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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/19973/2021

CAPH/50/2024 du 07.06.2024 sur JTPH/277/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19973/2021 CAPH/50/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 7 JUIN 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 24 août 2023 (JTPH/277/2023), représentée par
Me Giuseppe DONATIELLO, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3,

 

et

Madame B______, domiciliée ______ (France), intimée, représentée par
Me Raphaël ROUX, avocat, Interdroit avocat-e-s Sàrl, boulevard Saint-Georges 72, case postale, 1211 Genève 8.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/277/2023 du 24 août 2023, le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a, sur la forme, déclaré recevable la demande formée le 16 mars 2022 par A______ SA contre B______ (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevables les conclusions en constatation de la validité de la clause de prohibition de concurrence et en constatation de la violation de la clause de prohibition de concurrence prises par A______ SA dans sa demande du 16 mars 2022 (ch. 2 et 3) et déclaré irrecevables le bordereau de pièces complémentaires et la liste de témoins déposés par A______ SA en date du 16 janvier 2023 (ch. 4).

Sur le fond, le Tribunal a débouté A______ SA de ses conclusions (ch. 5), dit qu'il n'était pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié le 25 septembre 2023 au greffe de la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ SA a formé appel de ce jugement, qu'elle a reçu le 25 août 2023, et dont elle sollicite l'annulation des chiffres 5 et 7 de son dispositif. Cela fait, elle conclut à ce que la Cour ordonne à B______ la cessation immédiate de son activité auprès de l'entreprise C______ Sàrl, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 du Code pénal suisse et condamne B______ à lui verser la somme de 39'060 fr. nets, plus intérêts à 5% l'an dès le 2 juillet 2021.

Préalablement, elle a conclu à ce qu'il soit procédé à la déposition des parties au sens de l'art. 192 CPC sur les faits de la cause, en particulier sur l'intégralité des déclarations qu'elles ont faites lors de l'audience du 30 mai 2023 et sur les allégués 2, 10, 12, 13, 15, 17, 18, 25, 27, 29, 35, 36, 40 et 44 de B______.

Subsidiairement, elle a requis le renvoi de la cause en première instance pour déposition des parties au sens de l'art. 192 CPC sur les faits précités, puis nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au rejet de l'appel et au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du greffe de la Cour du 23 février 2024, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.


 

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ SA est une société de droit suisse, sise rue 1______ no. ______, [code postal] D______ [GE] et ayant son siège à E______ [GE], dont le but est la vente, la fabrication et la réparation de matériel hydraulique et pneumatique.

F______ en était l'administrateur avec signature individuelle jusqu'au 24 novembre 2023. G______, précédemment directeur, a été nommé administrateur unique à compter de cette date.

b. B______ a été engagée par A______ SA à compter du 28 novembre 2005, en qualité de magasinière. Le salaire convenu était alors de 3'800 fr. par mois, part du 13ème salaire incluse.

c. Un contrat de travail écrit a été signé par B______ le 31 mai 2012. Le salaire convenu était alors de 5'850 fr. par mois, part du 13ème salaire incluse.

Une clause de non-concurrence était prévue dans les termes suivants:

"Concurrence:

1. Le collaborateur s'engage à s'abstenir après la fin du contrat, et pour une durée de deux ans, de faire concurrence à la maison A______ SA, de quelque manière que ce soit, notamment d'exploiter pour son propre compte une entreprise concurrente, d'y travailler ou de s'y intéresser selon l'art. 340 al. 1 du C.O.

2. Les limites géographiques de cette prohibition s'étendent à un rayon de 100 km autour de son activité principale.

3. La violation de la clause de prohibition de faire concurrence entraîne, pour le collaborateur, le versement d'un montant égal à six fois le salaire brut. Outre ce paiement, le collaborateur reste tenu de réparer le dommage qui excéderait ce montant.

4. Le versement de la peine conventionnelle et de dommages et intérêts supplémentaires éventuels ne libère pas le collaborateur de la prohibition de faire concurrence. La fin de la prohibition après le délai convenu de deux ans ne met pas fin à l'obligation de garder le secret selon art. 321 al. C.O.".

Les parties s'opposent sur les raisons de la conclusion de ce contrat. Selon A______ SA, le contrat de travail original de B______ avait été égaré. Selon cette dernière, les rapports de travail avaient été conclus oralement et le contrat du 31 mai 2012 lui aurait été imposé par A______ SA. Elle avait indiqué oralement ne pas être d'accord avec la clause de non-concurrence qui figurait dans le contrat, mais avait fini par signer ce dernier afin de ne pas perdre son emploi. F______ lui aurait en effet indiqué qu'elle "pouvait s'en aller", ce que ce dernier conteste.

d. Les contrats de travail de A______ SA prévoient une clause de non-concurrence du type de celle-ci.

e. Par courrier du 23 mars 2021, B______ a résilié son contrat de travail avec effet au 30 juin 2021.

f. Par courrier du 26 mars 2021, A______ SA a confirmé la fin des rapports de travail, rappelant à B______ qu'elle restait liée par le secret professionnel ainsi que par la clause de non-concurrence, pour une durée de deux ans.

g. Au moment de son départ, B______ percevait un salaire mensuel brut de 6'510 fr., part du 13ème salaire incluse, versé douze fois l'an.

h. A teneur du certificat de travail établi par A______ SA, B______ avait été engagée en qualité d'aide magasinière, vendeuse et conseillère technique et avait, de par ses aptitudes et son implication, pu prendre la responsabilité du magasin lors de la réorganisation du secteur vente. Elle était plus particulièrement en charge de la gestion du stock magasin, du montage de tuyaux flexibles, de la recherche et commande de pièces clients, de la réception, préparation et expédition des commandes, de l'accueil de la clientèle physique et téléphonique, de l'encaissement des factures au comptant et d'appuis techniques et de conseil auprès de la clientèle. Il avait pu être compté sur sa disponibilité, lors de situations particulières, pour fournir plus que le travail demandé. Ponctuelle et travailleuse, elle avait apporté son aide lors de travaux hors compétences pour assister les hydrauliciens à l'atelier.

h.a B______ conteste le contenu de ce certificat de travail, qu'elle considère "juridiquement invalide". Elle conteste notamment avoir effectué une tâche d' "appui technique et conseil auprès de la clientèle", au motif qu'elle "la faisait peu et [elle] faisait uniquement ce qu'[elle] pouvait", ainsi que le fait d'avoir pris la responsabilité du magasin. Elle n'avait pas contesté son certificat de travail à sa réception car elle ne l'avait pas lu.

h.b Les parties s'entendent sur le fait que le travail de B______ consistait à effectuer de la vente au magasin de A______ SA et que, dans ce cadre-là, elle devait accueillir les clients et leur vendre les pièces demandées. Elles s'opposent en revanche quant à l'étendue des tâches effectivement accomplies par B______.

h.c Interrogée par le Tribunal, B______ a déclaré qu'elle occupait un poste de vendeuse. Elle répondait aux clients en faisant de son mieux. Il y avait un côté technique qu'elle avait appris avec le temps et qui consistait à déterminer quelle pièce lui était présentée afin de trouver une solution au problème du client. Elle passait les commandes lorsque les pièces n'étaient pas disponibles. Il lui arrivait assez souvent, soit deux à trois fois par jour, de donner des renseignements techniques lorsque personne n'était présent pour le faire. Chacun avait une tâche précise au sein de l'entreprise. Elle se trouvait au comptoir afin de faire de la vente, son chef faisait les offres et les ingénieurs établissaient les schémas et les plans. Il lui arrivait de faire bénéficier des clients de rabais, mais c'était principalement son chef, H______, qui s'en occupait. Celui-ci se trouvait dans le magasin avec elle et son autre collègue (I______), jusqu'à ce qu'il change de poste au sein de l'entreprise. Elle n'avait pas de vendeurs sous ses ordres et ne donnait pas d'ordres à son collègue; ils s'entraidaient. Lorsque A______ SA lui avait "donné" la responsabilité du magasin, elle n'avait signé aucun document ni reçu d'augmentation de salaire.

h.d Selon A______ SA, B______ avait travaillé sous la responsabilité d'un collaborateur jusqu'en 2019, lequel avait ensuite pris une autre fonction au sein de l'entreprise et n'avait pas été remplacé. Elle avait été promue responsable du magasin suite à la réorganisation du secteur vente. Elle n'avait pas eu de charge complémentaire à ce moment-là, mais ses tâches avaient évolué au fur et à mesure: elle s'était un peu plus occupée de la gestion du stock du magasin et de l'accueil de la clientèle. Interrogée quant à savoir si B______ occupait une position subalterne, A______ SA a indiqué que celle-ci était "une excellente technicienne et avait un très bon contact avec la clientèle". Elle était "au front" et la première à recevoir les clients. Elle avait bénéficié au fur et à mesure d'une formation technique au contact des autres techniciens de l'entreprise et avait suivi une formation d'hydraulique d'une semaine. Elle faisait de la réparation de flexibles, ce qui apparaissait dans son certificat de travail sous "montage de tuyaux flexibles". Toutes ses tâches ne figuraient pas dans son certificat de travail, dès lors que tous faisaient des tâches annexes sans que cela y soit systématiquement indiqué.

i. A une date indéterminée, B______ a débuté une activité professionnelle auprès de C______ Sàrl, en qualité de technicienne.

Cette société, sise rue 2______ no. ______, [code postal] à E______, a notamment pour but le négoce, la maintenance de produit industrielle, ayant trait particulièrement au levage, à la mécanique et à l'hydraulique.

i.a A______ SA et C______ Sàrl sont distantes d'environ 650 mètres l'une de l'autre.

i.b Interrogée par le Tribunal sur son nouvel emploi, B______ a déclaré avoir été "débauchée" par C______ Sàrl et engagée en qualité de technicienne de levage. C______ Sàrl voulait ouvrir un magasin pour faire du levage. Elle avait été engagée pour cela et avait suivi une formation spécifique en ce sens. Son travail chez C______ Sàrl consistait à 70% de levage. Le 30% restant était identique à ce qu'elle faisait lorsqu'elle travaillait pour A______ SA, soit de l'hydraulique, étant précisé que les entreprises ne travaillaient pas avec la même marque de tuyaux. Ce n'était pas de la concurrence. C______ Sàrl était surtout active dans le levage, ce que A______ SA ne faisait pas. C______ Sàrl faisait également de la réparation de flexibles et de vérins. Au contraire de A______ SA, elle ne possédait pas d'atelier mécanique ni d'un bureau d'ingénieur, de sorte que la réparation de vérins se faisait auprès d'un sous-traitant. La réparation de flexibles se faisait sur place depuis 2020, au sein du magasin, lequel disposait d'un établi, d'une scie et d'une sertisseuse. C______ Sàrl avait également des fourgons de dépannage sur site, ce que A______ SA n'avait pas.

i.c Egalement interrogée à ce sujet, A______ SA a déclaré utiliser au sein de son magasin un établi, une scie et une sertisseuse pour confectionner et réparer les flexibles hydrauliques. Elle disposait également d'un atelier qui s'occupait de prestations mécaniques plus lourdes et complexes, comme des réparations de véhicules. C______ Sàrl n'était pas une entreprise concurrente avant l'arrivée de B______ en son sein. Elle vendait des chaînes et des palans pour les chantiers et faisait de la réparation de flexibles hydrauliques dans un véhicule équipé qui se rendait sur les chantiers. C______ Sàrl s'était mise à faire de la réparation sur place, dans ses locaux, à l'arrivée de B______, laquelle avait été engagée pour lancer la fabrication de flexibles hydrauliques.

j. Par courriel du 3 août 2021, en réponse à un courriel de C______ Sàrl qui souhaitait ouvrir un compte en son sein, J______ AG a invité la société à contacter A______ SA qui était son distributeur pour Genève.

k. Par courrier recommandé du même jour, réexpédié par pli simple le 20 septembre 2021, A______ SA a informé B______ avoir appris qu'elle avait débuté un nouvel emploi auprès de C______ Sàrl, une société concurrente, active dans le même domaine qu'elle, violant sa clause de prohibition de concurrence.

A______ SA a mis en demeure B______ de mettre immédiatement fin à son activité auprès de C______ Sàrl, se réservant pour le surplus le droit de faire valoir ses prétentions en vue du paiement de la clause pénale contractuelle convenue dans le contrat de travail, équivalente à six fois son salaire brut.

l. B______ n'a pas donné suite à ce courrier.

m. Interrogée par le Tribunal, A______ SA a déclaré que B______ connaissait les conditions de ses fournisseurs, les prix d'achat et de vente, ainsi que les clients, à qui elle attribuait des rabais selon le type de clientèle. Elle connaissait les besoins et les habitudes des clients, y compris leur vie privée. Après quinze années passées au sein de l'entreprise, elle connaissait son savoir-faire. Elle connaissait absolument tout. Les factures clients et fournisseurs étaient accessibles à tous dans des classeurs ou dans le système informatique. Tous les employés avaient accès aux marges.

B______ a quant à elle déclaré qu'elle connaissait les prix de vente et d'achat, mais pas par cœur. Elle devait pour cela consulter la référence sur les sites des fournisseurs, lesquels n'étaient pas en accès libre. Tous les collaborateurs avaient une liste avec les codes d'accès des fournisseurs. Elle avait connaissance des rabais que ceux-ci accordaient, mais certains ne donnaient qu'un prix d'achat. Elle ne connaissait pas toutes les marges de A______ SA. Elle demandait alors à H______ ou G______ le prix de vente. Il lui arrivait de voir certaines factures de fournisseurs et avait accès à celles-ci. Elle n'avait toutefois pas besoin des factures pour commander du stock. Elle avait accès à la liste de la clientèle, aux informations concernant les factures des clients et des fournisseurs, qui se trouvaient dans l'ordinateur de A______ SA ainsi qu'en version papier dans le bureau de la secrétaire. Elle avait connaissance des habitudes de certains clients. Elle servait les clients lorsqu'ils avaient besoin de quelque chose.

n. A______ SA fait valoir une perte de clientèle liée au départ de B______.

Pour prouver ses dires, elle a produit des tableaux créés par elle, recensant l'évolution de son chiffre d'affaire relativement à cinq de ses clients entre les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2020 et du 1er janvier au 31 décembre 2021, respectivement entre les périodes du 1er janvier au 31 mai et du 1er juin au 31 décembre 2020 et 2021. Elle a également produit un tableau, également établi par ses soins et caviardé, faisant état de l'évolution de son chiffre d'affaires s'agissant de 338 de ses clients.

n.a Selon A______ SA, le chiffre d'affaires de la société était "beaucoup moins important" depuis le départ de B______. Cela était exclusivement dû au fait que celle-ci soit allée travailler pour C______ Sàrl et au fait que les entreprises clientes étaient "parties se servir auprès de C______ Sàrl après le départ de B______". Il n'y avait pas d'autre facteur. Elle avait eu des retours de trois de ses fournisseurs, les autres ayant refusé de confirmer par écrit les demandes d'ouverture de comptes auprès de C______ Sàrl. Ces fournisseurs n'étaient pas intéressés par C______ Sàrl avant que B______ y travaille, car ce n'était alors pas leur domaine. Sa clientèle (active dans différents domaines) était fidèle, certains clients étant même devenus des amis. Beaucoup étaient restés après le départ de B______. Cette dernière avait une relation de confiance avec la clientèle et certains clients avaient cessé de venir après son départ, ce qui était attesté par le chiffre d'affaires de ces clients. Elle avait attiré la clientèle auprès de C______ Sàrl en leur faisant bénéficier de conditions plus avantageuses, ce qu'elle pouvait faire dans la mesure où elle connaissait les prix pratiqués par A______ SA.

A______ SA allègue en appel que son préjudice serait "avéré" et s'élèverait à plus d'un million de francs, ce qui devrait prochainement aboutir à la suppression d'un poste en son sein.

n.b B______ a déclaré qu'elle avait vu des clients de A______ SA depuis qu'elle travaillait chez C______ Sàrl. Elle ignorait s'ils étaient déjà clients avant son arrivée. Elle savait que K______ se servait chez C______ Sàrl, mais ignorait pourquoi. Elle supposait que c'était peut-être parce qu'ils appréciaient son travail. Elle ne pouvait pas répondre quant à savoir pourquoi C______ Sàrl aurait contacté des fournisseurs de A______ SA, lorsqu'elle avait commencé à y travailler. Les fournisseurs de C______ Sàrl n'avaient rien à voir avec ceux de A______ SA. Seul le fournisseur L______ AG avait à sa connaissance fourni une fois C______ Sàrl.

D.           a. Par acte du 12 octobre 2021, déclaré non concilié le 30 novembre 2021, et introduit devant le Tribunal le 16 mars 2022, A______ SA a formé une demande à l'encontre de B______, concluant à ce que soit constatée la validité de la clause de non-concurrence convenue par les parties, ainsi que sa violation par B______, à ce que soit ordonnée à B______ la cessation immédiate de son activité auprès de C______ Sàrl, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, et à ce que B______ soit condamnée à lui verser un montant net de 39'060 fr., correspondant à six mois de salaire, avec intérêts à 5% l'an dès le 2 juillet 2021, à titre de peine conventionnelle pour violation de la clause de prohibition de concurrence.

Au titre de preuves, A______ SA a requis l'audition des parties en référence avec divers allégués et produit un bordereau de titres.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ SA de ses conclusions, sous suite de frais.

c. Les parties ont procédé à un deuxième échange d'écriture les 29 septembre et 30 novembre 2022, persistant chacune dans leurs conclusions respectives.

A______ SA a notamment produit un bordereau de titres complémentaires et requis l'audition des parties en référence avec divers allégués.

d. En date du 16 janvier 2023, A______ SA a déposé un bordereau de pièces complémentaires ainsi qu'une liste de témoins.

e. Lors de l'audience de débats d'instruction du 30 janvier 2023, B______ a soulevé l'irrecevabilité du bordereau de pièces complémentaires et de la liste de témoins déposés par A______ SA.

Le Tribunal les a restitués à A______ SA, pour cause de tardiveté, en raison du double échange d'écriture survenu antérieurement à leur dépôt. Les parties ont indiqué ne pas avoir d'éléments nouveaux à ajouter, ni d'offres de preuves nouvelles à formuler.

f. Par ordonnance de preuves rendue sur le siège à l'issue de l'audience, le Tribunal a admis comme moyens de preuves les titres produits et l'audition des parties, sous forme d'interrogatoire et/ou déposition.

g. Lors de l'audience de débats principaux du 30 mai 2023, le Tribunal a entendu les parties – soit notamment F______ et G______ pour le compte de A______ SA – dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile.

A______ SA a sollicité que l'audition des parties se fasse sous la forme d'une déposition et non sous forme d'interrogatoire, au motif de l'absence de témoins. B______ s'y est opposée, considérant qu'aucun motif ne justifiait une déposition des parties et précisant que cela créerait un "climat d'intimidation".

Le Tribunal a fait noter au procès-verbal qu'il serait procédé à l'audition des parties sous forme d'interrogatoire au sens de l'art. 191 CPC.

h. A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger après les plaidoiries finales orales.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a notamment retenu que la clause de prohibition de concurrence respectait la forme écrite dès lors qu'elle figurait dans le contrat de travail signé par les parties le 31 mai 2012. La pratique consistant à faire signer un contrat de travail écrit à B______ après une durée d'engagement de presque sept ans était étonnante. Le contrat initial ayant été conclu oralement, aucune clause de prohibition de concurrence n'avait lié les parties jusqu'à la signature de ce contrat. Les explications de B______ emportaient conviction, de sorte qu'il devait être retenu que la clause de prohibition de concurrence lui avait été imposée unilatéralement. La question d'une éventuelle crainte fondée pouvait néanmoins rester ouverte en raison de la solution retenue. La clause de prohibition de concurrence ne respectait pas les conditions de l'art. 340 al. 2 CO et devait être déclarée nulle. En effet, à défaut de preuve contraire, aucun ancien collègue ou supérieur de B______ ni aucun client régulier de A______ SA n'ayant été cité, il y avait lieu de retenir que B______ avait exercé un rôle de magasinière subalterne qui ne lui permettait pas d'avoir une connaissance spécifique de la clientèle, ni d'avoir accès aux secrets de fabrication ou d'affaires de A______ SA. Nul n'était besoin d'examiner l'existence d'un éventuel lien de causalité entre la connaissance de la clientèle et le risque d'un préjudice sensible pour A______ SA, cette dernière ayant d'ailleurs reconnu que sa clientèle lui était en grande partie restée fidèle après le départ de B______. Enfin, la clause de prohibition de concurrence étant nulle, la prétention de A______ SA en lien avec la cessation immédiate par B______ de son activité auprès de C______ Sàrl n'était pas fondée.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté dans le délai utile (art. 142 al. 1 et 3, et 311 CPC) et selon la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC) auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur un litige prud'homal dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 et 92 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Il en va de même de la réponse de l'intimée et des écritures subséquentes des parties.

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la présente procédure est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC et 247 al. 2 CPC a contrario) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC). La procédure ordinaire est applicable (art. 219, 243 et 247 CPC a contrario).

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 3.3).

2.             L'appelante a allégué des faits nouveaux en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu'aux conditions suivantes: ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.1).

S'agissant des vrais nova, la condition de nouveauté est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, bien qu'elle ne le présente pas formellement comme un fait nouveau, l'appelante allègue en appel qu'elle aurait subi un préjudice supérieur à un million de francs consécutivement au départ de l'intimée, avec pour conséquence qu'elle devrait prochainement supprimer un emploi en son sein.

L'appelante ne démontre pas qu'elle ne pouvait pas invoquer ces faits devant le Tribunal. Elle ne produit du reste aucune pièce à l'appui de ces faits nouveaux. Ceux-ci seront donc déclarés irrecevables, faute d'avoir été valablement introduits dans le procès.

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a, en tant que de besoin, été complété, sur la base des actes et pièces de la procédure, de sorte que le grief de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.

L'appréciation des preuves effectuée par le Tribunal sera examinée dans les considérants qui suivent en tant que de besoin.

4.             L'appelante invoque une violation de son droit d'être entendue, en lien avec son droit à la preuve. Elle reproche au premier juge d'avoir rejeté sa requête tendant à la déposition des parties et d'avoir procédé à leur interrogatoire, sans avoir motivé son choix.

Elle réitère sa requête devant la Cour.

4.1.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2). Le droit d'être entendu impose également au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 3.1; 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 consid. 6.1; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, RDAF 2009 II p. 434).

4.1.2 Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

4.1.3 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves: elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas au recourant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_505/2021 du 29 août 2022 consid. 3.3.2). Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves (cf. ATF 133 III 189 consid. 5.2.2, ATF 133 III 295 consid. 7.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6).

Il s'ensuit que l'instance d'appel peut rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire et d'administration d'un moyen de preuve déterminé présentée par l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue par la décision attaquée. Elle peut également refuser une mesure probatoire en procédant à une appréciation anticipée des preuves, lorsqu'elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne pourrait en aucun cas prévaloir sur les autres moyens de preuve déjà administrés par le tribunal de première instance, à savoir lorsqu'il ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis (cf. ATF 131 III 222 consid. 4.3; ATF 129 III 18 consid. 2.6). En vertu du principe de la bonne foi applicable en procédure (art. 52 CPC), l'instance d'appel peut aussi refuser d'administrer un moyen de preuve régulièrement offert en première instance lorsque la partie a renoncé à son administration, notamment en ne s'opposant pas à la clôture de la procédure probatoire (arrêt 5A_597/2007 du 17 avril 2008 consid. 2.3; cf. ATF 132 I 249 consid. 5; ATF 126 I 165 consid. 3b; ATF 116 II 379 consid. 2b).

4.1.4 En vertu de l'art. 191 CPC, le tribunal peut auditionner les deux parties ou l'une d'entre elles sur les faits de la cause (al. 1). Les parties sont exhortées à répondre conformément à la vérité; le tribunal les rend attentives au fait qu'en cas de mensonge délibéré, elles peuvent être punies d'une amende disciplinaire de 2000 fr. au plus et, en cas de récidive, de 5000 fr. au plus (al. 2).

Selon l'art. 192 CPC, le Tribunal peut d'office, sous menace de sanctions pénales, contraindre les deux parties ou l'une d'entre elles à faire une déposition (al. 1). Les parties sont alors exhortées au préalable à répondre conformément à la vérité et le tribunal les rend attentives aux conséquences d'une fausse déclaration au sens de l'art. 306 CP (al. 2).

L'interrogatoire et la déposition d'une partie sont des moyens de preuve objectivement adéquats prévus par la loi (art. 168 al. 1 let. f CPC). Le juge forge sa conviction après une libre appréciation des preuves (art. 157 CPC). Il apprécie librement la force probante des preuves administrées en fonction des circonstances concrètes, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis. Il en résulte l'interdiction de règles de preuves fixes. Il n'est dès lors pas admissible de dénier d'emblée toute valeur probante à un moyen de preuve donné, prévu par la loi (cf. ATF 84 IV 171 consid. 2). Il en va ainsi aussi pour l'interrogatoire et la déposition des parties au sens de l'art. 168 al. 1 let. f CPC (ATF 143 II 297 consid. 9.3.2; ACJC/504/2024 du 25 mars 2024, consid. 3.1).

En raison de leur équivalence avec les autres moyens de preuve, l'interrogatoire et la déposition sont des moyens de preuve à part entière, mais sont soumis, comme tous les autres moyens de preuve, à la libre appréciation des preuves (Hafner, in Schweizerische Zivilprozessordnung (Basler Kommentar), 2017, n. 4 ad art. 191 CPC).

D'office, seul le juge est autorisé à contraindre les parties à faire une déposition. Si les parties peuvent suggérer leur déposition, elles n'ont en revanche pas un droit à ce que leur déposition soit ordonnée, ni ne peuvent contraindre la partie adverse à faire une déposition (Hafner, op. cit., n. 3 ad art. 192 CPC).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties, de sorte que leurs déclarations figurent au dossier. Au contraire de ce que semble soutenir l'appelante, on ne saurait leur dénier toute force probante, dès lors que l'interrogatoire constitue, au même titre que la déposition, un moyen de preuve adéquat. Il n'apparaît dès lors pas utile de réentendre les parties sous la forme d'une déposition, rien n'indiquant que leurs déclarations seraient alors différentes de celles résultant de leur interrogatoire. L'appelante n'a en tout état aucun droit à prétendre à l'audition de sa partie adverse sous la forme d'une déposition, qui n'a pas pour vocation de pallier à une éventuelle omission de solliciter l'audition de témoin et qu'elle n'a, du reste, plus réclamée à l'issue de l'instruction de la cause. Les déclarations faites par les parties dans le cadre de leur interrogatoire, respectivement leur force probante, seront en conséquence examinées dans le cadre de l'appréciation des preuves.

Au vu de ce qui précède, les griefs de nature formelle invoqués par l'appelante, tirés de la violation de son droit d'être entendue et de son droit à la preuve, doivent être rejetés. Il n'y a de même, et pour les mêmes motifs, pas lieu de procéder à l'administration desdites preuves devant la Cour, de sorte que sa conclusion préalable sera rejetée, la cause étant en état d'être jugée.

5.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 340 CO en retenant que la clause de non-concurrence était nulle.

5.1 En vertu de l'art. 340 al. 1 CO, le travailleur qui a l'exercice des droits civils peut s'engager par écrit envers l'employeur à s'abstenir après la fin du contrat de lui faire concurrence de quelque manière que ce soit, notamment d'exploiter pour son propre compte une entreprise concurrente, d'y travailler ou de s'y intéresser.

Il découle de l'art. 340 al. 2 CO que la prohibition de faire concurrence n'est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible.

La validité d'une telle clause est soumise à des conditions strictes, lesquelles se justifient dans la mesure où une telle clause restreint la liberté économique de l'employé et peut porter atteinte à ses possibilités d'assurer ses besoins de subsistance (Dietschy-Martenet, Commentaire romand du Code des obligations I, 2021, n. 1 ad art. 340 CO).

5.1.1 En ce qui concerne la condition de la forme écrite, il suffit que le contrat ou le document contenant la clause soit signé par le travailleur, la loi n'exigeant pas que la clause soit spécifiquement signée pour elle-même (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 907-908).

5.1.2 La clientèle comprend l'ensemble des personnes physiques et morales qui entrent en relation d'affaires avec l'employeur pour acheter des marchandises ou bénéficier de services et qui participent ainsi à la valeur et au goodwill de l'entreprise. La clientèle entrant en considération est celle qui concerne le travailleur, soit parce qu'il est en contact avec elle, soit car il a accès aux informations la concernant; cette question doit concrètement être examinée dans chaque situation, au regard des compétences particulières et personnelles du travailleur concerné (arrêt du Tribunal fédéral 4A_483/2017 du 1er novembre 2017 consid. 2.2; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 910). Les fournisseurs ne font pas partie de la clientèle (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 910).

Une clause de prohibition de concurrence, fondée sur la connaissance de la clientèle, ne se justifie que si l'employé peut lui-même, grâce à sa connaissance des clients réguliers et de leurs habitudes, facilement leur proposer des prestations analogues à celles de l'employeur et ainsi les détourner de celui-ci. Ce n'est que dans une situation de ce genre que, selon les termes de l'art. 340 al. 2 CO, le fait d'avoir connaissance de la clientèle est de nature, par l'utilisation de ce renseignement, à causer à l'employeur un préjudice sensible. Il apparaît en effet légitime que l'employeur puisse dans une certaine mesure se protéger, par une clause de prohibition de concurrence, contre le risque que le travailleur détourne à son profit les efforts de prospection effectués par le premier ou pour le compte du premier (ATF 138 III 67 consid. 2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_205/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.2; 4A_468/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1).

5.1.3 Par secrets d’affaires, il faut entendre les connaissances spécifiques, qui ne sont connues que d'un nombre restreint de personnes, que l’employeur veut tenir secrètes et qui touchent à des questions techniques, organisationnelles ou financières. Il s'agit notamment de méthodes et politiques commerciales, des techniques d'organisation ou de marketing ou encore de stratégies commerciales, des avantages et inconvénients de certains produits, de la connaissance des délais de livraison, des temps de montage, des fournisseurs et des tarifs préférentiels. Le secret de fabrication ou d’affaires doit être propre à l’entreprise de l’employeur, de manière exclusive. Ainsi, les connaissances qui peuvent être acquises dans toutes les entreprises de la même branche constituent l’expérience professionnelle du travailleur et ne sont pas des secrets. Dès lors, seules les spécificités inconnues des concurrents de l'employeur ne relèvent pas de la simple expérience professionnelle (ATF 138 III 67, 72 consid. 2.3.2; voir aussi Wyler/Heinzer, op. cit., p. 912, Witzig, Droit du travail, 2018, n. 1003).

Les notions de "secrets de fabrication" et de "secrets d'affaires" doivent être interprétées de manière restrictive (Witzig, op. cit., n. 997 et les références).

Il appartient à l'employeur d'établir que les connaissances litigieuses sont objectivement secrètes et qu'il entend qu'elles ne soient pas divulguées à l'extérieur de l'entreprise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_283/2010 du 11 août 2010 consid. 2.1; 4A_31/2010 du 16 mars 2010 consid. 2.1; Dietschy-Martenet. op. cit., n. 8 ad art. 340 CO).

5.1.4 Il est en outre nécessaire qu'il y ait une relation de causalité adéquate entre les connaissances acquises et le risque de causer un préjudice sensible à l'ancien employeur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_116/2018 du 28 mars 2019 consid. 4; 4A_466/2012 du 12 novembre 2012 consid. 3.2 et 4.1; Wyler/Heinzer. L'employeur n'a pas besoin de prouver le dommage effectif puisqu'il suffit que la possibilité d'un dommage existe (arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2016 du 6 février 2017 consid. 4.1; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 913).

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la violation de l’interdiction de concurrence, du dommage et du lien de causalité entre ceux-ci. Le dommage étant toutefois difficile, voire impossible à prouver, le juge le déterminera en équité (art. 42, al. 2 CO) (Dietschy-Martenet, op. cit., n. 3 ad art. 340b CO).

5.1.5 Le travailleur qui enfreint la prohibition de faire concurrence est tenu de réparer le dommage qui en résulte pour l’employeur (art. 340b, al. 1 CO). Il peut, lorsque la contravention est sanctionnée par une peine conventionnelle et sauf accord contraire, se libérer de la prohibition de faire concurrence en payant le montant prévu; toutefois, il est tenu de réparer le dommage qui excéderait ce montant (art. 340b, al. 2 CO). L’employeur peut exiger, s’il s’en est expressément réservé le droit par écrit, outre la peine conventionnelle et les dommages-intérêts supplémentaires éventuels, la cessation de la contravention, lorsque cette mesure est justifiée par l’importance des intérêts lésés ou menacés de l’employeur et par le comportement du travailleur (art. 340b, al. 3 CO).

5.1.6 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

5.2 En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties qu'elles ont été liées par des rapports de travail, ni que la clause de prohibition de concurrence respecte l'exigence de forme écrite, dès lors qu'elle figure dans le contrat de travail signé par les parties en date du 31 mai 2012.

5.2.1 L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir admis la version des faits exposée par l'intimée pour retenir que la clause de prohibition de concurrence avait été unilatéralement imposée à cette dernière.

Le Tribunal a en effet retenu, sur la base des déclarations de l'intimée, qui alléguait avoir été menacée de licenciement en cas de refus de signer le contrat, que la clause litigieuse lui "avait été imposée unilatéralement par son ancienne employeuse en 2012", précisant en outre que la question d'une éventuelle crainte fondée pouvait demeurer ouverte.

Cette affirmation du Tribunal est en effet essentiellement fondée sur les déclarations de l'intimée, certes émises sous la forme de l'interrogatoire qui en font un moyen de preuve valable, mais qui entrent en contradiction avec les déclarations de l'appelante, également recueillies en interrogatoire, qui a contesté avoir imposé la signature de son contrat à l'intimée. En l'absence de tout autre élément de preuve les corroborant, c'est à tort que le Tribunal a considéré que les déclarations de l'intimée emportaient conviction et retenu qu'il était établi que l'appelante avait imposé la clause litigieuse à l'intimée. En outre, bien que les parties ne se soient pas étendues sur l'évolution du salaire de l'intimée et la temporalité de celle-ci, l'intimée a allégué, sans être contredite, que son salaire initial s'élevait à quelques 3'800 fr. par mois. Dès lors que le contrat proposé prévoyait une rémunération de 5'800 fr. par mois, il ne peut être exclu que l'intimée ait également trouvé son compte dans la conclusion de celui-ci.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que l'intimée n'a pas démontré à satisfaction que la clause de prohibition de concurrence lui aurait été imposée par l'appelante.

5.2.2 L'appelante fait par ailleurs grief au Tribunal d'avoir considéré qu'elle n'avait pas apporté la preuve de ce que l'intimée bénéficiait d'une connaissance particulière de sa clientèle, au point d'être en mesure de proposer des prestations analogues, respectivement, qu'elle connaissait ses secrets d'affaires. Elle reproche au Tribunal d'avoir formulé à cet égard des exigences excédant les conditions de validité prévues par la loi. Elle critique également l'appréciation faite par le Tribunal des déclarations respectives des parties. Cela étant, l'appelante se contente pour l'essentiel de présenter sa propre appréciation des faits, sans démontrer en quoi l'appréciation du Tribunal serait erronée.

Indépendamment de déterminer si le premier juge se serait montré excessivement sévère dans l'examen des conditions de validité de la clause de prohibition de concurrence, ce qui peut demeurer indécis, force est de constater que l'appelante n'établit pas la réalisation desdites conditions.

S'agissant de la connaissance de la clientèle, l'appelante échoue à remettre en cause de manière convaincante l'appréciation des preuves faites par le premier juge, selon laquelle l'intimée n'avait pas connaissance de sa clientèle au point qu'elle aurait été en mesure d'utiliser ces renseignements pour lui proposer des prestations analogues et la détourner de l'appelante. S'il découlait de sa fonction de magasinière qu'elle était au contact de la clientèle et qu'elle a expliqué avoir accès à la liste de la clientèle ainsi qu'avoir connaissance des "habitudes de certains clients", qu'elle "servait lorsqu'ils avaient besoin de quelque chose", cela ne permet en tout état pas de retenir qu'elle aurait une connaissance de la clientèle telle qu'elle serait en mesure de proposer, auprès de son nouvel employeur, des prestations analogues à celles offertes par l'appelante. Au demeurant, le fait que l'intimée se serait vu confier, durant les deux dernières années de son emploi auprès de l'appelante, la "responsabilité du magasin", n'est pas susceptible de modifier l'appréciation de la Cour sur ce point. Outre le fait que l'intimée conteste avoir occupé un tel poste, il est établi qu'aucune promotion ne lui a été accordée ni aucune augmentation, ni qu'aucun avenant à son contrat de travail n'a été conclu. L'appelante elle-même admet qu'après le départ du supérieur de l'intimée, celui-ci n'avait pas été remplacé et qu'aucune nouvelle tâche n'avait été confiée à l'intimée à cette occasion, de sorte que rien n'indique que cette "responsabilité" aurait permis à l'intimée d'acquérir une connaissance de la clientèle de l'appelante dans le sens qui précède. Enfin, au contraire de ce que soutient à tort l'appelante, celle-ci n'a pas dûment établi avoir perdu une partie de sa clientèle à la suite du départ de l'intimée. Les titres produits dans la procédure, établis par l'appelante elle-même, sont en tout état insuffisants pour retenir que l'éventuelle baisse de son chiffre d'affaires serait liée au départ de l'intimée et imputable à des connaissances qu'elle aurait acquises auprès de l'appelante.

Il en va de même s'agissant d'éventuels secrets d'affaires. L'appelante se contente de critiquer les éléments retenus par le Tribunal et de substituer son propre raisonnement à celui de l'autorité de première instance, sans pour autant démontrer que l'intimée aurait eu connaissance de tels secrets. En particulier, comme retenu à raison par le premier juge et indépendamment du vocabulaire utilisé par les parties, le seul fait que l'intimée ait eu accès aux prix de vente et d'achat de l'intimée, comme l'ensemble des employés de l'entreprise, ne permet pas de retenir que l'intimée aurait eu connaissance de secrets d'affaires. Il n'en va pas autrement s'agissant de la connaissance des fournisseurs de l'appelante, celle-ci n'ayant au demeurant ni allégué ni démontré qu'elle était objectivement secrète. Il apparait au contraire que l'ensemble des connaissances de l'intimée relèvent davantage de l'expérience professionnelle qu'elle a acquise au fil des années.

L'appelante soutient encore que la connaissance par l'intimée de sa clientèle, respectivement de ses secrets d'affaires, devait être considérée comme établie, dès lors que le nouvel employeur de l'intimée avait commencé à réparer des flexibles dans ses locaux "uniquement depuis et en raison de l'engagement de l'intimée, ce qui [démontrait] que celle-ci [avait] apporté des informations commerciales utiles". Force est de constater qu'aucun élément concret ne corrobore les explications de l'appelante. Il en va de même s'agissant du fait que le nouvel employeur aurait contacté l'un des fournisseurs de l'appelante, en raison "d'informations spécifiques" dont aurait disposé l'intimée. Enfin, l'intimée a soutenu, sans que l'appelante ne le conteste, que si une partie de l'activité de son employeur se recoupait avec celle de l'appelante, l'essentiel de son activité se déployait dans un domaine différent.

Les déclarations des parties sont ainsi contradictoires sur l'ensemble de ces éléments et rien n'indique qu'il en aurait été autrement s'il avait été procédé à la déposition des parties (cf. consid. 4 supra). Pour que les déclarations de l'une des parties emportent conviction par rapport à celles de l'autre, il aurait fallu pouvoir les confronter à d'autres éléments de la procédure. Or, comme relevé à raison par le Tribunal, ni les anciens collègues de l'intimée, ni son ancien supérieur, ni même aucun client régulier de l'appelante n'ont été cités comme témoins, ni davantage son employeur actuel, alors même qu'ils auraient potentiellement été à même d'apporter des éléments pertinents pour établir, ou non, la validité de la clause de non-concurrence.

Partant, c'est à raison que le Tribunal a retenu que l'appelante, à qui le fardeau de la preuve incombait, n'avait pas apporté la preuve de la connaissance particulière de sa clientèle par l'intimée, au point qu'elle aurait été en mesure d'utiliser ces renseignements pour proposer des prestations analogues, ni d'une connaissance de secrets de fabrication ou d'affaires de l'entreprise.

5.2.3 Dès lors que l'appelante a échoué à établir que l'intimée aurait eu connaissance de sa clientèle, respectivement de secrets d'affaires, c'est à raison que le premier juge a renoncé à examiner la question de l'existence d'un éventuel lien de causalité entre une telle connaissance et un risque de préjudice sensible pour l'appelante.

5.2.4 Infondés, l'ensemble des griefs de l'appelante seront rejetés.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé dans son intégralité.

6.             La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes:

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 25 septembre 2023 par A______ SA contre les chiffres 5 et 7 du dispositif du jugement JTPH/227/2023 du 24 août 2023 dans la cause C/19973/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires d'appel ni alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Monique FORNI, Monsieur Aurélien WITZIG, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.