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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9389/2024

ACJC/1162/2025 du 01.09.2025 sur JTBL/1257/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9389/2024 ACJC/1162/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 1ER SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Messieurs A______ et B______ et Madame C______, domiciliés ______ [GE], appelants et recourants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 décembre 2024,

 

et

CAISSE DE PENSION D______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Agence immobilière E______, ______ [GE].

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/1257/2024 du 17 décembre 2024, notifié à CAISSE DE PENSION D______ le 7 janvier 2025, à C______ et B______ le 14 janvier 2025 et à F______ SA le 15 janvier 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a condamné F______ SA, C______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que de tout tiers, l'appartement de 7 pièces n° 011 situé au 1er étage, ainsi que la cave n°4, de l'immeuble sis route 1______ no. ______ à G______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a autorisé CAISSE DE PENSION D______ à requérir l'évacuation par la force publique de F______ SA, C______ et B______ dès le 30ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné F______ SA à verser à CAISSE DE PENSION D______ la somme de 9'230 fr. 90 à titre d'indemnités pour occupation illicite (ch. 3), a autorisé la libération de garantie de loyer constituée auprès de H______ sous certificat de dépôt n° 2______ le 13 septembre 1999 par F______ SA d'un montant de 8'100 fr. en faveur de CAISSE DE PENSION D______, le montant ainsi libéré venant en déduction de la somme due précitée, a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, la locataire F______ SA n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Dans le délai comminatoire imparti au 13 novembre 2023, cette dernière n'avait pas acquitté les arriérés de loyer. Depuis l'expiration du terme fixé, prolongé au
29 février 2024, la locataire et les occupants ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Compte tenu de la fin d'année qui approchait, le Tribunal a prononcé l'exécution de l'évacuation avec un délai de 30 jours suivant l'entrée en force du jugement. Les premiers juges ont également retenu que les locataires restaient devoir la somme de 9'230 fr. 90 à titre d'indemnités pour occupation illicite, les conditions d'application de la faute contractuelle prévues à l'article 97 CO ss étant réalisées.

B.            a. Par acte non signé expédié le 24 janvier 2025 à la Cour de justice, C______, A______ et B______ (ci‑après : les appelants ou les recourants), comparant en personne, ont formé appel de ce jugement, sollicitant principalement sa "révision" et, subsidiairement, à ce qu'un délai "plus long" leur soit accordé pour quitter les lieux.

Ils ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leur appel, soit divers courriers établis entre le 20 décembre et le 22 mars 2024, ainsi que deux extraits bancaires datés des 6 et 21 janvier 2025.

b. Le 5 février 2025, C______ a adressé à la Cour une procuration donnant pouvoir à son époux, B______, de la représenter dans le cadre de la présente procédure et de signer tout document officiel y relatif, en particulier l'acte d'appel déposé le 24 janvier 2025.

Les écritures d'appel ont été signées le 12 février 2025, ensuite de l'interpellation du greffe de la Cour du 30 janvier 2025.

c. Par réponse datée du 19 mars 2025, expédiée le lendemain, CAISSE DE PENSION D______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée) a préalablement conclu à ce que l'appel soit déclaré irrecevable. "Principalement et subsidiairement", elle a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Elle a également produit des pièces nouvelles, soit un échange de courriels daté du 18 mars 2025 et un décompte établi le 19 mars 2025.

d. Les parties n'ont pas répliqué, ni dupliqué.

Elles ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 5 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 7 juillet 1999, CAISSE DE PENSION D______, en qualité de bailleresse, d'une part, et F______ SA, en qualité de locataire, d'autre part, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 7 pièces n° 011 au 1er étage, ainsi qu'une cave n° 4, de l'immeuble sis route 1______ no. ______, à G______.

b. Les parties sont expressément convenues que le logement serait occupé par les époux C______ et B______.

Le montant du loyer a été fixé en dernier lieu à 2'755 fr. par mois, soit 2'475 fr. en sus de la provision pour les charges d'un montant de 280 fr.

Un dépôt de garantie a été effectué le 13 septembre 1999 auprès de l'établissement bancaire H______ à hauteur de 8'100 fr.

c. Par courriers des 12 et 26 octobre 2023, la bailleresse a requis de la locataire qu'elle s'acquitte de l'arriéré des loyers et des charges dans un délai de 10 jours, à défaut de quoi le paiement du loyer serait exigé par trimestre d'avance dès le 1er novembre 2023.

d. Par avis comminatoire du 13 novembre 2023, CAISSE DE PENSION D______ a mis F______ SA en demeure de régler dans les 30 jours le montant de 5'510 fr. à titre d'arriéré de loyers et de charges pour la période de décembre 2023 à janvier 2024 et l'a informée de son intention, à défaut de paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

e. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la bailleresse, a, par avis officiel du 18 décembre 2023, résilié le bail pour le 31 janvier 2024.

f. Par requête déposée le 24 juillet 2024, CAISSE DE PENSION D______ a introduit par devant le Tribunal une action en évacuation. Elle a sollicité l'exécution directe de l'évacuation de la locataire, F______ SA et des occupants de l'appartement, B______ et C______, et conclu au paiement du montant de 613 fr. 90 avec intérêts à 5% l'an dès le 10 avril 2022, ainsi qu'à la libération de la garantie bancaire.

   g. Lors de l'audience du 16 septembre 2024 par-devant le Tribunal, le représentant de la bailleresse a indiqué que l'arriéré de loyer s'élevait à 6'445 fr. 90 à la fin du mois de juillet 2024.

Les époux B______ et C______, occupants de l'appartement et cités aux débats par le Tribunal, n'ont pas comparu.

F______ SA, qui a comparu par son administrateur A______ (fils des occupants de l'appartement), a contesté le montant de l'arriéré, déclarant être à jour dans les paiements de loyer, réglés par lui-même et non au nom de la société. Elle a admis avoir eu un mois de retard en juillet 2023, mais a allégué avoir rattrapé le paiement le mois suivant. Elle a contesté devoir le montant de la facture SIG de 613 fr. 90, sur quoi la bailleresse a retiré sa conclusion en paiement. Cette dernière a indiqué que le propriétaire souhaitait récupérer les locaux de l'appartement et a rappelé que les paiements arrivaient systématiquement de manière tardive.

A______ a précisé que ses parents et lui-même vivaient dans l'appartement depuis vingt-cinq ans, que ces derniers étaient âgés et qu'ils entendaient bénéficier d'une période de "transition confortable", ajoutant qu'ils avaient effectué des travaux de rénovation de l'appartement à leurs frais.

h. Lors de l'audience du Tribunal du 18 novembre 2024, les parties citées, soit la locataire et les occupants de l'appartement, n'étaient pas présentes. Le représentant de la bailleresse a précisé que le montant de l'arriéré s'élevait à 9'230 fr. 90, ajoutant qu'au vu des loyers payables par trimestre d'avance, ses conclusions devaient être amplifiées à hauteur de 14'740 fr. 90. La bailleresse a persisté dans sa requête, pour le surplus.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie de recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans
(ATF 
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, il ressort des explications des appelants qu'ils contestent non seulement les mesures d'exécution, mais également la validité du congé. Au vu du montant du loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 Interjetés par écrit dans le délai prescrit par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1, 314 al. 1 et 321 al. 1 et 2 CPC), l'appel et le recours sont recevables de ces points de vue.

2.             L'intimée relève un défaut de légitimation active, respectivement de consorité nécessaire des appelants, ainsi qu'un défaut de qualité pour agir de A______, questions qui doivent être examinées en premier lieu.

2.1 Le CPC ne prévoit pas de disposition traitant expressément de la qualité pour recourir. Certains auteurs se réfèrent aux conditions prévues par l'art. 76 LTF, la légitimation à recourir au niveau cantonal ne devant pas être plus restrictive que devant le Tribunal fédéral. Celui qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire est ainsi légitimé à recourir, pour autant qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (cf. art. 59 al. 2 let. a CPC également applicable devant l'autorité d'appel; arrêt du Tribunal fédéral 5D_14/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3.1 et les références citées).

L'intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise doit être actuel (ATF 131 II 361 consid. 1.2; parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 5A_52/2022 du 9 février 2022 consid. 3). Il doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu (ATF 136 II 101 consid. 1.1; parmi plusieurs: arrêt du Tribunal fédéral 4A_306/2022 du 14 juillet 2022).

L'absence d'intérêt digne de protection doit être relevée d'office, à tous les stades de la procédure (art. 60 CPC; ATF 130 III 430 consid. 3.1). Elle entraîne l'irrecevabilité du recours (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4).

2.2 A teneur de l'art. 147 al. 1 2ème phr. CPC, une partie est défaillante si elle ne se présente pas lorsqu'elle est citée à comparaître. La procédure suit alors son cours sans qu'il soit tenu compte du défaut, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 147 al. 2 CPC). En cas de défaut d'une partie à l'audience de débats principaux, le tribunal statue sur la base des actes qui ont, le cas échéant été accomplis conformément aux dispositions de la présente loi; il se base, au surplus, sous réserve de l'art. 153 CPC, sur les actes de la partie comparante et sur le dossier (art. 234
al. 1 CPC, par renvoi de l'art. 245 al. 2 2ème phr. CPC).

La partie défaillante ne peut faire valoir, dans un appel ou un recours, que des griefs liés aux prescriptions sur les conséquences du défaut, aux citations et convocations (ACJC/221/2025 du 12 février 2025 consid. 1.1.3 ; ACJC/644/2022 du 16 mai 2022 consid. 1.1 et 1.2 ; ACJC/1294/2015 du 26 octobre 2015 consid. 2; Willisegger, Commentaire bâlois, 2ème éd., 2013, n. 30 ad art. 234 CPC).

2.3 En l'espèce, l'acte d'appel et de recours émane de "Famille A______ / B______ / C______".

Il est incontesté que les parties contractantes au bail à loyer du 7 juillet 1999 sont la CAISSE DE PENSION D______, en qualité de bailleresse, d'une part, et F______ SA, en qualité de locataire, d'autre part. Le contrat de bail mentionne, par ailleurs, expressément l'occupation de l'appartement par les époux B______ et C______.

Seule F______ SA – représentée par son administrateur, A______ – a participé à la procédure de première instance. Les époux B______/C______ n'ont pour leur part pas comparu.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'examiner de façon différenciée la recevabilité de l'appel et du recours en ce qui concerne A______, d'une part, et les occupants de l'appartement, B______ et C______, d'autre part.

2.3.1 A______ n'a à l'évidence pas la qualité pour former appel, respectivement pour recourir, contre le jugement entrepris, auquel il n'était pas partie. Sa qualité d'administrateur de la société locataire ne lui confère en effet aucune qualité pour former en son nom propre un appel ou un recours contre la décision attaquée.

Partant, l'appel et le recours seront déclarés irrecevables en tant qu'ils ont été formés par A______.

2.3.2 En leur qualité d'occupants de l'appartement litigieux, C______ et B______ ne sont, pour leur part, pas légitimés à former appel contre le jugement entrepris pour contester la validité du congé. Seule la société F______ SA, en son nom et en sa qualité de locataire unique de l'appartement – conformément au contrat de bail –, était habilitée à contester la résiliation du bail et, le cas échéant à former appel sur ce point.

Les époux B______/C______ disposent d'un intérêt digne de protection à contester le jugement attaqué en tant qu'il vise le prononcé de l'évacuation et les mesures d'exécution de celle-ci en tant que le dispositif du jugement entrepris (ch. 1 et 2), puisqu'ils sont occupants de l'appartement en cause.

Toutefois, leurs conclusions tendant à la "révision" du jugement entrepris et à l'octroi d'un délai "plus long" pour quitter les lieux doivent être considérées comme nouvelles, dans la mesure où les intéressés étaient défaillants en première instance. Ils ne formulent par ailleurs aucun grief relatif aux conséquences du défaut, ni aux citations ou convocations qui leur ont été adressées par le Tribunal. Ils ne prennent pas davantage de conclusions tendant au renvoi de la cause à celui-ci pour nouvelle décision après leur avoir donné l'occasion de s'exprimer.

2.4 Par conséquent, tant l'appel que le recours sont irrecevables, la Cour n'étant pas saisie de conclusions auxquelles il pourrait être fait droit.

Ce constat scelle l'issue du litige, de sorte que les autres griefs invoqués par les parties ne seront pas examinés.

3.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 24 janvier 2025 par A______, ainsi que B______ et C______ contre le jugement JTBL/1257/2024 rendu le 17 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9389/2024.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Madame Laurence MIZRAHI, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.