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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22988/2020

ACJC/740/2024 du 11.06.2024 sur JTBL/354/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22988/2020 ACJC/740/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 11 JUIN 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d’un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 mai 2023, représentée par Me Michel LAVERGNAT, avocat, rue de l’Arquebuse 14, 1204 Genève,

 

et

 

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate, boulevard des Tranchées 4, 1205 Genève.

 

 

 

 


EN FAIT

A.                Par jugement JTBL/354/2023 du 9 mai 2023, reçu par les parties le 14 juin 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après le Tribunal) a déclaré recevable la demande en paiement formée par A______ SA à l’encontre de B______ ainsi que la demande reconventionnelle formée par cette dernière (ch. 1), condamné B______ au paiement à sa partie adverse de 2'825 fr. 25 avec intérêt à 5% dès le 8 juin 2020 (ch. 2), débouté B______ de sa demande reconventionnelle (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B.                a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 12 juillet 2023, A______ SA a formé appel contre ce jugement dont elle a sollicité l'annulation et a conclu à ce que B______ soit condamnée à lui verser 8'895 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 8 juin 2020.

b. Dans sa réponse du 16 août 2023, B______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.

c. Cette dernière a répliqué le 20 octobre 2023 et B______ a dupliqué le 27 novembre 2023. Les deux parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par pli du greffe du 19 décembre 2023, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C.                Les faits pertinents résultant de la procédure sont les suivants :

a.    A______ SA est une société anonyme dont le siège social se trouve à Genève et dont l'administratrice unique est C______.

b.   Elle est locataire de locaux commerciaux sis rue 1______ no. ______ à Genève depuis le 15 octobre 2016.

c.    A teneur du bail, les locaux ont été loués à A______ SA pour l'exploitation d'une épicerie et sandwicherie / buvette sous l’enseigne « D______ » dont C______ était titulaire de l’autorisation d’exploiter délivrée par le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

d.   Par avenant du 22 mars 2017, il a été convenu que les locaux seraient destinés à l'exploitation d'un tea-room avec restauration chaude et froide.

e.    A partir du 1er mai 2018, A______ SA a exploité conjointement avec B______ l’établissement sous l’enseigne « E______ ».

f.     Au cours de l'année 2019, les parties ont convenu que A______ SA cèderait la gérance du restaurant E______ à B______, avec une mise à disposition de la patente par C______. B______ a déclaré ce qui suit lors de son interrogatoire par le Tribunal: « il était convenu que Mme C______ soit la gérante et que je m'occupe de la gestion du restaurant. Elle me mettait à disposition sa patente ».

g.    A______ SA a établi un projet de contrat intitulé « Contrat de gérance libre ». Ce projet prévoyait notamment que C______ assumerait la responsabilité de l’exploitation en tant que détentrice de la patente et serait présente 15 heures par semaine. Il a ensuite été soumis à F______, agissant sous la raison sociale G______, lequel s'occupait de la comptabilité de chacune des parties à l'époque et qui y a apporté des modifications.

h.   F______ a établi trois contrats distincts, tous signés le 15 juillet 2019, soit :

1.      Un « contrat de mise à disposition d'un centre de restauration » conclu entre A______ SA en tant que « Fournisseur » et B______ en tant que « Client » pour la période du 1er août 2019 au 31 juillet 2020, renouvelable automatiquement d'année en année.

Ce contrat prévoit qu’il « est l'équivalent commercial d'un contrat d'utilisation d'un local ou de locaux dans un hôtel (contrat d'hébergement hôtelier). L'ensemble du Centre reste en tout temps la possession et sous le contrôle du Fournisseur. LE CLIENT PREND ACTE ET ACCEPTE QUE LE PRESENT CONTRAT NE CONFERE EN SA FAVEUR AUCUN DROIT LOCATIF, DROIT DE BAIL IMMOBILIER (BAIL COMMERCIAL OU AUTRE) OU TOUT AUTRE DROIT IMMOBILIER SUR LE LOCAL OU LES LOCAUX CONCERNES. Le Fournisseur donne au Client le droit de partager avec le Fournisseur l'utilisation du Centre, conformément aux présentes conditions générales de façon à ce que le Fournisseur puisse fournir des services au Client ».

L’autorisation d’exploitation restait au nom de C______ qui assumait la responsabilité de l’exploitation en tant que détentrice de la patente (art. 1.2).

En contrepartie, B______ devait la somme de 1'000 fr. par mois.

La clause 2.2 « Services de l'autorisation » stipule que « le Fournisseur s'engage à fournir, durant les heures d'ouverture normales, les services figurant dans la description des services afférente ».

A teneur de l'article 5. l. du contrat, B______ s'est engagée à utiliser le local ou les locaux exclusivement comme restaurant. L'article 8.2 dispose qu'une caution doit être fournie, équivalente à 6 mois de « frais mensuels du restaurant », et que cette somme sera conservée par le fiduciaire, soit F______, sans générer d'intérêts.

Selon l'article 8.8, « Services standards : Les frais d'autorisation mensuels ainsi que tous les services demandés par le Client seront payables d'avance chaque mois. Sauf accord écrit contraire, ces services périodiques seront fournis au Fournisseur aux taux spécifiés pour la durée du présent Contrat ».

2.      Un « contrat de mandat » a également été conclu entre A______ SA en tant que mandataire et B______ en tant que mandante.

Ce contrat prévoit à son article 1 que « le Mandataire fournira au Mandant toute activité utile en vue de surveiller la conformité de son activité », moyennant une rémunération de 500 fr. par mois. Selon l’article 5, « les frais du Mandataire seront remboursés par le Mandant ». Chaque partie pouvait mettre fin au contrat sans préavis (art. 11.3).

3.      Un « contrat de fiducie » entre B______ et G______ que A______ SA a également signé en qualité de « Fournisseur ».

A teneur de ce contrat, la garantie convenue à l'article 8.2 du contrat de mise à disposition d'un centre de restauration était payée à G______ à raison de 1'000 fr. par mois.

i.      Selon le témoin H______, directeur de la coopérative I______, propriétaire des locaux et bailleresse principale, celle-ci n'avait pas été formellement informée de la remise à bail des locaux loués par A______ SA à B______.

j.     Il est constant que, selon l'accord des parties, B______ devait indemniser A______ SA du montant de la redevance prévu par la loi genevoise sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement (ci-après la redevance LRDBHD) et de la prime d'assurance responsabilité civile, totalisant 179 fr. 05 par mois.

k.   En date du 4 octobre 2019, les parties ont conclu un avenant au contrat de mise à disposition d'un centre de restauration. Cet avenant prévoyait que le contrat était conclu pour une durée déterminée à savoir du 1er août 2019 au 31 juillet 2020. Les clauses sur la résiliation du contrat ont alors été supprimées, de même que celle prévoyant le renouvellement tacite du contrat.

l.      Le même jour, les parties ont signé un avenant au contrat de mandat, portant notamment le montant de la rémunération due par B______ de 500 fr. à 1'000 fr. par mois. Cet avenant prenait effet dès le 1er août 2019 à teneur de son article 12. L’art. 1 de cet avenant prévoyait que C______ avait un horaire de présence et devrait assurer certaines tâches administratives, comme la gestion des salaires.

m. Par courriel du 15 octobre 2019, C______ a sollicité une nouvelle autorisation d'exploiter en raison du fait que la [raison sociale] « D______ » était devenue le « E______ ». A cette occasion, elle a informé l'autorité de ses nouveaux horaires de présence en sa qualité de détentrice de la patente, précisant qu'il n'y avait ni changement de propriétaire ni changement d'exploitante.

n.   Rencontrant quelques difficultés, les parties ont entrepris une médiation au cours de l'automne 2019.

o.    Par courrier du 28 janvier 2020, la coopérative I______ a informé tous les locataires de l'immeuble que la Ville de Genève avait refusé l'installation d'une extraction d'air dans les locaux loués à A______ SA et que cette dernière avait été interpellée afin qu’elle respecte les termes de son contrat de bail. A______ SA devait déployer dans l'arcade une activité en adéquation avec son équipement et se limiter à une restauration froide ou réchauffée.

p.   B______ a eu connaissance dudit courrier en février 2020.

q.   Par courriel du 11 février 2020 adressé à F______ en sa qualité de représentant de B______, C______ a fait part à celle-ci de divers manquements et lui a imparti un délai de 20 jours pour lui transmettre différents documents et remédier aux manquements allégués. Un courrier à l'entête de A______ SA, daté du 10 février 2020, de teneur identique a été envoyé à F______, le 12 février 2020.

r.    Par courrier du 13 février 2020, A______ SA a communiqué directement à B______ la liste de ses doléances.

s.     Le 27 février 2020, A______ SA s'est à nouveau adressée à B______ attirant son attention sur l'importance d'obtenir les documents sollicités.

t.     Par courrier du 3 mars 2020, A______ SA a déclaré résilier le contrat de mandat pour le 31 mars 2020.

u.   Par courriel du 9 mars 2020 adressé à C______, F______ a répondu que sa mandante contestait tout manquement. Elle se réservait le droit de faire valoir une indemnité pour résiliation anticipée de 10'000 fr. et a affirmé que le contrat comportait un vice caché en raison de l'extraction d'air insuffisante, entraînant des nuisances pour les locataires de l'immeuble.

v.    Le 19 mars 2020, F______ a adressé un nouveau courriel à C______, intitulé « Votre résiliation anticipée [sic] du contrat avec Madame B______ » dans lequel il expose que sa « mandante désire se débarrasser avant tout du contrat vous liant, car vous êtes insupportable professionnellement et totalement incompétente dans votre domaine d'activité », précisant que les locaux seraient restitués le 31 mars 2020.

w.  Par courrier du 26 mars 2020, A______ SA a accepté la restitution des locaux pour le 31 mars 2020, tout en réservant ses droits quant à la perception du loyer jusqu'à fin juillet 2020, soit jusqu'au terme prévu contractuellement.

x.    Les clés des locaux ont été restituées le 1er avril 2020.

y.    A______ SA a notamment avisé B______, par courrier du 20 mai 2020, que « suite à la reprise des locaux [...], il s'est avéré que divers éléments garnissant le fonds de commerce étaient manquants, endommagés ou dans un état d'usure excessive, le nettoyage des locaux n'ayant pas été réellement réalisé ». Elle a réclamé la somme totale de 11'295 fr. 10, y compris 2'395 fr. 10 au titre des éléments manquants et du nettoyage défaillant.

z.    Par requête introduite le 16 novembre 2020, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 20 janvier 2021 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 1er mars 2021, A______ SA a conclu au paiement de 11'290 fr. 35 au titre de fermage jusqu’au 31 juillet 2020, d’indemnité pour le matériel endommagé, de remise en état du commerce et de participation aux frais de médiation. Elle a notamment fait valoir que les parties avaient convenu qu'elle mettrait à disposition de B______ un bien productif, soit le restaurant, ce qui constituait un contrat de bail à ferme. La rémunération de A______ SA pour la mise à disposition de la patente et de son expertise convenue par le contrat de mandat constituait des frais accessoires au bail, conformément à l’art. 257a CO.

aa. Par mémoire réponse et demande reconventionnelle du 28 juin 2021, B______ a conclu au rejet de la demande de A______ SA et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser 16'253 fr. 15. Elle a notamment fait valoir que les conventions conclues par les parties avaient été invalidées pour dol et erreur essentielle, de sorte qu’elle avait droit à la restitution de tous les montants versés.

bb. Le 15 octobre 2021, A______ SA a conclu au rejet de la demande reconventionnelle.

cc. Les parties ont été interrogées à l’audience du 21 décembre 2021.

dd. Lors des audiences des 26 avril et 10 juin 2022, ainsi que du 17 janvier 2023, le Tribunal a auditionné les témoins H______, F______, J______ et K______ dont les déclarations pertinentes ont été reprises ci-dessus.

ee. Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions lors de l'audience du 21 mars 2023. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

 

EN DROIT

1. 1.1 Les jugements finaux rendus par le Tribunal des baux et loyers dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, de 10'000 fr. au moins sont susceptibles de faire l'objet d'un appel écrit et motivé auprès de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice dans un délai de 30 jours à compter de leur notification (art. 308 et 311 CPC; art. 122 let. a LOJ).

1.2  Déposé dans les formes et le délai requis, l'appel est recevable.

2                    Le Tribunal a constaté que l’appelante avait fondé ses prétentions pour partie sur le contrat de mise à disposition d'un centre de restauration et pour partie sur le contrat de mandat.

En dépit de la formulation de ces deux documents, il était constant que les parties avaient voulu céder à l’intimée la gérance de l'établissement E______ qu’elles avaient exploité conjointement dans le passé. Il s'agissait donc d'un bail à ferme non agricole.

Il ressortait de l'instruction de la cause que les parties avaient initialement l'intention de conclure un seul et unique contrat de gérance, lequel incluait la mise à disposition de la patente dont C______ était titulaire. Cette patente était indispensable à l’intimée pour exploiter les locaux, puisque celle-ci n’était pas personnellement titulaire d’une telle patente. Par ailleurs, l'autorisation d'exploiter l'établissement avait été octroyée à C______ à titre personnel selon la demande qu'elle avait elle-même adressée à l’autorité à qui elle avait indiqué qu’il n'y avait aucun changement d'exploitant.

Enfin, en agissant par une demande unique devant le Tribunal des baux et loyers et en plaidant de surcroît que les montants dus par l’intimée à teneur du contrat de mandat représentaient des frais accessoires au bail à ferme, l’appelante avait démontré que, dans son esprit, les locaux ne pouvaient être exploités par l’intimée sans la mise à disposition de la patente dont C______ était titulaire et que le contrat de mandat n'était pas voué à être indépendant du contrat de mise à disposition d'un centre de restauration.

Les parties étaient par conséquent liées par un seul et unique contrat, lequel présentait des aspects prédominants du bail à ferme.

En résiliant le contrat de mandat pour le 31 mars 2020, l’appelante ne pouvait s’attendre à ce que le bail à ferme perdure indépendamment de la mise à disposition de sa patente.

En outre, l’appelante n’avait pas démontré que le contrat avait été résilié par la faute de l’intimée.

Le fermage était ainsi dû jusqu'au 31 mars 2020 et l’intimée devait être condamnée au paiement de 1'000 fr. à titre de fermage pour le mois de mars 2020, 500 fr. pour la mise à disposition de la patente durant le mois de mars 2020 et 895 fr. 25 au titre de remboursement de la redevance LRDBHD et de la prime d’assurance pour les mois d’août à novembre 2019.

Le dossier ne contenait aucun élément quant à un éventuel accord des parties sur la prise en charge de frais de médiation. En outre, il n'était pas établi que la médiation entreprise était nécessaire ni qu'elle avait été sollicitée par l’intimée. L’appelante était par conséquent déboutée de sa conclusion tendant à condamner l’intimée au paiement de 1'000 fr. à titre de participation aux frais de médiation.

Enfin, l’intimée avait été informée en février 2020 que les locaux étaient impropres à servir de la restauration chaude et que le système d’extraction d’air était insuffisant pour exploiter les locaux conformément à l’usage qu’elle souhaitait en faire, mais n’avait pas déclaré se départir du contrat durant l’année suivante. C’était donc en vain qu‘elle alléguait que le contrat était entaché d’une erreur essentielle.

2.1. L’appelante fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a retenu que le bail à ferme ne pouvait perdurer indépendamment de la mise à disposition de la patente. L’intimée aurait pu continuer l’exploitation en trouvant une autre personne titulaire de la patente.

2.1.1. Selon l’art. 278 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose dans un état approprié à l’usage convenu et à l’exploitation pour lesquels elle a été affermée. Selon l’art. 82 CO, celui qui poursuit l’exécution d’un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offrir d’exécuter sa propre obligation, à moins qu’il ne soit au bénéfice d’un terme d’après les clauses ou la nature du contrat.

2.1.2. Comme l’a relevé le Tribunal, l’exploitation des locaux remis à bail nécessitait une patente dont l’intimée n’était pas titulaire. Afin que les locaux puissent néanmoins être exploités, les parties ont simultanément conclu un contrat de mandat afin que l’appelante mette à disposition de l’intimée sa patente.

Cette mise à disposition de patente était un service essentiel que l’appelante procurait à l’intimée, comme l’atteste le fait que le contrat de mise à disposition y faisait expressément référence.

Enfin, l’appelante a agi par la voie d’une requête unique en qualifiant les montants dus pour la mise à disposition de la patente de frais accessoires, ce qui confirme qu’elle considérait les deux contrats comme un tout.

La Cour retient donc que la mise à disposition de la patente de l’appelante était nécessaire à l’intimée pour qu’elle puisse exploiter le local remis à bail et qu’elle constituait un élément essentiel du contrat. Le sort du contrat de mise à disposition d’un centre de restauration ne pouvait être dissocié de celui du contrat de mandat, résilié par l’appelante qui a accepté la reddition des locaux à l’extinction du contrat de mandat.

C’est donc à raison que le Tribunal a retenu que les fermages étaient dus jusqu’au 31 mars 2020 uniquement, car en résiliant le contrat de mandat et en refusant d’exécuter une prestation essentielle pour l’intimée, l’appelante ne pouvait pas exiger de la part de celle-ci qu’elle continue à s’acquitter du loyer, les locaux n’étant plus exploitables pour elle. Contrairement à ce que soutient l’appelante, l’on ne saurait retenir que l’intimée pouvait trouver à bref délai un nouvel exploitant, ce d’autant plus que le bail prenait fin en juillet 2020.

2.2.  L’appelante fait valoir que l’avenant au contrat de mandat portant le montant de la rémunération due par l’intimée de 500 fr. à 1'000 fr. par mois avait effet rétroactif au 1er août 2019. Le Tribunal aurait par conséquent dû condamner l’intimée au paiement de 1'000 fr. à titre de soldes dus pour les mois d’août et septembre 2019 ainsi qu’au paiement, non pas de 500 fr., mais de 1'000 fr. pour la mise à disposition de la patente durant le mois de mars 2020.

2.2.1. Selon l’art. 253b al. 1 CO les dispositions sur la protection contre les loyers abusifs (art. 269 à 270e CO) s’appliquent par analogie aux baux à ferme non agricoles concernant des habitations et des locaux commerciaux. L’absence de cette mention dans les art. 275ss CO procède d’un oubli du législateur (Carron, les spécificités du bail à ferme, in 19e séminaire sur le droit du bail, Bâle/Neuchâtel, 2016, N 12). Selon l’art. 269d al. 1 CO, le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L’avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d’une formule officielle notifiée agréée par le canton. Selon l’art. 269d al. 2 CO, les majorations de loyers sont nulles lorsqu’elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle (let. a), les motifs ne sont pas indiqués (let. b), elles sont assorties d’une résiliation ou d’une menace de résiliation (let. c). L’art. 269d al 2 CO est applicable lorsque le bailleur envisage d’apporter unilatéralement d’autres modifications au détriment du locataire, p. ex. en diminuant les prestations ou en introduisant de nouveaux frais accessoires.

Une modification consensuelle du contrat ne permet de renoncer aux exigences de forme protectrices que s'il est établi que le locataire a été informé de la possibilité de contester la modification du loyer ou des frais accessoires, mais qu'en renonçant à la formule officielle il a également renoncé par avance en toute connaissance de cause à cette possibilité et, surtout, que si l'on peut exclure qu'il ait agi sous la pression (arrêt du Tribunal fédéral 4C.134/2001 du 18 octobre 2001, consid. 2. b.). Il ne suffit pas que le bailleur fasse signer au locataire un document qu’il a lui-même préparé (Montini-Wahlen, Commentaire pratique – Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, N. 12 ad art. 270b CO).

2.2.2. Comme l’a relevé le Tribunal, suivant en cela l’appréciation de l’appelante, les montants dus par l’intimée à teneur du contrat de mandat représentent des frais accessoires au bail à ferme pour les prestations fournies en lien avec l’usage de la chose louée.

Par conséquent, la hausse des montants dus en vertu du contrat de mandat est nulle faute d’avoir été notifiée à l’intimée à l’aide de la formule officielle mentionnant notamment les motifs de cette hausse.

Par ailleurs, la prétention en paiement élevée par l’appelante se fonde notamment sur des soldes qui seraient dus pour les mois d’août et septembre 2019 alors que l’avenant au contrat de mandat a été signé par les parties le 4 octobre 2019. Une modification au détriment du locataire ne peut intervenir que pour le prochain terme de résiliation du contrat à teneur de l’art. 269d CO et l’appelante ne saurait donc se prévaloir de l’effet rétroactif prévu par l’article 12 de l’avenant au contrat de mandat.

Enfin, l’appelante n’allègue pas que l’intimée a renoncé par avance et en toute connaissance de cause à contester la hausse des montants dus pour la mise à disposition de la patente. Une modification consensuelle valable du bail à ferme liant les parties ne saurait par conséquent être admise dans le cas d’espèce.

Ce grief sera donc écarté et le jugement confirmé sur ce point.

2.3. L’appelante allègue que l’intimée aurait refusé de lui transmettre les informations nécessaires à l’accomplissement des formalités administratives lui incombant en sa qualité de titulaire de la patente mise à disposition. Le contrat aurait par conséquent été résilié en raison du comportement fautif de l’intimée qui demeurerait débitrice du montant des fermages jusqu’à l’échéance du bail en juin 2020.

2.3.1. En cas de résiliation extraordinaire du bail, le bailleur ne peut pas rester inactif et doit s’efforcer de relouer les locaux, afin de limiter le préjudice subit (art. 44 al. 1 CO - Wessner, Commentaire pratique – Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, N. 54 ad art. 257f CO), notamment sous forme de loyer ou fermage.

2.3.2. Il ressort de la procédure que le contrat de bail à ferme a été résilié par l’appelante par courrier du 3 mars 2020 avec effet au 31 mars 2020, ce que l’intimée a accepté en restituant les clés le 1er avril 2020.

Comme l’a relevé le Tribunal, il n’est pas établi par le dossier que le contrat ait été résilié par la faute de l’intimée. Les allégations de l’appelante figurant au dossier ne suffisent pas à retenir que l’intimée a refusé de fournir à l’appelante des informations essentielles pour lui permettre d’exécuter ses obligations. En particulier, l’appelante qui était tenue d’assurer une présence hebdomadaire de 15 heures sur place pouvait prendre elle-même les mesures nécessaires pour s’assurer que l’exploitation était conforme aux dispositions légales. Aucun élément, tel que par exemple un rapport de contrôle des autorités n’atteste par ailleurs de violation par l'intimée de ses obligations. De plus, l’appelante n’allègue pas avoir tenté de réduire son dommage en essayant de remettre en gérance le restaurant.

Aucun montant ne peut donc être alloué à l’appelante à titre de fermage ou de dommage consécutif à la résiliation extraordinaire du bail à ferme.

2.4. Enfin, l’appelante persiste à conclure à la condamnation de l’intimée au paiement de 1'000 fr. à titre de participation aux frais de la médiation engagée entre les parties.

L’appelante n’expose cependant aucun motif à l’appui d’une modification du jugement entrepris sur ce point.

Comme l’a indiqué le Tribunal, il n'est pas établi que cette médiation était nécessaire ni qu'elle eut été sollicitée par l’intimée. Le dossier ne contient pas non plus d’élément quant à un éventuel accord des parties sur la prise en charge des frais de médiation.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA le 12 juillet 2023 contre le jugement JTBL/354/2023 rendu le 9 mai 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22988/2020-22-OSD.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Damien TOURNAIRE et Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.