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Décisions | Cour d'appel du Pouvoir judiciaire

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CAPJ/4/2024

ACAPJ/1/2025 (3) du 27.01.2025 , Effet suspensif restitué

Descripteurs : EFFET SUSPENSIF;JUGE SUPPLÉANT;MESURE DISCIPLINAIRE
Normes : LPA.66
Par ces motifs

 

 

 

rÉpublique et canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

Cour d’appel du Pouvoir judiciaire

 

 

 

 

 

 

 

 

Décision du 27 janvier 2025

sur restitution de l’effet suspensif

 

CAPJ 4_2024 ACAPJ/1/2025

 

 

 

 

Monsieur A______, recourant
représenté par Me B______, avocat

 

 

contre

 

 

Le CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, intimé


 

EN FAIT :

1.      Monsieur A______ (ci-après : le recourant ou l’intéressé) a été élu dans la magistrature judiciaire le _______ 2018, en qualité de juge suppléant au Tribunal______ (ci-après : la juridiction).

2.      Dans la nuit du 17 au 18 juillet 2021, l’intéressé a contacté à plusieurs reprises le service des urgences médicales (numéro 144) ainsi que le service d’urgence de la police (numéro 117) pour demander l’envoi d’une ambulance ou d’un véhicule de police afin de secourir sa compagne, qui souffrait intensément d’une blessure à l’orteil. Au cours de ces appels, il a mentionné être avocat et magistrat. Après avoir essuyé des refus d’intervention, il a décidé de se rendre au poste de police de Chêne-Bourg/Thônex, où il a sollicité l’intervention d’une patrouille de police via une borne téléphonique. Il s’est ensuite dirigé vers le chemin des Grangettes, où une voiture de police a finalement été dépêchée. Les policiers ont constaté que l’un des pneus du véhicule de l’intéressé était crevé. Ce dernier a refusé de se soumettre aux mesures visant à contrôler son alcoolémie.

À la suite de leurs interpellations – qui ont été mouvementées – sa compagne et lui-même ont déposé une plainte contre les policiers. Ces derniers ont aussi déposé des plaintes visant l’intéressé.

À ce jour, la procédure à l’encontre de l’intéressé est suspendue devant le Tribunal de police, en attente d’une audience de confrontation fixée par le Ministère public dans le cadre de la procédure ouverte à la suite des plaintes déposées par les policiers.

3.      Le 9 août 2021, le Procureur général a signalé l’intéressé au Conseil supérieur de la magistrature (ci-après : CSM), précisant que ce dernier faisait l’objet d’une procédure pénale pour plusieurs infractions, soit une entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire, des dommages à la propriété, des injures, des violences ou menaces à l’encontre des autorités et des fonctionnaires, ainsi que des violations des règles de la circulation routière et un état défectueux de son véhicule.

4.      Le 6 septembre 2021, le CSM a informé l’intéressé de l’ouverture d’une enquête disciplinaire et lui a accordé un délai pour se déterminer. La présidence de la juridiction reçu une copie du courrier du Conseil adressé à l’intéressé.

5.      Le 15 octobre 2021, l’intéressé a demandé au CSM de suspendre la procédure jusqu’à l’issue de la procédure pénale ouverte à son encontre, précisant que les faits à l’origine de l’ouverture de la procédure pénale à son endroit étaient par ailleurs contestés. Il a confirmé cette demande de suspension le 11 mars 2022, la procédure pénale n’ayant pas connu de développement.

6.      Par décision du 16 janvier 2023, prorogée le 9 octobre 2023, le CSM a suspendu la procédure, indiquant que celle-ci serait reprise au plus tard le 1er janvier 2024.

7.      Le 29 décembre 2023, le Ministère public a prononcé une ordonnance pénale à l’encontre de l’intéressé. Il était reconnu coupable de dommages à la propriété, d’injure, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, de tentative de menaces et d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire. L’intéressé a également été déclaré coupable de violation simple des règles de la circulation routière et de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions.

L’intéressé a fait opposition à cette ordonnance.

8.      Le 5 février 2024, le CSM a repris la procédure et désigné une délégation qui a entendu l’intéressé, assisté de son conseil, en audience de comparution personnelle, le 13 mars 2024.

9.      Après avoir recueilli les ultimes observations de l’intéressé, le CSM a décidé, le 14 octobre 2024, de destituer l’intéressé de sa charge. Cette décision, reçue par l’intéressé le 12 novembre 2024, était déclarée exécutoire nonobstant recours.

10.   Le 12 décembre 2024, l’intéressé a saisi la Cour d’appel du Pouvoir judiciaire (ci-après : la Cour) d’un recours contre la décision précitée, concluant, préalablement, à ce que l’effet suspensif lié au recours soit restitué et, principalement, à ce que ladite décision soit annulée et qu’une sanction respectant le principe de la proportionnalité soit prononcée. L’intéressé renonçait à percevoir une indemnité de procédure.

11.   Par courrier daté du 20 décembre 2024, reçu par la Cour le 6 janvier 2025, le CSM a transmis son dossier et conclu, tant sur mesures provisionnelles que sur le fond, au rejet de toutes les conclusions prises par l’intéressé.

12.   Le 9 janvier 2025, la Cour a informé les parties que la cause était gardée à juger s’agissant de l’effet suspensif.

 

EN DROIT :

1.      Le recours a été interjeté dans les formes et le délai prescrits par la loi (art. 62 al. 1 let. a, art. 64 al. 1 et art. 65 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]), auprès de la Cour, compétente pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions du CSM (art. 138 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 [LOJ – E 2 05]).

Le délai pour recourir contre une décision administrative est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale ou en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA).

Le recours apparaît, à première vue, recevable.

2.      La LPA est applicable aux procédures relevant de la compétence de la Cour (art. 139 al. 1 LOJ).

3.      Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président, le vice-président, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 5 al. 1 du règlement de la Cour d’appel du Pouvoir judiciaire, du 26 septembre 2014 [RCAPJ – E 2 05.48], cf. art. 21 al. 2 LPA).

4.      Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

5.      Selon la jurisprudence constante, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis. Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503, consid. 3 ; ATA/1247/2023 du 17 novembre 2023 ; ACAPJ/3/2023 du 3 mars 2023, consid. 5.3). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, in RDS 1997 II 253-420, p. 265).

6.      L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149, consid. 2.2 ; 127 II 132, consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Lorsque l’effet suspensif a été retiré ou n’est pas prévu par la loi, l’autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, qui varie selon la nature de l’affaire. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_246/2020 du 18 mai 2020, consid. 5.1).

7.      Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ACAPJ/3/2023 du 3 mars 2023, consid. 5.6 et les références citées ; ACAPJ/3/2019 du 29 mai 2028 et les références citées).

De manière générale, l’intérêt privé d’un recourant à conserver son activité professionnelle et à continuer à percevoir son traitement doit céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État (ATA/1247/2023 du 17 novembre 2023 ; ACAPJ/3/2023 du 3 mars 2023, consid. 5.8 et les références citées).

L’examen de la requête suppose enfin une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l’effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/80/2023 du 25 janvier 2023 et les références citées).

8.      En l’espèce, l’intérêt public à ce que la décision litigieuse soit immédiatement exécutée apparaît secondaire. Le recourant a été maintenu dans sa charge tant depuis que l’autorité intimée a eu connaissance des faits, en 2021, que depuis le prononcé de l’ordonnance pénale, en décembre 2023, sans que des mesures provisionnelles visant à protéger un éventuel intérêt public n’aient été prononcées ni que le bon fonctionnement de la juridiction dans laquelle recourant œuvre n’apparaisse touché.

Dans la décision litigieuse, le CSM ne motive pas son choix de retirer l’effet suspensif lié à un éventuel recours et il n’apporte aucun éclaircissement quant à cette décision dans la détermination adressée à la Cour.

9.      Enfin, à ce stade de la procédure, l’issue du recours, soit son admission ou son rejet, n’est pas évidente et ne peut motiver le rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

10.   Au vu de ce qui précède, l’effet suspensif lié au recours sera restitué.

11.   Le sort des frais sera tranché dans l’arrêt à rendre au fond.

Le dispositif de la présente décision sera communiqué, pour information, à la présidence de la juridiction.

 

***

PAR CES MOTIFS

LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE

−         restitue l’effet suspensif au recours ;

−         réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

−         dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

−         communique la présente décision à Me B______, avocat du recourant, au Conseil supérieur de la magistrature ainsi que son dispositif au président du Tribunal______.

 

Le Président :

 

Philippe THÉLIN

 

Genève, le 27 janvier 2025

La greffière :

 

 

 

Alessia TAVARES DE ALBUQUERQUE-CAMPAGNOLO

 

 

 

Copie conforme de la présente décision a été communiquée à Me B______, conseil de A______, au Conseil supérieur de la magistrature ainsi que son dispositif au président du Tribunal______, par pli recommandé.