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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1275/2022

ACST/6/2024 du 18.06.2024 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1275/2022-ABST ACST/6/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 18 juin 2024

 

dans la cause

 

A______
et
B______SA
et
C______SÀRL
et
D______ SA
et
E______ SÀRL
représentées par Me Guy ZWAHLEN, avocat recourants

contre

GRAND CONSEIL intimé


EN FAIT

A. a. L'A______ (ci-après : A______) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ayant son siège à Genève.

b. B______SA, C______Sàrl, D______ SA et E______ Sàrl (ci-après : les sociétés) sont des entreprises de service de limousine et de minibus avec chauffeurs avec sièges à Genève, canton dans lequel elles sont inscrites au registre du commerce et où elles exercent leurs activités. Elles sont membres de A______.

B. a. Le 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la loi 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC - H 1 31), entrée en vigueur le 1er novembre 2022, qui avait notamment la teneur suivante :

« Chapitre I Dispositions générales

(…)

Art. 5 Définitions

Au sens de la présente loi et de ses dispositions d’application, on entend par :

(…)

b) « voiture de transport avec chauffeur » (ci-après : VTC) : une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, par commande ou réservation préalable uniquement, contre rémunération convenue d’entente avec le client, ne bénéficiant ni de l’usage accru du domaine public ni du droit de faire usage de la dénomination « Taxi » ;

(…)

Chapitre II Accès aux professions

Section 1 Chauffeurs

Art. 7 Carte professionnelle

Principes

1 La carte professionnelle de chauffeur vaut autorisation d’exercer, en qualité d’employé ou d’indépendant, la profession pour laquelle le diplôme visé à l’article 8 a été obtenu. La carte professionnelle de chauffeur de taxi permet en outre d’exercer la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de VTC.

(…)

Section 2 Entreprises de transport

Art. 10 Autorisation d’exploiter

Conditions de délivrance

(…)

2 L’autorisation est délivrée à une personne physique ou morale lorsque la requérante :

c) est titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi, respectivement de VTC selon la catégorie des services qu’elle propose, et en réalise toujours les conditions de délivrance. Lorsque la requérante est une personne morale, le titulaire de la carte professionnelle doit être une personne ayant le pouvoir d’engager et de représenter valablement l’entreprise ;

(…)

 

 

Section 4 Immatriculations

Art. 13 Autorisation d’usage accru du domaine public

Principes

1 Les autorisations d’usage accru du domaine public sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique.

(…)

Art. 14 Immatriculation des VTC

1 Les VTC sont immatriculées au moyen de plages de numéros qui leur sont spécialement dédiées.

(…)

Chapitre III Exercice des professions

Section 1 Dispositions communes

Art. 18 Obligations relatives aux voitures

(…)

2 Afin de limiter progressivement les émissions de CO2, les voitures utilisées doivent :

a) dès le 1er juillet 2024, avoir une efficacité énergétique correspondant aux catégories étiquette-énergie A, B, C ou D ;

b) dès le 1er juillet 2027, avoir une efficacité énergétique correspondant à la catégorie étiquette-énergie A ;

c) dès le 1er juillet 2030, ne plus émettre de CO2.

3 Lorsqu’une voiture de taxi est utilisée en tant que VTC, l’équipement visé à l’article 21, alinéa 1, lettres b et c, de la présente loi doit être retiré. Durant le changement d’affectation, la section 3 du présent chapitre s’applique à l’activité déployée, à l’exclusion de la section 2.

(…)

Section 2 Droits et obligations spécifiques aux taxis

Art. 20 Usage du domaine public

1 Tout taxi en service dispose d’un droit d’usage accru du domaine public, lui permettant, aux endroits où la mention « Taxi » ou « Taxis exceptés » est spécifiquement indiquée :

a) de s’arrêter aux stations de taxis dans l’attente de clients ;

b) d’utiliser les voies réservées aux transports en commun ;

c) d’emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte.

(…)

Section 3 Droits et obligations spécifiques aux VTC

Art. 24 Usage du domaine public

1 Les VTC ne disposent d’aucun droit d’usage accru du domaine public ; elles ne peuvent ni circuler sur le domaine public dans l’attente de recevoir une course ni s’arrêter sur la voie publique pour accepter une course lorsqu’elles sont hélées par un client.

2 Les VTC ne peuvent effectuer des courses que sur commande ou réservation préalable et doivent, en tout temps, pouvoir en justifier.

(…)

Art. 26 Prix des courses

(…)

2 Le Conseil d’État peut fixer des prix maximum si des abus sont constatés.

(…)

Chapitre IV Aéroport international de Genève

Art. 33 Prescriptions autonomes

(…)

3 Pour les services de VTC, le règlement de l’Aéroport international de Genève peut :

a) définir une zone de son périmètre (zone de prise en charge) suffisamment distincte de celle des taxis, dont l’accès est réservé aux VTC, assurant la prise en charge des clients qui les ont commandées préalablement, à l’exclusion de toute course spontanée ;

b) fixer une taxe d’accès à la zone de prise en charge, servant à son aménagement, sa gestion et sa surveillance, notamment pour contrôler que la prise en charge de clients n’intervient que sur réservation ou commande préalable ;

c) prendre toutes mesures opérationnelles pour réguler l’accès à la zone de prise en charge et garantir une prise en charge fluide des clients ;

d) limiter, pour des motifs de sécurité et d’ordre public, le nombre de voitures présentes simultanément dans la zone de prise en charge ;

e) interdire l’accès à la zone de prise en charge des clients, lorsqu’il apparaît que le chauffeur ne respecte pas ses obligations ;

f) fixer des critères d’exclusion temporaire ou définitive, en particulier lorsque le chauffeur exerce en étant sous le coup d’une mesure ou d’une sanction, ou si, sur le périmètre aéroportuaire, notamment, il entrave la circulation, crée un trouble à l’ordre public ou stationne hors de la zone de prise en charge.

(…) »

C. a. Par acte du 22 avril 2022, les sociétés et A______ ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la LTVTC, concluant à l’annulation de ses art. 5 al. 1 let. b, 7 al. 1, 10 al. 2 let. c, 13 al. 1, 14 al. 1, 18 al. 2 et 3, 20 al. 1 let. c, 24 al. 1 et 2, 26 al. 2 et 33 al. 3 et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

b. Par arrêt du 22 décembre 2022 (ACST/25/2022), la chambre constitutionnelle a rejeté le recours, mis un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire des sociétés et de A______ et dit qu'il n'était pas alloué d'indemnité de procédure.

c. Contre cet arrêt, A______ a recouru auprès du Tribunal fédéral, concluant à son annulation, à l'annulation des art. 7 al. 1, 10 al. 2 let. c, 18 al. 2, 24 al. 2 et 26 al. 2 LTVTC ainsi que de « toute la section 3 du chapitre III de la LTVTC, soit les art. 24 à 26 LTVTC » et à ce qu'il soit ordonné à l'État de Genève « d'édicter de nouvelles dispositions prenant en compte la différence entre le service VTC assimilable aux taxis et le service VTC de type limousines ».

d. Par arrêt du 23 février 2024 (2C_79/2023), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours dans la mesure de sa recevabilité, a annulé l'art. 10 al. 2 let. c LTVTC en tant qu'il concernait les personnes morales ainsi que l'art. 26 al. 2 LTVTC, a confirmé l'arrêt de la chambre constitutionnelle pour le surplus, a mis à la charge de A______ les frais judiciaires, arrêtés à CHF 3'000.-, à raison de CHF 2'000.- et lui a alloué une indemnité de CHF 1'000.- à titre de dépens réduits, à la charge du canton de Genève. Il a en outre renvoyé la cause à la chambre constitutionnelle afin qu’elle statue sur les frais et dépens de la procédure antérieure.

e. Le 12 avril 2024, le juge délégué de la chambre constitutionnelle a invité les parties à se déterminer sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

f. Le 18 avril 2024, le Grand Conseil s'en est remis à la pratique et à l'appréciation de la chambre constitutionnelle.

g. Le 17 mai 2024, les sociétés et A______ ont conclu à la reprise de la répartition des frais et dépens retenue par le Tribunal fédéral, à savoir 1/3 en leur faveur, en tant qu'indemnité de procédure. Il fallait prendre en compte l'importance du travail accompli par leur conseil, le fait qu'il s'agissait de questions de principe et le fait que leurs arguments concernant l'art. 18 al. 2 LTVTC n'étaient pas dépourvus de pertinence, dès lors que le département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci‑après : DETEC) avait proposé au Tribunal fédéral de les suivre. Il ne pouvait être mis de dépens à leur charge, le Grand Conseil n'ayant pas fait appel aux services d'un avocat.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             L’objet du renvoi de la cause est limité à la fixation des frais et indemnités pour la procédure cantonale.

2.             2.1 La chambre constitutionnelle statue sur les frais de procédure et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d’État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ACST/14/2022 du 14 octobre 2022 consid. 2a ; ACST/7/2022 du 27 avril 2022 consid. 2a).

2.2 Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, dans les contestations d’une ampleur extraordinaire ou présentant des difficultés particulières, il peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 2 RFPA).

Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3e éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3e éd., 2021, n. 1673).

La chambre de céans dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l’émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l’art. 2 al. 1 RFPA, dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l’émolument d’arrêté à CHF 10'000.- (ACST/14/2022 précité consid. 2a ; ACST/7/2022 précité consid. 2b).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe supporte une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ACST/14/2022 précité consid. 2a ; ACST/7/2022 précité consid. 2c ; ATA/779/2022 du 9 août 2022 consid. 2c). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d’une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n’arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2).

À l’instar d’une taxe causale, l’émolument doit, en principe, être calculé d’après la dépense à couvrir (principe de la couverture des frais), et répercutée sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations fournies ou des avantages économiques retirés (principe de l’équivalence). Selon le principe de l’équivalence, le montant de la contribution exigée d’une personne déterminée doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie à celle-ci (rapport d’équivalence individuelle). Quant au principe de la couverture des frais, il prévoit que le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1113 ad art. 1 et 2 RFPA et les références citées).

2.3 Par ailleurs, la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).

L’art. 6 RFPA, intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10’000.-.

La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ACST/14/2022 précité consid. 2b ; ACST/41/2019 du 19 décembre 2019 consid. 4), ce qui résulte aussi, implicitement, de l’art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l’indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; Cst. - RS 101) n’impose pas une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 1C_58/2019 du 31 décembre 2019 consid. 3.4).

Pour déterminer le montant de l’indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d’instruction, le nombre d’échanges d’écritures et d’audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l’importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l’affaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_58/2019 précité consid. 3.4). La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l’esprit et du but de la réglementation légale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 6.2).

3.             En l’espèce, la chambre de céans, dans son arrêt du 22 décembre 2022, avait entièrement rejeté le recours. Le Tribunal fédéral a ensuite annulé l'art. 10 al. 2 let. c LTVTC en tant qu'il concernait les personnes morales ainsi que l'art. 26 al. 2 LTVTC. Au plan cantonal, les recourantes contestaient, outre les dispositions annulées, les art. 5 al. 1 let. b, 7 al. 1, 13 al. 1, 14 al. 1, 18 al. 2 et 3, 20 al. 1 let. c, 24 al. 1 et 2 ainsi que 33 al. 3. Elles demandaient également l'annulation de l'art. 10 al. 2 let. c LTVTC dans sa totalité. Elles n'ont donc obtenu gain de cause que partiellement, sur une partie réduite de leurs conclusions. Il se justifie dès lors de mettre à leur charge solidaire un émolument réduit de CHF 1'000.-, correspondant aux 2/3 des frais fixés dans l'arrêt initial. L'indemnité de procédure accordée aux recourantes, prises solidairement, sera également réduite et fixée à CHF 1'000.-, le travail important de leur conseil avancé par les recourantes n'ayant conduit qu'à une admission d'une petite partie de leurs conclusions, étant au surplus relevé que leur recours n'a pas été admis quant à l'art. 18 al. 2 LTVTC.

4.             Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) ni alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA) pour le présent arrêt.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

statuant à nouveau sur les frais

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de l'A______, B______SA, C______Sàrl, D______ SA et E______ Sàrl ;

alloue à l'A______, B______SA, C______Sàrl, D______ SA et E______ Sàrl, prises solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat des recourantes ainsi qu'au Grand Conseil.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Blaise PAGAN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la secrétaire-juriste :

 

 

 

J. BALZLI

 

le président :

 

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :