Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/43/2025 du 09.01.2025 sur OTPH/827/2023 ( OO ) , CONFIRME
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/4996/2021 ACJC/43/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU JEUDI 9 JANVIER 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'une ordonnance rendue par le Tribunal des prud'hommes le 9 mai 2023 et intimé sur appel joint, représenté par Me Pierre GABUS, avocat, Gabus Avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève,
et
B______/C______ SA, sise ______ [GE],
B______/D______ (BVI) LTD, sise E______ Centre, P.O. Box 1______, ______ (Iles Vierges Britanniques),
F______ LTD, sise E______ Centre, P.O. Box 1______, ______ (Iles Vierges Britanniques),
G______/H______ LTD, sise E______ Centre, P.O. Box 1______, ______ (Iles Vierges Britanniques),
G______/I______ LTD, sise E______ Centre, P.O. Box 1______, ______ (Iles Vierges Britanniques),
toutes intimées et appelantes sur appel joint, représentées par Me Serge PANNATIER, avocat, Baker McKenzie Switzerland SA, esplanade de Pont-Rouge 2, 1212 Grand-Lancy.
A. a. Par requête en conciliation, déposée le 15 mars 2021 puis, vu l'échec de la tentative de conciliation, par demande introduite le 7 juillet 2021 auprès du Tribunal des prud'hommes (ci-après le Tribunal), A______ a assigné, sous suite de frais, B______/C______ SA en paiement de :
- 353'076 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre d'indemnité pour résiliation injustifiée de son contrat de travail;
- 222'457 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre de solde de salaire;
- 360'000 plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre de salaire variable pour 2020;
- 470'800 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre de vacances non prises;
- 20'000 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre d'indemnité pour tort moral;
- 135'000 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre de dommage complémentaire résultant de la résiliation immédiate injustifiée (dommage fiscal);
- 211'028 fr. 95 plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre de remboursement de frais de voyage;
- 8'220 fr. 70 plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre de dommage complémentaire résultant de la résiliation immédiate injustifiée (frais d'avocats);
Il a également conclu à ce que B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD, soient conjointement et solidairement condamnées à lui verser les sommes de 2'000'000 fr. et 50'000 usd plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 novembre 2020 à titre, respectivement, de rachat d'actions et de dividendes résultant des actions P Shares et/ou à titre de dommages-intérêts.
Il a finalement conclu à ce qu'il soit ordonné à B______/C______ SA de retirer immédiatement la poursuite n° 2______ requise à son encontre et d'en demander la radiation, sous peine d'amende d'ordre de 1'000 fr. par jour d'inexécution.
En substance, il conteste les justes motifs invoqués par son employeur pour mettre fin au contrat de travail avec effet immédiat le 25 novembre 2020 et articule plusieurs prétentions en dédommagement en raison du caractère injustifié du congé immédiat (indemnité pour licenciement injustifié, salaire et vacances pendant le délai de congé, tort moral, divers préjudices). Il estime en effet avoir été licencié parce qu'il avait, agissant en qualité de lanceur d'alerte, dénoncé des faits graves commis au sein de la société qui l'employait (fuite de données commise par deux employées et situation de mobbing envers des employées). Il conteste finalement devoir rembourser à son employeur les sommes de 250'000 fr. et 150'000 fr. en remboursement de frais et bonus indus, objet de la poursuite susvisée, et allègue qu'il doit encore être indemnisé pour des frais de voyages.
b. Dans leur réponse du 8 novembre 2021, B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD ont conclu au déboutement du demandeur de ses conclusions et formé une demande reconventionnelle tendant au paiement, par A______ à B______/C______ SA, des sommes de 145'916 fr. à titre de trop perçu de bonus et de 893 fr. 90 à titre de frais d'ouverture d'un coffre-fort, ainsi qu'à la restitution à B______/C______ SA d'un téléphone portable, subsidiairement à l'indemnisation de sa valeur en 1'229 fr.
c. Le 1er février 2022, le Tribunal a ordonné un second échange d'écritures, sans tenir d'audience d'instruction.
d. Dans son mémoire de réplique sur demande principale et réponse à la demande reconventionnelle déposé le 8 avril 2022, A______ a persisté dans ses conclusions principales et conclu au déboutement de la demande reconventionnelle de B______/C______ SA.
e. Par mémoire du 24 juin 2022 en duplique sur demande principale et réplique sur demande reconventionnelle, B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD ont persisté dans leurs conclusions en déboutement du demandeur et dans leurs conclusions reconventionnelles du 8 novembre 2021.
Elles ont en outre conclu (conclusion 4bis), nouvellement et reconventionnellement, à ce que A______ soit condamné à payer à B______/C______ SA une somme de 250'000 fr. à titre de remboursement d'une amende prononcée par l'ASSOCIATION J______ DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS (ci-après : la J______) le 7 mars 2022 et qu'elle avait honorée une fois la décision devenue exécutoire. Elle soutenait en substance que A______ avait manqué à ses devoirs de diligence d'employé, d'administrateur et de responsable LBA dans le cadre de deux relations clients ouvertes en 2018 qui auraient dû éveiller ses soupçons en matière de blanchiment et de financement du terrorisme. Il avait ainsi causé un dommage à son employeur, qui s'était vu infliger l'amende susvisée.
f. A______ a dupliqué sur demande reconventionnelle le 14 novembre 2022. Il a persisté dans ses conclusions principales – sous réserve d'une réduction de sa conclusion en paiement de frais de voyage à 32'980 fr. 60 et d'une amplification de ses prétentions en salaire variable pour 2020 à 407'679 fr. – et dans ses conclusions en déboutement de la demande reconventionnelle du 8 novembre 2021.
Par ailleurs, il a conclu à ce que les nouvelles conclusions reconventionnelles de B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD du 24 juin 2022 soient déclarées irrecevables. Il invoquait leur tardiveté, puisqu'elles n'avaient pas été formées dans le mémoire de réponse. Subsidiairement, il concluait au rejet de ces nouvelles conclusions.
Dans le cadre de la partie de son mémoire intitulée "Des faits complémentaires de M. A______", ce dernier a notamment introduit les allégués 313 à 317 dont la teneur est la suivante :
313. La dénonciation fallacieuse et calomnieuse de B______/C______ SA datée du 7 janvier 2021 des clients [de A______] auprès du [Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering Reporting Office – Switzerland, ci-après MROS)], respectivement de la J______, cause un dommage colossal à A______.
314. En effet, la société K______ SAS, dont A______ est administrateur président, demande actuellement sa licence LEFin selon la loi sur les établissements financiers auprès de la FINMA afin de poursuivre son activité de trustee.
315. Compte tenu de la procédure ouverte auprès de la J______ à l'encontre de M. A______ sur dénonciation de B______/C______ SA, K______ SAS est contrainte de mettre fin au contrat de travail qui la lie [à A______], à défaut de quoi elle n'obtiendra pas sa licence.
316. La situation provoque une perte de revenus de M. A______ à hauteur de 400'000 fr. par an correspondant à son salaire d'employé et d'administrateur auprès de ladite société. Il convient de capitaliser ce dommage sur une période de dix ans, correspondant à une perte chiffrée à 4'000'000 fr.
317. La dénonciation opérée par B______/C______ SA provoque également une importante atteinte à la réputation et une perte d'opportunités professionnelles pour [A______], justifiant l'octroi d'une indemnité pour tort moral à hauteur d'au minimum 15'000 fr.
Chacun de ces allégués était suivi d'une offre de preuves, soit l'audition des parties, l'audition de témoins et des pièces.
Sur la base de ces allégués, A______ a amplifié sa demande de conclusions nouvelles (conclusions 12 et 27) tendant à ce que B______/C______ SA soit condamnée à lui payer, la somme nette minimale, arrêtée en l'état à 4'000'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 31 octobre 2022, sous réserve d'amplification, à titre de dommages-intérêts et tort moral résultant de la dénonciation injustifiée de B______/C______ SA auprès de la J______ et du MROS.
g. Invitées par ordonnance du Tribunal du 24 novembre 2022 à se déterminer sur les écritures du 14 novembre 2022 de A______, B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD ont notamment conclu, dans leurs déterminations du 10 mars 2023, à la recevabilité leur nouvelle conclusion reconventionnelle 4bis et à l'irrecevabilité des nouvelles conclusions en paiement en 4'000'000 fr. de A______ (conclusions 12 et 27).
Elles ont soutenu que si la demande reconventionnelle n'était en effet recevable que dans le mémoire de réponse, la demande et la demande reconventionnelle pouvaient être modifiées si les conclusions nouvelles ou modifiées présentaient un lien de connexité avec la dernière prétention, ce qui était le cas en l'occurrence pour leur conclusion 4bis du 24 juin 2022. En revanche, la nouvelle conclusion en paiement de 4'000'000 fr. de A______ était fondée sur la responsabilité pour acte illicite (art. 41 CO) et sur une dénonciation postérieure à la fin des rapports de travail, de sorte qu'elle n'était pas connexe à la demande initiale.
Elles ont par ailleurs préalablement conclu, à ce que le Tribunal déclare irrecevables notamment les allégués 249 à 263 et 319 à 322 du mémoire de duplique sur demande reconventionnelle du 14 novembre 2022 de A______, ainsi que les moyens de preuve offerts à leur appui, au motif qu'il s'agissait de la troisième fois que le demandeur s'exprimait sur ces faits, déjà abordés dans la demande initiale, alors que l'écriture du 14 novembre 2022 était réservée à la duplique sur demande reconventionnelle.
h. Le Tribunal a tenu une audience de débats d'instruction le 8 mai 2023 au cours de laquelle les parties ont débattu de la recevabilité de certains allégués et de certaines pièces, ainsi que de la conclusion reconventionnelle 4bis de B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD.
A l'issue de l'audience, le Tribunal a annoncé qu'il rendrait une ordonnance concernant les nouveaux allégués, les nouvelles pièces et la traduction de pièces.
i. Par ordonnance OTPH/827/2023 du 9 mai 2023, reçue le 10 mai 2023 par les parties, le Tribunal a notamment déclaré recevable la nouvelle conclusion 4bis sur demande reconventionnelle formée par B______/C______ SA dans son mémoire de duplique sur demande principale et de réplique sur demande reconventionnelle du 24 juin 2022 (chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance) et recevable l'amplification de la demande formée par A______ le 14 novembre 2022 (ch. 2).
Le Tribunal a également déclaré recevables les allégués 270 à 317 dem. du 14 novembre 2022 et les moyens de preuve y afférents, soit l'audition de témoins et les pièces 59 à 68 dem. (ch. 5).
Il a en substance retenu, à l'appui du chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance, qu'à l'instar du demandeur principal, le demandeur reconventionnel est autorisé à amplifier sa demande en application de l'art. 227 CPC vu le lien de connexité avec les conclusions antérieures. En outre, l'amplification était fondée sur des faits nouveaux intervenus après les conclusions antérieures.
Il a considéré, à l'appui du chiffre 5 du dispositif de l'ordonnance, que les allégués 270 à 317 dem. et les moyens de preuves y afférents concernaient la demande reconventionnelle et correspondaient par conséquent au "droit à la deuxième chance" du demandeur sur demande reconventionnelle.
Le Tribunal a indiqué, au pied de l'ordonnance, "Conformément aux articles 319 ss CPC, la présente décision peut faire l'objet d'un recours par devant la Cour de justice (…) dans les 10 jours qui suivent sa notification (art. 321 al. 2 CPC). La suspension des délais prévue par l'art. 145 al. 1 CPC ne s'applique pas à la procédure sommaire (art. 145 al. 2 CPC)".
B. a. Par acte déposé le 8 juin 2023 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, A______ a formé un appel contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance susmentionnée. Il a conclu à son annulation avec suite de frais et, cela fait, à ce que la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice déclare irrecevable la nouvelle conclusion reconventionnelle 4bis formée par B______/C______ SA et consorts dans leur mémoire de duplique sur demande principale et de réplique sur demande reconventionnelle du 24 juin 2022.
b. Dans leur réponse à l'appel du 5 septembre 2023, B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais. Elles ont formé un appel joint visant à l'annulation des chiffres 2 et 5 (uniquement en ce qui concerne l'admission des allégués 313 à 317 et les moyens de preuve y afférents de l'écriture du 14 novembre 2022 de A______) de l'ordonnance entreprise.
c. Dans sa réplique sur appel principal et réponse sur appel joint du 20 octobre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions d'appel et conclu à l'irrecevabilité de l'appel joint, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais.
d. Les parties ont encore répliqué et dupliqué les 4 et 15 décembre 2023, persistant dans leurs conclusions.
e. Elles ont été informées par courrier du 20 décembre 2023 de la Cour que la cause était gardée à juger.
1. Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties en appel, A______ sera ci-après désigné en qualité d'appelant et B______/C______ SA et consorts en qualité d'intimées.
2. 2.1 La recevabilité de l'appel est litigieuse, les parties s'opposant sur la nature de la décision entreprise, ce qui a une incidence sur la voie, le délai et les conditions de recours.
L'appelant soutient que l'ordonnance attaquée est une "décision partielle incidente" au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC contre laquelle l'appel au sens des art. 308 et ss CPC est ouvert dans un délai de trente jours (art. 311 al. 1 CPC). L'intimée estime qu'il s'agit d'une "autre décision" au sens de l'art. 319 let. b CPC contre laquelle le recours au sens des art. 319 et ss CPC est ouvert dans un délai dix jours (art. 321 al. 2 CPC), pour autant que le recourant subisse un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
2.1.1 Le code de procédure civile prévoit deux voies de droit contre les décisions du juge de première instance :
- la voie ordinaire de l'appel (art. 308 ss CPC) dans le cadre duquel l'autorité supérieure connaît des griefs portant sur la violation du droit et la constatation inexacte des faits;
- la voie extraordinaire du recours (art. 319 ss CPC) dans le cadre duquel le pouvoir de cognition de l'autorité supérieure est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
2.1.2 Le délai d'appel est de trente jours (art. 311 al. 1 CPC). Il est réduit à dix jours en procédure sommaire (art. 314 CPC).
Le délai de recours est de trente jours (art. 321 al. 1 CPC). Il est réduit à dix jours en procédure sommaire ou lorsqu'il est dirigé contre une ordonnance d'instruction (art. 321 al. 2 CPC).
2.1.3 A teneur de l'art. 308 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance, si la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins.
En application de l'art. 319 CPC, le recours est recevable contre :
a. les décisions finales, incidentes et provisionnelles qui ne peuvent faire l'objet d'un appel;
b. les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance :
1. dans les cas prévus par la loi,
2. lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable.
2.1.4 Une décision est finale lorsqu'elle met fin à une procédure par une décision d'irrecevabilité ou par une décision au fond (art. 236 al. 1 CPC).
Une décision est incidente, au sens de l'art. 237 al. 1 CPC, si l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable. Une telle décision ne statue pas définitivement sur l'action, mais elle préjuge de la décision finale en ce sens qu'elle influe sur celle-ci au point qu'une décision contraire pourrait entraîner une décision finale immédiate et qu'elle lie l'instance qui l'a rendue de telle sorte que celle-ci ne la reverra plus lorsqu'elle rendra sa décision finale. Il s'agit d'une part de décisions rendues sur des conditions de recevabilité de la demande ou de la reconvention. D'autre part il s'agit de décisions statuant sur des questions de fond jugées séparément, à la condition que l'instance de recours puisse mettre fin à l'action elle-même et que cela permette d'économiser du temps et des frais; ces questions relèvent généralement d'un moyen libératoire préjudiciel de fond comme la prescription ou l’absence d’un des éléments de la responsabilité comme la faute dans une action en dommages-intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1; Tappy, CR CPC, 2019, n° 3 ad art. 237 CPC).
Le jugement qui admet l'irrecevabilité (p.ex. pour incompétence ratione loci) ou retient la prescription est une décision finale. Le jugement contraire (refus du juge de se déclarer incompétent; rejet du moyen tiré de la prescription) est une décision incidente qui doit être attaquée immédiatement (art. 237 al. 2 CPC; Jeandin, CR-CPC, 2019, n° 9 ad art. 308 CPC).
Le tribunal peut décider, pour simplifier le procès, de limiter dans un premier temps la procédure à des questions ou des conclusions déterminées conformément aux art. 125 let. a ou 222 al. 3 CPC.
Il rend alors généralement une décision partielle qui statue, de manière finale, sur un ou plusieurs chefs d'une demande, mais renvoie l'examen d'un ou plusieurs autres à une décision ultérieure. Il s'agit d'une sorte de décision finale (ATF 132 III 785 consid. 2). Elle met un terme à l'instance relativement aux demandes concernées, mais non à la procédure (l'instance perdure à raison de la partie non tranchée du litige). Le jugement partiel est attaquable immédiatement (ATF 135 III 212 consid. 1.2; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2336; JEANDIN, op. cit., n° 8 ad art. 308 CPC). Le Tribunal rend notamment une décision partielle lorsqu'il tranche séparément une conclusion du demandeur parmi plusieurs ou les conclusions reconventionnelles du défendeur en réservant un examen ultérieur de la demande principale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 du 10 avril 2015, précité; Tappy, op. cit., n° 3 ad art 237 CPC).
L'art. 237 al. 1 CPC ne s'applique pas chaque fois que le tribunal rend une décision partielle car il ne s'agit pas forcément d'une décision incidente (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1).
Certaines décisions séparées selon les art. 125 et 222 al. 3 CPC peuvent n’être ni finales selon l'art. 236 CPC ni incidentes selon l’art. 237 CPC lorsque la question tranchée peut influencer la suite du procès, mais non y mettre fin immédiatement quelle que soit la solution retenue (Tappy, op. cit., n° 3 ad art. 237 CPC).
Les autres décisions, mentionnées à l'art. 319 let. b CPC se rapportent aux décisions dont le prononcé marque définitivement le cours des débats et déploie – dans cette seule mesure – autorité et force de chose jugée. Il s'agit notamment des décisions par lesquelles le juge statue sur l'admission de faits et moyens de preuve nouveaux (art. 229 CPC), une suspension (art. 126 al. 2 CPC), une simplification du procès telle que la jonction de causes (art. 125 let. a et c CPC) ou la fixation et la répartition des frais (art. 110 CPC) (Jeandin, op. cit., n° 15 ad art. 319 CPC).
2.1.5 Lorsque le tribunal a limité la procédure à des questions ou conclusions déterminées selon l'art. 125 let. a CPC et ne tranche qu'une question qui n’a pas d’incidence sur l’existence de l’instance, comme la qualification d'un contrat, il s'agit d'une autre décision au sens de l'art. 319 let. b CPC. En effet, une telle décision ne peut généralement pas être qualifiée d'incidente au sens de l'art. 237 CPC, car son renversement par l'instance de recours ne mettrait en principe pas fin au procès (ACJC/456/2016 du 8 avril 2016 consid. 1.2; Tappy, op. cit., n° 7 ad art. 237 CPC; Haldy, CR-CPC, 2019, n° 5 ad art. 125 CPC).
L’ordonnance par laquelle le tribunal déclare irrecevables des conclusions reconventionnelles du défendeur est une décision partielle qui constitue une forme de décision finale (ATF 132 III 785 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_207/2019 du 17 août 2020 consid. 1; 4A_370/2013 du 6 janvier 2014 consid. 1; 4A_504/2011 du 24 février 2012 consid. 1).
Selon la doctrine romande, l’admission de conclusions modifiées (art. 227 et 230 CPC) serait une autre décision au sens de l'art. 319 let. b CPC (Jeandin, op. cit., n° 15 ad art. 319 CPC et Colombini, Code de procédure civile, 2018, § 4.4.18, p. 1036, ad art. 319 CPC).
Dans deux arrêts ACJC/242/2022 du 22 février 2022 consid. 1.3.1 et ACJC/728/2022 du 31 mai 2022 consid. 1.3.1, la Cour de justice a considéré que la décision qui statue sur la recevabilité de la modification d'une demande ne pouvait pas relever de la décision finale ou incidente, au sens des art. 236 et 237 CPC, sujette à l'appel, car elle n'abordait pas la prétention articulée, mais statuait uniquement sur une question relevant de la conduite de la procédure en application des art. 227 et 230 CPC. Elle était donc une autre décision, sujette au recours.
2.1.6 Le recours visant une ordonnance d'instruction ou une autre décision n'est recevable que si cet acte cause un préjudice difficilement réparable au recourant (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
On retiendra l’existence d’un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d’affaires sont révélés ou qu’il y a atteinte à des droits absolus à l’instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 22a et 22b ad art. 319 CPC).
La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF qui exclut la prise en compte d’un préjudice factuel ou économique. Ainsi, l’art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d’ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d’instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s’agit de se prémunir contre le risque d’un prolongement du procès (ATF 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; 134 I 83 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_64/2014 du 17 juin 2014 consid. 1.4; Jeandin, op. cit., n° 22 ad art. 319 CPC).
Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue ainsi pas un préjudice difficilement réparable (Bastons Bulletti, Petit commentaire CPC, 2021, n° 12 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n° 22a ad art. 319 CPC; Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).
Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente critiquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie, en lien avec la notion de "préjudice irréparable" de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF : ATF 141 III 80 consid. 1.2; 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Bastons Bulletti, Petit commentaire CPC, 2020, n° 10 ad art. 319 CPC).
2.2.1 Les intimées soutiennent que le "recours" de l'appelant serait tardif, faute d'avoir été formé dans le délai de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC.
La décision attaquée a été rendue en procédure ordinaire. Par ailleurs, aucune des parties ne soutient que la décision attaquée serait une ordonnance d'instruction – la contestation porte sur la qualification de "décision incidente partielle" ou d'"autre décision". Le délai pour l'entreprendre par la voie de l'appel ou du recours est par conséquent dans tous les cas de trente jours, de sorte que l'appelante n'a pas agi tardivement et son acte, qu'il soit qualifié d'appel ou de recours, est recevable à cet égard.
2.2.2 Les intimées considèrent que la voie de l'appel n'est pas ouverte, la décision entreprise n'étant ni finale ni incidente, et que celle du recours ne l'est pas non plus, faute de préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.
L'appel vise la décision du Tribunal ayant déclaré recevables les conclusions reconventionnelles des intimées.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral mentionnée ci-dessus (ATF 132 III 785 et arrêts 4A_207/2019, 4A_370/2013 et 4A_504/2011 susvisés), la décision qui déclare irrecevables des conclusions reconventionnelles est finale et partielle. Il en découle que l'appel est recevable contre une telle décision. Si la décision déclarant irrecevables des conclusions reconventionnelles est finale et partielle, la décision déclarant de telles conclusions recevables ne peut être qu'incidente et partielle. La voie de l'appel immédiat est par conséquent également ouverte dans ce cas.
L'appel principal est, partant, recevable contre la décision entreprise au vu de sa nature.
2.2.3 Pour le surplus, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC) et la Chambre de céans est matériellement compétente pour connaître de l'appel (art. 124 let. a LOJ), de sorte que ce dernier est également recevable à ces égards.
2.3 Dans la mesure où l'appel principal est recevable, se pose la question de la recevabilité de l'appel joint, lequel porte sur la recevabilité de l'amplification de la demande du 14 novembre 2022 et sur la recevabilité d'allégués et offres de preuves nouveaux contenus dans cette écriture de l'appelant.
2.3.1 Formé par écrit dans la réponse à l'appel et motivé, l'appel joint est formellement recevable (art. 311 et 313 CPC).
2.3.2 L'appelant conclut en revanche à son irrecevabilité au motif qu'il viserait une autre décision au sens de l'art. 319 let. a CPC, de sorte que seule la voie du recours en cas de préjudice difficilement réparable est ouverte (art. 319 let. a ch. 2 CPC).
Il convient de scinder le raisonnement en tant que l'appel joint vise d'une part la décision déclarant recevable l'amplification de la demande (ci-après 2.3.2.1) et d'autre part la décision déclarant recevables des allégués de faits et offres de preuves nouveaux de l'appelant (ci-après 2.3.2.2).
2.3.2.1 L'appelant se fonde sur les deux arrêts de la Cour ACJC/242/22 et ACJC/728/22 susvisés pour soutenir l'irrecevabilité de l'appel joint contre la décision admettant l'amplification de la demande.
La Chambre de céans considère que la solution consacrée par ces deux arrêts n'est pas compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral mentionnée ci-dessus. Dans l'arrêt 4A_545/2014 susvisé, le Tribunal fédéral a retenu que les décisions admettant la recevabilité de la demande principale ou reconventionnelle sont des décisions incidentes. Dans les arrêts ATF 132 III 785, 4A_207/2019, 4A_370/2013 et 4A_504/2011 susvisés, le Tribunal fédéral qualifie de partielle et finale la décision déclarant irrecevables des conclusions reconventionnelles pour des motifs procéduraux. Le fait qu'une décision déclare irrecevables des conclusions au fond pour des motifs d'"organisation de la procédure" – comme le retiennent les deux arrêts de la Cour – n'est ainsi pas pertinent pour qualifier cette décision d'autre décision plutôt que de décision finale, contrairement à ce qu'a retenu la Cour dans les deux arrêts susmentionnés. Est seul déterminant le fait que des conclusions sur le fond sont définitivement écartées de la procédure; peu importent les motifs – de fond ou de procédure – qui ont conduit à une telle décision.
Il n'existe par ailleurs pas de motif de traiter différemment une décision statuant sur la recevabilité d'une demande reconventionnelle et une décision statuant sur la recevabilité de l'amplification d'une demande, s'agissant de situations similaires et comparables. Une décision déclarant recevables des conclusions en amplification d'une demande doit ainsi être qualifiée d'incidente et partielle, et une décision déclarant ces mêmes conclusions irrecevables doit être qualifiée de finale et partielle.
L'appel est par conséquent ouvert contre l'ordonnance entreprise en tant qu'elle admet l'amplification de la demande par l'appelant.
En tout état, cette question n'a aucune incidence sur l'issue du litige. Dans la mesure où la décision entreprise est qualifiée d'incidente et partielle, l'appel serait recevable, mais serait infondé pour les motifs développés ci-après sous considérant 3. Dans la mesure où la décision entreprise est qualifiée d'autre décision, l'appel devrait être déclaré irrecevable faute de décision finale ou incidente et le recours devrait être déclaré irrecevable faute de préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 391 let. b ch. 2 CPC, seul un prolongement de la procédure étant en jeu – ce que les parties admettent. Ainsi que l'on parvienne à une irrecevabilité de l'appel, respectivement du recours, ou à un rejet de l'appel, le résultat sera le même, à savoir que l'ordonnance entreprise est confirmée.
2.3.2.2 L'"appel joint" est en revanche irrecevable en tant qu'il vise la décision du premier juge d'admettre des allégués de faits et offres de preuves nouveaux aux débats.
Une telle décision relève en effet de la catégorie autre décision au sens de l'art. 319 let. b CPC qui prévoit que seul le recours est ouvert contre une telle décision, pour autant qu'elle entraîne un préjudice difficilement réparable. Or, d'une part, le "recours joint" n'est pas possible à teneur de l'art. 323 CPC. D'autre part, même si le recours joint avait été possible, les deux parties admettent que la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas réalisée en l'occurrence, seul un retardement de la procédure étant à craindre.
3. Dans la mesure où l'appel, respectivement l'appel joint, sont recevables contre la décision admettant les modifications de la demande et de la demande reconventionnelle, reste à déterminer si de telles modifications sont admissibles au regard de l'art. 227 CPC.
3.1 En application de l'art. 227 al. 1 let. a CPC, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention.
La possibilité de modifier la demande offerte par le CPC a pour fonctions principales de servir l’économie de procédure et d’éviter la prise de décisions contradictoires (ATF 142 III 581 consid. 2.1; 134 III 80 consid. 7.1; 132 III 178 consid. 3.1; 129 III 80 consid. 2.2; 78 II 289 consid. 1; Grobéty, op. cit., n° 7 ad art. 14 CPC).
Il y a modification de la demande au sens des art. 227 et 230 CPC, soit lorsqu’une prétention jusqu’alors invoquée est modifiée, soit lorsqu’une nouvelle prétention est invoquée. Le contenu d’une prétention ressort des conclusions et de l’ensemble des allégués de fait sur lesquels elles sont fondées (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2014 du 16 février 2015 consid. 5.4.3.1).
Par demande, il faut comprendre demande principale ou reconventionnelle (Schweizer, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 8 ad art. 227 CPC).
Plusieurs dispositions du CPC se réfèrent explicitement ou implicitement à la notion de lien de connexité (cf. not. art. 14 al. 1 CPC [attraction de compétence en cas de demande reconventionnelle], art. 15 al. 2 CPC [attraction de compétence en cas de cumul d’actions], art. 71 al. 1 CPC [consorité simple] et art. 127 CPC [renvoi pour cause de connexité]). Le but commun de ces dispositions ainsi que la sécurité du droit exigent que cette notion soit interprétée de manière uniforme (Schweizer, op. cit. n° 21 ad art. 17 CPC; Heinzmann, Clément, Petit Commentaire CPC, 2020, n° 17 ad art. 227 CPC; cf. également ATF 145 III 460 consid. 4.2.3).
Un lien de connexité existe lorsque les prétentions reposent sur des faits ou des fondements juridiques semblables. Il s’ensuit en particulier que le fondement de la prétention ne doit pas forcément demeurer inchangé pour que le plaideur puisse modifier sa demande. L’approche est plus large et la prétention modifiée ou nouvelle peut se baser sur un état de fait voisin (ATF 142 III 581 consid. 2.1, SJ 2017 I 5, relatif à l’art. 71 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_255/2015 du 1er octobre 2015 consid. 2.2.3; Heinzmann, Clément, Petit Commentaire CPC, 2020, n° 17 ad art. 227 CPC).
Un tel rapport est en principe présent lorsque les prétentions reposent, alternativement (ATF 142 III 581, c. 2.1), sur le même conglomérat de faits ou les mêmes fondements juridiques (ATF 145 III 460, c. 4.2.3; 142 III 581, c. 2.1;
137 III 311, c. 5.1.1; 134 III 80, c. 7.1; 129 III 230, c. 3.1; TF, 1.10.2015, 4A_255/2015, c. 2.2.3). La notion de mêmes fondements juridiques ne se réfère pas à la norme juridique invoquée mais plutôt à la cause de celle-ci (ATF
139 III 126 consid. 3.2.3; arrêts du Tribunal fédéral, 4A_255/2015 du 1er octobre 2015 consid. 2.2.3; 4A_439/2014 du 16 février 2015 consid. 5.4.3.1; Grobéty, Petit Commentaire CPC, 2020, n° 8 ad art. 14 CPC).
L’opinion selon laquelle il y aurait connexité selon l’art. 227 al. 1 lit. a CPC lorsque le fondement juridique ("le même contrat") ou le complexe de faits reste identique et où la modification de la demande consiste uniquement dans l’augmentation des conclusions. Une acception aussi étroite va à l’encontre du but de l’art. 227 CPC, qui est de permettre de concilier les intérêts des parties, en visant, d’une part, à ne pas compliquer excessivement la défense, mais, d’autre part, pour des motifs liés à l’économie de procédure et à la vérité matérielle, à permettre encore certaines modifications. Cette dernière possibilité ne vise pas seulement à pouvoir encore prendre en considération des faits pertinents survenus pendant le procès, mais aussi à pouvoir encore exploiter la meilleure compréhension du litige acquise au cours de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_255/2015 du 1er octobre 2015 consid. 2.2.3 et 2.3).
3.2.1 En l'espèce, l'appelant reproche aux premiers juges d'avoir admis une modification de la demande reconventionnelle intervenue tardivement, dans une écriture ultérieure à la réponse, en violation de l'art. 224 al. 1 CPC.
A teneur de cette disposition, la demande reconventionnelle doit être formée dans le mémoire de réponse; elle n'exclut pas sa modification ultérieure, l'art. 227 CPC étant applicable tant à la demande principale qu'à la demande reconventionnelle. La modification de la demande reconventionnelle ne saurait par conséquent être rejetée pour tardiveté, les conditions temporelles de l'application de l'art. 227 CPC étant en l'occurrence respectées par la modification de la demande reconventionnelle.
3.2.2 L'appelant et les intimées reprochent au Tribunal d'avoir admis la modification de la demande reconventionnelle, respectivement la modification de la demande principale, alors qu'elles ne présentaient pas de connexité avec la demande reconventionnelle, respectivement la demande principale.
La jurisprudence susrappelée retient une acception très large de la connexité et se satisfait d'un conglomérat de faits ainsi que d'une cause juridique similaires. En l'espèce, tant la modification de la demande principale que de la demande reconventionnelle reposent sur un ensemble de faits relatifs à la relation de travail entre les parties et les prétentions articulées sont en lien avec le contrat qui les liait. Les modifications des demandes principale et reconventionnelle ont émergé suite à la procédure et à la décision de la J______, portant sur l'activité déployée par l'appelant au service des intimées, de ses incidences préjudiciables pour chacune des parties et des réparations que ces dernières se réclament réciproquement. Il s'agit certes de circonstances apparues ultérieurement à la relation de travail, mais qui trouvent leur origine dans l'exécution des obligations souscrites par les parties dans le cadre des rapports de travail. Le sort réservé aux prétentions réciproques des parties sera réglé essentiellement en application de normes régissant le contrat de travail.
Si la conclusion 4bis des intimées en amplification de la demande reconventionnelle n'est pas en lien direct avec l'un des postes de la demande reconventionnelle initiale, comme le relève l'appelant, elle est fondée sur la responsabilité du travailleur et porte sur une prétention en réparation du dommage causé à l'employeur par l'amende que lui a infligée la J______ en raison, selon les intimées, d'actes imputables à l'appelant, commis dans le cadre de ses prestations de travail. Il s'agit par conséquent d'une prétention découlant des rapports de travail litigieux et directement fondée sur cette relation, de sorte qu'un lien de connexité suffisant doit être admis.
Les conclusions 12 et 13 de l'appelant en modification de la demande initiale portent également sur les conséquences préjudiciables de la procédure de la J______. Elles tendent à la réparation du dommage réputationnel et de l'atteinte à l'avenir économique que l'appelant subirait du fait que son employeur l'aurait personnellement mis en cause dans cette procédure. L'obligation de réparer ce préjudice, fondée sur la protection de la personnalité du travailleur, fait naître une prétention de ce dernier découlant des rapports de travail, de sorte qu'elle est également en lien de connexité avec les autres prétentions articulées dans la présente procédure, fondées sur le contrat de travail litigieux.
Il convient de noter que l'une et l'autre des parties ont souhaité amplifier leurs conclusions en y ajoutant des prétentions découlant de la procédure et de la décision de la J______. Elles sont dès lors malvenues de prétendre, à l'adresse de leur partie adverse, que cette problématique ne serait pas connexe à celle des demandes initiales.
Les modifications des demandes principales et reconventionnelles sont par conséquent recevables et l'ordonnance entreprise doit être confirmée sur ces points.
4. En définitive, l'appel est déclaré recevable et rejeté. L'appel joint est recevable et rejeté en tant qu'il vise l'admission de l'amplification de la demande de l'appelant. L'appel joint (recte le recours joint) est irrecevable en tant qu'il vise l'admission d'allégués de faits et offres de preuves nouveaux.
L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée.
5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 23, 36, 68 RTFMC), compensés avec les avances fournies par les parties, lesquelles sont acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront laissés à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, toutes deux échouant dans leurs appels respectifs (art. 106 al. 1 CPC).
Il n'est pas alloué de dépens en matière prud'homale (art. 22 al. 2 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
A la forme :
Déclare recevable l'appel principal formé le 8 juin 2023 par A______ contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPH/827/2023 prononcée le 9 mai 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/4996/2021.
Déclare recevable l'appel joint formé le 5 septembre 2023 par B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD contre le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance susmentionnée.
Déclare irrecevable l'appel joint (recte le recours joint) formé le 5 septembre 2023 par B______/C______ SA, B______/D______ (BVI) LTD, F______ LTD, G______/H______ LTD et G______/I______ LTD contre le chiffre 5 du dispositif de l'ordonnance susmentionnée.
Au fond :
Confirme l'ordonnance entreprise.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge des parties à raison de la moitié chacune, les compense avec les avances fournies, lesquelles sont acquises à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, Madame
Filipa CHINARRO, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, aux conditions restrictives de l'art. 93 LTF.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.