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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2358/2023

ACJC/787/2025 du 12.06.2025 sur JTBL/470/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2358/2023 ACJC/787/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 12 JUIN 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le
Tribunal des baux et loyers le 30 avril 2024 (JTBL/470/2024), représentée par
Me Guy ZWAHLEN, avocat, rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12,

et

Madame B______, Monsieur C______, domiciliés ______, intimés, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/470/2024 du 30 avril 2024, le Tribunal des baux et loyers a constaté que le bail portant sur l'appartement situé au no. ______, rue 1______, à D______ [GE], conclu entre B______ et C______, d'une part, et A______, d'autre part, est de durée indéterminée (ch. 1 du dispositif), déclaré nul le congé notifié à C______ et B______ le 12 avril 2022 pour le 15 mars 2023 (ch. 2), fixé à 1'600 fr., charges non comprises, dès le 22 mars 2019, le loyer mensuel de l'appartement précité (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 5 juin 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation des chiffres 1 et 2 de son dispositif et à ce que la Cour constate que le bail du 1er novembre 2021, portant sur l'appartement situé au no. ______, rue 1______, à D______, conclu entre elle-même et B______ et C______, est un bail de durée déterminée et que, de ce fait, le bail a pris fin le 15 mars 2023.

b. Dans leur réponse du 8 juillet 2024, B______ et C______ ont conclu, principalement, à ce que l'appel soit déclaré irrecevable et à ce que le jugement du Tribunal soit confirmé et, subsidiairement, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Ils ont fait valoir un fait nouveau dans le cadre de leur réponse, à savoir que l'appartement situé au-dessus du leur demeurait vide.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par courrier du 4 octobre 2024, la Cour a avisé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 14 mars 2019, B______ et C______ ont pris à bail un appartement de 4 pièces au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à D______, dont A______ est propriétaire.

Le bail a été conclu pour une durée de 12 mois et 10 jours, du 22 mars 2019 au 31 mars 2020, "à terme fixe, sans renouvellement".

Le loyer mensuel, charges non comprises, a été fixé à 1'600 fr.; s'y ajoutait un forfait pour frais accessoires de 200 fr.

L'avis de fixation du loyer initial indiquait qu'il s'agissait d'une première mise en location. Le montant du loyer était motivé comme suit: "Selon CO, l'art. 269a lettre a: adaptation aux loyers usuels du quartier".

b. Un état des lieux a été effectué le 20 mars 2019. Un certain nombre d'installations sont qualifiées de vétustes. Les locataires ont signé le document sous l'indication qu'ils acceptaient de reprendre l'appartement en l'état.

c. Un nouveau contrat de bail à loyer à terme fixe a été conclu le 13 janvier 2020 entre les locataires et la bailleresse pour la période du 15 mars 2020 au 15 mars 2021. Le loyer et le forfait pour charges étaient identiques aux précédents. L'attention des locataires était expressément attirée sur le fait que le bail "ne se reconduirait pas tacitement, mais selon accord entre le bailleur et le locataire".

d. Un nouveau bail à loyer à terme fixe a été conclu le 9 janvier 2021 pour la période du 15 mars 2021 au 15 mars 2022. Le loyer mensuel était porté à 1'700 fr. La clause relative à la non-reconduction tacite du bail était reprise.

e. Un même bail à loyer à terme fixe a été conclu le 1er novembre 2021 pour la période du 15 mars 2022 au 15 mars 2023, le loyer restant inchangé.

f. Le 9 avril 2022, un incident s'est produit dans le jardin de l'appartement loué entre l'ex-mari de la bailleresse, E______, et les locataires, les seconds reprochant au premier sa présence dans leur jardin.

A______ est intervenue. Elle a annoncé aux locataires à cette occasion qu'elle avait décidé de ne pas renouveler leur bail.

g. Par courriers adressés aux deux locataires le 12 avril 2022, A______ a déclaré "résilier" le contrat de bail pour le 15 mars 2023, les clés devant être rendues à cette date.

h. Par requête du 12 janvier 2023, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 26 avril 2023 et portée devant le Tribunal le 26 mai 2023, les locataires ont conclu:

-     préalablement, à ce qu'un calcul de rendement soit ordonné, moyennant production de pièces par la bailleresse;

-     principalement, à ce qu'il soit dit que le contrat du 14 mars 2019 est de durée indéterminée, celui-ci se renouvelant d'année en année, à ce qu'il soit dit que le loyer convenu est nul et à ce qu'il soit fixé à 1'350 fr., le trop-perçu devant être remboursé avec intérêts à 5% l'an;

-     subsidiairement, à une prolongation du bail de quatre ans et à la fixation du loyer à 1'350 fr., le trop-perçu devant être remboursé avec intérêts à 5% l'an .

Les locataires ont notamment allégué que l'appartement litigieux avait fait l'objet d'un bail antérieur au leur. Ils ont par ailleurs fait valoir que cet appartement était entaché de défauts, produisant une série de photographies sur lesquelles sont notamment visibles des taches noires et des brèches dans les peintures sur les murs et plafonds.

i. Dans sa réponse du 1er août 2023, la bailleresse a conclu au déboutement des locataires de toutes leurs conclusions.

A______ a admis que c'était de manière erronée que l'avis de fixation du loyer indiquait qu'il s'agissait d'une première location. Elle a contesté les défauts invoqués, à tout le moins le fait qu'elle en ait été informée. La cuisine et la salle de douche avaient été installées à neuf en 2013. L'appartement litigieux était loué car il lui permettait de subvenir au frais d'EMS de son père, mais elle entendait le récupérer pour sa fille après le décès de celui-ci, raison pour laquelle elle le louait d'année en année. Son père était décédé le ______ janvier 2021.

La bailleresse a notamment produit neuf annonces pour des logements dans les villages de la rive gauche, avec des loyers supérieurs ou un nombre de pièces/une surface inférieurs.

j. Dans leur réplique du 4 septembre 2023, les locataires ont fait valoir qu'ils s'étaient abstenus de contester la durée déterminée de leur contrat du fait que la bailleresse leur avait indiqué que celui-ci ne serait renouvelé que si tout se passait bien. Ils ne pouvaient ainsi notamment pas se plaindre des défauts, auxquels ils avaient dès lors en partie remédié eux-mêmes.

k. A l'audience du Tribunal du 25 septembre 2023, B______ a exposé que lors de l'état des lieux, la bailleresse lui avait laissé entendre que le bail pourrait être renouvelé. Elle-même et son époux avaient accepté les conditions du bail car, arrivant d'un autre canton, ils étaient pressés de se loger à Genève. Ils souhaitaient rester durablement dans l'appartement.

l. La bailleresse a déclaré avoir mentionné les raisons pour lesquelles un bail à durée limitée était conclu lors de la visite groupée de l'appartement. Elle avait proposé aux locataires un nouveau contrat d'une année après le décès de son père car elle souhaitait se consacrer prioritairement aux démarches administratives qui y étaient liées.

m. Par ordonnance du 27 septembre 2023, le Tribunal a écarté la demande de preuve visant à l'établissement d'un calcul de rendement, vu l'ancienneté de l'immeuble concerné, construit en 1985.

n. Le 31 octobre 2023, A______ a produit six annonces supplémentaires relatives à des logements à louer dans les villages de la rive gauche, avec des loyers supérieurs.

o. La bailleresse a versé à la procédure les contrats de bail à loyer à terme fixe conclus successivement de 2014 à 2019 avec le précédent locataire; le loyer était fixé à 1'500 fr. et le forfait pour charges à 200 fr.

p. Lors de l'audience du 13 novembre 2023 devant le Tribunal, les locataires ont exposé que la bailleresse leur avait indiqué lors de la conclusion du bail qu'elle ne prendrait pas de travaux en charge. Ils avaient dès lors effectué à leur frais, avec son accord, des travaux de peinture dans la véranda ainsi que dans la salle de bain et aménagé la cuisine. Ils procédaient à des recherches, vaines jusque-là, d'un logement de remplacement.

q. A l'audience du Tribunal du 4 mars 2024, E______ a confirmé qu'un incident s'était produit avec les locataires. Interrogé sur les modalités contractuelles prévues par A______, il déclaré qu'elle lui avait indiqué établir des contrats de bail à l'année, afin de pouvoir réévaluer la situation en cas de décès de son père. Après ce décès, elle lui avait fait part de son intention de résilier le bail pour récupérer l'appartement, sans savoir ce qu'elle entendait en faire.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

r. Dans son jugement du 30 avril 2024, le Tribunal a considéré qu'au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce, à savoir que la bailleresse concluait des contrats de durée déterminée pour une seule année depuis 2014, que les locataires n'avaient pas d'intérêt à conclure un contrat de durée déterminée, qu'une possibilité de reconduction était mentionnée dans les contrats – à l'exception du premier – et que le non-renouvellement n'avait pas été annoncé suite au décès du père de la bailleresse, mais suite à une discussion animée entre les parties et au vu, finalement, de la situation de pénurie notoire en matière de logements à Genève, la construction juridique retenue par la bailleresse visait essentiellement à contourner les règles impératives de protection des locataires. Le contrat devait donc être requalifié en contrat de durée indéterminée.

Le congé n'ayant pas été signifié au moyen d'une formule officielle, il serait déclaré nul.

De plus, l'indication fausse selon laquelle l'objet était mis en location pour la première fois, justifiant l'absence d'indication du précédent loyer dans l'avis de fixation de loyer, rendait celui-ci nul. La moyenne des loyers selon les statistiques était supérieure au loyer fixé initialement par les parties, de sorte que le loyer de l'appartement loué devait être fixé à 1'600 fr. par mois, charges non comprises.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Le même raisonnement doit s'appliquer dans le cadre d'une procédure portant sur la qualification du bail, à terme fixe ou de durée indéterminée, qui porte également sur le maintien des rapports contractuels (ACJC/1565/2017 du 4 décembre 2017 consid. 1.1).

En l'espèce, le loyer annuel de l'appartement, charges non comprises, s'élève à 19'200 fr., de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

L'intimée soutient que l'appel serait irrecevable, compte tenu de l'absence de critique du jugement attaqué.

1.2.1 Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée par une argumentation suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3).

1.2.2 En l'espèce, l'acte d'appel expose les motifs pour lesquels le contrat de bail du 1er novembre 2021 liant les parties n'aurait pas dû être requalifié en contrat de bail à durée indéterminée. Les critiques adressées au jugement attaqué sont compréhensibles, de sorte que l'appel comporte une motivation suffisante.

Pour le surplus, l'appel a été déposé dans le délai prescrit, de sorte qu'il est recevable.

1.3. Les intimés font valoir un fait nouveau, à savoir que l'appartement se situant au-dessus du leur demeure vide au jour du dépôt de la réponse à l'appel.

1.3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

1.3.2 En l'espèce, le fait que l'appartement se situant au-dessus de celui des intimés est vide au jour du dépôt de la réponse à l'appel ne pouvait être allégué devant le Tribunal. Il est donc recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelante conteste le jugement attaqué en tant qu'il a qualifié le contrat de bail de contrat de durée indéterminée. Elle avait conclu des contrats de bail de durée déterminée afin de se laisser la possibilité de récupérer son bien après le décès de son père, afin que sa fille puisse y loger, et non d'éluder les dispositions impératives du droit du bail en faveur des locataires. Il incombait aux intimés de prouver son intention de contourner la loi, en application de l'art. 8 CC, ce qu'ils n'avaient pas fait.

2.1 Le bail à loyer peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Il est de durée déterminée lorsqu'il doit prendre fin, sans congé, à l'expiration de la durée convenue (art. 255 al. 1 et 2 et art. 266 al. 1 CO); si un tel bail est reconduit tacitement, il devient un contrat de durée indéterminée (art. 266 al. 2 CO). Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier en observant les délais de congé et les termes légaux, sauf si un délai plus long ou un autre terme ont été convenus (art. 266a al. 1 CO).

La loi ne contient aucune disposition interdisant de conclure successivement plusieurs baux à durée déterminée. A l'instar de l'art. 334 CO pour le contrat de travail, l'art. 266 al. 2 CO envisage expressément une reconduction tacite du bail à durée déterminée et présume que le nouveau contrat est de durée indéterminée; rien n'empêche toutefois les parties de convenir d'un nouveau contrat à terme. Cela étant, la conclusion successive de baux à durée déterminée peut aboutir globalement au même résultat qu'un contrat de durée indéterminée résiliable; il faut rechercher dans quelle mesure la première construction juridique est susceptible d'éluder des dispositions impératives protégeant le locataire (ATF 139 III 145 consid. 4.2.2).

La conclusion successive de baux à durée limitée peut permettre au bailleur d'échapper à des règles impératives conférant des droits au locataire, telles que les règles contre les loyers abusifs ou contre les congés abusifs. Elle est donc susceptible de constituer une fraude à la loi lorsque le bailleur qui, en soi, a l'intention de s'engager pour une durée indéfinie opte pour un système de baux à durée déterminée aux seules fins de mettre en échec des règles impératives (ATF 139 III 145 consid. 4.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_598/2018 du 12 avril 2019, 4.1.4).

La loi n'exigeant aucun motif particulier pour conclure un bail de durée déterminée et n'interdisant pas d'enchaîner deux ou plusieurs baux de ce type, il s'agit bien plutôt de rechercher si les faits recueillis conduisent à la conclusion que le bailleur a mis en place un système qui ne s'explique que par la volonté de contourner des règles impératives. Le fardeau de la preuve incombe au locataire; le bailleur n'a pas à établir un intérêt spécial à conclure des baux de durée déterminée (ATF 139 III 145 consid. 4.3.2).

Démontrer l'intention frauduleuse, en tant que circonstance interne au bailleur, confine souvent à l'impossible. Lorsque le locataire allègue de manière détaillée en quoi consisterait la fraude à la loi qu'il reproche au bailleur, le juge peut se contenter d'une vraisemblance prépondérante et inviter le bailleur à collaborer à la preuve, en exposant pour quelles raisons – qu'il ne connaît a priori que lui-même – il a opté pour la conclusion de baux de durée déterminée. Le défaut de motif plausible peut, dans le cadre d'une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents – parmi lesquels figure notamment la pénurie de logements sur le marché concerné et une pratique systématique du bailleur –, conduire à l'admission d'une fraude à la loi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_598/2018 du 12 avril 2019, consid. 4.2.3).

2.2 En l'espèce, la bailleresse a conclu des baux de durée déterminée pendant plusieurs années consécutives. Il en résulte qu'elle avait l'intention de louer durablement son bien immobilier.

Elle a allégué que l'appartement était loué pour lui permettre de subvenir aux frais d'EMS de son père, et qu'elle entendait le récupérer pour sa fille après le décès de celui-ci, raison pour laquelle elle le louait d'année en année. Ses dires ont été corroborés par son ex-mari, lequel n'a toutefois pu que répéter ce que l'appelante lui avait indiqué, de sorte que ses déclarations n'ont pas de force probante particulière. Selon l'appelante, son père était décédé le ______ janvier 2021. Or, plusieurs mois après ce décès, le 1er novembre 2021, elle a conclu un nouveau contrat de bail d'une année, ce qui ne semble pas compatible avec ses explications. De plus, la concomitance entre l'incident survenu le 9 avril 2022 et l'annonce, trois jours plus tard, selon laquelle le bail était résilié (en réalité, qu'il ne serait pas reconduit) ne permet pas de retenir que ladite "résiliation" serait intervenue parce qu'elle souhaitait récupérer la jouissance de son appartement à la suite du décès de son père. Enfin, l'appelante n'a pas proposé l'audition de sa fille, se privant de la sorte de ce que celle-ci confirme cas échéant devant le Tribunal qu'elle souhaitait effectivement occuper l'appartement des locataires. Les explications de l'appelante quant au motif qui l'ont conduit à conclure successivement des baux de durée déterminée n'apparaissent dès lors pas crédibles. L'appelante a conclu des contrats de durée déterminée depuis 2014 à tout le moins, sans motif crédible. Vu la pénurie de logement à Genève et le fait que l'appelante a déjà procédé de la sorte avec un précédent locataire, il y a eu fraude à la loi en l'occurrence.

De plus, le Tribunal a relevé que la conclusion d'un contrat de bail de durée indéterminée, avec un renouvellement tacite d'année en année, aurait également laissé la possibilité de résilier le bail à brève échéance. L'appelante ne le conteste pas, sans toutefois expliquer pourquoi elle a néanmoins préféré opter pour la conclusion d'un contrat de durée déterminée.

Enfin, même si elles devaient être retenues, les explications de l'appelante en lien avec sa volonté de louer l'appartement à sa fille après le décès de son père démontreraient qu'elle souhaitait pouvoir facilement se séparer de ses locataires et que même si elle entendait louer son appartement dans la durée, elle souhaitait ne pas être entravée par l'éventuelle invocation par les locataires des règles contre les congés et une demande de prolongation de bail. Dans ces circonstances, la conclusion de baux de durée déterminée successifs constituerait également une fraude à la loi. Il ressort par ailleurs des explications des intimés que la durée déterminée du bail les avait dissuadés de faire valoir leurs droits découlant du bail, telle la réparation de défauts, car l'appelante leur avait expliqué que celui-ci ne serait renouvelé que si tout se passait bien, de sorte qu'ils avaient effectué eux-mêmes des travaux dans l'appartement.

Il convient dès lors de retenir en définitive que les explications de l'appelante quant aux raisons pour lesquelles elle a conclu des contrats de durée déterminée, en particulier le fait qu'elle souhaitait pouvoir l'attribuer à un membre de sa famille après le décès de son père, ne sont pas convaincantes. Aucun motif ne permet d'expliquer la conclusion de baux à durée déterminée, si ce n'est celui de pouvoir se séparer facilement de ses locataires en éludant les règles sur la protection des locataires, alors même qu'elle entendait louer son bien sur la durée.

Il doit donc être considéré que la construction juridique utilisée par l'appelante constitue une fraude à la loi. Le jugement attaqué sera dès lors confirmé en tant qu'il qualifie le contrat de bail de contrat de durée indéterminée.

3. Pour le surplus, l'appelante ne conteste pas de manière motivée que le bail de durée déterminée devait être résilié au moyen d'une formule officielle et que, une telle formule n'ayant pas été utilisée, la résiliation est nulle.

Enfin, l'appelante ne conteste pas davantage que l'indication fausse selon laquelle l'objet était mis en location pour la première fois, rendait le bail nul et que le loyer devait à nouveau être fixé à 1'600 fr. par mois, charges non comprises.

Le jugement attaqué sera ainsi confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 juin 2024 par A______ contre le jugement JTBL/470/2024 rendu le 30 avril 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2358/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Sibel UZUN, Monsieur
Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.