils de la thérapeute de H______, mais celle-ci avait décliné sa proposition, au motif qu’elle n’avait pas revu le mineur depuis près de deux ans. En dépit des efforts déployés, B______ n’avait toujours pas pu revoir ses enfants. De plus, il avait appris que H______ avait eu un grave accident de ski ; il n’en avait pas été informé. La mère semblait par ailleurs envisager d’envoyer le mineur suivre un stage de ski au Chili ; il n’avait pas été consulté, alors qu’il était détenteur de l’autorité parentale.

i) Le 1er décembre 2023, le SPMi a informé le Tribunal de protection de ce qu’une place s’était libérée pour la famille B______ auprès du P______. A______ avait toutefois indiqué que H______ ne voulait plus voir son père ; quant à I______, il était fragile psychologiquement. Selon sa psychologue, contactée par le SPMi, I______ avait, depuis la rentrée scolaire, trouvé un équilibre émotionnel. Il s’investissait dans le sport et s’intégrait bien à l’école, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il avait déclaré à la psychologue qu’il contacterait son père lorsqu’il en aurait besoin. Selon cette dernière, en cas de reprise des relations, il faudrait veiller à ne pas compromettre l’équilibre récemment trouvé par l’enfant.

Le SPMi préavisait dès lors d’autoriser un droit de visite mensuel de B______ sur son fils I______ auprès du P______, ce droit ne devant se mettre en place qu’une fois que le SPMi aurait pu en expliquer au mineur les tenants et les aboutissants. Quant à H______, il convenait de ne pas forcer une reprise des liens avec son père.

j) Le Tribunal de protection a tenu une nouvelle audience le 6 décembre 2023.

B______ a indiqué que son suivi thérapeutique avait pris fin en avril ou mai 2023.

A______ a affirmé être opposée, en l’état, à une reprise des contacts entre I______ et son père, mais cela ne signifiait pas nécessairement qu’elle s’y opposerait « à tout jamais ». Elle s’opposait toutefois catégoriquement au processus de reprise des liens tel qu’il était proposé par le SPMi, estimant que les choses devaient « être faites comme je pense qu’elles doivent l’être ». La reprise devait être précédée d’une analyse plus approfondie de la situation. Cela faisait six ans que I______ n’avait pas vu son père et il avait deux ans lorsqu’il l’avait vu pour la dernière fois. Son équilibre actuel était précaire ; il présentait un haut potentiel et un trouble de l’attention et était suivi par une neuro-pédiatre, la Dre N______. Une instruction complémentaire était nécessaire, y compris par une expertise. H______ avait dû surmonter des difficultés très importantes, qui s’étaient manifestées sous la forme d’affects dépressifs, de pensées suicidaires et de rage. Il avait eu besoin de deux ans de thérapie. Depuis sa rencontre avec son père, en janvier 2022, dont il était revenu déçu, il avait fait le choix très clair de ne plus le voir. Il avait désormais 16 ans et son avis comptait.

B______ a déclaré être prêt à entreprendre une thérapie familiale. A______ s’y est déclarée opposée, tout en relevant que B______ avait, par le passé, été convié à participer à une telle thérapie auprès de l’Office médico-pédagogique, proposition qu’il avait déclinée.

Au terme de l’audience, le Tribunal de protection a gardé la cause à délibérer.

B.            Par ordonnance DTAE/10403/2023 du 6 décembre 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a ordonné une reprise progressive des liens entre B______ et son fils I______, laquelle s’effectuera sous l’égide du P______, selon les modalités qui s’organiseront d’entente entre ladite structure, les curatrices et les père et mère (chiffre 1 du dispositif), précisé que ce processus devra débuter par plusieurs entretiens de préparation séparés entre un médecin du P______ et B______, A______, ainsi que le mineur (ch. 2), ordonné la mise en place d’une thérapie de famille auprès d’un organisme spécialisé tel que la O______ (ch. 3), exhorté B______, respectivement A______, à effectuer, en parallèle, un travail thérapeutique individuel (ch. 4), invité les parties à délier les différents thérapeutes concernés de leur secret professionnel, afin de permettre aux divers intervenants d’œuvrer en réseau, dans l’intérêt bien compris des mineurs (ch. 5), maintenu la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles en faveur des mineurs (ch. 6), confirmé deux intervenantes en protection des mineurs aux fonctions de curatrices (ch. 7), invité les curatrices à adresser au Tribunal de protection, aussitôt que l’évolution de la situation le justifiera, mais au plus tard le 29 novembre 2024 s’agissant de I______ au moins, un rapport actualisé décrivant l’état de la mise en place des processus susdécrits et les constats des divers professionnels à cet égard, respectivement leur préavis concernant les modalités envisageables des relations personnelles entre chacun de leurs protégés et leur père (ch. 8), débouté en l’état les parties de toutes autres conclusions (ch. 9) et rappelé la gratuité de la procédure (ch. 10).

Le Tribunal de protection a considéré, en substance, que les deux mineurs avaient été l’enjeu de diverses procédures qui n’avaient laissé personne indemne dans le groupe familial. S’agissant de H______, celui-ci était désormais âgé de 16 ans. Son refus de revoir son père paraissait provenir, en partie du moins, de ses propres expériences, de sorte qu’il convenait d’en tenir compte. Il se justifiait donc de maintenir la suspension de ses liens avec son père en l’état, tout en invitant les curatrices à s’entretenir avec lui dans quelques mois et de transmettre leur préavis au Tribunal de protection. I______ n’avait, pour sa part, plus revu son père depuis l’âge de 3 ans, de sorte qu’il n’avait pas pu conserver le souvenir d’expériences particulières avec celui-ci ; ses réticences à le revoir ne pouvaient dès lors que provenir d’appréhensions relayées par sa mère et son frère. Son intérêt commandait qu’il puisse renouer un lien personnel avec son père et se faire sa propre idée, au lieu d’entretenir une image indirecte anxiogène de lui. Compte tenu de son état émotionnel fragile, cette reprise des liens devait s’effectuer de manière préparée et accompagnée. Le travail familial entrepris par la mère et les enfants, hors participation du père, ne suffisait pas à apaiser l’hostilité présente au sein de la famille et ne permettait pas non plus au père d’accéder à une meilleure compréhension du ressenti de ses fils, ni de s’ajuster à leurs besoins. Il convenait par conséquent d’ordonner aux parents de mettre en place une thérapie de famille et de les exhorter à effectuer un suivi individuel.

C.           a) Le 25 mars 2024, A______ a formé recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après : la Chambre de surveillance) contre cette ordonnance, reçue le 15 mars 2024, concluant à son annulation et, cela fait, à ce que le droit de visite de B______ sur H______ soit supprimé, à ce que le droit de visite de B______ sur I______ soit suspendu et à ce que le dossier soit retourné au Tribunal de protection pour instruction complémentaire et nouvelle décision, les frais devant être laissés à la charge de l’Etat.

La recourante a affirmé que depuis la séparation, intervenue en 2018, B______ avait accordé davantage d’importance aux stratégies judiciaires mises en place qu’à sa relation avec les enfants. Après s’en être totalement désintéressé entre 2019 et l’été 2021, il avait tenté d’exercer à nouveau son droit de visite, puis y avait renoncé depuis janvier 2022. S’agissant de H______, le Tribunal de protection aurait dû, compte tenu du refus du mineur de revoir son père, supprimer le droit de visite de ce dernier, ce qu’il avait omis de faire. En ce qui concernait I______, la recourante a fait grief au Tribunal de protection d’avoir ordonné la reprise des relations personnelles avec son père sans procéder à des mesures d’instruction complémentaires, telles que la mise en œuvre d’une expertise familiale et l’audition de la psychologue de l’enfant, qu’elle avait sollicitées. Le SPMi avait rendu à la hâte son dernier rapport, signé par un nouvel intervenant, lequel n’avait pris contact avec la recourante que trois jours avant et n’avait téléphoné qu’une fois à la psychologue de l’enfant, suite à la suggestion de la recourante elle-même. Ni l’école, ni la Dre N______ n’avaient été contactées. La décision rendue était dès lors inopportune et mettait en péril les intérêts de I______.

b) Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

c) B______ a conclu, préalablement, au retrait de l’effet suspensif et principalement au rejet du recours, avec suite de frais et dépens à la charge de A______.

d) Le Service de protection des mineurs a confirmé le contenu de son préavis du 1er décembre 2023. Il a précisé que les rencontres médiatisées seraient préparées avec le mineur et son père séparément, en amont, par des professionnels du P______. Si le Service de protection des mineurs devait considérer, suite à sa rencontre avec I______ et aux observations du P______, que la reprise des liens avec le père n’était pas dans l’intérêt du mineur, il en informerait le Tribunal de protection.

e) Par avis du 6 juin 2024, la Chambre de surveillance a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1. Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection rendues sur mesures provisionnelles peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC) dans un délai de dix jours à compter de leur notification (art. 445 al. 3 CC).

Interjeté par la mère des mineurs concernés par l’ordonnance litigieuse, dans le délai utile et suivant la forme prescrite, le recours est recevable.

1.2. Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d'office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. Elle n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

2. B______ a préalablement conclu au retrait de l’effet suspensif au recours. Cette conclusion est toutefois sans objet, le recours contre une décision rendue sur mesures provisionnelles ne déployant pas d’effet suspensif (art. 315 al. 4 let. b CPC). Quoiqu’il en soit, la cause étant en état d’être jugée au fond, cette conclusion est sans objet.

3. 3.1.1 L’autorité de protection de l’adulte prend, d’office ou à la demande d’une personne partie à la procédure, toutes les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure (art. 445 al. 1 CC). Cette disposition est applicable par analogie, par le biais de l’art. 314 al. 1 CC, dans le cadre des procédures concernant des mineurs.

3.1.2 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a;
123 III 445 consid. 3b). C'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (Vez, Le droit de visite – Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105). Le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; 122 III 404 consid. 3a et les références citées).

3.1.3 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit (ATF
122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C_244.2001, 5C_58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204; Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

Pour imposer de telles modalités (en particulier un droit de visite accompagné), il faut également des indices concrets de mise en danger du bien de l'enfant (il ne suffit pas que celui-ci risque abstraitement de subir une mauvaise influence): la différence réside uniquement dans le fait que ce danger paraît pouvoir être écarté autrement que par un retrait pur et simple du droit (Meier/Stettler, op. cit. n. 1015).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation du droit de visite (ATF 122 III 404 consid. 3d = JdT 1998 I 46).

3.2.1 En ce qui concerne le mineur H______, le Tribunal de protection a renoncé à prononcer des mesures provisionnelles, de sorte que le droit de visite du père continue d’être réglementé par la décision rendue par une autorité judiciaire française.

La Chambre de surveillance rappellera que selon la teneur claire de l’art. 445 al. 1 CC, des mesures provisionnelles ne sont prononcées que si elles sont nécessaires. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Le mineur H______ a certes manifesté clairement son refus de voir son père, position qui entre en conflit avec le droit de visite réservé à ce dernier par les tribunaux français. Il résulte toutefois des propres allégations de la recourante que B______ n’a plus manifesté l’intention d’exercer son droit de visite sur le mineur depuis le mois de janvier 2022, soit depuis plus de deux ans, et rien n’indique qu’il aurait l’intention d’en exiger la reprise. Il n’y avait dès lors aucune nécessité de modifier le droit de visite en vigueur par le prononcé de mesures provisionnelles.

La recourante sera déboutée de ses conclusions sur ce point.

3.2.2 En ce qui concerne l’enfant I______, il sera relevé que celui-ci était très jeune au moment de la séparation de ses parents et le conflit parental a conduit à la coupure des liens avec son père. Cette absence complète de relations est peut-être préjudiciable au bon développement du mineur, lequel semble par ailleurs présenter certaines fragilités. Il paraît dès lors nécessaire que les liens avec le père puissent être renoués, ce qui ne saurait toutefois se faire sans quelques précautions. Or, force est de constater que le Tribunal de protection a fixé un droit de visite qui tient compte de toutes les spécificités du cas d’espèce et des particularités du mineur, puisque ce droit doit non seulement reprendre de manière progressive, mais également sous l’égide du P______, le processus devant en outre débuter par plusieurs entretiens de préparation séparés entre un médecin du P______, le père, la mère et l’enfant. La reprise des relations personnelles entre I______ et B______ sera par conséquent non seulement encadrée, mais également préparée en amont, ce qui permettra au médecin du P______ de s’assurer que ladite reprise est possible et qu’elle ne mettra pas à mal l’équilibre par hypothèse fragile du mineur.

Les mesures d’instruction requises par la recourante n’apparaissent dès lors pas nécessaires. Il sera rappelé qu’une expertise du groupe familial est un processus particulièrement long, qu’il ne se justifie de mettre en œuvre que lorsqu’il est absolument indispensable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. L’audition de la psychologue du mineur n’apparaît pas non plus nécessaire, puisque sa position est d’ores et déjà connue, à savoir qu’il faudrait, en cas de reprise des relations, veiller à ne pas compromettre l’équilibre récemment retrouvé du mineur. Or, tel est précisément le but poursuivi par les cautèles mises en œuvre par le Tribunal de protection dans la décision querellée. Pour le surplus, la recourante n’explique pas de manière convaincante en quoi le fait de contacter l’école fréquentée par I______ ou la Dre N______ serait susceptible d’apporter des éléments nouveaux et utiles à la procédure. Le fait que l’enfant ait déclaré qu’il reprendrait contact avec son père lorsqu’il en éprouverait le besoin ne saurait, compte tenu du jeune âge de l’intéressé, faire obstacle à la reprise d’un droit de visite. La responsabilité d’une telle reprise ne saurait en effet reposer sur les épaules d’un enfant de moins de 9 ans.

Enfin, la Chambre de surveillance relève que les parents, tous deux médecins de formation, devraient être en mesure de comprendre l’impact délétère que leur conflit, qui perdure désormais depuis à tout le moins six ans, a sur leurs enfants. Au lieu d’en prendre conscience, ils ont toutefois préféré s’affronter dans le cadre de diverses procédures tant civiles que pénales, déposées en Suisse et en France. Ce faisant, ils ont démontré leur incapacité, en dépit de l’écoulement du temps et des problèmes rencontrés par leurs enfants, à renouer un dialogue serein, dans l’intérêt bien compris de ces derniers. La mise en œuvre d’une thérapie familiale apparaît par conséquent nécessaire et il ne saurait être reproché au Tribunal de protection de l’avoir ordonnée, quand bien même B______ aurait refusé de participer à une telle thérapie par le passé.

Infondé, le recours sera rejeté.

4. Le recours portant essentiellement sur les relations personnelles entre les mineurs et leur père, la procédure n’est pas gratuite (art. 77 LaCC ; art. 67A et 67B RTFMC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 800 fr. et mis à la charge de la recourante, qui succombe. Elle sera condamnée à les payer à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens (art. 107al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/10403/2023 rendue le 6 décembre 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/19262/2021.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., les met à la charge de A______ et la condamne à payer ce montant à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.