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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4192/2021

ACJC/743/2024 du 11.06.2024 sur JTBL/405/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4192/2021 ACJC/743/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 11 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ (VS), appelants et intimés sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 mai 2022, représentés par Me Grégoire REY, avocat, quai du Seujet 12, case postale,
1211 Genève 1,

 

et

C______ SA, sise ______ [GE], intimée et appelante sur appel joint, représentée par Me Christophe GAL, avocat, rue du Rhône 100, 1204 Genève.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/405/2022 du 24 mai 2022, reçu par les parties le 30 mai 2022, le Tribunal des baux et loyers a réduit le loyer de l’appartement sis rue 1______ no. ______, à Genève, de 15% du 16 juillet 2020 au 15 septembre 2021 (ch. 1 du dispositif), a condamné C______ SA à rembourser à A______ et B______ la somme de 2'520 fr. avec intérêts à 5% dès le 26 mars 2021 (ch. 2), a validé la consignation de loyer opérée le 26 janvier 2021 auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch, 3), a ordonné la libération des loyers consignés en faveur des locataires, à concurrence des montants indiqués sous chiffre 2 (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 29 juin 2022 à la Cour de justice, A______ et B______ forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation. Ils concluent, cela fait, principalement, à ce que la Cour confirme la validité de la consignation et l’existence du défaut, leur octroie une réduction de loyer de 35% du 16 juillet 2020 au 15 janvier 2021, de 100% du 16 janvier 2021 au 2 mars 2022 et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal des baux et loyers, pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Ils ont produit des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 5 septembre 2022, C______ SA conclut, au déboutement de A______ et B______. Elle forme un appel joint, concluant à l’annulation du jugement et, cela fait, au déboutement des locataires de toutes leurs conclusions.

c. Dans leur réponse à l’appel joint et leur réplique du 12 octobre 2022, A______ et B______ ont conclu au rejet de l’appel joint et ont persisté dans leurs conclusions.

d. Dans sa réponse et duplique du 14 novembre 2022, C______ SA a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées le 23 février 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 1er septembre 2014, A______ et B______ ont pris à bail un appartement de deux pièces et demie au 3e étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______, à Genève, propriété de D______. Le 1er juin 2020, C______ SA est devenue propriétaire de cet appartement.

b. Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'un an, du 16 septembre 2013 au 15 septembre 2014, renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

c. Le loyer a été fixé à 1'200 fr. par mois et les acomptes de charges à 50 fr. par mois.

d. Le logement était occupé par A______ et son épouse, E______. B______, mère de A______, n’y résidait pas et habitait en Valais.

e. A compter du 16 juillet 2020, A______ s’est plaint auprès de la régie d'émanations quotidiennes de fumée de tabac dans son appartement. Il a déclaré que ces émanations avaient provoqué chez lui une gêne respiratoire (obstruction des cavités nasales et toux), des maux de tête, des nausées, de l'anxiété, du stress et de l'angoisse. Selon lui, ces émanations coïncidaient avec l'arrivée d'un nouveau locataire, F______, dans l'appartement du dessous et s'infiltraient par le système de ventilation, la porte d'entrée, les cloisons, le plancher et les fenêtres de l'appartement. Il s’inquiétait des conséquences possibles du tabagisme passif sur sa santé. Il avait tenté de résoudre le problème en discutant avec son voisin le 19 février 2020, sans succès.

En annexe à son courrier figurait un « journal » indiquant les moments auxquels les odeurs avaient été ressenties, soit essentiellement le matin, à midi et le soir; les résultats de capteurs électroniques de particules fines installés par ses soins, qui relevaient certains pics de mesures aux périodes précitées; ainsi que des quittances confirmant la pose, par le Centre d'information et de prévention du tabagisme (CIPRET), de badges de nicotine entre trois et six jours dans l’appartement.

L’analyse de ces capteurs de nicotine par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a relevé une faible présence quantifiable de nicotine sur deux des badges, équivalente à une consommation passive inférieure à 0.2 cigarette par jour.

f. Le 27 septembre 2020, le locataire s’est plaint à nouveau auprès de la régie de la présence anormale de nicotine dans son appartement, ainsi que d’une forte odeur de tabac, alors qu’aucun des occupants de son logement n’était fumeur. Ses discussions avec F______ n’avaient pas abouti et il avait été menacé par ce dernier le 26 août 2020. Le locataire a mis en demeure la bailleresse de remédier à ce défaut au 31 octobre 2020 au plus tard, faute de quoi le loyer serait consigné.

Etaient jointes à son courrier deux attestations de tiers, qui avaient ressenti une odeur de tabac dans l’appartement et les parties communes de l’immeuble.

g. Dans sa réponse du 7 octobre 2020, la régie a indiqué avoir mandaté une entreprise spécialisée dans la ventilation pour vérifier le fonctionnement de celle-ci dans la cuisine et les toilettes de l’appartement.

h. Le 20 novembre 2020, la régie a informé le locataire que l’entreprise mandatée avait constaté un manque d’air frais suffisant depuis les fenêtres de l’appartement et que, par conséquent, l’air neuf provenait principalement des parties communes, plus précisément de la porte palière. La régie a rappelé au locataire la nécessité d’aérer l’appartement au moins trois fois par jour, en ouvrant les fenêtres de l’appartement. Une circulaire avait également été envoyée aux autres locataires de l’immeuble le 10 novembre 2020, leur rappelant l’interdiction de fumer dans la cage d’escalier.

Etait jointe à ce courrier une lettre de l’entreprise de ventilation mandatée, qui confirmait les dires de la régie, et ajoutait avoir constaté une odeur de cigarettes dans l’appartement lors de son intervention du 15 octobre 2020. Le système de ventilation de l’appartement était sans défaut.

i. Entendu par le Tribunal en qualité de témoin, un représentant de l’entreprise précitée a déclaré avoir constaté une odeur de cigarette dans le hall de l’immeuble et dans l’appartement, sans toutefois pouvoir en déterminer l’origine. L’absence d’entrée d’air frais dans l’appartement avait entraîné un renouvellement d’air par des fuites d’air des fenêtres ou de la porte d’entrée, notamment sous la porte palière.

j. Le 21 décembre 2020, le locataire s’est à nouveau plaint de la présence d’odeur de tabac dans son appartement et a mis derechef la régie en demeure d'intervenir, sous la menace de consignation de loyer.

k. Le 22 décembre 2020, la régie a informé le locataire avoir mandaté une seconde entreprise, pour vérifier à nouveau la ventilation de l’appartement.

l. Le 26 janvier 2021, le locataire a procédé à la consignation de l’intégralité de son loyer auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire (consignation n° 2______).

m. Le 31 janvier 2021, le locataire a informé la régie que, depuis le 16 janvier 2021, son épouse et lui-même dormaient à l'hôtel, à la suite d'un épisode de très forte odeur de brûlé provenant, selon ses investigations, d'une planche qui avait pris feu au-dessus du brûleur à gaz d'un des appartements de l'immeuble. La facture de l'hôtel était jointe à son courrier. Le locataire a ajouté que l'odeur de cigarettes était à nouveau présente dans son logement, malgré une aération ayant fait descendre la température à moins de 10 °C. Il proposait, en alternative aux travaux de ventilation dans son appartement dont il doutait de l'efficacité, une discussion avec son voisin du dessous, pour lui demander d'ouvrir les fenêtres lorsqu'il fumait.

n. Le 23 février 2021, la seconde entreprise de ventilation mandatée par la régie est intervenue dans l’appartement en cause. Elle a procédé au remplacement des soupapes électriques de la ventilation de la cuisine et des toilettes qui étaient défectueuses, car bloquée en position de débit minimum. Les soupapes restaient également fermées lorsque l'interrupteur d'éclairage était actionné. L’entreprise mandatée a également préconisé d'installer des grilles de transfert d'air au niveau des fenêtres, afin de proscrire le transfert d'air et les odeurs de cigarettes d'un appartement à l’autre, par d'éventuels problèmes d’étanchéités.

o. A la suite de ce rapport, la régie a mandaté une troisième entreprise. Cette dernière a installé des tirettes d’aération sur les fenêtres, afin de créer une circulation d'air lorsque celles-ci étaient maintenues en position ouverte, malgré l'apport d'air froid que cela générait dans l’appartement.

p. Par requête déposée le 4 mars 2021, déclarée non conciliée le 4 mai 2021 et portée le 3 juin 2021 devant le Tribunal, les locataires ont conclu à ce que le Tribunal constate la validité de la consignation de loyer opérée le 26 janvier 2021, condamne la bailleresse à prendre les mesures techniques afin de remédier aux défauts, leur octroie une réduction de loyer net de 50% du 16 juillet 2020 au 15 janvier 2021 et de 100% dès le 16 janvier 2021 jusqu'à l'élimination des défauts, les autorise à déduire le montant de la réduction de loyer des loyers à échoir, condamne la bailleresse à leur verser la somme de 50'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 16 juillet 2020, à titre de dommages-intérêts et la condamne à s’acquitter des frais d’un logement provisoire du 16 janvier 2021 jusqu’à l’élimination des défauts.

q. Les locataires ont notamment produit un rapport de suivi ambulatoire des HUG selon lequel A______ souffre d'un trouble de l’adaptation avec une réaction mixte anxieuse et dépressive, ainsi qu'une attestation d'un psychologue confirmant deux consultations les 13 et 20 novembre 2020, des attestations de plusieurs proches ayant séjourné dans leur appartement et confirmant la présence d'odeurs de cigarettes dans celui-ci, un courrier du médecin cantonal daté du 8 décembre 2020, dans lequel celui-ci affirme que, selon la littérature scientifique, il n'y a pas de seuil à partir duquel une exposition n'est pas dangereuse pour la santé et renvoyait le locataire à solliciter l’intervention du SABRA (Service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants du canton de Genève) pour d’autres mesures complémentaires.

r. Dans sa réponse du 16 août 2021, la bailleresse a conclu au déboutement des locataires de toutes leurs conclusions. Elle a notamment produit un courrier du 10 août 2021 adressé au conseil des locataires selon lequel un déménagement avait été proposé dans le courant du mois d'avril 2021, proposition qui avait été refusée. Le courrier renouvelait cette proposition de déménagement dans un appartement comparable pour un loyer identique, sans reconnaissance de responsabilité. La représentante de la régie a confirmé en audience du Tribunal avoir fait cette proposition de relogement.

s. Le 19 mai 2021, les locataires ont signé un nouveau bail pour une durée de cinq ans, renouvelable, en lien avec un appartement de cinq pièces sis dans un autre immeuble dans le canton de Genève.

t. Le Tribunal a procédé à l’audition des parties et des témoins suivants :

A______ a déclaré que la problématique des odeurs de fumée était apparue avec l’arrivée dans l’immeuble de son nouveau voisin du 2e étage, F______. Les odeurs étaient perceptibles quand ce dernier fumait, notamment vers l’évier dans la cuisine, la chambre à coucher ou le hall d’entrée. Il n’était lui-même pas fumeur et aucune personne ne fumait dans son appartement. Selon lui, les taux de présence des substances mesurés par ses soins variaient en fonction de la présence de son voisin du dessous. En raison de la fumée dans l’appartement, il avait décidé avec son épouse de dormir à l’hôtel en décembre 2020 ou en janvier 2021, puis d’emménager dans une nouvelle location, même si cela impliquait le paiement de deux loyers. Il n’avait pas souvenir que la régie lui aurait proposé de rechercher un autre appartement. Il avait très mal vécu cette situation, qui s’est déroulée en pleine période de pandémie.

B______, mère du locataire, a déclaré qu’elle avait elle-même ressenti les odeurs de fumée dans l’appartement et que cette situation avait éprouvé son fils et son épouse, jusqu'à ce qu'ils se rendent à l'hôtel, avant de trouver un autre logement. Elle s’était rendue à plusieurs reprises dans l’appartement, en particulier les week-ends, et avait ainsi constaté les odeurs de fumée.

E______, épouse du locataire, a déclaré qu’il n’y avait pas eu de problème d’odeur de cigarette jusqu’en 2020 et l’arrivée d’un nouveau voisin à l’étage du dessous, à savoir F______. Elle avait senti les odeurs de fumée en ouvrant la porte du placard de la cuisine, le meuble sous l’évier ou à travers les murs de la cuisine ou de l’entrée. Les odeurs de tabac se propageaient dans tout l’appartement, de manière variable entre le salon et la chambre à coucher. Ni elle-même ou son époux n’étaient fumeurs et aucun visiteur ne fumait chez eux. L’aération de l’appartement était compliquée en raison de la présence de leurs deux chats, qu'ils devaient enfermer. Avant la problématique de la fumée, cette situation ne posait pas de problème. Depuis sa fenêtre, elle avait vu à l’étage du dessous chez son voisin F______ un bol avec de nombreux mégots de cigarette. Elle habitait avec son époux dans un nouveau logement depuis fin juillet, début août 2021 et ils n’avaient plus l’intention de revenir dans l’appartement litigieux. Elle avait décidé avec son époux de partir à l'hôtel un soir où il faisait froid et où la situation était intenable dans l’appartement. Ils avaient tenté de revenir dans l’appartement à plusieurs reprises, sans succès, faute d’amélioration de la situation.

F______ a déclaré résider depuis 2018 dans l’appartement du dessous de celui occupé par le locataire et son épouse. Il avait toujours fumé dans son appartement. Il fumait moins d'un paquet par jour et sa compagne fumait moins que lui. Tous les deux fumaient dans la cuisine, avec la fenêtre ouverte, même en hiver. Un ami venait également fumer de manière irrégulière avec lui dans l’appartement.

G______, représentant de la régie, a déclaré s’être rendu à une ou deux reprises chez les locataires, sans constater d’odeur particulière. Selon lui, beaucoup d’affaires obstruaient les ventilations de l’appartement. Il ne s’était pas rendu chez le voisin d’en dessous, n’en voyant pas l’utilité. Il ignorait quand ce dernier avait emménagé dans l’appartement. Il avait conseillé aux locataires de bien aérer l’appartement. Il n’était pas fumeur, même s’il lui arrivait de fumer deux à trois fois par mois un cigare.

H______, ______ [fonction] du CIPRET, a déclaré qu'il avait lui-même senti l'odeur de fumée dans l’appartement, mais de manière peu marquée et pas partout. Il avait senti cette odeur légère dans le corridor d'entrée et une odeur plus marquée vers l'évier de la cuisine. Les badges installés dans l’appartement avaient relevé un taux plutôt bas de nicotine, mais avaient confirmé la présence de celle-ci. La variation rapide du taux de particules fines mesuré par le locataire pouvait être compatible avec une consommation de tabac. Il ne pouvait pas se prononcer sur les risques pour la santé au vu des taux relativement bas relevés. Toutefois, il n'existait pas de seuil en deçà duquel il n'y avait aucun risque pour la santé et le danger existait dès que des particules fines étaient identifiées. Cette problématique était une source de souffrance pour le locataire et son épouse et, en principe, dans un appartement non-fumeurs, la détection de nicotine devrait être proche de zéro.

I______, du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), a déclaré que sur les résultats identifiés dans l'appartement, deux badges faisaient état de quantités similaires à celles se retrouvant dans une maison composée d’un fumeur (soit 1 à 3 μg par m3), étant précisé qu'un restaurant fumeur présenterait 8 μg par m3. Tous les détecteurs installés avaient présenté des résultats détectables de nicotine dans l'air, mais seuls deux d’entre eux présentaient des résultats quantifiables. La gêne olfactive liée à la cigarette pouvait être bien en deçà des limites de détection de la nicotine, car ce n’était pas la nicotine elle-même qui était odorante.

u. Lors des plaidoiries finales du 5 avril 2022, les locataires ont précisé leurs conclusions et ont sollicité que le Tribunal constate la validité de la consignation du loyer, leur accorde une réduction de loyer de 50% du 16 juillet 2020 au 15 janvier 2021 et de 100% du 16 janvier 2021 au 2 mars 2022, date de l'état des lieux de sortie, condamne la bailleresse à s’acquitter de 50'000 fr. à titre de dommages-intérêts, avec intérêt à 5% dès le 16 juillet 2020, ainsi que de la somme de 24'838 fr. correspondant à leurs frais de relogement. Les loyers consignés devaient être libérés en leur faveur à due concurrence.

La bailleresse a persisté dans ses conclusions.

v. La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience du Tribunal du 5 avril 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, les locataires ont sollicité dans leurs dernières conclusions une réduction de loyer de 50% du 16 juillet 2020 au 15 juillet 2021 (12 mois × 1'200 fr. × 50% = 7'200 fr.), de 100% du loyer du 16 janvier 2021 au 2 mars 2022 (13.5 mois × 1'200 fr. = 16'200 fr.), ainsi que des dommages-intérêts de respectivement 50'000 fr. et 24'838 fr.

La valeur litigieuse se chiffre ainsi à 98'238 fr, de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

1.3 L'appel et l’appel joint ont été interjetés dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 313 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Par simplification, les locataires seront désignés en qualité d’appelants et la bailleresse en qualité d’intimée.

2.             Les appelants ont produit des pièces et ont fait valoir de nouveaux faits, en lien avec un rapport de l’Association suisse pour la prévention du tabagisme daté du 23 juin 2022; un certificat médical daté du 29 juin 2022, faisant état d’une aggravation de l’état de santé de A______, accentuée par le jugement rendu par le Tribunal; ainsi que diverses attestations de voisins dans l’immeuble litigieux, affirmant que F______ aurait emménagé dans son appartement en 2020.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Celui qui produit de nouveaux moyens de preuve doit démontrer que, de manière excusable, il n’a pas pu les produire auparavant dans la procédure, malgré toute la diligence requise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_86/2016 du 5 septembre 2016, consid. 2.2). Ce principe s’applique également lorsque le moyen de preuve produit ne dépend que de la seule volonté du demandeur (« nova potestatifs »; arrêt du Tribunal fédéral 4A_583/2019 du 19 août 2020 consid. 5.3).

2.2 En l'espèce, les appelants ne fournissent aucune explication sur l’origine du rapport de l’Association pour la prévention du tabagisme daté du 23 juin 2022. On ignore en effet si celui-ci a été rédigé à la demande des appelants ou s’il fait l’objet d’une publication, par exemple sur internet. Il leur appartenait de justifier la recevabilité de manière probante de cette pièce en appel, ce qu’ils n’ont pas fait : en effet, si ce document a été rédigé à la demande des appelants, ces derniers n’expliquent pas pourquoi il leur était impossible de le solliciter et de le produire en première instance déjà. Faute de démontrer la recevabilité de cette pièce, celle-ci doit être déclarée irrecevable.

Il en est de même des nouvelles attestations de voisins en lien avec la date d’emménagement de F______. Les appelants n’expliquent pas pourquoi celles-ci – rédigées à leur demande – n’auraient pas pu être produites en première instance déjà. Partant, celles-ci s’avèrent irrecevables également.

Quant au certificat médical, dans la mesure où il atteste d’un fait survenu postérieurement au jugement entrepris, celui-ci s’avère sur le principe recevable. Il n’est toutefois pas pertinent dans le présent litige, comme il le sera vu plus loin.

3.             Les appelants font grief au Tribunal de n’avoir pas considéré comme graves les défauts affectant leur appartement, en lien avec la présence de fumée de cigarette, estimant que leur santé a été mise gravement en danger, ce qui justifiait une réduction de loyer de 35% et une exonération complète du loyer dès leur départ du domicile jusqu’à la fin de la période de location. Quant à l’intimée, elle soutient que faute de garantie de la bailleresse sur un appartement « non-fumeur », il n’existerait aucun défaut dans l’appartement, ce qui justifierait le rejet de l’entier des prétentions des appelants.

3.1 A teneur de l’art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l’usage pour lequel elle a été louée, et de l’entretenir en cet état. Constitue ainsi un défaut tout ce qui s’écarte d’un état que la loi qualifie « d’approprié », bien que celle-ci ne définisse pas ce terme. La chose louée est ainsi défectueuse si elle ne présente pas une qualité qui lui a été promise par le bailleur ou sur laquelle le locataire pouvait légitiment compter (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 256 et références citées). Le caractère approprié doit se déterminer à l’aune de plusieurs critères, notamment le but et l’usage prévu ou convenu de la location, le montant du loyer, l’âge du bâtiment, le lieu de situation de l’immeuble, les normes usuelles de qualité, les règles de droit public et le caractère évitable ou non d’éventuelles nuisances (Montini/Bouverat in Commentaire Pratique : Droit du bail à loyer et à ferme [CPrat bail], 2e éd., 2019, n. 10 et 29). Au regard de la notion relative du défaut de la chose louée, celui-ci dépendra essentiellement des circonstances du cas particulier (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 3A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2).

Le bailleur répond en principe des défauts qui lui sont imputables, même en cas de méconnaissance ou de comportement irréprochable, ou d’un défaut irréparable, puisqu’il assume une obligation de garantie en lien avec l’objet loué (Montini/Bouverat in CPrat Bail, op. cit., n. 1, 11 et 12 ad art. 256 CO; Lachat, op. cit., p. 268 ss; Tercier/Favre, Les contrats spéciaux, 4e éd., 2009 n. 2096 ss; arrêt du Tribunal fédéral 4A_208/2015 du 12 février 2016 consid. 3.1).

3.1.1 La question de savoir dans quelle mesure la chose louée doit être exempte de nuisances (bruit, odeurs, poussière, etc.) possède une grande importance pratique. Certaines nuisances sont telles que le locataire ne peut plus faire l’usage convenu ou habituel de la chose louée (Montini/Bouverat in CPrat Bail, op. cit., n. 40 et 41 ad art. 256 CO; Burkhalter/Martinez-Favre, Commentaire SVIT : Le droit suisse du bail à loyer, 2011. n. 19 ss ad art. 256 CO). La durée des nuisances est un critère important pour déterminer si celles-ci constituent un défaut, de même que l’intensité, la fréquence ou le moment (diurne ou nocturne) où elles surviennent, ainsi que les normes usuelles de qualités, les règles de droit public applicables ou les usages courants (Lachat, op. cit., p. 259 ss; Montini/Bouverat in CPrat Bail, op. cit., n. 41 in fine et 44 ad art. 256 CO).

3.1.2 Selon la casuistique tirée de la jurisprudence, en manière de nuisance olfactive, une réduction de 5% a été octroyée pour des odeurs d'acide présentes occasionnellement durant plusieurs années dans la salle de douche et la cuisine, ainsi que des odeurs de poubelle dans le hall d'entrée et la salle à manger (ACJC/100/2019 du 24 janvier 2019); 5% pour des odeurs de cannabis s'immisçant dans un appartement dont la fréquence, la durée et l'intensité n'ont pas été démontrées (ACJC/932/2018 du 12 juillet 2018); 10% en présence d’émissions occasionnelles de fumée nauséabonde provenant d’un terrain voisin; 10% dans le cadre d’une odeur d’égout dans une petite salle d’un restaurant; 10% dans le cadre d’une odeur d’œufs pourris certains jours et pendant plusieurs heures dans un appartement; 20% dans leur cadre d’une odeur répugnante dans un restaurant, en raison d’une ventilation insuffisante; 40% en raison d’odeurs désagréables dans un café-bar et faisant fuir la clientèle (cf. pour une casuistique : Züst, « Mietzinsreduktion bei Mängeln » in Mietrechtspaxis [MP] 2004 69, disponible en ligne : https://www.mietrecht.ch/fileadmin/files/Gesetze/tab_red_maengel.pdf; Lachat, op. cit., p. 316 ss; Aubert in CPra Bail, op. cit. n. 67 ad 259d CO).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de la réduction de loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_628/2010 du 23 février 2011 consid. 5.1).

3.1.3 La situation personnelle du locataire (âge, invalidité, maladie, etc.) ne doit pas être prise en compte dans la quotité en réduction de loyer, car l’action en réduction du loyer en raison des défauts de la chose louée ne tend pas à réparer le dommage du locataire, mais à rétablir l’équilibre des prestations contractuelles entre les parties prenantes à un bail (Wessner, « Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé » in 12e Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 25; arrêt du Tribunal fédéral 4C.397/1999 du 18 juillet 2000 consid. 11c).

3.1.4 Pendant le bail, le locataire qui reproche au bailleur une mauvaise exécution du contrat doit démontrer en quoi consiste le défaut (Montini/Bouverat in CPrat Bail, op. cit., n. 55 ad art. 256 CO; Burkhalter/Martinez-Favre, op. cit., n. 25 ad art. 256 CO). Ainsi, le locataire possède le fardeau de la preuve (art. 8 CC) des faits dont on peut déduire l’existence d’un défaut, soit notamment l’état réel ou actuel de la chose (p. ex. la présence, dans le logement, d’une inondation, de parasites ou d’autres nuisances excessives) et les restrictions de l’usage convenu qu’il subit de ce fait (Bohnet/Jeannin, « Le fardeau de la preuve en droit du bail » in 19e Séminaire sur droit du bail, 2016, n. 97, p. 44 et 45), notamment en produisant le cas échéant les photographies requises ou faire constater le défaut par un tiers ou un expert, de même que solliciter les mesures probatoires pertinentes dans la procédure civile (ACJC/497/2013 déjà cité, consid 6.2).

3.2 En l’espèce, contrairement à ce que soutient l’intimée, la présence d’odeur de tabac dans l’appartement des appelants constitue un défaut. En effet, la présence d’émanations olfactives indésirables dans des locaux loués est propre à péjorer la jouissance de ceux-ci, en particulier si ces émanations peuvent être qualifiées objectivement de désagréables ou de nocives, ce qui est le cas de la fumée de tabac. Une garantie contractuelle spécifique à ce propos n’était pas nécessaire, car l’absence d’émanation olfactive indésirable dans un appartement constitue une qualité sur laquelle un locataire peut légitimement compter.

3.3 L’existence de cette nuisance a été démontrée par les appelants, que cela soit par les capteurs électroniques ou chimiques installés, ainsi que les différents témoignages recueillis, y compris les déclarations des entreprises mandatées par la régie, qui ont confirmé la présence d’une odeur de cigarette, en particulier dans la cuisine de l’appartement. Cet élément est corroboré, enfin, par les déclarations du voisin du dessous entendu comme témoin par le Tribunal, qui a déclaré fumer régulièrement dans la cuisine de son appartement, en présence de sa conjointe, également fumeuse, soit précisément le lieu où les appelants se plaignaient principalement de ressentir le défaut dans leur propre appartement.

3.4 Au sujet de l’intensité des nuisances, aussi bien le représentant du CIPRET que celui du CURL ont qualifié de faible la teneur en nicotine relevée, la majorité des capteurs chimiques installés n’ayant révélé aucune donnée quantifiable, même si l’odeur de cigarette est indépendante de cette substance. S’agissant de la fréquence, les données des capteurs à particules fines installés par le locataire relevaient des pics d’émanations en particulier le matin, à midi et le soir, ce qui correspond aux premières déclarations du locataire à la régie et correspondrait, par ailleurs, à la consommation courante quotidienne d’un fumeur de tabac, de sorte qu’une telle fréquence s’avère probante en l’espèce et doit être retenue.

3.5 En tenant compte de ce qui précède, le Tribunal a, à raison, accordé une réduction de loyer; l’appel joint est ainsi infondé.

La quotité de réduction de 15% de loyer accordée par le Tribunal se situe dans la fourchette haute des casuistiques tirées de la jurisprudence en matière de désagréments liés à des émanations de fumée. Cette quotité est adéquate, en raison des nuisances quotidiennes et de la fréquence de celle-ci – qui se manifestait plusieurs fois par jour – et qui péjoraient objectivement la jouissance de l’appartement des appelants. Le caractère néfaste pour la santé de la fumée de tabac, que ne revêtent pas d’autres sortes d’émanation olfactive, justifie également la prise en compte d’une telle quotité de réduction supérieure.

3.6 Contrairement ce qu’affirment les appelants, l’intensité des nuisances en cause ne rendait pas l’appartement objectivement inhabitable et aucun danger imminant et sérieux pour leur santé n’était présent. Outre qu’une telle affirmation se base sur une pièce nouvelle irrecevable (cf. supra consid. 2.2), il ressort du rapport du CURML que le taux de nicotine retrouvé était objectivement faible et aucun des témoins interrogés, en particulier le représentant du CIPRET ou du CURML, n’a confirmé l’existence d’un danger concret, sérieux et actuel justifiant pour les locataires de quitter précipitamment leur appartement. Le caractère nocif intrinsèque de la fumée de tabac a quant à lui déjà été pris en compte dans la quotité de réduction de loyer octroyée, qui se situe dans la fourchette haute de la jurisprudence comme déjà relevé.

Quant au parallèle opéré par les appelants en lien avec des réductions opérées en présence de moisissures, la comparaison ne s’avère pas probante. Si le caractère nocif pour la santé existe dans les deux situations, la présence de moisissure entraîne en outre un défaut esthétique dans l’appartement, en sus des problèmes d’humidités récurrents, ce qui explique la quotité de réduction supérieure octroyée dans ces situations.

3.7 Enfin, conformément à la jurisprudence précitée, la réduction de loyer doit se déterminer de manière objective en fonction de la perte de valeur de l’objet loué, de sorte que la sensibilité personnelle des appelants ou leurs réactions spécifiques face aux nuisances n’ont pas à être prises en considération. Ces faits, de nature personnelle, ne justifient ainsi pas une réduction plus importante du loyer.

3.8 Le Tribunal a fixé la durée de la réduction de loyer de l’annonce du défaut par les appelants le 16 juillet 2020 au 15 septembre 2021. A propos de cette dernière date, le Tribunal a retenu que les appelants avaient signé un nouveau bail dans un autre immeuble le 19 mai 2021 et que, compte tenu du préavis de résiliation de trois mois, le contrat de bail litigieux aurait pu se terminer le 15 septembre 2021. Cette approche se justifie, dans la mesure où les appelants n’ont pas démontré la raison qui les a conduits à maintenir le bail de l’appartement litigieux, qu’il n’avait plus la volonté d’occuper, comme l’épouse du locataire l’a expressément déclaré.

3.9 Le grief des locataires est ainsi infondé.

4.             Les appelants fait également grief au Tribunal d’avoir rejeté à tort leurs prétentions en indemnisation, soit en particulier de leurs frais d’hôtel et de relogement après leur départ de l'appartement litigieux, ainsi que l’indemnité pour tort moral. L’inaction de la bailleresse et le défaut auraient entraîné selon eux une grave atteinte à leur intégrité physique et psychique, avec des séquelles encore aujourd’hui.

4.1.1 Selon l’art. 259e CO, si en raison du défaut, le locataire a subi un dommage, le bailleur lui doit des dommages et intérêts s’il ne prouve qu’aucune faute ne lui est imputable. Cette action en dommages-intérêts obéit aux règles ordinaires de la responsabilité contractuelle (art. 97 et 101 CO) et nécessite de réunir les conditions suivantes : un préjudice, un défaut dont répond le bailleur, une faute et un lien de causalité naturelle et adéquate entre le défaut de la chose louée et le préjudice subi (Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5e éd., 2016, n. 1796 à 1802 ; Lachat et al., op.cit., p. 322 et 323).

4.1.2 La faute du bailleur est présumée, qu'elle soit en lien avec la création du défaut ou avec l'absence ou le retard pris pour la suppression de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_647/2015 du 11 août 2016 consid. 6.3). Le bailleur peut cependant se disculper s'il démontre avoir pris toutes les précautions pour éviter le dommage ou pour y remédier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 6.2) ou qu’il n’est pas responsable du défaut ou du retard en lien avec son élimination (Lachat, op. cit., p. 325).

4.1.3 En lien avec les défauts de la chose louée (art. 259e CO), constitue un préjudice indemnisable notamment l’impossibilité d’utiliser des locaux commerciaux, les frais d’hôtel liés à un logement de remplacement ou des meubles endommagés (Lachat, op. cit., p. 323), mais pas un désagrément causé par la perte de l’usage du logement (dommage de frustration; ATF 115 II 474 consid. 3 et 127 III 403 consid. 4a; Lachat, op. cit., p. 324; Bieri, « La réparation du préjudice subi par le locataire en cas de défaut de la chose louée » in 18e Séminaire du droit du bail, 2014, n. 24). Un tel préjudice peut cependant, en cas de gravité particulière, justifier une réparation morale au sens de l’art. 49 CO (ATF 126 III 388 consid. 11b; Lachat, ibid.; Bieri, op. cit., n. 18; Muller/Singer, « Le préjudice réparable : une notion sans contours » in Dupont/Muller, L'évaluation du préjudice corporel, Neuchâtel, 2021, n. 62).

4.1.4 Une indemnité pour tort moral en cas de violation contractuelle n’est possible que si l’atteinte aux droits de la personnalité est suffisamment grave (art. 49 CO; Tercier et al., op.cit., n. 1799 ; Werro, « Le tort moral en cas de violation d’un contrat » in Chappuis/Winiger, Le tort moral en question, 2013, p. 73). Dans la jurisprudence, elle a été admise lorsque la violation du contrat a entraîné une grave atteinte à la réputation personnelle et professionnelle de l’autre partie contractante, ainsi qu’une atteinte à sa santé (ATF 87 II 143 consid. 5), notamment la perte d’un œil (ATF 102 II 18); le Tribunal fédéral l’a en revanche niée dans le cadre de locataires avec trois enfants ayant vécu, par la faute du bailleur, dans un appartement humide et dépourvu de chauffage durant près d’un mois, faute d’atteinte à la santé ou à l’équilibre familial (arrêt du Tribunal fédéral 4C_169/1998 du 2 février 1999; Aubert, CPra Bail, 2017, n. 10 ad 259e CO; plus critique : Werro, op. cit., p. 67 et 68).

4.1.5 La preuve d'un dommage incombe à celui qui en demande réparation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2010 du 15 mars 2010 consid. 5), soit en l’occurrence le locataire.

4.2 En l’espèce, comme déjà indiqué, le taux relevé de nicotine dans l’appartement était relativement faible. Cet élément a été confirmé également par le représentant du CIPRET et du CURML, et est corroboré par les résultats des capteurs de nicotine installés dans l’appartement. Comme il l’a été jugé dans le cadre de la réduction de loyer, l’appartement n’était pas objectivement inhabitable, dans la mesure où les nuisances n’avaient lieu qu’à certains moments de la journée et aucun danger imminent, sérieux et actuel n’existait dans l’appartement. Dans ces circonstances, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré l’absence de lien de causalité adéquate entre les frais d’hôtel, de déménagement et l’état de l’appartement en raison du défaut présent, de sorte que l’ensemble des conditions requises pour la réparation de leur dommage n’étaient pas réalisées.

4.3 Quant au tort moral, comme il l’a été rappelé, il est exigé une atteinte d’une certaine gravité, qui doit être déterminée de manière objective. Le désagrément ponctuel lié à la fumée et à l’odeur de tabac ne constitue pas une atteinte d’une gravité suffisante pour l’octroi d’un tort moral, étant relevé encore une fois que le taux relevé de nicotine s’avérait faible et que les témoignages de tiers ont relevé une présence essentiellement peu marquée d’une odeur de tabac dans certaines pièces de l’appartement.

4.4 En conséquence, le grief des appelants sera rejeté, le jugement entrepris sera confirmé.

5.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 29 juin 2022 par A______ et B______ et l’appel joint formé le 5 septembre 2022 par C______ SA contre le jugement rendu le 24 mai 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4192/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY‐BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK et Monsieur
Jean‑Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.