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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/15/2025

ATAS/844/2025 du 04.11.2025 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/15/2025 ATAS/844/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 novembre 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

représentée par Me Sacha CAMPORINI, avocat

 

 

recourante

 

contre

BÂLOISE ASSURANCE SA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1973, domiciliée en France, exerçait la profession d’infirmière à la clinique de B______ des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) dans le service C______ et était assurée à ce titre auprès de la BÂLOISE ASSURANCE SA (ci-après : l’assurance) contre le risque d’accidents professionnels et non professionnels et de maladie professionnelle.

b. En date du 26 mars 2020, elle a été testée positive au SARS-COV-2 dans le cadre professionnel, à la suite d’une infection indiquée comme étant survenue le 21 mars 2020. Selon la déclaration d’accident remplie le 7 mai 2020 par les HUG, l’assurée avait été en contact avec des patients et collaborateurs infectés. Elle souffrait de céphalées, nausées, diarrhées, toux, myalgies, asthénie sévère et essoufflement à l’effort.

c. L’assurée s’est trouvée en incapacité totale de travail du 26 mars au 13 avril 2020, et de nouveau dès le 24 avril 2020.

B. a. L’assurance a versé des indemnités journalières et a pris en charge divers traitements médicaux, dont une réadaptation cardio-pulmonaire.

b. Lors d’entretiens téléphoniques avec un inspecteur des sinistres, l’assurée a indiqué avoir contracté le Covid sur son milieu professionnel par le contact avec ses collègues ou avec des patients positifs.

c. Dans un rapport du 16 septembre 2020, le docteur D______, médecin adjoint agrégé du service de E______ des HUG, a indiqué que l’infection à SARS-COV-2 s’était manifestée sous forme de céphalées, myalgies, nausées et dyspnée. Dans les semaines et mois suivant l’infection, l’assurée avait présenté des palpitations ainsi qu’une dyspnée d’effort persistante ayant mené à de multiples arrêts de travail. Elle était actuellement à l’arrêt à 50% en raison d’une dyspnée d’effort et d’une tachycardie sinusale, sans pathologie cardio-pulmonaire sous-jacente. Il pouvait s’agir d’une forme de dysautonomie persistante liée à l’infection à coronavirus.

d. Dès novembre 2020, l’assurée a été détachée par son employeur auprès de la Direction générale de la santé, dans la cellule hors soins affectée à la gestion du Covid. Elle y a exercé à un taux de 60% du 16 novembre au 6 décembre 2020, à un taux de 20% en février et mars 2021, de 30% en avril 2021 et de 40% dès
mai 2021.

e. À la suite d’une consultation de l’assurée au service de médecine de premier recours le 29 décembre 2020, la docteure F______, spécialiste en médecine interne générale, a relevé que sa patiente subissait une fatigue
post-Covid importante limitant les activités quotidiennes avec insomnies, angoisse et thymie triste, nécessitant un suivi en psychiatrie, ainsi que des palpitations
post-Covid avec un « malaise post-exertionnel » en novembre 2020.

f. En janvier 2021, la même médecin a noté la présence de myalgies sous forme de douleurs musculaires dans les cuisses apparues quelques mois après l’infection au Covid et, en février 2021, elle a relevé la sensation d’une nouvelle douleur latéropostérieure de la cuisse gauche à 7 cm de la hanche sans restriction de mouvement.

g. Le 27 avril 2021, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI). Celui-ci a mis en place plusieurs mesures de réadaptation professionnelles, à savoir des cours de bureautique de décembre 2021 à février 2022, un reclassement professionnel de février 2022 à avril 2023 comprenant deux stages aux HUG, des cours d’anglais intensifs et des cours de bureautique, ainsi que du coaching professionnel de mai à septembre 2022.

h. Dans un avis du 1er novembre 2021, le docteur G______, médecin praticien et médecin-conseil de l’assurance, a indiqué que la fatigue chronique, les palpitations et les myalgies étaient avec un degré de vraisemblance prépondérante en lien de causalité naturelle avec l’infection au Covid. En ce qui concernait les douleurs de la hanche, cela était possible mais pas certain puisque les documents dont il disposait n’étaient ni explicites ni clarifiés.

i. Dans un rapport du 28 novembre 2022, la docteure H______, médecin au service de rhumatologie des HUG a noté la présence d’un syndrome du grand trochanter (ou périarthrite de la hanche) des deux côtés, après un intervalle libre suite à l’infection, des myalgies dans un cadre post-Covid et des douleurs dans un doigt, survenues probablement à la suite d’un traumatisme.

j. Le 23 janvier 2023, la docteure I______, médecin adjointe au service de psychiatrie des HUG, a attesté qu’elle suivait l’assurée depuis le 11 janvier 2021. L’évaluation psychiatrique avait permis de noter initialement un probable trouble de stress post-traumatique d’intensité légère selon les échelles psychométriques, caractérisé principalement par des cognitions négatives, une thymie triste, la crainte de refaire un malaise, un état d’hypervigilence, des réveils nocturnes et une culpabilité en lien avec son état physique. Le niveau d’anxiété de l’assurée était initialement élevé. Grâce à la psychothérapie et à l’instauration d’un traitement médicamenteux, les symptômes de stress post-traumatique avaient régressé. Il persistait actuellement une anxiété adaptée en réaction aux difficultés liées au contexte de réinsertion professionnelle. Les limitations fonctionnelles portaient sur la capacité de gestion du stress, l’effort soutenu dans une tâche au vu de la fatigabilité, des troubles cognitifs, et la gestion des conflits. D’un point de vue physique et psychiatrique, selon la discussion avec la Dre F______, la capacité de travail de l’assurée était de 50% dans un poste adapté.

k. Dans un rapport de suivi du 25 janvier 2023, la Dre F______ a conclu que l’assurée pouvait travailler à 50% dans un poste adapté (horaires réguliers, pauses, télétravail si possible, ne pas rester debout) au vu de ses symptômes et du risque de malaise post-effort.

l. Le 14 février 2023, la Dre H______ a indiqué que les myalgies post-Covid, le syndrome douloureux du grand trochanter et la douleur de l’articulation
inter-phalangienne proximale droite avaient une répercussion sur la capacité de travail de l’assurée. Du point de vue des deux premiers diagnostics, si l’assurée pouvait se mobiliser selon besoin et avoir une activité ne nécessitant pas trop de déplacements, elle pourrait avoir une bonne capacité de travail. Mais l’asthénie rendait difficile une activité strictement adaptée.

m. Dans un avis du 27 mars 2023 (avec addendum du 26 juillet 2023), le service médical régional (ci-après : SMR) de l’OAI a retenu les atteintes à la santé incapacitantes de symptômes persistants post-Covid (U09.9 selon la CIM-10), de syndrome douloureux du trochanter bilatéral et de trouble de stress
post-traumatique (F43.1). Il a évalué que la capacité de travail de l’assurée en tant qu’infirmière dans les soins était nulle depuis mars 2020, et de 50% dans une activité adaptée dès le 1er novembre 2022, avec une aptitude à la réadaptation depuis février 2021. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de station debout prolongée, horaires diurnes réguliers, pas de déplacements réitérés ni ports de charges de plus de 5 kg, pas d’environnement bruyant, possibilité d’organiser le temps de pause selon nécessité et pas de travail en hauteur.

n. Le 25 juillet 2023, le Dr G______ a considéré que les atteintes à la santé étaient avec un degré de vraisemblance prépondérante au moins une suite partielle de l’infection au Covid-19. Aucun état maladif préexistant et aucune circonstance étrangère à « l’accident » ne contribuaient à l’état de santé. L’incapacité de travail attestée jusqu’alors dans l’activité habituelle procédait de cette infection et il était possible que l’assurée ne puisse plus, dans le futur, exercer cette activité sans limitations. S’agissant d’une activité adaptée, une capacité de travail était probable mais le taux d’occupation restait encore à définir. Une capacité de travail nulle de mai à juillet 2023 pouvait être admise et, pour le reste, il y avait lieu d’attendre que l’OAI se détermine avant de rediscuter du cas. Le traitement médical était nécessaire, approprié et économique. Une évaluation annuelle était requise pour déterminer si l’infection au Covid-19 avait provoqué une aggravation décisive ou uniquement passagère.

o. Dès le 1er août 2023, l’assurée a été engagée par les HUG en tant qu’infirmière coordinatrice des bénévoles, à un taux de 50%. Elle n’a plus perçu d’indemnités journalières de l’assurance depuis lors.

p. Par projet de décision du 15 septembre 2023, l’OAI a indiqué qu’il envisageait d’octroyer une rente entière d’invalidité à l’assurée du 1er mai au 31 juillet 2023 et une rente s’élevant à 42.5% d’une rente entière d’invalidité sur la base d’un degré d’invalidité de 47% dès le 1er août 2023. L’intéressée devait se voir reconnaître le statut de personne active. Elle présentait une incapacité de travail de 100% dans son activité habituelle dès le 21 mars 2020 et, dans une activité adaptée, une capacité de travail de 20% dès le 1er février 2021, de 30% dès le 1er avril 2021, de 40% dès le 1er mai 2021 et de 50% dès le 1er juillet 2021. Au vu des mesures de réadaptation suivies par l’assurée jusqu’à la fin du mois d’avril 2023, la rente ne devait être allouée que dès le 1er mai 2023 et, à cette date, sa perte de gain se montait à 70%. Après la reprise d’un emploi adapté au 1er août 2023, la perte de gain s’élevait à 47%.

q. Par lettre du 21 septembre 2023, l’assurance a fait savoir à l’assurée qu’elle souhaitait mettre en œuvre une expertise médicale afin de statuer sur le droit aux prestations, laquelle serait confiée à J______ Sàrl. Les disciplines médicales et les médecins seraient définis ultérieurement.

r. Par décision du 16 novembre 2023, l’OAI a accordé à l’assurée des rentes d’invalidité conformément à son projet de décision.

s. Une imagerie par résonnance magnétique réalisée le 20 décembre 2023 a conclu à une tendinopathie fissuraire de l’insertion des moyens fessiers de l’assurée des deux côtés.

t. Dans un rapport d’expertise du 7 janvier 2024, les docteurs K______ et L______, spécialistes en médecine interne générale ainsi qu’en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu les diagnostics d’état post-Covid et de périarthrite de hanche gauche et ont exclu tout diagnostic psychiatrique. La capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle était nulle depuis le 21 mars 2020 et celle dans une activité adaptée avait été nulle à partir de la même date et pour une durée d’environ trois mois et s’élevait à 50% de juillet 2021 à décembre 2023. À partir du 1er janvier 2024, cette capacité de travail dans une activité adaptée se montait à 70% « par diminution de rendement de 30% » en raison du déconditionnement et du besoin de pauses supplémentaires. Au plan somatique, le Dr K______ a indiqué que la relation de causalité naturelle des symptômes de l’état post-Covid avec l’infection Covid-19 était vraisemblable (de plus de 50%), tandis qu’elle était possible mais à son sens improbable (moins de 50%) s’agissant de la périarthrite de hanche gauche, laquelle n’avait par ailleurs pas d’influence sur la capacité de travail. Les limitations fonctionnelles en raison des séquelles de l’infection au Covid étaient celles de fatigue et fatigabilité, de tolérance moindre aux efforts physiques et psychiques avec un besoin de récupération accru, et de troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire. Aucun traitement médical ne permettait d’augmenter la capacité de travail de l’assurée puisqu’il n’existait aucun traitement spécifique pour le Covid long. Un réentraînement progressif était la seule mesure recommandée et, à terme, rien ne s’opposait à une reprise complète progressive comme infirmière de mission ou coordinatrice des bénévoles. L’assurée ne souffrait par ailleurs pas d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique. L’expert en médecine interne a encore précisé s’écarter de la décision de l’OAI, n’en connaissant pas les motifs. S’agissant de l’expertise psychiatrique, aucune particularité n’a été relevée par le Dr L______ au status.

u. Le 13 mars 2023, les experts se sont prononcés sur les remarques formulées par l’assurée quant à leur rapport d’expertise et ont maintenu leurs conclusions.

v. Par « décision de reconsidération » du 15 juillet 2024, l’assurance a indiqué reconsidérer sa prise en charge du cas, qu’elle avait allouée sur la base des recommandations émises mais qui n’impliquait pas la reconnaissance automatique d’une maladie professionnelle. Avec le recul et compte tenu des connaissances actuelles en matière de contamination par le Covid-19, il y avait lieu de conclure qu’aucune activité professionnelle n’était spécifique à ce genre de contamination et que l’activité de l’assurée ne pouvait être considérée comme la cause exclusive voire prépondérante de l’infection. La source de contamination n’avait de plus pas pu être définie avec précision. Le cas ne relevait donc pas d’une maladie professionnelle. Même si tel avait été le cas, l’examen de la causalité adéquate l’aurait conduite à refuser toutes les prestations. S’agissant des troubles psychiatriques, la causalité adéquate devait être analysée de manière séparée à l’aide de critères objectifs, considérant que « dans le cas concret il ne s’agi[ssai]t pas d’une maladie professionnelle ». L’infection par le Covid-19 ne pouvant être qualifiée de « particulièrement dramatique », la causalité devait être niée, même si les circonstances n’étaient pas banales. L’expert psychiatre ne constatait par ailleurs aucun trouble psychiatrique au jour de l’examen. Concernant la périarthrite de hanche gauche, l’expert avait jugé improbable la relation de causalité naturelle avec l’infection au Covid-19. Le droit aux prestations au titre de l’assurance-accidents était donc reconsidéré et cessait au 15 juillet 2024, la prise en charge ultérieure relevant de la compétence de l’assurance-maladie.

w. Le 16 septembre 2024, sous la plume de son conseil, l’assurée a formé opposition à la décision précitée, concluant à sa nullité et à son annulation, au motif que les conditions pour procéder à une révision procédurale ou à une reconsidération n’étaient pas remplies. L’assurance aurait par ailleurs dû dans un premier temps statuer sur le principe de la reconsidération et, une fois une décision entrée en force à ce sujet, statuer sur le droit aux prestations. S’agissant de l’expertise réalisée, elle était dénuée de force probante dès lors qu’elle ne contenait pas de volet neurologique, orthopédique et rhumatologique, en violation des principes applicables en cas d’infection au Covid-19. Les experts mandatés ne disposaient par ailleurs pas de connaissance particulière sur la pathologie du Covid long.

x. Par décision du 20 novembre 2024, l’assurance a rejeté l’opposition. La reconsidération était possible dans le cas d’espèce malgré l’absence de décision formelle préalable, au vu de ce que chaque décompte d’indemnité journalière de l’assureur-accidents constituait une décision au sens de la loi. N’était pas contesté le fait que l’assurée ait été infectée par le Covid-19, mais le fait que l’infection ait eu lieu sur le lieu de travail et que l’atteinte puisse être qualifiée de maladie professionnelle. La source de la contamination n’avait pas pu être déterminée en sorte que l’assurée échouait à prouver qu’elle avait été infectée sur son lieu de travail, ce d’autant plus que selon les autorités la source majeure de contamination était celle des contextes familiaux. Par ailleurs, même s’il fallait admettre que l’assurée avait été infectée sur son lieu de travail, celle-ci devrait encore prouver qu’il existait une relation de causalité à tout le moins prépondérante entre son activité professionnelle et la maladie, ce qui supposait qu’elle démontre que la probabilité d’une infection au Covid-19 était deux fois plus élevée pour les infirmiers d’un service de réadaptation que pour l’ensemble de la population. La maladie en cause s’étant propagée à l’occasion d’une pandémie mondiale et aucune donnée épidémiologique n’attestant de ce qui précédait, la preuve ne pouvait être rapportée. Enfin, les experts du J______ avaient établi la présence d’autres problématiques préexistantes non liées à l’évènement annoncé (situations de conflit avec la hiérarchie et harcèlement) qui influençaient l’évolution, et retenaient que l’assurée pouvait reprendre progressivement de manière complète une activité adaptée.

C. a. Par acte du 6 janvier 2025, l’assurée, par l’entremise de son conseil, a interjeté recours contre la décision sur opposition du 20 novembre 2024 devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, préalablement, à ce qu’un délai supplémentaire lui soit octroyé pour compléter son recours et à ce que sa comparution personnelle soit ordonnée. Principalement, elle a conclu à la constatation de la nullité de la décision entreprise, subsidiairement à son annulation, et à ce que son droit aux prestations de l’assurance-accidents soit constaté.

b. Le 13 février 2025, la recourante a complété son recours et a persisté dans ses conclusions.

La décision de reconsidération n’était pas valable car elle statuait en une seule fois sur le principe d’une reconsidération et sur le droit aux prestations. Elle n’était par ailleurs pas justifiée car fondée sur un changement de pratique concernant l’application d’une recommandation de la Commission ad hoc des sinistres LAA, et sur un nouvel avis médical allant à l’encontre des prises de position du médecin-conseil. En l’absence d’une erreur manifeste, l’intimée n’était pas fondée à procéder à une reconsidération. Quant à l’expertise, uniquement bidisciplinaire et réalisée par des médecins non-spécialistes en Covid-19, elle n’était pas probante. Enfin, son cas relevait bien de la maladie professionnelle car, comme le mentionnait la déclaration de sinistre des HUG, elle avait été en contact direct avec des patients contaminés au Covid-19. Son service avait en effet été appelé à s’occuper de plusieurs patients qui s’étaient révélés contaminés. À l’époque, des investigations complémentaires, notamment par analyse sanguine, auraient permis d’établir que la contamination avait bien été contractée auprès des patients dont elle avait la charge, mais ces analyses n’avaient pas été jugées nécessaires par l’intimée et n’étaient, cinq ans après la contamination, plus envisageables. En exigeant désormais qu’elle apporte la preuve irréfutable de sa contamination dans le cadre professionnel, l’intimée violait, en plus des normes légales entourant la reconsidération, ses obligations de bonne foi.

c. Dans son mémoire de réponse du 10 avril 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Les conditions de la reconsidération étaient remplies. Elle avait pris en charge le cas sur la base de la recommandation de la Commission ad hoc des sinistres LAA, puisqu’elle avait été saisie d’une déclaration de sinistre et que la recourante avait présenté des symptômes spécifiques de la maladie. Il convenait cependant, dans un second temps, de s’assurer que les conditions d’une maladie professionnelle étaient réunies, ce qui était l’objet de la procédure de reconsidération. Or, l’affection post-Covid-19 ne constituait pas un tableau clinique à part entière et ne répondait pas à la définition de la maladie au sens de la loi. La CIM-11 comportait certes un code référençant cette maladie mais il s’agissait d’un code provisoire ne permettant en l’état pas de retenir la notion de maladie.

Quand bien même la qualité de maladie devrait être admise, il faudrait néanmoins nier le caractère de maladie professionnelle, la recourante n’ayant pas apporté de preuve fondée sur la science médicale que l’affection au Covid-19 ou l’affection post-Covid-19 étaient dues à l’exercice de l’activité professionnelle d’infirmière à la clinique de B______, ni qu’elle avait dû prodiguer des soins à des patients atteints par le Covid-19 qui nécessitaient des contacts physiques étroits. La présomption que la maladie infectieuse avait été causée par un travail à l’hôpital ne trouvait donc pas application et il était alors, selon la jurisprudence, exclu d’apporter la preuve dans un cas concret de la causalité qualifiée au sens de la loi. Dans le cas d’espèce, aucune donnée épidémiologique n’établissait que la probabilité d’une infection au Covid-19 voire au post-Covid-19 était deux fois plus élevée pour les infirmières exerçant à la clinique de B______ que pour l’ensemble de la population. Il s’agissait au contraire d’une pandémie mondiale s’étant propagée dans l’ensemble de la population. Selon la « recommandation pour le bilan de médecine d’assurance d’une affection post-Covid-19 en Suisse », version 2.0 du 31 juillet 2023, émise par la Swiss Insurance Medicine (SIM), on pouvait supposer que plus de 95% de la population suisse avait été infectée. Il en découlait que l’ensemble de la population avait côtoyé ou fréquenté des personnes infectées par le Covid-19, avec pour conséquence que toute relation de causalité avec une quelconque activité professionnelle était exclue. La même recommandation relevait que le diagnostic de post-Covid-19 était d’autant plus difficile à poser que les symptômes persistants après une infection par le
SRAS-COV-2 étaient certes plus fréquents qu’au sein des groupes témoins négatifs, mais que toutes les études réalisées avec de tels groupes signalaient également la présence significative de ces symptômes au sein du groupe témoin négatif. Ces données permettaient donc de confirmer l’absence de causalité entre l’infection et l’activité professionnelle. Le fait que la recourante ait été testée positive sur son lieu de travail ne permettait pas d’inférer une relation de causalité avec l’activité professionnelle. Les troubles présentés par la recourante ne pouvaient par conséquent être qualifiés de maladie professionnelle et le cas avait à tort été pris en charge.

Enfin, l’intimée a rappelé que même s’il fallait considérer que la recourante souffrait d’une maladie professionnelle, la périarthrite de la hanche gauche ne se trouvait pas en lien de causalité naturelle avec l’infection au Covid-19 selon le rapport d’expertise rendu, et qu’elle ne souffrait pas de troubles psychiques.

d. Par réplique du 3 juin 2025, la recourante a soutenu que la reconsidération menée par l’intimée était contraire au droit, dans la mesure où cette dernière n’avait pas rendu de décision préalable portant sur l’existence de motifs de reconsidération, mais avait immédiatement statué au fond. Son analyse contrevenait de plus au fait qu’il n’existait pas de motif de reconsidération en l’occurrence, l’octroi de prestations ayant été conforme à la recommandation de la Commission ad hoc des sinistres LAA, laquelle préconisait d’admettre la maladie professionnelle si le soignant, infecté au Covid-19, exerçait une activité professionnelle qui exigeait de travailler avec des patients infectés ou contaminés. L’intimée se méprenait par ailleurs lorsqu’elle affirmait que les atteintes dont elle souffrait n’avaient pas valeur de maladie, ni de maladie professionnelle, au motif qu’il appartenait à la personne assurée de démontrer un lien de causalité prépondérante entre les atteintes et l’activité professionnelle. Produisant son planning mensuel du mois de mars 2020, la recourante a au surplus exposé avoir été testée positive au Covid-19 après cinq jours de travail continu au chevet des malades atteints de cette maladie, depuis le 21 mars 2020. Elle avait été la première infirmière testée de son service, durant la première vague de la pandémie, ce alors que les soignants ne disposaient que de très peu de matériel de protection et que les connaissances sur le virus étaient encore balbutiantes. La maladie professionnelle était ainsi établie. Quant à l’argument de l’absence de lien de causalité entre l’infection et les troubles, il relevait d’une certaine mauvaise foi sachant que le médecin-conseil de l’intimée avait admis un tel lien. L’expertise mise en œuvre par l’intimée, non conforme aux prescriptions concernant les expertises en matière de Covid long, n’était par ailleurs pas à même de prouver l’absence d’un lien de causalité. Au moment où l’intimée avait rendu sa décision, seules les prestations de remboursement des soins étaient servies. L’arrêt soudain de cette prise en charge avait eu de très graves conséquences sur son parcours de soins, sachant qu’elle avait dû rechercher des thérapeutes exerçant en France, où le système était engorgé. Son état de santé s’était péjoré à cause de la rupture de la continuité thérapeutique.

e. Par duplique du 18 juin 2025, l’intimée a persisté dans ses conclusions et exposé que la procédure de reconsidération qu’elle avait menée était conforme au droit puisque, lorsque les conditions de celle-ci étaient réunies, l’assureur rendait une nouvelle décision sur le rapport juridique en cause et annulait la décision reconsidérée. Selon la jurisprudence, le dispositif de la décision de reconsidération n’avait même pas besoin de porter sur deux points distincts, soit l’annulation de la première décision puis le rapport juridique modifié. Sa décision de reconsidération ne contrevenait par ailleurs pas à la recommandation de la Commission ad hoc des sinistres LAA, celle-ci imposant de s’assurer pour le versement des indemnités journalières que le cas de maladie professionnelle était par la suite confirmé. La reconsidération dans le cas d’espèce n’était donc pas motivée par le caractère éventuellement erroné de la recommandation ou son éventuelle validité, ni par un quelconque changement de pratique. Quant au fond, l’intimée a indiqué qu’il n’existait aucune preuve scientifique de ce que l’affection au Covid-19 ou au post-Covid-19 serait due à l’exercice de l’activité professionnelle d’infirmière au sein des HUG. Aucun élément ne permettait en effet de retenir que l’infection serait survenue sur le lieu de travail car il n’existait pas de donnée épidémiologique établissant une probabilité au moins deux fois plus élevée d’infection au Covid-19 pour les infirmières exerçant à la clinique de B______ que pour l’ensemble de la population. La recourante n’établissait par ailleurs pas qu’elle avait eu des contacts physiques étroits avec des patients atteints de la maladie, quelles tâches elle aurait accomplies auprès de ces derniers, la manière dont elle s’en serait acquittée et la manière dont elle aurait respecté les mesures de protection spécifiques mises en place.

f. Le 13 août 2025, la recourante a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations complémentaires et a sollicité sa comparution personnelle.

g. Ladite écriture a été transmise à l’intimée pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La compétence de la chambre de céans à raison du lieu est aussi donnée en application de l’art. 58 al. 2 LPGA, le dernier employeur suisse de la recourante – elle-même domiciliée en France – étant sis à Genève.

1.3 Interjeté en temps utile compte tenu des féries de fin d’année, le recours est recevable (art. 60 et 38 al. 4 let. c LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de
l’assurance-accidents, plus particulièrement sur le point de savoir si l’intimée était fondée à rendre la décision du 15 juillet 2024 mettant un terme à la prise en charge.

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 53 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1 ; révision procédurale). L’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2 ; reconsidération).

La norme prévoit les conditions auxquelles une décision administrative rendue par un assureur social et entrée en force peut être soit révisée, soit reconsidérée. Elle vise les cas dans lesquels la décision définitive est entachée d’une irrégularité originaire, parce qu’elle reposait déjà au moment où elle a été rendue sur une erreur de fait ou sur une erreur dans l’application du droit
(Margrit MOSER-SZELESS/Jenny CASTELLA, in Commentaire romand de la LPGA, 2025, n. 11 ad art. 53 LPGA).

En l’occurrence, les parties s’accordent à dire que le cas ne relève pas d’une révision au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, mais d’une reconsidération au sens de l’al. 2 de cette norme, en ce sens que l’octroi initial de prestations reposerait, d’après l’intimée, sur une application erronée du droit.

3.2 La reconsidération au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA porte sur une décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées
(ATF 130 V 319 consid. 5.2). Elle vaut donc aussi pour les prestations qui ont été accordées sans avoir fait l’objet d’une décision formelle (décision implicite prise dans le cadre d’une procédure simplifiée au sens de l’art. 51 al. 1 LPGA ; arrêt du Tribunal fédéral C 32/07 du 7 décembre 2007 consid. 3.1 et la référence).

Les indemnités journalières de l’assurance-accidents, en tant qu’elles ne sont pas mentionnées à l’art. 124 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) – disposition recensant les objets sur lesquels les assureurs doivent se prononcer par voie de décision –, peuvent faire l’objet d’une procédure simplifiée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_736/2023 du 2 octobre 2024 consid. 6.2.1 et les références). Il en va de même des prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 ss LAA), celles-ci n’étant pas non plus listées à l’art. 124 OLAA.

Par conséquent, l’absence de décision formelle préalable portant sur les indemnités journalières et la prise en charge du traitement médical n’empêchait pas l’intimée de procéder par la voie de la reconsidération sur ces deux points.

Contrairement à ce qu’affirme la recourante, aucune disposition légale ou principe issu de la jurisprudence n’impose en outre à l’assureur social de procéder en deux temps lorsqu’il initie lui-même la reconsidération, à savoir qu’il devrait, dans un premier temps, se prononcer par une décision préalable sur l’existence de motifs de reconsidération, avant de statuer, dans un second temps, au fond. Les considérations qu’elle élève se rapportent à des situations dans lesquelles la reconsidération intervient à la demande de la personne assurée, l’assureur déterminant alors librement s’il entre en matière sur la demande (première étape, non soumise à opposition ou à un contrôle juridictionnel, cf. ATF 133 V 50 consid. 4.1), et, dans l’affirmative, examine s’il admet ou rejette les motifs de reconsidération (seconde étape). S’il entre en matière mais considère qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de la décision initiale et statue par une décision de refus de reconsidération, le contrôle juridictionnel dans la procédure de recours subséquente se limite alors au point de savoir si les conditions d’une reconsidération (inexactitude manifeste de la décision initiale et importance notable de la rectification) sont réunies (ATF 119 V 475 consid. 1b/cc). Si, à l’inverse, l’assureur social considère que les conditions de la reconsidération sont données et rend dès lors une décision qui s’écarte de son prononcé initial, cette nouvelle décision est soumise aux voies de droit ordinaires et le juge peut, sur recours, la contrôler de manière étendue (Margrit MOSER-SZELESS/
Jenny CASTELLA, op. cit., n. 92 ad art. 53 LPGA).

3.3 Pour juger s’il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu’elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l’époque (ATF 125 V 383 consid. 3). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit, de même qu’une constatation erronée résultant de l’appréciation des faits. Un changement de pratique ou de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c ; 115 V 308 consid. 4a/cc).

Selon la jurisprudence, la condition du caractère manifestement erroné est réalisée lorsque la décision a été rendue en violation manifeste du principe inquisitoire (cf. art. 43 al. 1 LPGA) sur la base d’un état de fait établi de manière incomplète. L’exigence du caractère manifestement erroné de la décision est également réalisée lorsque le droit à des prestations d’assurance a été admis en application des fausses bases légales ou que les normes déterminantes n’ont pas été appliquées ou l’ont été de manière incorrecte (ATF 140 V 77 consid. 3.1 ;
138 V 147 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_375/2020 du 2 février 2021 consid. 4.3).

Pour des motifs de sécurité juridique, l’irrégularité doit être manifeste, de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d’application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l’octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l’examen suppose un pouvoir d’appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S’il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas remplies (arrêt du Tribunal fédéral 8C_108/2022 du 22 septembre 2022 consid. 3.3).

3.4 Il appartient à l’assureur de déterminer les effets dans le temps de la reconsidération (arrêt du Tribunal fédéral I 276/04 du 28 juillet 2005 consid. 2.2). Ainsi, même si la reconsidération a en principe un effet rétroactif (ex tunc), une reconsidération qui produit des effets ex nunc n’est pas contraire au droit fédéral (ATF 110 V 291 consid. 3c ; Margrit MOSER-SZELESS/Jenny CASTELLA,
op. cit., n. 96 ad art. 53 LPGA).

Selon la jurisprudence, l'assureur-accidents a la possibilité de mettre fin avec effet ex nunc et pro futuro à son obligation de prendre en charge le cas, qu'il avait initialement reconnue en versant des prestations, sans devoir invoquer un motif de reconsidération ou de révision procédurale. Il peut liquider le cas en alléguant le fait qu'un événement assuré - selon une appréciation correcte de la situation - n'est jamais survenu, ou que l'existence d'un lien de causalité doit être niée
(ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral a précisé en outre que les frais de traitement et l'indemnité journalière ne constituent pas des prestations durables au sens de l'art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations visées par cette disposition légale (ATF 137 V 424 consid. 3.1 et la référence) ne sont pas applicables (ATF 133 V 57 consid. 6.7 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_901/2011 du 19 décembre 2012 consid. 3.2 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 2.1).

La suppression de prestations, mêmes temporaires (indemnité journalière et traitement médical), ne peut intervenir que par le biais d’une décision formelle, à l’exclusion d’une procédure informelle (ATF 132 V 412 consid. 4).

3.5 En l’occurrence, l’intimée a bien rendu une décision de nature formelle, contre laquelle la recourante a d’ailleurs pu former opposition.

Bien qu’elle ait considéré que l’octroi d’indemnités journalières et la prise en charge du traitement médical étaient erronés, l’intimée a expressément indiqué, dans sa décision de reconsidération du 15 juillet 2024, qu’elle mettait fin à la prise en charge le jour même. Ce faisant, elle a procédé à la reconsidération avec effet ex nunc et pro futuro, et renoncé à réclamer la restitution des prestations déjà allouées.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner s'il existe ou non un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale). Il suffit d'examiner si, selon une appréciation correcte de la situation, l’infection de la recourante au Covid-19 répond à la notion de maladie professionnelle et, cas échéant, si les troubles qu’elle a présentés sont en lien de causalité avec cette affection.

4.              

4.1 En vertu de l’art. 6 al. 1 LAA, si la loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies
(art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux ; le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent.

Se fondant sur cette délégation de compétence – à laquelle renvoie
l’art. 14 OLAA –, le Conseil fédéral a dressé à l’annexe 1 de l’OLAA la liste des substances nocives, d’une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d’autre part. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.2 et les références).

Le ch. 2 let. b par. 4 de l’annexe 1 de l’OLAA énonce que sont réputées affections dues à certains travaux au sens de l’art. 9 al. 1 de la loi les maladies infectieuses contractées lors de travaux dans des hôpitaux, des laboratoires, des instituts de recherches et établissements analogues.

Aux termes de l’art. 9 al. 2 LAA, sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle. Il s’agit là d’une clause générale visant à combler les lacunes qui pourraient résulter de ce que la liste dressée par le Conseil fédéral à l’annexe 1 de l’OLAA ne mentionne pas soit une substance nocive qui a causé une maladie, soit une maladie qui a été causée par l’exercice de l’activité professionnelle
(ATF 119 V 200 consid. 2b ; 117 V 354 consid. 2b ; 114 V 109 consid. 2b et les références).

Selon la jurisprudence, l’exigence d’une relation prépondérante requise par
l’art. 9 al. 1 LAA est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50% à l’action d’une substance nocive ou à certains travaux mentionnés à l’annexe 1 de l’OLAA (ATF 133 V 421 consid. 4.1 ; 119 V 200 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.2).

L’art. 9 al. 2 LAA exige quant à lui un lien exclusif ou nettement prépondérant – parfois appelé causalité qualifiée – qui n’est réalisé que si la maladie a été causée à 75% au moins par l’exercice de l’activité professionnelle. Ce taux de 75% signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d’une profession déterminée, qu’il doit être démontré, sur la base des statistiques épidémiologiques ou des expériences cliniques, que les cas de lésions pour un groupe professionnel déterminé sont quatre fois plus nombreux que ceux enregistrés dans la population en général. Le point de savoir si une affection est une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA est d’abord une question relevant de la preuve dans un cas concret. Cependant, s’il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu’en raison de la nature d’une affection particulière, il n’est pas possible de prouver que celle-ci est due à l’exercice d’une activité professionnelle, il est hors de question d’apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l’art. 9 al. 2 LAA (ATF 126 V 183 consid. 2a et consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_483/2022 du 13 mars 2023 consid. 3.2).

Sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s’est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (art. 6 LPGA ; art. 9 al. 3 LAA).

4.2 Au sujet du Covid-19, le Tribunal fédéral a jugé qu’une assurée, qui travaillait comme psychologue dans une clinique et ne s’occupait pas elle-même de patients atteints d’une infection aiguë au Covid-19, n’était pas exposée au risque de contamination spécifique d’un poste de travail dangereux pour la santé dans un hôpital. Son infection au Covid-19 n’était donc pas une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 1 LAA en lien avec le ch. 2 let. b de l’annexe 1 de l’OLAA (ATF 150 V 460 consid. 4.7). Il en a jugé de même s’agissant d’une psychiatre cheffe de clinique qui n’était pas chargée de dispenser des soins aux patients atteints d’une forme aiguë de Covid-19 ou d’une assistante médicale employée dans un cabinet gynécologique de groupe, laquelle n’assumait pas non plus ces fonctions (arrêts du Tribunal fédéral 8C_524/2023 du 7 août 2024 consid. 5.2 et 8C_378/2024 du 30 octobre 2024 consid. 5.2).

En revanche, il a considéré qu’une assurée, assistante en soins et santé communautaire, chargée de soigner à l’hôpital des patients atteints du Covid-19 qui nécessitaient un contact physique étroit, exerçait une activité présentant le risque spécifique d’un poste de travail dangereux pour la santé à l’hôpital au sens du ch. 2 let. b de l’annexe 1 de l’OLAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du 4 décembre 2024).

En matière de preuve, il existe une présomption naturelle (sous réserve de preuve contraire convaincante) qu’il y a maladie professionnelle si l’une des maladies énumérées dans la liste est apparue et si l’assuré exerce l’activité correspondante décrite dans l’annexe de l’OLAA. Cependant, la présomption qu’une maladie infectieuse ait été causée par le travail à l’hôpital ne se justifie que si cette activité comporte un risque spécifique défini par le législateur comme dangereux pour la santé. Ainsi, toute activité dans un hôpital, un laboratoire ou un institut de recherche ne peut être considérée comme dangereuse pour la santé
(ATF 150 V 460 consid. 4.6 avec références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_524/2023 du 7 août 2024 consid. 5.1).

Dans le cas de l’assistante en soins et santé communautaire, au vu des tâches exercées, le Tribunal fédéral a jugé qu’il existait une présomption naturelle, en l’absence de preuve contraire concluante, que l’infection de l’assurée au Covid-19 était une maladie professionnelle. Il a précisé que lorsque les conditions de la présomption sont remplies, aucune investigation supplémentaire n’est nécessaire pour déterminer à quelle occasion l’infection a eu lieu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du 4 décembre 2024 consid. 5 et 6).

La Commission ad hoc des sinistres LAA a par ailleurs établi à l’intention des assureurs-accidents une recommandation en matière d’affections au sens de l’annexe 1 ch. 2 let. b OLAA (recommandation n° 1/2003, intitulée « Affections au sens de l’annexe 1, ch. 2, let. b OLAA » émise le 22 mai 2003 et révisée pour la dernière fois le 23 décembre 2020). Cette recommandation reconnaît l’affection au Covid-19 comme pouvant être attribuée, d’un point de vue médical, à un groupe de maladies énoncées dans l’annexe 1 ch. 2 let. b OLAA. Si les conditions supplémentaires requises pour ce groupe d’affections sont remplies, soit, dans le cas des maladies infectieuses, lors d’une activité professionnelle exercée dans un hôpital, un laboratoire, un institut de recherche et autres établissements analogues, des prestations au titre de la LAA peuvent être dues au titre de maladie professionnelle. La Commission ad hoc des sinistres LAA précise encore qu’en cas de maladies infectieuses, transmissibles chez l’être humain, la caractéristique essentielle et décisive d’une exposition pour raison professionnelle ou durant l’exercice de la profession est celle selon laquelle cette activité professionnelle exige de travailler avec des patients infectés ou contaminés, par exemple dans un hôpital, ou de travailler dans un environnement fortement infecté/infectieux ou contaminé comme un laboratoire ou un institut de recherches.

Ces recommandations n’ont toutefois pas valeur d’ordonnances administratives, ni de directives d’une autorité de surveillance aux autorités d’exécution de la loi. Il s’agit de simples recommandations qui ne lient pas le juge (ATF 144 V 411 consid. 4.7), même si elles ne sont pas dénuées d’importance du point de vue de l’égalité de traitement des assurés (ATF 134 V 277 consid. 3.5).

4.3 Selon la définition donnée par l’organisation mondiale de la santé (ci‑après : OMS), le 6 octobre 2021 (consensus de Delphi), une affection post Covid-19 survient après une infection très probable ou avérée par le SARS COV-2, généralement trois mois après que le Covid-19 s’est déclaré. Ses symptômes durent au moins deux mois et ne peuvent pas être expliqués par un autre diagnostic. Les symptômes fréquents comprennent fatigue, essoufflement, troubles cognitifs, mais aussi d’autres problèmes qui retentissent sur la vie quotidienne. Ils peuvent réapparaître après la guérison d’un Covid-19 aigu ou perdurer au-delà de la durée de la maladie initiale. Ils peuvent être fluctuants ou récurrents.

Selon la recommandation pour le bilan de médecine d’assurance d’une affection post-Covid 19 en Suisse (version 2.0), établie le 31 juillet 2023 par le Groupe de travail post-Covid-19 – Médecine d’assurance, de l’Hôpital universitaire de Bâle, soumise à la SIM, l’infection par le virus SARS-COV-2 déclenche une réaction immunologique, dont la conséquence est une atteinte multisystémique qui peut affecter les fonctions de nombreux organes, y compris le cerveau. La production du virus dépend de la réaction du système immunitaire de l’hôte et des propriétés des différents variants du SARS-COV-2. Par ailleurs, le virus présente une affinité tissulaire pour les cellules des voies respiratoires hautes et basses, en particulier, mais aussi pour d’autres types de tissus, tels que : l’intestin, le système nerveux central, le foie, les reins, le cœur et les vaisseaux sanguins. La maladie est, par conséquent, corrélée à un large éventail de symptômes. L’intensité de la réponse immunitaire de la personne infectée dépend de différents facteurs tels que l’âge, le sexe, les maladies antérieures, mais aussi le variant du virus ; elle détermine l’évolution de la maladie et sa sévérité, sachant que des réinfections plus ou moins graves sont également possibles après la fin de la primo-infection. En conséquence, l’affection post-Covid-19 peut se manifester par des symptômes très divers. De ce fait, en dehors de lésions organiques pour lesquelles elle peut être clairement incriminée, l’affection post-Covid-19 est encore incomplètement comprise et s’avère multifactorielle. Il est toutefois établi que des séquelles de l’affection post-Covid-19 peuvent se retrouver dans différents domaines de spécialité : complications pneumologiques (dyspnée, toux, limitation de la capacité physique et troubles du sommeil), complications cardiovasculaires (accidents ischémiques cérébraux, infarctus du myocarde, risque accru de maladies cardiovasculaires [accidents vasculaires cérébraux, arythmies cardiaques, cardiopathies ischémiques et non ischémiques, péricardite et myocardite, insuffisance cardiaque et thromboembolie]), complications neurologiques et neurocognitives (problèmes d’odorat et de goût, céphalées et douleurs musculaires, syndrome d’épuisement général avec fatigue organique, problèmes de mémoire, de concentration, troubles sensoriels et dysautonomies, etc.), complications rhumatologiques (myosite, vasculite, glomérulonéphrite, myocardite, arthrite et tableau Kawasaki-like, maladie auto‑immune [chronique]), complications ORL (troubles aigus de l’odorat). Les pathologies préexistantes, telles que par exemple l’asthme, la fatigue chronique, les céphalées, la dyspnée ou encore les myalgies, accroissent le risque d’affection post-Covid-19. Chez les patients ayant développé une forme grave de Covid-19 mais aussi, dans une moindre mesure, dans des cas d’infection légère à moyenne, des troubles psychiques notables ont été constatés, avec une incidence élevée de troubles anxieux, affectifs, et d’états de stress post-traumatique mais aussi de problèmes de dépendance. La place des facteurs psychosociaux dans la genèse des troubles psychiques pourrait toutefois être un cofacteur important. Il importe de tenir compte des difficultés individuelles de la vie quotidienne liées à la pandémie, en général et à la maladie (quarantaine, isolement, difficultés au travail, violence intrafamiliale en confinement, deuil et solitude), qui peuvent provoquer des troubles psychiques (anxiété, dépression, stress post-traumatique, troubles fonctionnels) ou aggraver des troubles existants, en particulier chez les personnes présentant des vulnérabilités psychiques (cf. ATAS/984/2023 du
14 décembre 2023 consid. 6.1-6.2).

5.             L’intimée avance plusieurs motifs s’opposant selon elle à la qualification de maladie professionnelle de l’affection post-Covid-19 (ou Covid long).

5.1 Elle soutient tout d’abord qu’une telle affection ne constitue pas un tableau clinique à part entière et ne répond donc pas à la définition de maladie au sens des art. 3 LPGA et 9 al. 1 LAA, du fait que la CIM-11 ne contiendrait qu’un code provisoire la référençant. La doctrine serait par ailleurs d’un avis similaire.

Aux termes de l’art. 3 al. 1 LPGA, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.

L’art. 3 al. 1 LPGA comporte ainsi deux éléments constitutifs, l’un médical (l’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique) et l’autre fonctionnel (la nécessité d’un examen ou d’un traitement médical, respectivement l’incapacité de travail). Concernant le premier élément, une atteinte matérielle au corps, aux facultés intellectuelles ou émotionnelles et cognitives doit être constatée ; pour être qualifiable de maladie, l’origine de l’atteinte à la santé doit de plus résider dans un phénomène pathologique. Concernant le second élément, pour répondre à la définition juridique de la maladie, l’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique doit engendrer un besoin de prestations sociales ; l’atteinte doit ainsi atteindre une certaine ampleur ou intensité et nécessiter objectivement un examen ou un traitement médical, ou alors provoquer une incapacité de travail
(Stéphanie PERRENOUD, in Commentaire romand de la LPGA, 2025, n. 17, 18 et 20 ad art. 3 LPGA et les références).

L’intimée ne discute pas la réalisation de ces conditions. Elle ne conteste en particulier pas que la recourante a été atteinte dans sa santé, notamment physique, sous l’effet d’un phénomène pathologique, et que son état a nécessité des examens et traitements médicaux et a entraîné une incapacité de travail.

S’agissant des maladies infectieuses, une partie de la doctrine relève en outre que, selon l’OMS, celles-ci sont causées par des microorganismes pathogènes, tels que les bactéries, les virus, les parasites ou les champignons ; ces maladies peuvent se transmettre, directement ou indirectement, d’une personne à l’autre. Elle admet ainsi expressément que le Covid-19, tant sous l’angle médical que du point de vue assécurologique, est une maladie infectieuse entrant dans l’énumération des affections de l’annexe 1 ch. 2 let. b OLAA (Gaëlle BARMAN IONTA/David IONTA, COVID-19 sous l’angle de la maladie professionnelle, in Assurances sociales et pandémie de Covid-19, 2021, p. 70).

Par ailleurs, dans sa jurisprudence développée jusqu’à présent au sujet du
Covid-19, notre Haute Cour a expressément admis que, selon les situations, une infection au Covid-19 ou un Covid long, pouvaient constituer des cas de maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 1 LAA (ATF 150 V 460 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du 4 décembre 2024). Une telle qualification n’aurait pu être retenue en l’absence de maladie au sens de l’art. 3 LPGA, l’art. 9 al. 1 LAA renvoyant expressément à cette disposition.

Il sied également de prendre en considération que l’OAI a octroyé à la recourante une rente de l’assurance-invalidité, ce qui suppose aussi l’existence d’une maladie, le cas ne relevant à l’évidence ni d’une infirmité congénitale, ni d’un accident (cf. art. 4 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 [LAI - RS 831.20]).

Quant à l’argument selon lequel l’affection post-Covid-19 ne pourrait avoir valeur de maladie en raison de ce que la CIM-11 ne comporterait qu’un code provisoire la référençant (RA02), il doit être rejeté. L’art. 3 al. 1 LPGA ne fait en effet pas dépendre la reconnaissance d’une maladie à son recensement définitif dans un système reconnu de classification des différentes maladies. Le fait que l’affection post-Covid-19 soit ainsi référencée, dans la CIM-11, sous un code provisoire de maladies, plus particulièrement apparaisse dans la catégorie « attribution internationale provisoire de nouvelles maladies d’étiologie incertaine et à usage urgent », en raison de sa relative nouveauté et de l’absence de consensus scientifique sur son étiologie, ne plaide pas en défaveur de la reconnaissance de sa qualité de maladie au sens du droit suisse, s’agissant d’une définition juridique et non purement médicale.

Les auteurs cités par l’intimée retiennent par ailleurs eux-mêmes que la notion juridique de maladie au sens de l’art. 3 LPGA ne se recoupe pas obligatoirement avec celle médicale (Philipp EGLI/Matthias KRADOLFER/Kerstin Noëlle VOKINGER, « Long Covid », in RSAS 2021, 169 ss, p. 177). Au surplus, s’ils estiment certes que l’affection de Covid long ne constitue à l’heure actuelle pas un tableau maladif à part entière et ne peut, dans cette mesure, remplir la définition de maladie, ils admettent néanmoins que les manifestations individuelles concrètes en réaction à une infection aigüe, notamment le syndrome de fatigue post-virale (G93.3 selon la CIM-10) ou la dyspnée (R06.0), revêtent les caractéristiques d’une maladie au sens de l’art. 3 LPGA, pour autant qu’elles soient suffisamment graves (EGLI/ KRADOLFER/VOKINGER, op. cit., p. 178).

Or, en l’occurrence, l’intimée ne conteste pas que les différents symptômes mis en avant par les médecins traitants, qui se recoupent avec les manifestations du Covid long, soient codés de manière spécifique dans la CIM-11 (notamment, dyspnée [MD11.5], tachycardie sinusale [MC81.0], fatigue [MB22.7], myalgies [FB56.2] et trouble de stress post-traumatique [6B40]).

Les arguments développés par l’intimée en lien avec l’art. 3 LPGA doivent ainsi être écartés.

5.2 L’intimée soutient dans un deuxième temps que l’affection au Covid-19, pour autant qu’elle soit considérée comme une maladie, ne pourrait être qualifiée de maladie professionnelle au sens de l’art. 9 LAA. Elle ne conteste pas que l’affection au Covid-19 constitue une maladie infectieuse au sens de l’annexe 2 OLAA [recte : ch. 2 de l’annexe 1 OLAA] ni que l’activité d’infirmière au sein des HUG corresponde à la notion de « travaux dans des hôpitaux », mais estime qu’il n’est pas prouvé qu’une telle affection, ou l’affection de post-Covid-19, soient dues exclusivement ou de manière prépondérante à l’exercice de ladite profession. Plus particulièrement, la recourante ne disposerait d’aucune preuve scientifique que les affections susvisées seraient dues à l’exercice de l’activité professionnelle d’infirmière à la clinique de B______ et ne prouverait pas qu’elle aurait dû prodiguer des soins à des patients atteints par le Covid-19. Il n’existait aucune donnée épidémiologique établissant que la probabilité d’une infection au
Covid-19 ou au post-Covid-19 serait deux fois plus élevée pour les infirmières exerçant à la clinique de B______ que pour l’ensemble de la population ; l’inverse découlait au contraire de la situation de pandémie reconnue à l’infection de Covid-19 puisque, selon les données officielles, plus de 95% de la population suisse avait été infectée. La recourante ne serait ainsi pas fondée à apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens des art. 9 al. 1 et
2 LAA.

5.2.1 S’agissant des tâches concrètes exercées par la recourante dans son activité à la clinique de B______, il peut être constaté qu’elle a été engagée en qualité d’infirmière diplômée et que, selon l’expérience générale, une telle profession implique la prise en charge des patients et des contacts physiques directs avec ceux-ci. De plus, selon le rapport transmis par les HUG à l’OAI le 24 juin 2021 décrivant le poste de travail, la recourante réalisait plusieurs tâches de soins aux patients ; les activités visant à « soutenir et accompagner le patient » et « délivrer des soins aigus techniques » étaient en particulier exercées de façon soutenue, la case « souvent » ayant été cochée, correspondant à une durée de travail entre 3 heures et 5 ¼ heures par jour.

Par ailleurs, il ressort de la déclaration d’accident remplie par l’employeur que la recourante avait été en contact avec des patients et collaborateurs infectés par le Covid-19. L’intimée ne conteste pas cet élément, ni n’a sollicité aucune précision complémentaire des HUG au sujet du nombre de patients ou collaborateurs atteints. Lors d’un entretien téléphonique du 18 septembre 2020 avec l’intimée, la recourante a également d’emblée fourni l’explication qu’elle avait été infectée par le contact avec des collègues ou patients positifs. Elle a en outre été testée positive le 26 mars 2020, soit à une période où les hôpitaux, à tout le moins les HUG à Genève, faisaient notoirement face à de nombreux cas de patients positifs à ce virus.

Au vu de ce qui précède, l’intimée n’apporte aucun élément concret qui permettrait de douter des affirmations de l’employeur et de la recourante concernant le fait que celle-ci soignait des personnes atteintes du Covid-19 à la période pendant laquelle elle a été infectée.

Comme l’a de plus déjà affirmé le Tribunal fédéral, le fait que le lieu de travail de la personne assurée ne soit pas une unité de soins intensifs (« Intensivstation ») ne s’oppose pas à la reconnaissance du risque spécifique de l’activité professionnelle en cause, si celle-ci implique des soins à donner aux patients et des contacts physiques rapprochés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du
4 décembre 2024 consid. 5).

Contrairement à ce que prétend l’intimée, il doit ainsi être retenu que la recourante était bel et bien en contact étroit avec des patients de la clinique atteints du
Covid-19 dans le cadre de son activité professionnelle, de sorte que cette activité l’exposait à un risque de contamination spécifique.

Cette situation correspond par ailleurs à la première éventualité reconnue par la Commission ad hoc des sinistres LAA d’une exposition à une maladie professionnelle pour raison professionnelle.

5.2.2 S’agissant ensuite de l’argument selon lequel la recourante n’apporterait aucune preuve fondée sur la science médicale que l’affection au Covid-19 ou celle de post-Covid-19 seraient dues à l’exercice de l’activité professionnelle, en ce sens qu’elle ne pourrait se prévaloir d’aucune donnée épidémiologique établissant une probabilité d’infection deux fois supérieure pour les infirmières à la clinique de B______ que pour le reste de la population au vu de la situation de pandémie et de ce que l’infection avait touché plus de 95% de la population, il doit aussi être rejeté.

Contrairement à ce qu’infère l’intimée de la jurisprudence qu’elle cite (arrêt du Tribunal fédéral 8C_516/2020 du 3 février 2021), dans le cas particulier d’affections listées dans l’annexe 1 OLAA en relation avec des travaux particuliers référencés, il existe une présomption naturelle de maladie professionnelle, et la charge de la preuve contraire appartient à
l’assureur-accidents (ATF 150 V 460 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du 4 décembre 2024 consid. 5). L’arrêt dont se prévaut l’intimée ne permet pas de retenir le contraire. Tout comme les précédents jurisprudentiels sur lesquels il se fondait, il concernait en effet une tendinite, soit une affection ne figurant pas à l’annexe 1 de l’OLAA. Le cas ne relevait ainsi pas de
l’art. 9 al. 1 LAA, mais de l’art. 9 al. 2 LAA.

Au vu de la présomption naturelle de maladie professionnelle si l’une des affections listées à l’annexe 1 OLAA se manifeste en lien avec certains travaux énumérés dans cette même annexe, il n’appartient pas à la personne assurée de prouver, par le biais de données épidémiologiques, que le risque qu’elle développât la maladie concernée était deux fois plus élevé que pour le reste de la population. Une telle exigence rendrait en effet pratiquement inopérant l’art. 9 al. 1 LAA dans les cas de maladies infectieuses ayant touché une large partie de la population, comme il en est allé lors de la pandémie de Covid-19. Ceci irait manifestement à l’encontre du but recherché par la disposition en cause et contreviendrait à la faculté accordée au Conseil fédéral de déterminer quelles affections favorisées par quels travaux doivent être considérées comme des maladies professionnelles, sous réserve d’une preuve contraire concluante.

Compte tenu de ce qui précède, à l’inverse de la situation jugée par la chambre de céans dans l’ATAS/132/2024 du 29 février 2024 qui concernait une assurée secrétaire de direction d’un établissement médico-social sans contacts directs avec des patients, il n’appartient pas à la recourante de démontrer qu’elle a été contaminée sur son lieu de travail. Le Tribunal fédéral s’est d’ores et déjà expressément prononcé en ce sens : « Sind die Voraussetzungen für die Geltung der natürlichen Vermutung wie hier gegeben, bedarf es keiner weiteren Abklärungen, bei welcher Gelegenheit die Infektion stattgefunden habe » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du 4 décembre 2024 consid. 5).

Il sied encore de souligner que les statistiques citées par l’intimée faisant état de ce que plus de 95% de la population suisse aurait été infectée par le Covid-19 et l’affirmation de ce que la recourante aurait été exposée à une quantité de source d’infection à cette maladie tout aussi élevée à l’extérieur de son lieu de travail, notamment dans le cadre de ses relations sociales et familiales, ne permettent pas de renverser la présomption naturelle découlant de l’art. 9 al. 1 LAA. La source de contamination n’étant en l’occurrence pas connue, l’intimée échoue à démontrer, par une preuve contraire concluante, que l’infection n’est pas liée à l’exercice de la profession d’infirmière dans un hôpital. Une contamination dans les magasins ou les transports publics constitue uniquement une hypothèse qui ne suffit pas, compte tenu des circonstances, à la rendre plus vraisemblable que celle d’une infection dans le cadre de l’activité professionnelle à l’hôpital (ATAS/ 247/2025 du 8 avril 2025 consid. 5.1.1 et la référence).

5.3 Il s’ensuit que c’est à tort que l’intimée estime que le cas ne relève pas d’une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 1 LAA. Son refus de prester pour ce motif est donc infondé.

6.             L’intimée avance encore que l’expertise rendue par les Drs K______ et L______ permettrait de nier un quelconque trouble sur le plan psychique et démontrerait l’absence de lien de causalité naturelle entre la périarthrite de la hanche gauche et l’infection au Covid-19. Dans sa décision sur opposition, l’intimée se référait par ailleurs à l’expertise du J______ pour affirmer que la recourante pouvait reprendre progressivement de manière complète (comme avant l’infection) une activité adaptée.

Il y a par conséquent lieu d’examiner la force probante de cette expertise, en rappelant au préalable certaines règles d’appréciation des preuves en matière d’assurances sociales.

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales
(cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

6.2 En matière de Covid long, dans sa recommandation du 31 juillet 2023, le Groupe de travail post-Covid-19 préconise de faire la distinction entre les cas présentant des complications d’organe avérées (typiquement après avoir développé une forme grave de Covid-19) et les cas où la fatigue, le malaise
post-effort (MPE, soit une aggravation ou la réapparition des symptômes après un effort ou un surmenage physique ou mental) et les troubles cognitifs sont au premier plan (typiquement après avoir développé une forme légère de Covid-19).

Dans le premier groupe, les séquelles à long terme sont généralement faciles à appréhender et touchent le système d’organes affecté ainsi que les troubles cognitifs et les séquelles neurologiques du traitement intensif. Les limitations peuvent généralement être évaluées de manière objective à l’aide des outils diagnostiques des disciplines en question, et la causalité peut être clairement attribuée.

Les personnes concernées qui se plaignent de symptômes persistants, en particulier de fatigue, de malaise post-effort et de troubles cognitifs, après une forme de Covid-19 légère à éventuellement modérée, doivent faire l’objet d’un diagnostic différentiel méticuleux par un expert afin d’évaluer la causalité, le degré de gravité et donc la capacité de travail, ainsi que les options thérapeutiques.

Le groupe de travail recommande donc un bilan interdisciplinaire, adossé au questionnaire EPOCA [Evidence-based Post-Covid-19-Assesssment], composé d’une expertise de base et d’expertises complémentaires éventuelles pour les différents symptômes spécifiques (organes affectés) ainsi que d’une anamnèse liée au poste de travail, réalisée par un tiers.

Si les symptômes persistent pendant plus de douze mois (ou en cas de convalescence après une forme grave, après la fin des mesures thérapeutiques), le groupe de travail préconise une expertise de base en médecine interne/infectiologie et en neurologie/neuropsychologie. Selon les autres symptômes et troubles cardinaux, des spécialistes en pneumologie, rhumatologie, E______, ORL ou psychiatrie peuvent être consultés si nécessaire, en vue de compléter l’exploration dans le cadre de l’expertise en fonction des symptômes. Ces spécialistes doivent utiliser, pour l’examen des symptômes post-Covid-19, des instruments bien établis, sensibles et spécifiques, instruments servant à vérifier objectivement la plausibilité des troubles dans le cas d’espèce et à déterminer le degré de sévérité des restrictions.

L’expertise en médecine interne/infectiologie est un bilan servant à confirmer le diagnostic en tenant compte des diagnostics différentiels d’autres causes, à relever l’anamnèse détaillée de la maladie et des symptômes, à discerner les symptômes consécutifs aux lésions directes des organes, à identifier les autres disciplines éventuellement nécessaires (par exemple E______, pneumologie) et à établir la plausibilité, l’origine et l’intégration des autres résultats des examens du point de vue virologique et infectieux. Elle s’intéresse aux mêmes paramètres que le questionnaire EPOCA et s’appuie, dans l’idéal, sur les données d’historique déjà relevées dans celui-ci.

Quant à l’expertise en neurologie/neuropsychologie, elle se justifie du fait que les troubles neurologiques et neuropsychologiques constituent un groupe de symptômes déterminant pour la réadaptation professionnelle. Les déficits d’attention, de mémoire, de rapidité et de flexibilité mentales (fonctions exécutives), ainsi que la fatigabilité accrue et le malaise post-effort sont les symptômes neuropsychologiques les plus fréquemment rapportés. L’expertise neurologique sert à identifier les séquelles objectives d’un Covid-19 dans le système nerveux central et périphérique, par l’examen clinique et, si besoin, des examens complémentaires (par exemple IRM, ENMG), et d’identifier l’origine des symptômes neurologiques et neurocognitifs dans ce contexte. L’expertise neuropsychologique sert à identifier et objectiver les déficits neurocognitifs et la fatigue chronique et à valider les symptômes. Elle aide à distinguer ceux-ci des répercussions psychiques primaires du Covid-19.

6.3 En l’espèce, l’expertise rendue par les Drs K______ et L______ portait sur des volets en médecine interne générale et en psychiatrie. Contrairement à ce que recommande le Groupe de travail post-Covid-19, il n’y a pas eu d’examen sous l’angle de l’infectiologie, de la neurologie ou de la neuropsychologie, alors même que la recourante se plaint d’une fatigabilité accrue et de troubles cognitifs et a présenté des malaises post-effort. Les experts ne se sont pas appuyés sur le questionnaire EPOCA afin de rendre leurs conclusions, celui-ci intégrant plusieurs tests qui n’ont pas été réalisés (notamment, concernant la fatigue, le Fatigue Severity Scale [FSS] et, pour les problèmes respiratoires, le Chronic Respiratory Questionnaire [CRQ]). Ils n’ont par ailleurs pas exposé les raisons pour lesquelles des investigations supplémentaires, notamment en rhumatologie ou en pneumologie, n’auraient pas été nécessaires afin d’élucider l’état de faits, alors même que des compléments d’expertise sur ces points paraissaient a priori pertinents au vu des pathologies présentées par la recourante, notamment la périarthrite de la hanche gauche et la dyspnée.

Pour ce motif déjà, l’expertise, qui ne répond pas aux exigences spécifiques en matière d’affection post-Covid-19, n’apparaît pas concluante.

Plusieurs éléments particuliers du rapport d’expertise laissent en outre douter de ses conclusions.

Le Dr K______ note par exemple que seul le déconditionnement relève de la médecine somatique, de sorte que son appréciation ne porte que sur ce facteur, et non sur la fatigue, la lenteur de récupération et les troubles cognitifs (cf. expertise, p. 13, § 5.4 portant sur le statu quo ante ou sine). Il mentionne cela étant, à titre de limitations fonctionnelles, la fatigue, la fatigabilité, une tolérance moindre aux efforts physiques et psychiques avec un besoin de récupération accru, des troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire, tout en relevant que ces limitations ne sont pas de nature strictement somatique selon les connaissances actuelles sur le Covid-19 et l’affection post-Covid-19 ; concernant la capacité de travail, il retient une diminution de rendement de 30% en raison du déconditionnement et du besoin de pauses supplémentaires (cf. expertise, p. 15, § 8.2 et 8.3). Au vu de ce qui précède, il subsiste un doute sur le fait de savoir si l’analyse de la capacité de travail de la recourante intègre tous les facteurs déterminants, en particulier la fatigue et les troubles de la concentration.

En outre, l’expert en médecine interne indique s’écarter des conclusions de l’OAI ayant octroyé à la recourante une rente complète durant quelques mois puis une demi-rente à partir d’août 2023, n’en connaissant pas les motifs. Il n’a ainsi pas pris connaissance des avis du SMR, pourtant transmis au centre d’expertise par l’intimée le 18 décembre 2023, ce qui laisse douter de l’étude attentive du dossier médical.

L’analyse de la stabilisation de l’état de santé n’est par ailleurs pas claire. D’un côté, l’expert somaticien a exposé qu’il n’était pas possible d’augmenter ou de rétablir la capacité de travail de la recourante par la poursuite d’un traitement médical particulier (cf. expertise, p. 16, § 8.6) et, de l’autre, il a affirmé qu’il existait une perspective d’amélioration du rendement à terme, les chiffres des études montrant une probabilité de retour au statu quo ante de l’ordre de 60% à 80% (p. 16, § 8.7 et 8.9). Un retour à l’état d’avant l’infection Covid-19 restait à son avis possible, moyennant notamment un aménagement du poste de travail sur le plan des horaires avec éventuellement l’inclusion d’une part de télétravail (p. 14, § 6.4). Rien ne s’opposait à une reprise complète progressive comme infirmière de mission, en particulier comme coordinatrice de bénévoles, cette activité respectant les limitations fonctionnelles (p. 15, § 8.5). Ces affirmations successives apparaissent contradictoires quant à la question centrale en matière d’assurance-accidents de la date de stabilisation de l’état de santé, de laquelle découle la fin des prestations temporaires et l’examen du droit à une rente d’invalidité (cf. art. 19 al. 1 LAA ; ATF 144 V 354 consid. 4.1).

Concernant l’expertise psychiatrique, la chambre de céans constate qu’elle s’écarte des recommandations du Groupe de travail post-Covid-19, lesquelles établissent que le Covid-19 est souvent associé à une dépression, mais aussi à des états de stress post-traumatique dans les formes très graves traitées en soins intensifs, et conseillent d’utiliser les questionnaires EPOCA concernant les symptômes anxieux/dépressifs et la fatigue parallèlement l’examen clinique.

Or, comme indiqué précédemment, les experts n’ont pas suivi le chemin d’analyse du questionnaire EPOCA et, concernant d’éventuels troubles psychiques, n’ont pas fait passer les tests spécifiques préconisés par ce questionnaire.

6.4 Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans n’estime pas probante l’expertise bidisciplinaire réalisée par les Drs K______ et L______, qui s’écarte des avis des médecins traitants et de ceux de l’OAI, ainsi que sur certains points de l’appréciation du médecin-conseil. Les conclusions que l’intimée en tire pour nier l’existence de troubles psychiques ainsi que le lien de causalité entre la périarthrite de la hanche gauche et l’infection au Covid-19 ne peuvent par conséquent pas être approuvées.

7.             Au vu de ce qui précède, il sied de conclure que l’intimée ne pouvait pas mettre fin à sa prise en charge au 15 juillet 2024.

Une maladie professionnelle ayant été admise, la cause doit lui être renvoyée pour examen du droit aux prestations selon la LAA, étant souligné que l’expertise mise en œuvre par ses soins, jugée non probante, ne peut servir de fondement à cet effet.

Dans le cadre de la nouvelle décision à rendre, l’intimée devra se prononcer sur l’ensemble des droits de la recourante, en particulier examiner jusqu’à quelle date les indemnités journalières et le traitement médical doivent être pris en charge et si, consécutivement, une rente d’invalidité doit être versée, le cas échéant son degré, ainsi que se déterminer sur la question de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité.

À toutes fins utiles, la chambre de céans précise que la relation de causalité adéquate entre d’éventuels troubles psychiques incapacitants et la maladie professionnelle devra être analysée par l’intimée à l’aune des critères généraux de la causalité adéquate, et non en référence à la jurisprudence développée à
l’ATF 115 V 133 relative à des atteintes psychiques consécutives à des accidents comme mentionné dans sa décision du 15 juillet 2024. En cas de survenance de troubles psychiques en relation avec une maladie professionnelle, la jurisprudence précitée n’est en effet pas applicable par analogie, et la causalité est adéquate si la maladie professionnelle ou les événements en relation avec celle-ci sont propres, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner des troubles psychiques du genre de ceux qui sont apparus (ATF 125 V 456).

Compte tenu des considérations qui précèdent, par appréciation anticipée des preuves, il ne sera pas fait suite à la demande d’audition de la recourante, celle-ci n’apparaissant pas utile à la résolution du litige.

8.             Par conséquent, le recours est partiellement admis. La décision sur opposition du 20 novembre 2024 est annulée et la cause est renvoyée à l’intimée pour nouvelle décision, au sens des considérants.

La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un avocat, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée, à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 20 novembre 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision, au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le