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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1825/2025

ATAS/596/2025 du 14.08.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1825/2025 ATAS/596/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 14 août 2025

Chambre 2

 

En la cause

A______ représentée par
Me Aliénor WINIGER, avocate

 

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Le 24 février 2015, A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1977, mariée et mère de trois enfants nés entre 1998 et 2006 – suivis ultérieurement d’un quatrième (né en 2014) –, avec pour seule formation l’école obligatoire, de profession repasseuse et employée de pressing, et se désignant alors comme mère au foyer, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci-après : AI) pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente, ce en raison d’un « trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, personnalité émotionnellement labile, type borderline », existant depuis 2002.

b. Dans le cadre de l’instruction de la demande AI, l'office de l'assurance‑invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI, l'office ou l'intimé) a reçu des renseignements.

Les 11 mai 2015, respectivement 11 novembre 2019, la docteure B______ a adressé un questionnaire médical à l’office et un rapport au service médical régional AI (ci-après : SMR).

c. Il ressort du dossier AI que l’intéressée a travaillé du 12 mars 2018 au 31 décembre 2019 en qualité d’employée de blanchisserie au taux de 100% au service de la C______ – qui a « pour mission de permettre à des personnes vivant avec des troubles psychiques d’accéder à des emplois sur le second marché » (cf. page internet « https://www.trajets.org/entreprises ») –, et qu’elle a reçu des prestations de l’assurance perte de gain de cet employeur, LA VAUDOISE GÉNÉRALE – COMPAGNIE D’ASSURANCE SA (ci-après : l’assurance perte de gain), qui a retenu le 23 janvier 2020 une capacité de travail de 100% « dans un autre environnement professionnel ».

La Dre B______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitante a adressé des rapports à cette assurance, en particulier les 16 juillet, 26 septembre et 16 octobre 2019.

d. Le 15 décembre 2019, le service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a fait état d’une consultation pour des épisodes de lipothymie depuis deux semaines.

Le 12 janvier 2020, le service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale des HUG a établi un rapport de « consultation d’otoneurologie », faisant état d’épisodes de céphalée temporale droite ainsi que d’un acouphène à droite, depuis plusieurs années.

e. Par communication de l’office du 17 février 2020, l’assurée s’est vue octroyer des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un coaching.

f. À la demande du SMR formulée le 12 mars 2020, une expertise psychiatrique a été réalisée par la docteure D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui a établi son rapport d’expertise le 14 juin 2020. Elle a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de « séquelles de traumatismes complexes de l’enfance : notions de violence verbal, physique et sexuelle ainsi que de privation affective Z61.5, Z62.4, Z60.3 et Z61.0 », et sans une telle répercussion, de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen vraisemblablement avec syndrome somatique (CIM-10 F33.11), et de personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.33). Selon l’experte, « la nécessité d’une prise en charge préalable, par exemple en mesures de réinsertion progressive, [pourrait] permettre d’exercer tout type d’activité, dont le métier habituel d’employée de blanchisserie », ce qui permettrait « à terme » une capacité totale de travail dans toute activité.

Le 15 septembre 2020, ladite experte psychiatre a, sur questions du SMR, complété son rapport d’expertise, mentionnant notamment que le trouble dépressif récurrent, entraînait comme conséquence une alternance d’épisodes moyens et sévères sans symptômes psychotiques (F33.2 et F33.11).

g. Dans le cadre des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un coaching, et à teneur d’un rapport de « travailPLUS » de l’ARMÉE DU SALUT, l’intéressée a bénéficié d’une telle mesure à 20% au sein d’un établissement médico-social (ci-après : EMS) prévue du 16 mars au 16 juin 2021, mais étant donné qu’elle ne se sentait pas bien et quittait ce lieu plus tôt que prévu, ladite mesure a pris fin le 1er avril 2021.

h. Par un projet de décision du 20 mai 2021 faisant suite à un « rapport final – MOP » de sa division réadaptation professionnelle du 28 avril 2021, puis par décision du 7 octobre 2021, l’OAI a octroyé à l’assurée, à compter du 1er mai 2020, une rente entière basée sur un degré d’invalidité de 100%, ce en raison d’une incapacité de travail totale dans toute activité dès mai 2019, le statut étant celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle.

B. a. Dans le cadre d’une procédure de révision de la rente, l’assurée a rempli les 2 et 3 novembre 2023 des questionnaires, en indiquant notamment une aggravation de son état de santé depuis 2022.

b. Dans le cadre de l’instruction de cette procédure de révision, l'office a reçu des renseignements.

Il a en particulier reçu plusieurs rapports de médecins spécialistes, notamment en rhumatologie, gastro-entérologie, cardiologie, radiologie antérieurs à octobre 2021, y compris un rapport de « consultation d’otoneurologie » du service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale des HUG du 14 février 2020, la plupart desdits rapports étant à l’intention de la docteure E______, spécialiste en médecine interne générale, qui avait adressé un bref rapport le 10 février 2020 à l’assurance perte de gain.

Dans un questionnaire médical complété le 22 novembre 2023, la docteure F______, spécialiste en médecine interne générale et médecin généraliste traitante depuis le 29 septembre 2023, a diagnostiqué un état dépressif, une insuffisance veineuse des membres inférieurs et une dorsalgie, et a fait état de limitations fonctionnelles et d’une capacité de travail nulle dans toutes activités.

Dans un questionnaire médical rempli le 28 novembre 2023, la Dre B______ a fait état d’une absence de changements concernant les diagnostics et l’incapacité de travail, à savoir une capacité de travail nulle dans toutes activités.

c. À la demande du 29 janvier 2024 du SMR, la mise en œuvre d'une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique a été confiée au Bureau d'expertises médicales à Montreux (ci-après : BEM), plus précisément au docteur G______, spécialiste en médecine physique et réadaptation et « médecin certifié ACT SIM », et au docteur H______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et « expert SIM ». Ces experts, à la suite d'un examen – clinique – somatique de 1h00 et psychiatrique de 1h50 les 6 et 23 mai 2024 ainsi que de radiographies du bassin et du rachis lombaire ainsi que de la colonne du 6 mai 2024 suivies d'un rapport d’un radiologue, ont rendu leur rapport d'expertise le 15 juin 2024, incluant les parties « évaluation consensuelle », « expertise médecine physique » et « expertise psychiatrique ».

Selon les experts, il n’y avait aucun diagnostic incapacitant. Au plan somatique, le seul diagnostic retenu, des lombalgies mécaniques sur troubles dégénératifs débutants (M54.5), n’était pas incapacitant. Il en allait de même des diagnostics au plan psychique du trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F33.4), ainsi que du trouble de la personnalité émotionnellement labile, de type borderline, non décompensé (F60.31). Au plan psychique comme somatique, la capacité de travail dans toute activité avait été nulle entre octobre 2019 et fin 2022, mais entière à partir de début 2023 et pour la suite.

d. Dans un rapport du 2 septembre 2024, le SMR a suivi les conclusions desdits experts et a retenu une amélioration, avec une capacité de travail de 100% dans l’activité habituelle d’employée de blanchisserie comme dans une – autre – activité adaptée à partir de janvier 2023.

e. Sur cette base et considérant que le changement déterminant commençait le 1er avril 2023 (trois mois après l’amélioration retenue par les experts et le SMR), l’OAI a, par projet de décision du 3 septembre 2024, envisagé de supprimer la rente entière « après la notification de la décision pour la fin du mois suivant ».

f. Le 4 octobre 2024, l’assurée, désormais représentée par une avocate, a formé opposition contre ce projet de décision.

Étaient produits un rapport du 24 septembre 2024 de la Dre B______, critiquant le rapport d’expertise bidisciplinaire, un rapport du service des urgences des HUG du 26 septembre 2024 à la suite d’une consultation la veille pour une douleur thoracique, et un rapport de gastroscopie du 21 novembre 2023 établi par le docteur I______, gastroentérologue.

g. À cela s’est ajouté un rapport du 17 octobre 2024, avec rapport d’échocardiographie du 15 octobre 2024, du docteur J______, cardiologue.

Le 6 mars 2025, celui-ci a répondu à des questions posées par le SMR.

h. Dans un avis du 26 mars 2025, le SMR a maintenu ses conclusions du 2 septembre 2024.

i. Par décision du 9 avril 2025, l’office, considérant que les derniers rapports médicaux n’apportaient aucun élément médical objectif permettant de modifier ses précédentes conclusions, a supprimé la rente entière « après la notification de la décision pour la fin du mois suivant », avec la précision qu’un recours contre cette décision n’aurait pas d’effet suspensif.

C. a. Par acte du 26 mai 2025, l’assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à l’audition des parties et ouverture d’enquêtes, avec un délai pour déposer une liste de témoins, ainsi qu’à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire aux plans psychiatrique, rhumatologique et neuropsychologique, au fond à l’annulation de la décision querellée et au maintien au-delà du 30 mai 2025 de son droit aux prestations légales de l’AI fondées sur un taux d’invalidité de 100%.

Notamment, elle avait été hospitalisée en mai 2025 à la clinique de Crans‑Montana des HUG, comme le montraient des prescriptions de physiothérapie et de médicaments émises le 21 mai 2025.

b. Le 11 juin 2025, l’intimé a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

c. Le 24 juin 2025, la recourante a persisté dans sa conclusion en restitution de l’effet suspensif.

Était jointe une « lettre de sortie des soins de réadaptation psychosomatique » du 10 juin 2025 de la clinique de Crans-Montana à la suite du séjour du 5 au 22 mai 2025. Le diagnostic principal était un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes somatiques. Étaient aussi mentionnés des « diagnostics secondaires », soit un syndrome pseudo-grippal, une carence en folates et une carence en vitamine D, de même que des « comorbidités », à savoir un état de stress post-traumatique, un trouble de la personnalité borderline, un « syndrome douloureux chronique lombosciatalgie avec irradiation vers le [membre inférieur gauche] » – qui faisait l’objet d’un développement –, un diabète de type 2, un surpoids, un syndrome d’apnée obstructive du sommeil appareillé, une « tachycardie supraventriculaire récidivante probable (accès paroxystiques) (25.09.2024) », une hypercholestérolémie et un « tabagisme actif 33 UPA », ce à quoi s’ajoutaient des « antécédents personnels pertinents ».

En outre, à teneur d’un courriel du 10 juin 2025 de la Dre B______ au conseil de la recourante, celle-ci était actuellement aux urgence psychiatriques après un abus médicamenteux.

d. Par réponse au fond du 11 juillet 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours, à la suite de quoi un délai au 20 août 2025 a été accordé à la recourante pour répliquer au fond.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours paraît prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA - E 5 10)].

4.        a. Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ‑ RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC - RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA ‑ RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phr. LPGA).

b. Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

5.        Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au‑delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 8C_305/2023 du 29 février 2024 consid. 5.3.2 ; 9C_ 846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 ; 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

6.        En l’espèce, au préalable, et sur la base d’un examen sommaire du cas, on peut relever que le prononcé de la décision – initiale – du 7 octobre 2021 ne semble pas avoir été précédé d’une appréciation du SMR mais seulement du « rapport final – MOP » de la division réadaptation professionnelle de l’OAI du 28 avril 2021, qui conclut que « l’assurée est en [incapacité de travail] totale dans toute activité et aucune mesure n’est susceptible de réduire le dommage ou constituer une [capacité de travail] au vu du diagnostic, des [limitations fonctionnelles] complexes posées et de la péjoration de l’état de santé dû à la [mesure de réadaptation] ».

Or ladite division réadaptation professionnelle n’est pas compétente en matière médicale, et son rapport final fait suite au rapport de « travailPLUS » de l’ARMÉE DU SALUT, à teneur duquel l’intéressée a bénéficié d’une telle mesure à 20% au sein d’un EMS prévue du 16 mars au 16 juin 2021, mais étant donné qu’elle ne se sentait pas bien et quittait ce lieu plus tôt que prévu, ladite mesure a pris fin le 1er avril 2021.

Cela étant, selon le rapport d’expertise psychiatrique réalisé le 14 juin 2020 par la Dre D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, sont des « séquelles de traumatismes complexes de l’enfance : notions de violence verbale, physique et sexuelle ainsi que de privation affective Z61.5, Z62.4, Z60.3 et Z61.0 », et sans une telle répercussion, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen vraisemblablement avec syndrome somatique (CIM-10 F33.11), et une personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.33). De l’avis de cette spécialiste, « aucun défect de cohérence ni de plausibilité n’a été identifié, ceci dans tous les domaines comparables de la vie. La qualité du rapport de confiance ne laisse pas de doute quant à la sincérité des propos ». D’après l’experte, concernant l’évolution de la capacité de travail, « ce n’est pas la capacité de travail qui est en question, mais les conséquences relationnelles des graves séquelles de maltraitances infantiles vécues qui ont conduit à de multiples ruptures de contrats. Le pronostic, qui nécessite une prise en charge intensive, pourra mener à une pleine reprise professionnelle de manière durable » ; « la nécessité d’une prise en charge préalable, par exemple en mesures de réinsertion progressive, [pourrait] permettre d’exercer tout type d’activité, dont le métier habituel d’employée de blanchisserie », ce qui permettrait « à terme » une capacité totale de travail dans toute activité. À ce sujet, concernant le choix du métier, cette experte relève que les restrictions sont plus psychosociales (analphabétisme) que psychiatriques, et elle émet des propositions thérapeutiques, à savoir un suivi psychiatrique intense et investi (au minimum une fois par semaine) et le maintien de l’antidépresseur, la psychiatre traitante s’étant quant à elle déclarée d’accord avec ces propositions.

Dans son complément d’expertise du 15 septembre 2020, la Dre D______ précise que le diagnostic incapacitant qu’elle a retenu implique un tableau clinique avec des caractéristiques clairement définies, qui comprennent une instabilité émotionnelle, des problèmes d’attention et de concentration, des difficultés à s’entendre avec les autres et avec soi-même, associées à une importante versatilité, et l’incapacité de travail qui a débuté le 14 mai 2019 est restée totale depuis lors pour des motifs psychiatriques. Le traitement exigible, sur le plan du suivi, a été mis en place par la psychiatre traitante, et il est exercé lege artis. Pour qu’elle puisse recouvrer une capacité de travail durable en milieu rentable, l’expertisée doit d’abord être exposée à un entourage professionnel de manière protégée, exposition qui pourrait prendre la forme de mesures de réinsertion progressive et qui serait intensivement accompagnée par un suivi psychiatrique. Par ailleurs, le trouble dépressif récurrent, entraîne comme conséquence une alternance d’épisodes moyens et sévères sans symptômes psychotiques (F33.2 et F33.11).

Il paraît prima facie résulter de ce qui précède qu’une amélioration de l’état de santé psychique de l’intéressée pouvait, au moment du prononcé de la décision du 7 octobre 2021, être espérée dans un laps de temps qui n’était alors pas clairement déterminé.

7.        Dans le cadre de la procédure de révision initiée par l’intimé, dans le questionnaire médical rempli le 28 novembre 2023, la Dre B______ fait état d’une absence de changements concernant les diagnostics et l’incapacité de travail, à savoir une capacité de travail nulle dans toutes activités. Selon cette spécialiste, la patiente, depuis qu’elle n’est plus exposée au monde du travail, va légèrement mieux sur le plan anxio-dépressif, mais n’est pas pour autant en capacité de se mobiliser pour sortir de chez elle et faire des activités qu’elle estimerait comme agréables. Les consultations ont lieu tous les quinze jours.

Selon le rapport d’expertise bidiciplinaire du 15 juin 2024 des experts G______, spécialiste en médecine physique et réadaptation, et H______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui comprend les volets « évaluation consensuelle », « expertise médecine physique » et « expertise psychiatrique », il n’y a aucun diagnostic incapacitant. Au plan somatique, le seul diagnostic retenu, des lombalgies mécaniques sur troubles dégénératifs débutants (M54.5) n’est pas incapacitant. Il en va de même des diagnostics au plan psychique de trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F33.4), ainsi que de personnalité émotionnellement labile, de type borderline, non décompensé (F60.31). Au plan psychique comme somatique, la capacité de travail dans toute activité a été nulle entre octobre 2019 et fin 2022, mais entière à partir de début 2023 et pour la suite.

Il n’y a pas lieu, au stade de la présente décision sur effet suspensif, de se prononcer de façon définitive sur la valeur probante de ce rapport d’expertise. Néanmoins, en l’état, une absence manifeste de valeur probante ne paraît prima facie pas manifestement établie.

À l’appui de l’opposition contre le projet de décision du 3 septembre 2024 puis du recours interjeté contre la décision du 9 avril 2025 – querellée –, la recourante semble émettre des griefs concernant en majeure partie ses troubles psychiques et leurs effets, et faire reposer ses griefs en grande partie sur le rapport de la Dre B______ du 24 septembre 2024.

Ladite psychiatre traitante fait état des incohérences dans le rapport d’expertise bidisciplinaire examinées ci-après.

Premièrement, mérite prima faci un examen attentif la remarque de la Dre B______ selon laquelle, si, de l’avis des experts G______ et H______, l’assurée exagère ses plaintes et tient des propos non cohérents, il faudrait s’interroger pourquoi ils seraient cohérents avant janvier 2023, et s’ils ne l’étaient pas, l’incapacité de travail devrait être remise en question pour la période antérieure, et, si les discordances retenues étaient infondées, il faudrait s’interroger pourquoi retenir une guérison totale depuis une date précise sans argumentation suffisante. Toutefois, même si certaines des incohérences retenues par les experts G______ et H______ s’avéraient infondées, il n’en résulterait pas forcément une mise en cause entière de leur rapport d’expertise, étant en outre précisé que deux des incohérences relevées par eux se réfèrent à des analyses biologiques effectuées dans le cadre de l’expertise.

Concernant la deuxième critique de la psychiatre traitante, il n’est en l’état pas certain que le rapport d’expertise bidiciplinaire soit dénué d’un examen sous l’angle des indices jurisprudentiels en lien notamment avec un trouble dépressif. Notamment, dans le chapitre « status psychiatrique », l’expert psychiatre émet des constatations afférentes à l’« humeur » et à l’« angoisse et dissociation » (p. 26), et, au sujet des « diagnostics actuels et passés retenus », il se prononce sur le trouble dépressif récurrent (p. 28-29).

La troisième remarque de de la Dre B______ selon laquelle l’expert psychiatre ne se baserait pas sur une journée type objective pour retenir une nette discordance entre les plaintes de l’expertisée, sa journée type et la « mini ICF » (sic) ne paraît prima facie pas pouvoir être considérée comme d’emblée établie sans un examen approfondi.

Enfin, quatrièmement, l’assertion de la psychiatre traitante d’après laquelle « une expertise neuropsychologique pourrait clarifier la situation d’une façon objective » n’impliquerait pas forcément, même dans l’hypothèse où elle s’avérait pertinente, que le rapport d’expertise bidiciplinaire serait dénué de valeur probante, sachant que le SMR ne semble prima facie pas avoir demandé d’examen neuropsychologique.

Certes, dans la « lettre de sortie des soins de réadaptation psychosomatique » du 10 juin 2025, la clinique de Crans-Montana, à la suite du séjour du 5 au 22 mai 2025, pose le diagnostic principal étant un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes somatiques, un « syndrome douloureux chronique lombosciatalgie avec irradiation vers le [membre inférieur gauche] » étant entre autres évoqué. Cela étant, il ne peut en l’état pas être exclu que l’épisode sévère dont il est fait état dans cette lettre de sortie soit récent et nettement postérieur à l’expertise bidiciplinaire et à l’amélioration retenue par les experts, le SMR et l’OAI. Au demeurant, dans son rapport du 28 novembre 2023, la psychiatre traitante pose le diagnostic d’épisode actuel moyen – et non sévère – du trouble dépressif récurrent avec symptômes somatiques (F33.1), et, dans son rapport du 24 septembre 2024, elle relève que sa patiente, depuis qu’elle bénéficie d’une rente d’invalidité et qu’elle n’est plus exposée au monde du travail, « n’a plus été hospitalisée en psychiatrie ni prise en charge au programme crise ».

8.        Dans ces circonstances, les chances de succès de la recourante sur le fond ne paraissent pas évidentes à première vue, et il n’est en l’état pas établi que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale.

Dès lors, l’intérêt de l’intimé au non-octroi de l’effet suspensif ou de toutes autres mesures provisionnelles l’emporte sur celui de l’assurée à obtenir le versement de prestations. L’issue de la procédure étant incertaine, il existe un risque important que l’assurée ne puisse pas rembourser les prestations qui lui seraient versées à tort par l’office pendant la procédure.

Partant, la restitution de l’effet suspensif au recours ne sera pas octroyée.

9.        La suite de la procédure est réservée.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

1.        Refuse de restituer l’effet suspensif au recours.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

Blaise PAGAN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le