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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2935/2023

ATAS/666/2025 du 03.09.2025 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2935/2023 ATAS/666/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 septembre 2025

Chambre 8

 

En la cause

A______
représenté par Me Ariane DE MORSIER-DUCRY, avocate

 

 

demandeur et défendeur reconventionnel

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA
représentée par Mes Lucie BONAZ et Pierre GABUS, avocats

défenderesse et demanderesse reconventionnelle

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le demandeur), né le ______ 1984, a travaillé pour le compte de l’ASSOCIATION B______ (ci-après : B______ ou l’employeur) sise à Genève en tant que portfolio manager du 1er janvier 2011 au 30 juin 2023, date à laquelle son contrat de travail a pris fin suite à sa résiliation par B______. En sa qualité d’employé, il était assuré à titre collectif auprès de ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCE SA (ci-après : l’assureur ou la défenderesse) via une assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie, soumise à la loi sur le contrat d’assurance et prévoyant le versement d’indemnités journalières correspondant au 90% du salaire assuré durant 730 jours au maximum, sous déduction d’un délai d’attente de 30 jours.

b. En 2022, son revenu s’élevait à CHF 5’430.- bruts pour un 80%, indemnité de transports et 13ème salaire compris. Dès le 1er janvier 2023, ce montant a été porté à CHF 5'592.50 bruts.

c. En parallèle de son activité salariée, l’assuré est chanteur d’un groupe de musique amateur dénommé « C______ », lequel se réunit une fois par semaine pour les répétitions et donne plusieurs concerts par an.

B. a. Le 22 novembre 2022, B______ a fait parvenir à l’assureur une déclaration de maladie, à laquelle était joint un certificat médical de la docteure D______, spécialiste en médecine interne générale, attestant d’une incapacité de travail totale pour maladie du 19 octobre au 19 novembre 2022.

b. L’arrêt de travail a été prolongé par le médecin traitant précité jusqu’au 24 mai 2023. La docteure E______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a quant à elle certifié une incapacité de travail totale du 23 avril au 31 mai 2023, puis une capacité de travail entière dès le 1er juin 2023, et autorisé son patient à poursuivre la pratique de la musique, essentielle à l’amélioration de son état (certificat du 24 avril 2023).

c. Dans un rapport à l’assureur du 13 janvier 2023, la Dre D______ a indiqué suivre l’assuré depuis le 18 octobre 2022 pour une affection selon le code diagnostic F32 de la CIM-10, soit un épisode dépressif, sans qualifier la gravité de ce dernier, ni son type précis. Elle a mentionné des symptômes dépressifs / burn out depuis plusieurs mois, soit en particulier : tristesse, angoisses et anxiété, isolement, anhédonie, troubles du sommeil et troubles de l’appétit, et précisé qu’aucun traitement n’avait eu lieu antérieurement au 18 octobre 2022 pour ce motif. Elle avait objectivement constaté une baisse de la thymie et une anxiété. Elle avait mis en place un traitement médicamenteux pour l’anxiété et une psychothérapie dès janvier 2023 chez la docteure F______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Au titre de circonstances particulières pouvant influencer de manière défavorable la reprise du travail, elle a relevé l’environnement professionnel : impression de mobbing et exclusion.

d. La demande de rapport médical adressée le 27 janvier 2023 à la Dre F______ étant restée sans réponse, une relance a été faite le 7 mars 2023 par la défenderesse, sans plus de succès.

e. Lors d’un entretien le 27 janvier 2023 avec Mme G______, gestionnaire auprès de l’assureur, l’assuré a déclaré ne pas comprendre ce qui lui arrivait, ne pas faire de lien avec son emploi et ne pas savoir d’où venaient ses problèmes de santé. Il a précisé ne pas avoir communiqué avec son employeur, par crainte de ce que celui-ci pensait de son absence. Il ne répondait plus au téléphone, car cela était angoissant. Il se proposait de fixer des objectifs gratifiants, tels que sortir 15 minutes chaque jour, et augmenter petit à petit. Il avait changé de psychiatre et consultait son nouveau thérapeute depuis deux semaines à raison d’un rendez-vous hebdomadaire. Mme G______ a noté un assuré brouillon, ayant du mal à se concentrer et cherchant ses mots. Il semblait volontaire, mais ne souhaitait pas de traitement médicamenteux, car les comprimés de Temesta prescrits « l’abrutissaient » complètement.

f. Par courriel du 21 mars 2023, B______ a informé l’assureur que le demandeur était le chanteur d’un groupe rock dénommé « C______» et que les tournées dudit groupe avaient repris le 4 mars 2023. L’employeur se demandait si cette activité extra-professionnelle avait été annoncée à l’assureur et si elle était compatible avec l’arrêt de travail.

g. H______, inspecteur de sinistres auprès de l’assureur, a rendu un rapport le 21 mars 2023 sur l’activité de l’assuré au sein du groupe C______. En substance, il y a exposé que l’intéressé – qui avait un pseudonyme de scène sous le nom de I______– était parolier, chanteur et musicien du groupe. Il était par ailleurs référencé comme contact pour le management et les réservations du groupe sur le site Internet de celui-ci. Plusieurs dates de concerts, dès le 26 mai 2023, étaient mentionnées sur le site, lequel proposait également un lien vers la chaîne « YouTube » du groupe. Selon les constatations de l’inspecteur, cette chaîne était populaire et régulièrement alimentée, surtout durant les quatre derniers mois, notamment par la publication de tutoriels où apparaissait l’assuré. Le 19 janvier 2023, le groupe avait posté son nouveau clip vidéo. En raison de son succès, une version acoustique chantée par l’assuré avait été annoncée le 25 janvier 2023 pour une mise en ligne le vendredi suivant à 18h00. Le groupe possédait également des pages sur Facebook, Instagram, Tiktok et sur le site mx3.ch. Sur la page Facebook du groupe figuraient de nombreuses photos d’un concert du 4 mars 2023, dont des vidéos étaient publiées sur des sites amis. L’inspecteur mentionnait que les pages Instagram et Tiktok étaient tout aussi prolixes, avec des images, de la publicité et des solos de l’assuré, étant précisé que les publications des cinq derniers mois étaient beaucoup plus nombreuses. Enfin, il était relaté que l’assuré avait également des pages personnelles avec son nom de scène sur Instagram et Tiktok. L’inspecteur H______ en a déduit que l’activité de l’assuré était manifestement professionnelle, avec merchandising, publicité, ventes d’albums et concerts. Ceci incluait une organisation importante, des répétitions, du transport d’instruments, et la gestion courante d’un groupe, ce qui était incompatible avec une incapacité de travail à 100%.

C. a. Par courrier du 27 mars 2023, l’assureur a communiqué au demandeur que l’activité déployée dans le cadre de son groupe de rock était incompatible avec une incapacité de travail totale résultant d’une dépression ou d’un burn out, ce d’autant que les concerts étant rémunérés, ils étaient considérés comme une capacité de travail réelle. Par ailleurs, dans la mesure où cette activité avait été dissimulée, et que notamment deux concerts avaient eu lieu (les 22 octobre 2022 et 4 mars 2023) durant la période d’incapacité de travail, l’assureur a refusé la prise en charge du cas d’assurance et exigé le remboursement des indemnités journalières versées par CHF 16'586.85. Il était encore précisé que l’assuré n’avait jamais répondu aux diverses tentatives de l’assureur de le joindre par courriel et téléphone pour obtenir des explications sur les constatations faites par l’inspecteur des sinistres.

b. Dans un courriel du 29 mars 2023 adressé à M. H______, l’assuré s’est opposé à la position de l’assureur en exposant que le concert du 22 octobre 2022 avait été annulé, que la personne figurant sur les tutoriels n’était pas lui, que les clips et autres vidéos avaient été réalisés en juillet 2022 et qu’il se trouvait actuellement en dépression, suivi pas une psychologue de façon hebdomadaire et sous traitement antidépresseur. Son activité dans le groupe était un hobby et non une activité professionnelle et il ne considérait pas que le fait d’avoir partagé des « posts » sur les réseaux sociaux justifiait le courrier reçu.

c. Dans sa réponse du 4 avril 2023, M. H______ a regretté que l’assuré ne l’ait pas rappelé, malgré les nombreuses tentatives de le joindre sur son numéro de téléphone portable. L’inspecteur a maintenu la position exposée dans le courrier de refus de prise en charge et de demande de restitution des prestations. Il a notamment précisé que de l’avis du médecin conseil de l’assureur, l’activité déployée dans le cadre du groupe de musique était incompatible avec l’affection dont l’intéressé prétendait souffrir.

d. La Dre E______ a écrit à l’assureur en date du 2 avril 2023. Elle a informé suivre l’assuré depuis le 19 janvier 2023 et l’avoir mis sous traitement de Cipralex (15mg/jour) pour un état dépressif sévère. L’évolution avait été lentement favorable, révélant une phobie sociale sous-jacente. Il avait dès lors été décidé d’exposer le patient à ses peurs. L’assuré lui avait parlé du concert du 4 mars en février 2023. Elle l’avait poussé à s’y rendre et demandé de rester à la fin pour parler avec les gens (exposition), ce qui était particulièrement anxiogène pour l’intéressé. Consciente qu’il ne s’agissait pas d’une activité professionnelle, elle avait estimé que le fait de sortir de chez lui contribuait à l’amélioration de l’état de santé de son patient. Elle attestait par ailleurs que celui-ci n’avait pas été rémunéré pour ledit événement. La pratique d’un hobby, à une reprise, ne pouvait démontrer une incompatibilité avec une incapacité de travail. Elle faisait grief à l’assureur de ne pas avoir contacté les thérapeutes de l’assuré et sollicitait qu’il revienne sur sa décision.

e. Agissant par son mandataire, l’assuré, mettant en avant une activité musicale amatrice et la participation à un seul concert non rémunéré le 4 mars 2023 sur conseil de sa psychiatre, a sollicité de l’assureur qu’il révoque sa décision du 27 mars 2023 et qu’il lui transmette l’intégralité de son dossier (courrier du 20 avril 2023).

f. Faisant valoir l’incapacité de travail attestée de 100% rendant l’assuré inapte à toute activité, l’importance de l’activité déployée en tant que parolier/musicien/manager d’un groupe de musique jouissant d’une certaine notoriété, ainsi que l’avis de son médecin psychiatre conseil, l’assureur a persisté dans sa position.

g. Le 31 mai 2023, l’assuré a transmis des déterminations à l’assureur, par lesquelles il demandait l’annulation de la décision du 27 mars 2023 et le versement des indemnités perte de gain jusqu’à la fin de l’incapacité de travail, soit jusqu’au 31 mai 2023. Il a reproché à l’assureur d’avoir statué sans lui avoir laissé l’occasion de s’exprimer, et sans avoir sollicité l’avis de ses médecins. Il ne comprenait pas le grief d’avoir refusé l’accompagnement par le case manager, alors qu’il s’agissait d’un service basé sur le volontariat, sans incidence sur le versement des prestations, et qu’il avait expliqué préférer se concentrer sur le travail mis en place par sa psychiatre. Il a contesté avoir pris part à un concert le 22 octobre 2022, celui-ci ayant été annulé, et gérer un groupe de musique. Il a également nié avoir effectué des tutoriels, ceux figurant sur le site Internet du groupe ayant été réalisés par le guitariste. Il n’avait pas non plus réalisé de clip, la réalisation de celui disponible en ligne ayant été confiée à J______ en été 2022. L’album avait été enregistré entre 2019 et 2022, en raison des activités professionnelles des membres du groupe. Le clip et la majorité des vidéos avaient été tournés avant son incapacité de travail. Le groupe se réunissait une heure tous les lundis soir pour répéter et il n’avait pas été en mesure de prendre part à toutes les répétitions depuis son arrêt. Il n’était pas le seul contributeur des publications sur le site Internet du groupe et sur les réseaux sociaux ; K______ participait également à cette tâche.

Il considérait que la reprise progressive de son activité musicale et la participation à la communication sur le net et les réseaux sociaux n’était nullement incompatible avec l’incapacité de travail et la dépression attestées. Si l’assureur lui avait donné l’occasion de s’exprimer sur ce qui lui était reproché, il lui aurait fourni toutes les informations utiles. Dès lors qu’il n’avait ni menti ni dissimulé une quelconque information, ni eu l’intention de tromper l’assureur et qu’il était en totale incapacité de travailler du 19 octobre 2022 au 31 mai 2023, les conditions cumulatives de l’art. 40 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1) n’étaient pas réunies.

Il s’est en outre plaint d’une violation de son droit d’être entendu, dans la mesure où il n’avait pas eu l’occasion de s’exprimer sur les éléments ayant conduit l’assureur à refuser de prester et à demander le remboursement des prestations versées. Étant donné la gravité de ce vice de forme, la décision devait être annulée.

Enfin, l’assuré a exposé que son licenciement découlait directement de la transmission du courrier du 27 mars 2023 de l’assureur à l’employeur et que la question du remboursement d’un préjudice complémentaire portant sur un montant élevé se posait également.

h. L’assureur s’est prononcé sur ces observations par lettre du 30 juin 2023. Il a en particulier contesté que l’assuré aurait cessé toute activité, y compris son hobby, en raison de son état de santé et n’aurait effectué qu’un seul concert en date du 4 mars 2023 à but thérapeutique. L’assureur relevait que l’arrêt, par l’intéressé, de toute activité sur les réseaux sociaux à compter de la décision de refus de prestations démontrait sa volonté de dissimuler sa capacité de travail. La participation à un concert public était en totale contradiction avec l’agoraphobie incapacitante annoncée. Cette participation ne constituait par ailleurs pas un événement unique, eu égard à la préparation qu’elle impliquait. L’assuré aurait également été vu par l’une de ses collègues dans un grand centre commercial, en période de fêtes de fin d’année, ce qui plaidait en défaveur d’une agoraphobie incapacitante. Quant aux tutoriels du groupe, il suffisait de les visionner pour y constater la présence de l’assuré. Celui-ci s’était en outre produit sur scène une nouvelle fois pendant son arrêt de travail, le 26 mai 2023 dans le cadre d’un festival payant. Il disposait d’une annonce active depuis 2019 sur Internet dans laquelle il proposait ses services de coach musical au tarif de CHF 50.- l’heure, en précisant être un musicien semi‑professionnel disposant d’un studio. Enfin, le certificat de reprise de travail à plein temps le 1er juin 2023 semblait bien plus être dicté par les circonstances (sortie de l’album du groupe et interview en public le jour en question avec de nombreux concerts prévus dans la foulée) que par une amélioration de l’état de santé dont il était contesté qu’il eût été atteint au point de justifier une incapacité de travail. Quant au reproche de ne pas l’avoir laissé s’expliquer, l’assureur a rappelé l’avoir contacté sur son numéro de téléphone portable (celui utilisé pour la gestion des concerts), lui avoir laissé un message sur le répondeur et avoir doublé cette communication d’un courriel. Si l’absence de réception du courriel était plus que douteuse, les tentatives d’appels et le message sur répondeur n’étaient eux pas contestés, de sorte que l’assureur considérait que c’était délibérément que l’intéressé ne s’était pas manifesté.

D. a. Agissant par son mandataire, l’assuré a déposé une demande en paiement à l’encontre de la défenderesse le 13 septembre 2023. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la constatation de son droit au versement, par la défenderesse, des indemnités perte de gain pour la période du 18 novembre 2022 au 31 mai 2023 (conclusion n° 5) ; à la constatation du caractère infondé et à l’annulation de la décision de la défenderesse du 27 mars 2023 (conclusion n° 6) ; à la condamnation de la défenderesse au paiement de CHF 31'852.80 au titre d’indemnités perte de gain pour la période du 18 novembre 2022 au 31 mai 2023, sous déduction des sommes déjà versées (CHF 16'586.85), avec intérêts à 5% l’an à compter du 1er juin 2023 (conclusion n° 7). À titre préalable, il a sollicité l’audition de ses médecins, de sa compagne, et des trois autres membres du groupe C______, ainsi que la production, par la défenderesse, de la sinistralité de son employeur B______ en assurance perte de gain maladie et de ses propres décomptes d’indemnités perte de gain.

Reprenant en substance ses allégations et arguments invoqués précédemment, le demandeur a précisé donner occasionnellement des cours de chant, faire partie du groupe de musique amateur C______ depuis 2015, lequel se réunissait tous les lundis à 18h pour répéter durant une heure, et se produisait dix à quinze fois par année en concert, parfois de manière bénévole et parfois en étant défrayé (le cachet du groupe oscillant entre CHF 100.- et CHF 1'600.-). Le groupe ne générait aucun revenu (les cachets étaient utilisés pour payer les charges).

Il a indiqué que le climat de travail au sein de B______ s’était dégradé depuis 2019, de nombreux collègues « tombant en burn out » et se faisant licencier, ce qui provoquait stress et surcharge de travail sur les autres. En raison des pressions psychologiques et du mobbing qu’il subissait, il avait dû consulter la Dre D______ depuis juin 2021, et s’était lui-même retrouvé en arrêt de travail pour burn out professionnel dès le 19 octobre 2022. Il a précisé qu’en raison de son anxiété sociale, il s’isolait. Il ne participait plus non plus aux tâches ménagères. La seule chose qui le « maintenait à flot » était la pratique de la musique, de manière restreinte. Il avait occasionnellement partagé quelques « posts » sur les réseaux sociaux concernant C______, avec le soutien du batteur du groupe. Il a spécifié que toutes les photos et vidéos qui figuraient sur le « Résumé des recherches Internet » de la défenderesse dataient d’avant l’incapacité de travail, à l’exception de deux vidéos sur lesquelles il chantait seul. Il avait repris les répétitions de manière régulière en février 2023, mais cela le fatiguait. Il s’était produit bénévolement sur scène avec le groupe le 4 mars 2023 sur recommandation de sa psychiatre, et était resté à la fin du concert pour parler avec les gens, ce qui était très anxiogène pour lui. Il n’y avait eu qu’une répétition générale pour ce concert.

Il avait décliné l’offre de collaboration avec une case manager de la défenderesse à fin février 2023, car il disposait déjà de suivis spécialisés et n’y était pas obligé.

La défenderesse avait pris une décision grave à son endroit en « violation crasse » de son droit d’être entendu, puisqu’elle ne lui avait jamais donné la possibilité de s’expliquer sur le résultat des recherches effectuées par l’inspecteur des sinistres. Il contestait que l’assureur eût tenté de l’appeler, et constatait que de l’aveu de ce dernier, cela était uniquement pour lui expliquer que son activité musicale était une activité professionnelle et non un hobby.

Il était faux de dire que le nombre de « vues » générées par la vidéo publiée, cumulé à la sortie d’un album, démontrait une activité professionnelle, car les « vues » avaient été achetées par le groupe.

Quant à l’avis d’un médecin psychiatre conseil de la défenderesse dans le courrier du 2 mai 2023 de cette dernière, le demandeur constatait n’avoir reçu aucun document de ce type dans le dossier remis par l’assureur, et n’avoir jamais été ni vu ni entendu par un médecin conseil.

Le demandeur a considéré avoir prouvé son incapacité de travail à 100% pour la période litigieuse sur la base des certificats produits et de l’avis de sa médecin généraliste transmis à l’assurance le 13 janvier 2023.

Il a contesté avoir dissimulé de quelconques éléments à l’assurance, les publications sur les réseaux sociaux et les « vues » de ces dernières prouvant qu’il n’avait rien à cacher. D’ailleurs, les informations figurant sur Internet étaient à considérer avec retenue, car elles ne correspondaient pas à la réalité, en raison de l’image que le groupe cherchait à se donner, qui était exagérée. En outre, l’activité musicale restreinte qu’il avait déployée durant son incapacité de travail avait été validée par ses médecins à des fins thérapeutiques. Enfin, la condition subjective visée par l’art. 40 LCA n’était manifestement pas réalisée, car il avait pensé de bonne foi que son activité musicale restreinte était dépourvue d’influence sur les prestations de l’assureur. La décision de refus de prester était donc basée sur des faits erronés.

Dans une motivation complémentaire, le demandeur a estimé qu’en raison de la gravité de l’atteinte à son droit d’être entendu, la décision du 27 mars 2023 de la défenderesse devait être annulée. La possibilité de s’exprimer sur les faits erronés qui lui étaient reprochés ne lui avait pas été donnée et le médecin conseil de l’assureur, dont le nom lui était inconnu, ne l’avait pas examiné, n’avait pas pris contact avec ses médecins malgré la levée du secret médical qu’il avait signée, et s’était prononcé sur la seule base d’un dossier contenant des erreurs sur les faits et des interprétations.

S’agissant de la conclusion en constatation, il a fait valoir que compte tenu de la demande de remboursement toujours pendante de CHF 16'586.85, correspondant aux indemnités perte de gain maladie perçues pour la période du 18 novembre au 28 février 2023, il avait un intérêt légitime évident à ce que la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) constate son droit à être indemnisé pour toute la période du 18 novembre 2022 au 31 mai 2023.

b. Par mémoire de ses mandataires du 11 décembre 2023, la défenderesse a conclu, sur demande principale, au rejet de la demande, et, sur demande reconventionnelle, à ce que le demandeur soit condamné à lui verser la somme de CHF 16'586.85 avec intérêts à 5% dès le 27 mars 2023, le tout sous suite de frais et dépens.

La défenderesse a tout d’abord rappelé que le demandeur était portfolio manager et qu’à ce titre, il exerçait les tâches suivantes : gestion des comptes d’artistes, contact et réponses aux besoins des artistes, formation des artistes sur le système d’enregistrement des œuvres, mise à jour et actualisation des données des artistes, participation à des réunions de travail, collaboration avec le manager à la résolution de cas complexes, saisie d’informations et enrichissement de programmes sur Internet et presse papier. De l’avis de la défenderesse, ces tâches nécessitaient des compétences organisationnelles et de gestion, la maîtrise des outils informatiques et de promotion sur Internet et la connaissance des arts du spectacle et de leurs spécificités. Elle a ensuite exposé que déjà lors de l’annonce du sinistre par l’employeur, celui-ci avait sollicité la mise en place d’un case management, suggérant ainsi que le cas relevait de problématiques liées au contexte professionnel. Les certificats médicaux d’arrêt de travail transmis par le demandeur à son employeur ne faisaient état d’aucun diagnostic et le 16 décembre 2022, B______ avait réitéré sa demande de mise en place d’un case management afin d’éclaircir les conditions de l’arrêt de travail, car l’intéressé ne répondait pas aux messages qui lui étaient adressés, ni ne communiquait sur son état de santé.

Selon la défenderesse, les certificats d’arrêt de travail délivrés par la médecin généraliste étaient dépourvus de valeur probante, dès lors que le diagnostic relevait de la sphère psychique. Quant au rapport de ce médecin, il établissait que l’état de santé était affecté de manière prédominante par des facteurs non médicaux, à savoir une problématique liée au droit du travail. Il n’était pas démontré que le diagnostic émis – ni étayé ni détaillé – justifiât une incapacité de travail, dès lors que le médecin l’ayant posé n’était pas spécialiste. Dans ces circonstances, la défenderesse considérait que l’assuré n’avait pas démontré que son incapacité de travail était justifiée, ni qu’elle était due à des facteurs médicaux et non à une problématique de droit du travail. En outre, le comportement du demandeur durant son incapacité de travail n’était pas compatible avec l’état de santé allégué.

Informée par l’employeur de l’activité extraprofessionnelle musicale du demandeur et de la reprise des concerts de son groupe le 4 mars 2023, la défenderesse avait procédé à des vérifications. Les recherches ainsi effectuées (rapport du 21 mars 2023 de l’inspecteur des sinistres) avaient permis de considérer que le demandeur s’était livré durant son incapacité de travail à des activités accessoires incompatibles avec les caractéristiques de l’atteinte à la santé alléguée et ses propres déclarations. En alimentant très régulièrement les divers sites du groupe et les siens propres sur les réseaux sociaux, le demandeur avait déployé une activité typique de ses tâches professionnelles telles qu’elles ressortaient de son contrat de travail (promotion, publicité, vente d’albums et de concerts). Les tâches en question impliquaient une organisation importante, des répétitions, le transport d’instruments et la gestion courante et active du groupe. Même si elles n’étaient pas rémunérées, ces tâches étaient propres au métier de portfolio manager, ce qui démontrait que le demandeur ne se trouvait pas en incapacité de travail et que son état de santé n’était pas dû à des facteurs médicaux, mais exclusivement à des problématiques liées à son activité professionnelle et à son lieu de travail.

La défenderesse avait soumis le cas à la docteure L______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, laquelle avait rendu un rapport sur dossier le 14 novembre 2023. Se référant au courrier de la psychiatre traitante qui faisait état d’un épisode dépressif sévère dont l’évolution favorable aurait révélé une phobie sociale, elle avait estimé que ces diagnostics et leurs implications (symptômes et moment de la survenance du trouble) étaient incompatibles avec l’observation des performances produites par l’assuré durant sa période d’arrêt de travail. Quant à l’encouragement de la psychiatre traitante à faire participer son patient à un concert, cet exercice relevait de la thérapie par exposition. Si ce mode de traitement était usuel, il nécessitait en revanche un accompagnement thérapeutique pendant l’exposition qui faisait ici défaut. Les activités du demandeur pendant son incapacité de travail ne laissaient apparaître, pour la Dre L______, aucune limitation fonctionnelle.

La défenderesse a ensuite fait valoir que le demandeur l’avait induite en erreur sur sa réelle capacité de travail, en omettant de signaler qu’il pratiquait la musique et qu’il avait (notamment) pris part à un concert le 4 mars 2023. Il avait aussi passé sous silence un autre concert intervenu le 26 mai 2023, y compris dans ses observations postérieures du 31 mai 2023. Le demandeur ayant déclaré souffrir d’une incapacité de travail totale, ne dormir qu’une seule heure par nuit, ne pas sortir, ni conduire, ni répondre au téléphone, et avoir du mal à se concentrer, tout en exerçant des tâches incompatibles avec les diagnostics posés, la défenderesse considérait qu’il réalisait les conditions objectives et subjectives d’application de la prétention frauduleuse selon l’art 40 LCA. Elle était dès lors en droit de solliciter la restitution des indemnités journalières versées à tort.

c. Dans son mémoire de réplique et réponse à la demande reconventionnelle du 31 janvier 2024, le demandeur a persisté dans ses conclusions et conclu formellement au déboutement de la défenderesse de sa demande reconventionnelle (conclusion n° 9). Il a complété ses conclusions en sollicitant que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% à compter du 1er juin 2023 (conclusion n° 8). Il a en outre sollicité, à titre préalable, l’audition de deux témoins supplémentaires en la personne de deux anciens collègues licenciés par B______.

Sa médecin traitante, spécialiste en médecine interne générale, était habilitée, de par sa qualité, à délivrer des certificats médicaux d’incapacité de travail probants, lesquels ne devaient contenir aucune autre information que celles relatives à la durée, au pourcentage et à la cause de l’incapacité, à savoir la maladie ou l’accident, sous peine de violer le secret médical.

Quant à l’attitude de son employeur, elle n’avait eu pour but que de lui nuire, en tentant de trouver un motif de licenciement. Or, l’employeur n’avait jamais remis en question l’incapacité de travail ; il n’avait en particulier pas fait dépendre le paiement du salaire d’un examen médical par son médecin-conseil ou celui de l’assurance perte de gain.

Il a reproché à la défenderesse d’omettre de faire la distinction entre les faits survenus avant son incapacité de travail (enregistrements, publication des dates de concert, merchandising) et ceux survenus pendant (arrêt des activités, puis activités très réduites, avant une reprise régulière et progressive des répétitions en février 2023 et un premier concert le 4 mars 2023 sur conseil de la psychiatre traitante).

La défenderesse ne l’avait sciemment pas informé des motifs qui seraient ensuite utilisés à son encontre pour lui refuser les prestations auxquelles il avait droit, alors qu’il aurait souhaité se déterminer. Il avait toujours collaboré avec la défenderesse, en signant le consentement pour que les médecins de cette dernière aient accès à son dossier médical, en répondant à toutes les questions de la case manager et en proposant d’être vu pour un contrôle médical par le médecin conseil le 20 avril 2023. Il n’avait ni menti, ni voulu cacher une quelconque information, l’ensemble des faits reprochés figurant sur Internet à la vue de tous.

Il a également contesté qu’un médecin conseil se soit penché sur son dossier avant la 14 novembre 2023 (avis de la Dre L______).

Il a encore relevé avoir mentionné son changement de psychiatre à la case manager de la défenderesse le 27 janvier 2023 et que ce médecin n’avait jamais été questionné par l’assureur.

S’agissant des concerts, celui du 4 mars 2023 s’étant révélé positif sur l’évolution de son état de santé, la Dre E______ l’avait vivement encouragé à participer à celui du 26 mai 2023, 4 jours avant sa reprise de capacité de travail, décidée suite à la réussite de cette seconde tentative d’exposition. S’il avait communiqué des certificats médicaux de sa médecin généraliste plutôt que de sa psychiatre, c’était pour éviter que son employeur ne soit au courant du suivi psychothérapeutique.

Il a produit le formulaire de certificat médical envoyé par la défenderesse à la Dre F______ – dont il était connu qu’elle n’était plus en charge du suivi psychiatrique – rempli par la Dre E______ le 22 janvier 2024, dans lequel cette médecin faisait état d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques F32.2 au 1er janvier 2023, en rémission sous Cipralex depuis fin avril 2023 et d’une phobie sociale F40.1 en amélioration depuis mars 2023.

Il a ensuite fait valoir le manque de transparence de la défenderesse, qui dissimulait des pièces du dossier, sa mauvaise foi, ainsi que les liens étroits et intérêts communs avec l’ancien employeur.

La défenderesse avait agi avec légèreté, en ne procédant à aucune vérification des informations figurant sur Internet et sans lui laisser l’occasion de se déterminer sur les faits reprochés, étant précisé qu’en raison de ses angoisses il ne répondait pas au téléphone, ce qui figurait dans les notes d’entretien de la case manager. Son attention n’avait pas été attirée sur l’importance de contacter l’assureur rapidement dans le courriel qui lui aurait été adressé par M. H______, inspecteur des sinistres.

Le rapport de la Dre L______ devait être écarté, car il se fondait sur des faits et interprétations inexacts par l’inspecteur des sinistres.

Le courrier du 27 mars 2023 de la défenderesse, couplé avec son licenciement qui y était directement lié, avaient aggravé son état de santé (incapacité à dormir sans somnifères, angoisses et incompréhension totale). L’assurance-chômage avait suspendu son droit aux prestations durant 38 jours en raison des reproches infondés de la défenderesse, ce qui représentait un manque à gagner de CHF 6'855.20. Le demandeur estimait dès lors que son dommage et/ou tort moral, résultant directement de l’attitude de la défenderesse, pouvait être chiffré à CHF 10'000.- au minimum. Il concluait par conséquent à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser cette somme à titre de réparation du dommage et/ou de son tort moral.

d. Dans sa duplique, la défenderesse – qui a renoncé à répliquer sur demande reconventionnelle – a sollicité les auditions de M. H______, inspecteur des sinistres, Mme G______, case manager, Mme M______, employée de B______, et des Dres D______, E______ et L______. Elle a conclu au rejet de la demande de pièces tendant à la production, par ses soins, de la « sinistralité de B______ en perte de gain maladie », à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet, des conclusions nos 5, 6 et 8 de la réplique, au déboutement du demandeur des fins de sa demande en paiement et de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens et elle a persisté dans ses conclusions sur demande reconventionnelle.

Concernant la participation au concert du 4 mars 2023, la défenderesse considérait qu’elle lui avait été dissimulée, car si elle avait effectivement fait partie de sa thérapie, le demandeur n’aurait pas manqué de le lui faire savoir.

Le demandeur avait caché à la défenderesse des faits susceptibles d’influencer son obligation de verser des prestations au sens de l’art. 40 LCA, soit sa participation à non pas deux mais trois concerts, alors qu’il se prétendait en incapacité de travail totale. Il avait en effet pris part à un concert le 31 mars 2023 en sus de ceux des 4 mars et 26 mai 2023. Pour l’affirmer, elle se fondait sur un rapport complémentaire du 28 février 2024 de la Dre L______, à qui elle avait soumis le certificat de la Dre E______ du 22 janvier 2024 et communiqué la découverte d’un autre concert aux N______ intervenu le 31 mars 2023. Dans ce document, la médecin conseil exposait que la perte d’énergie et de nombreuses fonctions cognitives caractérisant un épisode dépressif rendaient tout à fait incompatibles avec un tel diagnostic la participation à des concerts. Quant au diagnostic de phobie sociale, il était difficilement crédible, ce d’autant que le demandeur était membre d’un groupe de musique depuis bien avant le début de sa thérapie. Après avoir consulté les vidéos des concerts auquel le demandeur avait pris part, elle a estimé que les limitations constatées étaient bien moindres que celles énoncées par la Dre E______ dans son certificat, à savoir vertiges, désorientation, troubles de l’attention et de la concentration et épuisement. Pour la Dre L______, le nombre de concerts auxquels le demandeur avait participé permettait d’appuyer la continuité de ses bonnes compétences durant la période d’arrêt de travail. Enfin, la médecin a considéré que la participation aux concerts avait une influence sur l’évaluation de la capacité de travail. Il pouvait en effet arriver qu’une atteinte à la santé psychique ne permette plus l’exercice de l’activité habituelle, mais qu’un poste adapté soit exigible, ce que le médecin traitant avait le devoir de signaler à son patient et à l’assureur.

La défenderesse a fait valoir que le demandeur n’avait pas annoncé son premier concert du 4 mars 2023, mais avait reconnu y avoir participé a posteriori dans un courriel du 29 mars 2023. À cette occasion, il n’avait pas mentionné le concert du 31 mars 2023 découvert en cours de procédure, pas plus que celui du 26 mai 2023. Sa psychiatre traitante avait, dans son écrit du 2 avril 2023 adressé à la défenderesse, mentionné qu’il n'y avait eu qu’un seul concert et qu’il s’agissait d’un hobby effectué une seule fois. Lors des écritures subséquentes, le demandeur avait tu sa participation au concert du 31 mars 2023 aux N______, puis à celui du 26 mai 2023, continuant à affirmer n’avoir participé qu’à un seul concert dans le cadre d’une thérapie d’exposition à ses peurs. Puis, il avait admis avoir participé à celui du 26 mai 2023 dans le cadre d’une deuxième tentative d’exposition. De l’avis de la défenderesse, les explications fluctuantes du demandeur, adaptées aux découvertes de l’assureur, n’étaient pas crédibles et constituaient, pour certaines, de nouvelles fausses déclarations. La volonté délibérée de dissimulation ressortait également, selon la défenderesse, du fait que ce concert n’était pas mentionné sur le site du groupe C______. Dès lors, les fausses allégations et dissimulations répétées du demandeur démontraient qu’il avait agi dans l’intention de la tromper, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il avait droit.

S’agissant des conclusions constatatoires nos 5 et 6 de la demande, la défenderesse s’est prévalue de leur irrecevabilité. Quant à la conclusion n° 8 tendant à sa condamnation au paiement d’une somme à titre de tort moral/réparation du dommage, dans la mesure où elle ne trouvait pas de fondement dans la LCA, qu’elle ne figurait pas dans la liste des litiges mentionnés à l’art. 7 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et que les conditions d’un cumul d’actions au sens de l’art. 90 CPC n’étaient pas réunies, elle était également irrecevable. À titre subsidiaire, la défenderesse a relevé que cette conclusion n’était pas prouvée et devait par conséquent être rejetée.

e. Par écriture du 13 mai 2024, le demandeur a réitéré sa demande d’audition des témoins déjà mentionnés précédemment. Il a également sollicité sa propre audition en qualité de partie.

Il s’est défendu d’avoir caché le concert du 26 mai 2023, car celui-ci figurait dans la liste des concerts à venir sur le site du groupe, liste en possession de la défenderesse. Quant au concert du 31 mars 2023, il avait pensé à tort en avoir parlé à ses mandataires. La défenderesse n’en ayant jamais fait état alors qu’elle était au courant depuis le 4 avril 2023 (référence était faite aux détails figurant sur la pièce 40 produite par l’assureur), il n’avait jamais eu à se prononcer dessus. Il ne savait pas pour quel motif le concert du 31 mars 2023 ne figurait pas sur la liste des concerts du groupe. Ayant été encouragé à prendre part au concert du 4 mars 2023, le demandeur a déclaré s’être senti autorisé à effectuer celui du 31 mars suivant, lequel avait été écourté et s’était déroulé sans public si ce n’étaient les organisateurs.

Il a ensuite contesté que la participation aux concerts était de nature à influencer les prestations de l’assureur, étant donné qu’ils avaient été autorisés à titre thérapeutique.

Le demandeur s’en est ensuite pris au refus de la défenderesse de lui communiquer un dossier complet, ce qui relevait d’une violation des dispositions pénales de la loi fédérale sur la protection des données du 25 septembre 2020 (LPD - RS 235.1).

La défenderesse faisait preuve de mauvaise foi en niant le caractère de « décision » à son courrier du 27 mars 2023, qu’elle avait elle-même désigné comme telle dans deux courriers subséquents (des 2 mai et 30 juin 2023).

Dans une motivation complémentaire, le demandeur a exposé que n’ayant eu aucune activité qui puisse lui être reprochée du 18 octobre 2022 au 3 mars 2023, la défenderesse était tenue de lui verser les indemnités dues pour la période du 18 novembre 2022 au 3 mars 2023, sous déduction des sommes déjà versées.

Pour la période subséquente, il avait repris les concerts avec l’autorisation formelle de ses médecins et n’avait simplement pas pensé à en informer la défenderesse. Il ne s’agissait pas d’une volonté de dissimulation, laquelle était de toute évidence contredite par les publications sur Internet. Il avait en outre spontanément et immédiatement renseigné la défenderesse, suite à son courrier du 27 mars 2023. Il était encore incapable de travailler en mars 2023 et ce n’était pas parce qu’il avait réussi à participer à trois concerts amateurs en trois mois qu’il avait recouvré sa capacité de travailler, même en changeant de poste de travail. Le droit aux prestations était donc fondé pour la période du 4 mars au 31 mai 2023.

f. Par écriture du 11 juin 2024, le demandeur a informé la chambre de céans de ce qu’il avait introduit une procédure prud’hommale contre B______. Il a produit le mémoire de demande y relatif, ainsi que le chargé de pièces déposé devant la juridiction des prud’hommes, lequel contenait un jugement du 28 février 2024 rendu par le Tribunal des prud’hommes et condamnant B______ au paiement d’une indemnité pour licenciement abusif en faveur d’un ancien collègue (licenciement survenu au retour d’un arrêt de travail pour maladie dont les motifs avaient été reconnus infondés).

g. Par courrier du 1er juillet 2024, la chambre de céans a dispensé la défenderesse de comparaître à l’audience fixée le 4 septembre 2024, et informé les parties que la Dre L______, citée comme témoin, avait été excusée. Un délai était fixé aux parties pour faire parvenir une liste de questions qui seraient transmises à la médecin conseil de la défenderesse.

h. Le demandeur s’est offusqué de ce que la défenderesse et son médecin conseil puissent se soustraire à toute participation à la procédure. Il a par conséquent formellement requis la comparution personnelle de la défenderesse en la personne de H______, l’audition de la Dre L______, ainsi que la confrontation au sens de l’art. 174 CPC entre cette médecin et la Dre E______.

i. Ces requêtes ont été écartées par courrier de la chambre de céans du 23 juillet 2024, compte tenu notamment du fait que H______ ne disposait pas du droit de représenter la défenderesse et que la Dre L______ était gravement atteinte dans sa santé et incapable d’assister aux débats.

j. Le 20 août 2024, le demandeur a formellement sollicité la comparution personnelle (ou la dispense) des deux parties à l’audience du 4 septembre 2024, la défenderesse devant être entendue sur les nombreux disfonctionnements et contradictions dans le dossier, étant précisé qu’elle disposait de suffisamment d’employés ayant connaissance du dossier et susceptibles de la représenter moyennant procuration. Il a par ailleurs requis que tant la défenderesse que la Dre L______ produisent l’ensemble des courriers et pièces échangés entre elles. Enfin, le demandeur a produit une liste de questions à poser à la Dre L______.

k. La défenderesse a fait parvenir sa liste de questions à poser à la Dre L______ à la même date.

l. Le même jour, la défenderesse a déposé un chargé de pièces complémentaire comportant la composition des groupes professionnels des présidents du Tribunal des prud’hommes pour l’année 2024 et les fiches de salaire du demandeur pour la période d’octobre 2022 à juin 2023, ainsi que des observations complémentaires. Reprenant son argumentation, elle y a en outre fait valoir une violation par l’un des conseils du demandeur d’une règle d’incompatibilité découlant de la loi sur le Tribunal des prud’hommes du 11 février 2010 (LTPH - E 3 10). Eu égard à cette violation, le demandeur n’était pas en droit de se prévaloir du mémoire de demande déposé par-devant cette juridiction. Il ressortait cependant du mémoire en question que le demandeur avait perçu l’intégralité de son salaire de la part de B______ jusqu’au 30 juin 2023, ce qui était confirmé par les fiches de salaire de l’intéressé remises par l’employeur. Or, selon l’art. 15 des conditions générales d’assurance (ci-après : CGA)31’, la défenderesse ne garantissait les prestations conclues par contrat que si le dommage financier qui en résultait pouvait être prouvé. Eu égard aux pièces produites, le demandeur ne subissait aucune perte de salaire et n’avait dès lors aucun intérêt digne de protection lui permettant d’agir à son encontre. Sa demande en paiement était par conséquent téméraire et il devait être sanctionné. La défenderesse concluait par conséquent désormais à l’irrecevabilité de la demande, faute d’intérêt digne de protection, et, sur le fond, à son rejet, faute de dommage. Enfin, s’appuyant sur l’art. 115 CPC, elle a conclu à ce que l’intégralité des frais judiciaires soit mise à la charge du demandeur qui avait agi de manière téméraire en sollicitant le paiement d’indemnités journalières perte de gain alors qu’il avait reçu l’entier de son salaire, et, pour le même motif, à ce qu’il soit condamné à une amende disciplinaire conformément à l’art. 128 CPC.

m. Le 22 août 2024, le chambre de céans a informé les parties de ce que la dispense de comparaître accordée à la défenderesse était maintenue pour l’audience du 4 septembre 2024 et qu’il serait statué ultérieurement sur la nécessité d’auditionner un représentant de la défenderesse.

n. Le 2 septembre 2024, le demandeur a déposé des observations complémentaires. Il a premièrement mentionné que les allégués de la défenderesse relatifs à la non‑observation de la LTPH étaient erronés, vu l’attribution de son dossier à un groupe autre que celui mentionné par l’assureur.

Il a ensuite exposé qu’il avait un intérêt indéniable à agir en justice contre la défenderesse, compte tenu de la décision de cette dernière lui refusant les indemnités perte de gain pour toute la durée de sa maladie et l’enjoignant au remboursement de la somme de CHF 16'586.85 sous 30 jours, sous menace de poursuites en justice. De l’avis du demandeur, il avait également un intérêt à ce que l’entier de sa période d’incapacité pour cause de maladie soit reconnue (conclusions n° 5 et 6) et que la défenderesse soit condamnée à verser les indemnités perte de gain pour toute cette période, eu égard aux nombreux dommages collatéraux qu’il avait subis du fait du refus desdits versements et de la demande en remboursement résultant de la décision du 27 mars 2023. Il a cité à ce propos son licenciement et la suspension du droit aux indemnités de l’assurance-chômage pour une durée de 38 jours. Enfin, d’autres procédures dépendaient de l’issue de celle intentée par‑devant la chambre des assurances sociales. Il précisait s’engager à restituer à B______ tout éventuel trop perçu salarial en lieu et place des indemnités perte de gain.

o. Le 4 septembre 2024, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle et d’instruction.

À cette occasion, le demandeur a expliqué que les manifestations de son état dépressif avaient débuté progressivement. Il avait consulté la Dre D______ pour ce motif durant environ un an avant qu’elle ne décide de le mettre en arrêt de travail. Les anxiolytiques qu’elle lui avaient prescrits étant sans effet, il avait consulté une psychiatre qui s’était révélée insuffisamment disponible, raison pour laquelle il avait sollicité la Dre E______. Cette dernière lui avait prescrit des antidépresseurs et l’avait encouragé à sortir de chez lui et reprendre les activités qu’il effectuait habituellement, notamment la musique. Ils avaient évoqué le concert du 4 mars et après celui-ci, il s’était senti mieux, même si cela avait été compliqué pour lui, car il n’arrivait plus à sociabiliser. Il pensait avoir mentionné le nom de sa nouvelle psychiatre à la case manager de la défenderesse. Les antidépresseurs l’avaient aidé. Il était très possible qu’il ait fait ses courses au centre commercial Balexert durant les fêtes de fin d’année, car il n’avait pas de contre-indication de ce point de vue. Il était probable qu’il ait moins publié de choses sur les réseaux sociaux après avoir reçu le courrier de la défenderesse mettant fin aux prestations et exigeant la restitution de celles versées, tant cela avait eu d’impact sur lui. Il avait eu une crise d’angoisse et avait replongé dans quelque chose de négatif, mais n’avait pas voulu se laisser abattre et avait continué à suivre les conseils de sa psychiatre. Grâce à la thérapie et aux médicaments, il avait pu reprendre progressivement la musique, tant à domicile qu’avec le groupe, ce qui lui faisait du bien et lui permettait de voir ses amis, même si c’était difficile en raison de la fatigue. S’il n’avait pas informé son assurance de la thérapie par exposition, c’est parce qu’il avait pensé que l’autorisation de son médecin suffisait et comme il n’était vraiment pas bien, il n’avait peut-être pas pensé à tout.

Sur question, il a indiqué que les concerts duraient 45 minutes. Il ne savait pas pourquoi il était fait état d’une durée de 90 minutes sur le programme officiel du concert du 31 mars 2023. Sur scène, ni les paroles ni les partitions n’étaient disponibles, au contraire de la liste des titres. Les concerts ne demandaient pas de préparation particulière, juste une répétition générale. Tous les membres connaissaient le répertoire et ils ne s’occupaient pas de l’organisation. Il voyait la Dre E______ chaque semaine et lui avait parlé des concerts avant l’événement, pas seulement après. Il l’avait fait au fur et à mesure pour les trois concerts.

Le demandeur a confirmé avoir reçu l’entier de son salaire durant sa période d’incapacité de travail. S’il avait déposé une demande en paiement, c’était pour démontrer qu’il était incapable de travailler en raison de sa maladie et qu’il ne devait pas restituer à la défenderesse la somme que celle-ci lui réclamait.

Pour le surplus, il a confirmé les divers éléments figurant dans ses écritures et ne pas avoir voulu cacher la pratique de la musique, car tout était sur Internet. Il avait été très marqué par ce qu’il avait vécu et n’imaginait pas retourner travailler dans un bureau.

La Dre E______ a également été entendue à cette occasion. Elle avait objectivé une importante angoisse avec des tremblements, le souffle court, une dyspnée, une agitation, du désespoir et de la tristesse. Son patient avait également mentionné une insomnie, des attaques de panique, de la fatigue, et une absence d’envie et de plaisir.

S’agissant de la phobie sociale, elle était de gravité importante, tant dans la relation directe à une personne qu’à un groupe et engendrait un évitement. De manière générale, la phobie sociale se déclarait au début de l’âge adulte et était évolutive, en ce sens que si elle commençait tôt et que rien n’était fait, elle s’aggravait. Lorsque la phobie sociale était importante, le sujet touché ne pouvait pas se rendre dans les centres commerciaux en période de grande affluence, non pas en raison de la foule, mais des regards ou remarques d’autrui qui pouvaient provoquer un blocage. Pour le demandeur, le problème n’était pas de se produire devant une foule, car la scène faisait écran, mais d’interagir socialement avec les autres, raison pour laquelle elle l’avait encouragé à rester après le concert.

Elle avait autorisé le concert du 4 mars 2023, mais n’avait pas pensé à en informer l’assureur. C’était de sa faute. Elle n’avait en revanche aucun souvenir d’avoir parlé – à part récemment – du concert du 31 mars 2023 avec son patient, cette information ne figurant d’ailleurs pas dans son dossier. Elle avait encouragé le concert du 26 mai 2023, surtout que la situation s’orientait vers une reprise du travail. C’était en raison de la réussite de cette nouvelle exposition que la reprise avait été certifiée. Au moment du deuxième concert, la situation s’était grandement améliorée, notamment les relations avec les amis, les tiers, dans la rue, mais il était impossible de faire retourner le demandeur chez son employeur en raison de la phobie sociale en lien avec l’emploi, ainsi que des accusations figurant dans le courrier de la défenderesse de mars 2023 dont le demandeur était persuadé qu’elles provenaient de l’employeur.

S’agissant des limitations fonctionnelles décrites dans le rapport médical du 22 janvier 2024, elles s’étaient amenuisées à partir du moment où le demandeur avait été licencié. Mais les limitations fonctionnelles n’étaient pas présentes du matin au soir et elles dépendaient du contexte. Elles n’intervenaient pas dans les domaines dont le patient avait la maîtrise, comme la musique. Il n’était donc pas contradictoire pour le demandeur de pouvoir tenir debout durant tout un concert, en se souvenant de l’intégralité des textes et des musiques, quand bien même il était atteint de vertiges, de troubles de l’attention et de la concentration et d’épuisement.

La capacité de travail était restreinte à la fois par l’état dépressif et la phobie sociale, le premier étant très certainement la résultante du développement de la seconde au sein du dernier emploi du demandeur.

La position de la défenderesse exprimée dans son courrier de mars 2023 avait eu pour conséquence non seulement de stopper l’amélioration qui était en cours, mais aussi de provoquer une très nette régression. L’angoisse était revenue de manière omniprésente avec un état de panique évident, accompagné de tremblements corporels et d’une agitation importante. À la question de savoir comment le demandeur, atteint d’un état dépressif qualifié de sévère en aggravation, avait été capable de se produire sur scène trois jours après avoir reçu ledit courrier et le lendemain de son licenciement, la Dre E______ a répondu que c’était parce que la scène était un refuge. Sur question toujours, la Dre E______ a mentionné que l’état dépressif du demandeur n’était plus de gravité sévère à fin mars, car il s’était amélioré. Si ce diagnostic a été mentionné dans son rapport de janvier 2024, c’était en référence à l’état du patient au moment du début du suivi, soit en janvier 2023.

Questionnée sur le fait que le demandeur avait recouvré sa capacité de travail d’un coup et non de manière progressive, la Dre E______ a exposé que si la défenderesse lui avait demandé un rapport, elle l’aurait informée de ce que son patient était apte au travail depuis le mois de mai, mais pas chez son employeur, et que la capacité de travail avait été recouvrée progressivement. Il n’avait toutefois pas été possible de le faire retourner dans son poste, l’environnement étant malsain pour lui. Elle n’avait pas elle-même contacté la défenderesse, faute de temps.

La participation de son patient à trois concerts et aux répétitions hebdomadaires durant l’arrêt de travail était dépourvue d’influence sur l’évaluation de la capacité de travail, car il n’y avait plus d’état dépressif au moment des concerts. Seule était présente la phobie sociale qui était clairement liée au milieu professionnel et pas aux autres domaines dans lesquels l’intéressé évoluait.

p. La Dre L______ a répondu aux questions de la chambre de céans et des parties en date du 19 septembre 2024.

Elle a tout d’abord précisé être sous contrat de médecin conseil avec la défenderesse. Elle n’avait donc pas la latitude d’action d’un expert, l’instruction du dossier ne lui appartenait pas et elle n’était pas non plus sensée voir la personne assurée.

Elle a ensuite indiqué avoir été mandatée le 7 novembre 2023, puis le 26 février 2024. Elle n’était pas en mesure de fournir les documents du dossier auxquels elle avait eu accès, car cet accès se faisait exclusivement par un système informatique interne au moment de l’attribution. Elle n’avait pas été informée du fait que le demandeur avait offert d’être vu par un médecin conseil et n’avait pas reçu de mandat en ce sens. Enfin, elle n’avait pas reçu copie des échanges intervenus en procédure, ni n’avait eu de contact avec les avocats de la défenderesse.

Globalement, la médecin conseil avait eu accès, pour rendre son rapport du 14 novembre 2023, en sus des certificats médicaux, aux informations figurant dans le rapport de l’inspecteur H______. Elle avait visionné les performances postées sur les réseaux sociaux, y compris le concert du 4 mars 2023. Compte tenu de la qualité des prestations du demandeur, il était tout à fait impossible qu’il ait été sévèrement déprimé. Elle a rappelé qu’une personne souffrant d’une pathologie dépressive voit ses capacités cognitives et organisationnelles s’effondrer ; il y a une perte de l’élan vital, un désintérêt pour les activités habituelles agréables, un ralentissement, un manque d’énergie et une perte de toute envie qui ne sont pas compatibles avec les images du demandeur qu’elle avait regardées.

S’agissant de l’incompatibilité de la phobie sociale avec les activités exercées par le demandeur durant sa période d’arrêt de travail, elle a expliqué que la définition de la phobie sociale est la crainte d’être exposé à l’observation attentive d’autrui. Par conséquent, le métier de musicien, en particulier lors de concerts, exposait précisément à une telle observation. L’incompatibilité était absolue. De manière générale, une phobie sociale était une atteinte constitutionnelle. Ses symptômes étaient donc présents de manière durable et ils ne se découvraient pas au décours d’une dépression. L’effet du Cipralex – médicament prescrit au demandeur – ne pouvait pas engendrer un amendement de la phobie sociale, car cela ne correspondait pas au traitement approprié. Le traitement standardisé de la phobie sociale consistait en une psychothérapie en traitement continu sur des années avec exposition en présence du thérapeute. Le délai de rémission annoncé dans le cas du demandeur rendait le diagnostic de phobie sociale non crédible.

La participation du demandeur aux concerts traduisait implicitement sa capacité de travail, en tout cas dans le domaine de la musique, durant l’arrêt maladie. Elle ne pouvait se prononcer en revanche s’agissant de l’activité habituelle sur la base des documents remis. Une amélioration de l’état de santé telle qu’une capacité de travail était exigible dans une autre activité professionnelle que l’activité habituelle devait impérativement être signalée à l’assureur par le médecin.

q. Dans une écriture spontanée du 8 août 2024, le demandeur a en substance reproché à la défenderesse d’avoir rendu sa « décision » du 27 mars 2023 sans avis médical préalable, à la Dre L______ de manquer de transparence et d’indépendance et de ne pas faire preuve de nuance. Se fondant sur le témoignage d’une star de la musique pop produit en annexe, il a estimé que l’on ne pouvait pas exclure le diagnostic de phobie sociale. Enfin, la capacité à donner des concerts n’engendrait pas une capacité de travail dans son activité habituelle. La capacité de travail devait être examinée selon l’art. 6 LPGA, et force était de constater que deux médecins avaient certifié qu’il n’était pas en mesure de reprendre une activité professionnelle de bureau, même partielle. Il en découlait que le rapport de la Dre L______ devait être écarté.

Il s’est par ailleurs prononcé sur l’intérêt qu’il avait à agir en procédure tant en constatation de son droit qu’en condamnation en paiement des indemnités dues par la défenderesse.

r. Les parties se sont exprimées une dernière fois à l’occasion d’une audience de plaidoiries finales qui s’est tenue le 11 décembre 2024. Elles ont confirmé leurs positions telles qu’exprimées dans leurs écritures.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 CPC et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), relevant de la LCA.

Selon la police d’assurance conclue par B______ avec la défenderesse, qui prévoit le versement d’indemnités journalières en cas de maladie, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi a priori établie.

2.             L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 24 des CGA dispose que pour toutes les actions au sujet du contrat d’assurance, sont compétents au choix soit les tribunaux du domicile suisse ou du lieu de travail suisse des personnes assurées ou des ayants droit, soit ceux du siège de l’assureur.

Le demandeur ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.             Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

4.             Dans l’examen des conditions de recevabilité, il convient tout d’abord d’examiner les différentes conclusions du demandeur, dès lors que celui-ci a pris tant des conclusions constatatoires que condamnatoires.

4.1 Se prévalant d’une violation de nature formelle, le demandeur conclut (conclusion n° 6) à ce que la chambre de céans annule la « décision » de la défenderesse du 27 mars 2023. En effet, il considère que cette dernière aurait violé son droit d’être entendu en ne le mettant pas en mesure de faire valoir ses arguments avant de lui notifier le courrier litigieux, par lequel elle l’a informé refuser toute prestation sur la base de l’art. 40 LCA et a exigé le remboursement des sommes versées de manière indue, soit CHF 16'586.85.

La jurisprudence définit la décision comme étant un acte de souveraineté individuel, qui s’adresse à un particulier et qui règle de façon impérative et contraignante une situation concrète soumise au droit administratif, soit en créant des droits et des obligations, soit en en constatant l’existence (ATF 135 II 38 consid. 4.3 not.).

Or, la défenderesse a agi dans le cadre de rapports de droits privés et aucunement en tant que dépositaire de la souveraineté étatique. Son courrier du 27 mars 2023 n’est donc pas une décision au sens de ce qui précède et le demandeur ne saurait se prévaloir, par conséquent, d’une violation d’un droit constitutionnel applicable aux rapports entre l’administration étatique et les particuliers.

La conclusion n° 6 du demandeur est dès lors irrecevable.

4.2 Il en va de même de la conclusion complémentaire n° 8.

Le demandeur sollicite la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de CHF 10'000.- à des titres divers intitulés globalement dommage et/ou tort moral. Il résulte de la réplique du demandeur que cette somme serait constituée de CHF 6'855.- correspondant aux 38 jours de suspension prononcés par l’assurance-chômage en raison des motifs de licenciement, reprenant le contenu du courrier du 27 mars 2023 de la défenderesse, d’une part, et d’un tort moral pour atteinte à sa santé et licenciement, d’autre part.

Comme cela a été mentionné ci-dessus, la chambre de céans connaît des litiges fondés sur la LCA. Or, les prétentions du demandeur se déduisent de dispositions légales issues d’autres lois. Partant, la compétence de la chambre de céans ratione materiae faisant défaut, il y a lieu de déclarer cette conclusion irrecevable, les conditions du cumul d’actions définies à l’art 90 al. 1 CPC n’étant par ailleurs pas réalisées.

4.3 Le demandeur conclut ensuite (conclusion n° 7) à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de CHF 31'852.80, sous déduction de CHF 16'586.85 déjà versés, avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2023, correspondant au montant des indemnités journalières prétendument dues pour la période courant du 18 novembre 2022 au 31 mai 2023.

4.3.1 Le contrat d’assurance collective duquel découle la prestation dont le demandeur sollicite le versement est généralement conclu sous la forme d’une assurance de dommage. Cet axiome est présentement confirmé par les CGA, soit en particulier par les art. 1.1 (sont assurées les prestations pour la perte de salaire), 13.2 (la perte de salaire attestée qui résulte d’une incapacité de travail assurée est payée), 15.1 (les prestations sont garanties si le dommage financier résultant d’un événement assuré peut être prouvé), 15.3 (le calcul des indemnités journalières est fonction du dernier salaire soumis à l’AVS [assurance-vieillesse et survivants]) et 18.10 (les prestations sont réduites en cas de surindemnisation) (cf. pour la distinction entre assurance de somme et assurance de dommage et ses conséquences : ATF 146 III 339 consid. 5.2 et les références citées).

4.3.2 Il résulte de l’administration des preuves et de l’aveu du demandeur que celui‑ci a perçu l’entier de son salaire durant la période concernée, salaire qui lui a été versé par son employeur. Il n’a dès lors subi aucune perte de salaire ni aucun dommage.

4.3.3 Il n’a donc manifestement aucun intérêt digne de protection à obtenir le versement des indemnités journalières qu’il réclame, étant précisé qu’il ne peut se substituer à l’employeur en ouvrant action pour que celui-ci obtienne les prétentions contractuelles, dès lors que l’employeur (preneur d’assurance) n’est pas titulaire du droit au versement des indemnités journalières (cf. ATF 141 III 112 consid. 4.4), ce qu’il ne prétend d’ailleurs pas. En effet, par la voix de son conseil, le demandeur a plaidé qu’il subissait de multiples dommages par ricochet du fait de la décision de la défenderesse et que le montant réclamé ne serait pas même suffisant pour le dédommager, mais qu’il était d’accord, de façon pour le moins contradictoire, avec la rétrocession du trop-perçu salarial à B______, de même qu’avec un versement des indemnités journalières en mains de l’employeur (selon ce qui a été plaidé en audience finale). Il s’ensuit que sa conclusion (n° 7) en paiement doit être déclarée irrecevable, seule la perte de salaire directe pouvant faire l’objet d’une indemnisation sur la base du contrat d’assurance liant la défenderesse à l’ancien employeur du demandeur (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2025 du 19 mai 2025 consid. 5). Quant au versement en mains de l’employeur, auquel le demandeur, représenté par un mandataire professionnel, n’a pas formellement conclu, il serait quoi qu’il en soit rejeté, faute de qualité pour agir de l’intéressé (ATF 128 II 50 consid. 2b/bb et les références).

4.4 La façon de procéder du demandeur démontre qu’il entendait encaisser la rémunération à laquelle il avait droit selon contrat de travail à double. Ce n’est en effet que sur la base du contenu d’une pièce produite par l’intéressé (pièce 56 demandeur) que la partie défenderesse et la chambre de céans ont pu se rendre compte de ce qu’il avait perçu l’intégralité de son salaire pendant la période litigieuse. Dans son écriture du 11 juin 2024 à l’appui de laquelle la pièce en question a été produite, il ne fait aucune mention du fait qu’il avait perçu l’intégralité de son salaire et n’a pas non plus modifié sa conclusion condamnatoire. C’est donc manifestement par inadvertance que le demandeur a produit un document qui vient prouver que sa conclusion en paiement est abusive. En pareilles circonstances, force est de constater que le demandeur a procédé avec une mauvaise fois évidente. Il sera par conséquent sanctionné en vertu de l’art. 128 al. 3 CPC. Compte tenu du fait que le procédé avait pour but de tromper l’autorité de jugement aux fins d’obtenir le versement de manière indue d’une somme déjà reçue au préjudice de la partie adverse, que le demandeur – au demeurant assisté d’un conseil professionnel – n’a pas retiré sa conclusion en paiement après que la défenderesse a relevé qu’il ne subissait aucune perte de salaire et mentionné la témérité de sa façon d’agir, mais s’est limité à demander à ce qu’il soit pris acte de son engagement à reverser à son ancien employeur un éventuel trop-perçu, tout en déclarant que le montant réclamé ne couvrait pas l’ensemble de ses dommages « par ricochet » et admettant par-là qu’il n’avait aucunement l’intention de reverser quelque somme que ce soit, la faute doit être considérée comme relativement grave. Par conséquent, c’est une amende disciplinaire de CHF 1'000.- qui sera mise à charge du demandeur.

4.5 La question de la recevabilité de la conclusion en constatation du demandeur (conclusion n° 5), contestée par la défenderesse, sera traitée plus loin (cf. consid. 12), dans la mesure où elle dépend (en partie du moins) du sort de la demande reconventionnelle.

5.             Pour le surplus, la demande du 13 septembre 2023 respecte les conditions de forme légales (art. 130 et 244 CPC) et est donc recevable.

6.              

6.1 En vertu de l’art. 14 al. 1 CPC, une demande reconventionnelle peut être formée au for de l’action principale lorsqu’elle est dans une relation de connexité avec la demande principale. Les conditions de recevabilité de la demande reconventionnelle sont celles de la demande (François BOHNET, in : Bohnet et al. [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n. 86 ad art. 59 CPC).

6.2 En l’espèce, la recevabilité de la demande reconventionnelle tendant à la restitution de CHF 16'586.85 avec intérêts à 5% l’an dès le 27 mars 2023 doit être admise, puisqu’elle se rapporte, comme la demande principale, aux indemnités journalières versées pour l’incapacité de travail totale ayant débuté le 19 octobre 2022.

La demande reconventionnelle sera déclarée recevable.

7.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C_185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; 130 III 321 consid. 3.1 ; 129 III 18 consid. 2.6 ; 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c ; 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; 119 III 60 consid. 2c ; 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

8.              

8.1 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; 132 III 715 consid. 3.1 ; 130 III 321 consid. 3.3).

8.2 En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

9.             Le litige porte, d’une part, sur la constatation du droit du demandeur au versement des indemnités journalières pour la période du 18 novembre 2022 au 31 mai 2023 et, d’autre part, sur le droit de la défenderesse à la restitution des indemnités journalières versées du 18 novembre 2022 au 28 février 2023 en raison d’une prétention frauduleuse.

10.         Il sied d’examiner en premier lieu la demande reconventionnelle, puisque si cette dernière est fondée, il n’y a pas lieu de se pencher sur la demande principale.

Ainsi, il convient tout d’abord de vérifier si c’est à bon droit que la demanderesse reconventionnelle invoque une prétention frauduleuse et réclame la restitution des indemnités journalières versées entre le 18 novembre 2022 et le 28 février 2023.

10.1 L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse : si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue. Il faut, en d’autres termes, constater que, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur aurait versé une prestation moins importante, voire aucune. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.1).

En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit ; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 et les références).

10.2 L’art. 40 LCA formule un moyen libératoire pour l’assureur, de sorte qu’il incombe à ce dernier de prouver les faits permettant l’application de cette disposition, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.1 et les références). Cette disposition est notamment conçue pour l’hypothèse où l’ayant droit fait des déclarations mensongères relevant de l’escroquerie à l’assurance, en particulier pour le cas où il déclare un dommage plus étendu que celui qui est survenu en réalité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_671/2010 du 25 mars 2011 consid. 2.6 et les références).

Le Tribunal fédéral a rappelé (ATF 148 III 134 du 11 janvier 2022 consid. 3.4 et les références), à l’égard de l’art. 40 LCA, que si le degré de la preuve applicable à l’intention d’induire en erreur (condition subjective) est celui de la vraisemblance prépondérante, il appartient en principe à l’assurance d’établir que l’assuré a présenté les faits de manière contraire à la vérité (condition objective) au degré de la preuve ordinaire, soit celui de la preuve stricte. Notre Haute Cour a estimé que ce n’est qu’exceptionnellement qu’on peut admettre une diminution du degré de la preuve de la condition objective de l’art. 40 LCA, au degré de la vraisemblance prépondérante, lorsque, par exemple, l’assurance doit prouver la simulation d’un vol, qui ne peut en règle générale pas être prouvée de manière stricte.

Lorsque les conditions de l’art. 40 LCA sont réunies l’assureur peut non seulement refuser ses prestations, mais aussi se départir du contrat et répéter en principe celles qu’il a déjà versées. La résolution du contrat, laquelle produit des effets ex tunc, n’étend ses effets que jusqu’au jour de la fraude et non au jour de la conclusion du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.3 et les références).

10.3 Aux termes des CGA applicables au cas d’espèce, la défenderesse assure les prestations mentionnées dans la police pour la perte de salaire en cas de maladie (art. 1.1). L’art. 4.1 CGA définit la maladie ainsi : toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail. Est par ailleurs réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut être raisonnablement exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 4.4). Quant à l’incapacité de gain, elle est définie comme toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. Il n’y a incapacité de gain que si ladite incapacité est objectivement insurmontable (art. 4.5). Si la maladie n’est que partiellement la cause de l’incapacité de travail, la Zurich ne verse que la partie correspondante des prestations (art. 17.1). Le preneur d’assurance ou la personne assurée doit faire tout ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui ou d’elle pour favoriser le rétablissement et diminuer le dommage. En outre, l’obligation de diminuer le dommage est appréciée en fonction de critères qui relèvent du droit des assurances sociales (art. 18.4). Si les règles de comportement sont violées, la Zurich peut réduire ou refuser les prestations selon son appréciation (art. 18.12). Enfin, l’art. 13.1 CGA précise que la condition pour l’octroi de prestations est une incapacité de travail attestée d’un point de vue médical et fondée sur des critères objectifs. La Zurich a le droit de refuser l’octroi d’une prestation si l’incapacité de travail que la personne fait valoir est, de manière prédominante, due à des facteurs non médicaux tels que les problématiques liées au droit du travail ou si le diagnostic émis ne justifie pas une incapacité de travail.

11.          

11.1 S’agissant de la condition objective de l’art. 40 LCA, il convient de relever ce qui suit.

Il est établi par les pièces produites, le témoignage de la Dre E______ et les déclarations du demandeur lui-même, que celui-ci n’a pas informé la défenderesse de ce qu’il avait non seulement repris la pratique de son hobby sous la forme de répétitions musicales, mais aussi les concerts en public, dès le 4 mars 2023 en ce qui concerne cette dernière activité. Si cette pratique ne saurait être considérée, sur la base des documents au dossier, comme une pratique de type professionnel, notamment eu égard au peu de temps qui semble y être consacré, il n’en demeure pas moins que les prestations publiques permettent de donner un éclairage sur les limitations alléguées par le demandeur. En effet, celui-ci a fait valoir une incapacité de travail totale pour un état dépressif que sa psychiatre a qualifié de sévère. Or, une affection de la gravité concernée ne permet assurément pas de jouer de la musique et chanter simultanément sans partitions ni paroles pendant 45 minutes d’affilée, ni d’ailleurs de prendre du plaisir à exercer cette activité, comme l’a concédé en procédure le demandeur. En effet, ce type de prestation apparaît incompatible avec la symptomatologie de l’état dépressif sévère selon le descriptif de la pathologie figurant dans les manuels médicaux ayant valeur de référence (DSM IV et V et CIM-10), ce qui est corroboré par l’avis de la Dre L______. Point n’est besoin ici de se prononcer sur la valeur probante de ce dernier avis, qui n'a au demeurant que valeur d’allégué dès lors qu’il émane du médecin conseil de la défenderesse, car la Dre E______ n’a pas contesté cette appréciation lors de son audition, bien au contraire, puisqu’elle a précisé avoir décrit l’état de santé de son patient au moment du début du suivi en janvier 2023 et a surtout mentionné que son patient ne présentait plus d’état dépressif en mars 2023, que la capacité de travail avait été récupérée progressivement, ce qui permettait d’aborder la thérapie par exposition et la phobie sociale. Dans ces circonstances, la reprise des concerts était un fait de nature à influer sur l’obligation de prester de l’assureur, puisqu’elle démontrait ce que la psychiatre a concédé en audience, à savoir que l’état dépressif ne justifiait plus d’incapacité de travail dès le mois de mars.

Il en va évidemment de même du recouvrement progressif de la capacité de travail, qui ne s’est pas traduite par la remise à la défenderesse de certificats d’incapacité reflétant cet état de fait.

L’incapacité – résiduelle – était dès lors, de l’avis de la psychiatre traitante, due à la phobie sociale, diagnostic dont la défenderesse n’avait pas connaissance. La question de la pertinence du diagnostic en question, contesté par la défenderesse, peut demeurer indécise, et ce quand bien même le comportement du demandeur semble présentement en contradiction avec la définition du trouble selon la CIM‑10 (F40.1). Effectivement, le demandeur n’a pas de problème à monter sur scène pour donner des concerts et être, par conséquent, exposé au regard d’une multitude de tiers, alors que la classification précitée décrit la phobie sociale comme la crainte d’être dévisagé par d’autres personnes, entraînant un évitement des situations d’interaction sociale. Selon la Dre E______, la survenance des symptômes du trouble phobique était circonscrite au contexte de l’environnement professionnel du demandeur chez son employeur de l’époque. Il en découle que l’incapacité de travail partielle générée par la pathologie – si tant est qu’elle fut justifiée – était due de manière prépondérante, voire exclusive, à des problématiques relevant du droit du travail. Ceci est étayé par le rapport initial de la Dre D______ envoyé à la défenderesse, ainsi que par les allégués et pièces produites par le demandeur qui tendent à démontrer l’ambiance délétère qui régnait chez son employeur et dont il souffrait. Or, les facteurs non médicaux du type de ceux décrits par la psychiatre traitante excluent le droit aux prestations aux termes des CGA.

La communication d’une reprise partielle de la capacité de travail, de même que celle de l’amendement de l’état dépressif (ayant tous deux permis la reprise des concerts) et la subsistance d’une incapacité partielle liée de manière hautement prépondérante à des problématiques non médicales était effectivement de nature à donner à la défenderesse la possibilité de supprimer le droit aux prestations, dès le mois de mars 2023 en tout cas, voire de le diminuer également les semaines précédentes.

Le demandeur ne pouvait ignorer que son état de santé s’était amélioré, que le fait de se produire en concert était de nature à donner une indication sur sa capacité de travail – fut-ce chez un autre employeur – et que la prolongation de son incapacité de travail était engendrée par un trouble phobique.

Il est donc démontré, au degré de la preuve requis, que non seulement le demandeur lui-même, mais également son médecin traitant ont dissimulé des informations de nature à influer sur le droit aux prestations de l’assureur.

La réalisation de la condition objective de l’art. 40 LCA est par conséquent réalisée.

11.2 Reste à examiner si le demandeur avait l’intention d’induire en erreur la défenderesse.

L’absence de communication du demandeur sur la participation au concert du 4 mars 2023 ne saurait suffire à elle seule pour déduire une intention de tromper la défenderesse. En effet, on doit considérer qu’il pouvait de bonne foi se fier aux indications de sa psychiatre traitante qui lui avait prescrit la participation à ce concert dans le cadre d’une thérapie. Il en va de même de la reprise de la pratique de la musique et de la participation à d’autres concerts, même si ces faits n’ont été admis que devant les preuves produites par la partie adverse, dès lors qu’ils relèvent de l’exercice d’un hobby pouvant avoir des effets positifs sur l’état de santé. En effet, il ne ressort pas de la procédure au stade de la preuve requise – et la défenderesse qui a la charge de la preuve sur ce point ne le démontre pas – que le demandeur avait la volonté de tromper. On doit bien plutôt considérer, à l’aune des déclarations du demandeur et du témoignage de sa psychiatre traitante, qui a encore encouragé une « exposition » juste avant de signer un certificat de reprise de travail, que l’intéressé était fondé, sur la base des considérations de son médecin, à croire qu’il n’était pas encore apte à reprendre une activité professionnelle en raison du diagnostic de phobie sociale avancé par son médecin, ce d’autant qu’il était sous traitement antidépresseur à dose non diminuée et poursuivait une thérapie d’exposition. L’appréciation des conséquences de la diminution des symptômes dépressifs et la persistance d’une incapacité de travail sur le seul lieu du dernier emploi en raison d’une ambiance malsaine, respectivement dans un autre poste relève de la compétence du médecin. La Dre E______ a concédé en audience avoir fauté en omettant d’avertir la demanderesse et il ne peut être considéré que le demandeur connaissait l’ensemble des considérations médicales tues par son médecin ni leurs conséquences.

La condition subjective de l’art 40 LCA n’est par conséquent pas démontrée au degré de vraisemblance prépondérant requis et la défenderesse n’était par conséquent pas en droit de réclamer la restitution des prestations versées jusqu’au 28 février 2023.

12.         Le rejet de la demande reconventionnelle portant sur le versement des indemnités perte de gain pour la période du 18 novembre 2022 au 28 février 2023 a pour conséquence de rendre sans objet la conclusion en constatation (n° 5) du demandeur dans cette mesure temporelle.

Quant à la persistance d’un droit au versement des indemnités journalières au-delà de cette dernière date et jusqu’au 31 mai 2023, sa recevabilité apparaît plus que douteuse, le demandeur ayant perçu son salaire de la part de l’employeur (cf. consid. 4.3 supra), d’une part, et, d’autre part, la demande reconventionnelle ayant été rejetée au motif que le demandeur n’avait pas la volonté de tromper l’assureur. Quoi qu’il en soit, un droit aux indemnités journalières pour cette période n’est pas établi de manière suffisamment limpide pour qu’il soit fait droit (partiellement) à la conclusion du demandeur.

Effectivement, ce dernier, à qui il appartient de prouver, au degré de preuve ordinaire, l’incapacité de travail alléguée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_218/2023 consid. 3.1.1), a certes produit des certificats médicaux attestant d’une incapacité de travail entière pour cette période. Toutefois, sa psychiatre traitante s’est montrée beaucoup plus nuancée dans l’appréciation de l’incapacité de travail lors de son audition par la chambre de céans. En effet, elle a déclaré qu’il n’existait plus d’incapacité liée à l’état dépressif à compter de mars 2023. Elle a précisé que la reprise de la capacité de travail, qui ne perdurait donc qu’en raison de la phobie sociale liée exclusivement à l’ambiance chez l’employeur, s’était faite progressivement et que le demandeur était apte au travail dès mai 2023, alors qu’elle avait indiqué dans ses certificats une reprise en juin 2023 seulement. Il ressort des propos de la Dre E______ que le demandeur disposait d’une capacité de travail partielle (non précisée), puis entière sur la période concernée dans un emploi équivalant exigible de sa part. Enfin, la phobie sociale – pour autant que ce diagnostic puisse être confirmé – étant exclusivement déclenchée par une problématique d’ambiance sur le lieu de travail, à l’exclusion de tout autre contexte selon les explications fournies par le médecin en audience (cf. notamment l’exposition réussie le 4 mars 2023), ses conséquences sur la capacité de travail ne sont pas à la charge de la défenderesse (art. 13.1 CGA).

La conclusion du demandeur visant à la constatation de son droit à des indemnités journalières pour incapacité de travail entière jusqu’au 31 mai 2023 doit par conséquent être déclarée partiellement sans objet et rejetée dans la mesure de sa recevabilité pour le surplus.

13.         La demande reconventionnelle sera rejetée et la demande principale le sera dans la mesure de sa recevabilité. Le demandeur sera par ailleurs condamné à payer une amende disciplinaire. Pour le surplus, eu égard à la mauvaise foi avec laquelle le demandeur a procédé (cf. consid. 4.4), il se justifie de faire application de l’art. 115 al. 1 CPC et de mettre la moitié des frais de justice à sa charge, frais qui se montent au total à CHF 4'000.- (art. 17 cum art. 6 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 - RTFMC - E 1 05.10). Compte tenu de l’issue de la procédure et en particulier du fait que la demande reconventionnelle est rejetée, il ne sera pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 106 al. 2 CPC et 22 al. 3 let. de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC – E 1 05).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare irrecevables les conclusions nos 6, 7 et 8 de la demande.

2.        Déclare partiellement sans objet la conclusion n° 5 de la demande.

3.        Déclare la demande (pour le surplus) et la demande reconventionnelle recevables.

Au fond :

4.        Rejette pour le surplus la demande dans la mesure où elle est recevable.

5.        Rejette la demande reconventionnelle.

6.        Condamne le demandeur à une amende disciplinaire de CHF 1'000.-.

7.        Arrête les frais judiciaires à CHF 4'000.-. Les met à charge du demandeur à concurrence de la moitié, soit CHF 2'000.-.

8.        Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

9.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Laurence PIQUEREZ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le