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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/23253/2020

ACJC/741/2024 du 11.06.2024 sur JTBL/666/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23253/2020 ACJC/741/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 11 JUIN 2024

 

Entre

A______ AG, p.a B______ SA, ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 août 2023, représentée par
Me François BELLANGER, avocat, Etude Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

 

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, représentée par l’ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A.                Par jugement JTBL/666/2023, communiqué aux parties par pli du 22 août 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ AG à faire poser à ses frais et dans les règles de l’art une toile solaire sur le balcon du côté nord de l’appartement de cinq pièces loué par C______ et situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis chemin 1______ no. ______/A au D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a réduit le loyer dudit appartement de 5% du 5 juin 2019 jusqu’à l’exécution des travaux (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé le 22 septembre 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ AG (ci-après également: la bailleresse) forme recours contre ce jugement, dont elle sollicite l’annulation, cela fait le déboutement de C______ des fins de ses conclusions. Dans le corps de son acte, elle fait valoir, à titre subsidiaire, qu’une réduction de loyer ne devrait pas excéder 2%.

Elle produit un extrait du procès-verbal de la séance d’information du 6 juillet 2017 qui figure déjà dans la procédure.

b. C______ (ci-après également: la locataire) conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique du 8 décembre 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

d. Les parties ont été avisées le 15 février 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants:

a. C______, locataire, et A______ AG, bailleresse, sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de cinq pièces au rez-de-chaussée de l’immeuble sis chemin 1______ no. ______/A au D______.

b. Le contrat a été conclu pour une durée initiale de trois ans, du 1er mai 1982 au 30 avril 1985, renouvelable ensuite tacitement d’année en année sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

c. Le loyer annuel a été fixé en dernier lieu à 9'156 fr., hors charges, depuis le 1er octobre 2001.

d. Les fenêtres du salon de l’appartement donnent, côté nord à environ 5 mètres, sur le chemin 1______.

La place de stationnement de la locataire se situe sous le balcon de sa cuisine et deux autres places de parking se trouvent sous le balcon de son salon.

e. A une date inconnue, la locataire a fait installer à ses frais un store sur son balcon côté nord, pour se protéger du soleil et créer une intimité en empêchant les personnes empruntant le chemin 1______ de voir directement dans son salon.

f. C______ a allégué avoir sollicité et obtenu l’accord de la régie, ce que la bailleresse conteste.

g. L’immeuble a fait l’objet de travaux de rénovation, notamment des façades extérieures, et de surélévation entre fin 2017 et 2019.

Ces travaux ont été confiés au bureau [d'architecte] E______ et la direction du chantier a été assurée par F______, architecte.

h. Deux séances d’informations ont été organisées en mai et juillet 2017 afin d’expliquer l’ampleur des travaux et leur impact, notamment sur les façades de l’immeuble.

i. Un procès-verbal de la séance du 6 juillet 2017 a été établi par G______, présidente de l’association des locataires.

Il ressort de cette retranscription que les questions de la dépose, la repose et/ou le remplacement des toiles de tente déjà installées par certains locataires ont été abordées sans qu’une décision n’ait été formellement prise, certains passages de la retranscription indiquant que des toiles seraient installées sur la façade nord et que les locataires pourraient alors revendre leur ancienne toile, d’autres passages indiquant que de telles toiles au nord étaient inutiles et que, dans tous les cas, leur réinstallation dépendait du fait de savoir si une demande avait été préalablement adressée au bailleur.

j. Lors des travaux, les stores déjà installés ont été retirés sur toutes les façades et de nouveaux stores ont été posés sur les façades sud, est et ouest de l’immeuble.

Les stores qui étaient présents sur la façade nord n’ont pas été réinstallés et ont été restitués aux locataires.

k. La locataire a demandé à réitérées reprises à la régie, la première fois le 5 juin 2019, que son store soit installé ou un autre store installé sur son balcon côté nord, notamment afin d’assurer l’intimité dans son salon.

La régie en charge de l’immeuble a refusé chaque demande de la locataire au motif que la bailleresse souhaitait maintenir l’uniformité des façades extérieures de l’immeuble.

l. Le 20 décembre 2019, le conseil de la locataire a résumé les faits en indiquant que huit ans auparavant, la locataire avait installé, à ses frais et avec l’accord de la régie, un store solaire sur son balcon côté nord, car celui-ci donnait directement sur les places de parking. Ce store lui était utile afin de limiter la vue directe sur son salon. Il avait été déposé par la régie lors des travaux mais n’avait pas été réinstallé. Cela devait être considéré comme une soustraction de chose mobilière et le retrait de l’accord de la bailleresse aurait dû respecter les formes requises pour la modification du contrat de bail. La régie était ainsi mise en demeure de faire procéder à la repose du store solaire ou à la pose d’un store équivalent d’ici au 15 janvier 2020.

m. A l’audience du 11 novembre 2021, la locataire a confirmé qu’elle avait reçu, une quinzaine d’années auparavant, l’autorisation orale de H______, alors employée de la régie, d’installer un store, aux seules conditions que celui-ci soit de couleur neutre, posé par des professionnels et contre remise de la facture, conditions qu’elle avait respectées.

Lors de l’audience du Tribunal du 7 avril 2022, H______ a déclaré qu’elle n’en avait pas le souvenir, étant précisé qu’elle avait travaillé pour la régie entre 2013 et 2016.

n. Le 9 janvier 2020, la régie a sollicité la remise de la copie de l’accord de la propriétaire concernant l’installation d’un store sur la façade nord, ainsi qu’une preuve d’achat du store.

o. Le 30 janvier 2020, le conseil de la locataire a répondu que l’autorisation avait été donnée oralement par H______, à la condition que le store soit de couleur neutre et que sa pose soit réalisée par des professionnels. Durant les travaux, F______ avait pris l’engagement envers la locataire de faire réinstaller le store côté nord à la fin des travaux par des ouvriers du chantier. Il était rappelé que le balcon en question donnait sur des places de parking et sur un trottoir fréquenté, le store étant ainsi nécessaire pour des questions d’intimité.

p. Par requête du 17 novembre 2020, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 4 février 2021 puis portée devant le Tribunal le 4 mars 2021, la locataire a conclu, préalablement à ce que le Tribunal constate la nullité de la modification du bail portant sur le retrait de l’autorisation du bailleur de disposer d’un store solaire sur la façade nord de l’appartement, principalement à ce qu’il condamne la bailleresse à faire poser à ses frais et dans les règles de l’art une toile solaire sur le balcon du côté nord de l’immeuble sous les menaces prévues à l’article 292 CP, condamne la bailleresse à une astreinte de 50 fr. par jour de retard qui prévaudrait dès le 31ème jour consécutif à réception du jugement condamnatoire et réduise le loyer de 10% compte tenu du défaut dès les 5 juin 2019, date de la première demande du locataire.

q. Par mémoire de réponse du 7 juin 2021, la bailleresse a conclu au déboutement de la locataire de ses conclusions.

r. Le conseil de la locataire a fait valoir qu’il n’y avait pas d’unité de façade dans la mesure où de nombreux locataires avaient installé des filets à chat, des parois vitrées et d’autres objets de grande taille sur leur balcon, produisant des photos des façades de l’immeuble. Les stores n’avaient pas été posés sur la façade nord pour des questions budgétaires consécutivement à des travaux complémentaires inattendus.

Le conseil de la bailleresse a contesté ces allégations, en précisant que les installations des autres locataires sur leur balcon ne remettaient pas en cause l’unité de la façade par rapport à la pose de stores. Un courrier avait été adressé à tous les locataires le 14 février 2022, leur rappelant qu’il était interdit d’entreposer sur les balcons tout objet visible depuis l’extérieur et demandant à un locataire de prendre contact avec la régie car son filet contre les pigeons n’avait pas été installé de manière conforme.

La locataire a déclaré que, bien que les fenêtres de son salon aient été équipées de rideaux, elle devait les tirer pour ouvrir les fenêtres, de sorte que l’intérieur de son salon était visible. Le chemin 1______ était fréquenté, notamment par les enfants qui se rendaient à la piscine, étant précisé que des immeubles se construisaient augmentant d’autant la fréquentation du chemin. Lors des séances d’information sur les travaux, il avait été confirmé qu’à la fin de ceux-ci, des stores seraient installés chez tous les locataires, y compris du côté nord de l’immeuble.

F______ a déclaré que, lors de la première séance en mai 2017, elle avait indiqué que les toiles solaires seraient remplacées sans plus de précision. En juillet, les locataires avaient été informés que des toiles uniformes seraient posées côté sud de l’immeuble et après les doléances des locataires, il leur avait été dit que la question de l’installation de toiles solaires à l’est et à l’ouest serait étudiée par la bailleresse. Il n’avait pas été question de toiles solaires au nord. S’agissant des toiles installées par les locataires eux-mêmes sur la façade nord, la question s’était posée de savoir qui devait les déposer. La bailleresse avait finalement pris la dépose d’environ six toiles à sa charge. La question de la réinstallation de ces toiles n’avait pas été abordée. Pour des questions d’uniformité, l’idée était de ne pas poser de stores.

G______, habitante de l’allée sise chemin 1______ no. ______/C, a déclaré que, lors de la deuxième séance d’information, il avait été demandé aux locataires de déposer leurs toiles de tente et il avait été dit que des nouvelles toiles seraient installées sur les façades sud et nord. Des locataires s’étaient plaints car ils estimaient plus nécessaire d’avoir des toiles à l’est plutôt qu’au nord vu l’ensoleillement. Le chemin 1______ était fréquenté en raison de la piscine, de l’école et de nouveaux immeubles étaient en construction, dont le seul chemin d’accès était celui [du chemin] 1______.

s. Par mémoires de plaidoiries finales du 16 janvier 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

t. Le 6 février 2023, la bailleresse a de nouveau persisté dans ses conclusions, à la suite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse correspond à la pose de la toile solaire en question et à la réduction de loyer jusqu’à son exécution. Bien que son montant exact soit inconnu, elle est inférieure à 10'000 fr., ce que les parties ont admis.

Seule la voie du recours est ainsi ouverte.

1.3 Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 321 al. 1 CPC).

En l’espèce, introduit en temps utile et selon la forme prescrite, le recours est recevable.

1.4 Dans le cadre d’un recours, le pouvoir d’examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. La bailleresse fait griefs aux premiers juges d’avoir constaté de manière manifestement inexacte les faits et d’avoir violé les art. 260a al. 1, 259a al. 1 let. b et 259d CO.

Elle soutient qu’elle n’aurait pas donné d’accord à la locataire pour poser une toile solaire sur son balcon, côté façade nord, étant précisé que cette dernière n’avait pas été en mesure de produire un document écrit et signé formalisant cet accord, de sorte qu’elle devait en supporter les conséquences.

Le Tribunal aurait également considéré à tort, selon elle, une contradiction dans son comportement, alors qu’il aurait dû retenir l’absence d’abus de droit de sa part. Il ne pouvait pas non plus retenir que faute d’accord quant à la pose initiale du store, elle serait intervenue pour ordonner la dépose de ce store après son installation.

Enfin, elle soutient que le défaut ne serait pas suffisant pour l’obtention d’une baisse de loyer par la locataire, l’usage de la chose louée n’étant pas entravé ou alors seulement lorsque la fenêtre est ouverte.

2.1 Aux termes de l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle est louée, et l'entretenir dans cet état.

La chose louée est défectueuse lorsqu'elle ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2). L’absence de protection contre le soleil peut constituer un défaut (LACHAT/RUBLI, Le bail à loyer, 2019, p. 266).

Le défaut ne doit pas nécessairement être imputable au bailleur pour que ce dernier en réponde, ni même réparable (ATF 135 III 345 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_222/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2.2 et 4A_43/2009 du 1er avril 2009 consid. 3.2); le fait qu’il échappe à sa sphère d’influence n’est pas non plus déterminant (arrêt du Tribunal fédéral 4C_219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.2).

Le locataire doit compter, selon le cours ordinaire des choses, avec la possibilité de certaines entraves mineures inhérentes à l'usage de la chose qui ne constituent pas un défaut. En revanche, si l'entrave est plus importante et sort du cadre raisonnable des prévisions, elle devient un défaut (SJ 1985 575).

Le fardeau de la preuve de l'existence du défaut, de l'avis du défaut et de la diminution de l'usage de l'objet loué appartient au locataire (art. 8 CC).

2.2 Selon l'art. 259a al. 1 CO, lorsqu’apparaissent des défauts de la chose qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il n'est pas tenu de remédier à ses frais ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut notamment exiger du bailleur la remise en état de la chose (let. a), une réduction proportionnelle du loyer (let. b) et des dommages-intérêts (let. c). Il peut en outre consigner le loyer (art. 259a al. 2 CO).

Il y a défaut lorsque l'état réel de la chose diverge de l'état convenu, c'est-à-dire lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2 et les références citées). L'usage convenu se détermine prioritairement en fonction des termes du bail et de ses annexes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_245/2021 du 26 octobre 2021 consid. 5.1). Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépend des circonstances du cas concret (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 6.1.1). Il peut consister en des immissions qui diminuent ou entravent l'usage de la chose louée, telles des odeurs incommodantes (LACHAT/ GROBET THORENS/RUBLI/STASTNY, Le bail à loyer, 2019, p. 269).

La loi distingue, d'une part, les menus défauts, à la charge du locataire (art. 259 CO), et d'autre part, les défauts de moyenne importance et les défauts graves, qui ouvrent au locataire les droits prévus à l'art. 259a CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 6.1.1 et 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1).

Un défaut est de moyenne importance lorsqu'il restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, sans l'exclure ni l'entraver considérablement. L'usage de la chose louée demeure possible et peut être exigé du locataire. Celui-ci ne subit, en règle générale, qu'une diminution du confort (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/STASTNY, op. cit., p. 273 et 274; AUBERT, Commentaire pratique Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 41 ad art. 258 CO).

La réduction de loyer vise à rétablir l'équilibre des prestations entre les parties. En principe, la valeur objective de la chose avec le défaut est comparée à sa valeur objective sans le défaut, et le loyer est réduit dans la même proportion. Ce calcul proportionnel n'est cependant pas toujours aisé, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période; il peut alors être remplacé par une appréciation en équité, fondée sur l'expérience générale de la vie, le bon sens et la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2; 4C_219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.3 et 2.4).

Le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux joue un rôle important (LACHAT/ GROBET THORENS/RUBLI/STASTNY, op. cit., p. 316; AUBERT, op. cit., n. 21 ad art. 259d CO).

Le défaut n'a pas, pour ouvrir le droit à la réduction de loyer, à constituer un empêchement de l'usage de la chose louée. Un défaut qui en entrave ou restreint l'usage peut donner lieu à une réduction de loyer (AUBERT, op. cit, n. 9 ad art. 259d CO).

La pratique reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de réduction du loyer (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/STASTNY, op. cit., p. 316).

Pour justifier une réduction de loyer, l'usage de la chose doit être restreint d'au moins 5%, voire 2% s'il s'agit d'une atteinte permanente (ATF 135 III 345 consid. 3.2).

2.3 En vertu de l’art. 260a al. 1 CO, le locataire n’a le droit de rénover ou de modifier la chose qu’avec le consentement écrit du bailleur. Le deuxième alinéa de la même disposition stipule par ailleurs que lorsque le bailleur a donné son consentement, il ne peut exiger la remise en état de la chose que s’il en a été convenu par écrit.

Si le législateur a prescrit, à l’art. 260a CO, l’existence d’un accord écrit du bailleur, c’est avant tout pour des motifs de sécurité juridique, à savoir afin de faciliter la preuve et éviter des conflits en fin de bail. Cette forme écrite ne constitue dès lors pas une forme qualifiée au sens de l’art. 11 CO, de sorte qu’elle n’est pas une condition de validité de l’accord (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/STASTNY, op. cit., p. 1060ss; BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, Bâle, 2010, n. 13 ad art. 260a CO).

En effet, si le bailleur n’a donné son accord que de manière orale ou tacite, en ne réagissant pas à l’exécution des travaux, et qu’il se prévaut ultérieurement de l’absence de forme écrite, il peut commettre, selon les circonstances, un abus de droit au sens de l’art. 2 al. 2 CC (LACHAT/ GROBET THORENS/RUBLI/STASTNY, op. cit., p. 1064 ; BOHNET/MONTINI, op. cit., n. 13 ad art. 260a CO).

2.4 En l’espèce, les premiers juges ont considéré que la bailleresse ne pouvait pas déposer la toile de tente et ne pas proposer à la locataire de la réinstaller, sauf à modifier le contrat de bail entre les parties. La bailleresse avait donc généré un défaut de la chose louée en entravant son usage.

Le Tribunal a retenu que la locataire avait obtenu l’accord de la régie lors de la pose de sa toile de tente, car sans cet accord, la bailleresse serait intervenue pour ordonner la dépose du store, ce qu’elle n’alléguait pas avoir fait. Il a donc tenu pour établi que la pose du store avait été admise.

Contrairement à ce que soutient à tort la recourante, le fait que l’intimée n’ait pas produit un document écrit et signé formalisant ledit accord, n’est pas relevant, la forme écrite n’étant pas une condition de sa validité.

Le Tribunal a également considéré qu’il avait été indiqué à la séance du 6 juillet 2017 aux six locataires concernés qu’ils devaient prendre à leur charge les frais de dépose de leurs stores côté nord et que la bailleresse n’installerait aucun store. Or, dans les faits, les frais de dépose ont été pris en charge par celle-ci et il avait été suggéré à ladite séance que de nouveaux stores seraient installés côté nord et sud.

Partant, les premiers juges ont retenu à raison que la locataire était en droit de demander la remise en état de la chose louée par la condamnation de la bailleresse à faire poser à ses frais et dans les règles de l’art une toile solaire sur le balcon du côté nord de l’appartement de la locataire.

S’agissant de la demande de réduction de loyer, les premiers juges ont réduit le loyer de 5%. Ils ont retenu que la toile de tente désinstallée se situait sur la façade la moins exposée au soleil - mais dont il n’est pas prétendu qu’elle ne serait jamais ensoleillée - et le balcon en question donne sur deux places de parking, à cinq mètres du chemin 1______.

A l’instar du Tribunal, la Cour retiendra que le défaut est suffisant pour l’obtention par la locataire d’une baisse de loyer, l’usage de la chose louée étant entravé même lorsque la fenêtre concernée est fermée. S’agissant de la quotité de la réduction, le Tribunal n’a pas excédé son large pouvoir d’appréciation, bien que le défaut en cause soit d’une importance relative.

Au vu de ce qui précède, les premiers juges n’ont pas constaté les faits de manière manifestement inexacte et n’ont pas violé les art. 260a al. 1, 259a al. 1 let. b et 259d CO. Partant, le recours sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 22 septembre 2023 par A______ AG contre le jugement rendu le 14 août 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/23253/2020.

Au fond :

Rejette le recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15’000 fr. cf. consid. 1.2