Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/538/2025 du 10.07.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE | ||
A/1004/2024 ATAS/538/2025
COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales
Arrêt du 10 juillet 2025 Chambre 5 |
En la cause
A______ représenté par Me Mélanie MATHYS DONZÉ, avocate
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE
| intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en ______ 1976, exerçant la profession de chauffeur livreur, a déposé une demande de prestations invalidité, qui a été reçue par l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : l'OAI) en date du 18 septembre 2017.
b. L’assuré décrivait comme atteinte à la santé : une sciatalgie sur discopathie et une hernie discale étagée, existant depuis le 1er février 2017. Il précisait être suivi par la docteure B______, spécialiste en médecine générale, et par le docteur C______, médecin auprès du service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).
c. Le contrat de travail de l’assuré auprès de D______ a été résilié et s’est terminé le 30 novembre 2017 à l’issue d’un arrêt de travail pour cause de maladie qui avait débuté le 1er février 2017.
d. À la demande de l’OAI, le docteur E______, médecin auprès du service de rhumatologie des HUG, a rendu un rapport médical daté du 12 décembre 2017, posant les diagnostics de syndrome radiculaire irritatif L5-S1, chronique avec syndrome lombo-vertébral associé depuis février 2017 et lombosciatalgies droites chroniques depuis 2001. Il était indiqué que l’assuré voyait sa capacité physique limitée par les douleurs survenant à la marche ou lors de stations statiques (debout ou assise prolongée). Le médecin considérait que, d’un point de vue médical, l’activité habituelle n’était plus exigible dans l’état de santé actuel du patient, car il fallait éviter le port de charges ou la marche prolongée. En annexe à son rapport médical, le médecin joignait un rapport de consultation spécialisée du rachis, daté du 22 novembre 2017, dans lequel son appréciation était détaillée.
e. Par note de statut du 9 janvier 2018, un gestionnaire de l’OAI a constaté que l’assuré avait un statut d’actif à 100% mais qu’en raison de son activité habituelle, qui n’était plus compatible avec son état de santé, son contrat de travail avait été résilié pour le 30 novembre 2017.
f. Dans le cadre d’une éventuelle réadaptation, l’assuré a été inscrit par l’OAI auprès du centre de formation continue en date du 30 mai 2018, afin d’examiner ses possibilités d’exercer une activité adaptée à ses troubles de la santé. Il a suivi un stage dans le domaine de la maintenance et de la gestion technique des biens immobiliers et a reçu un certificat de formation continue de responsable d’immeuble, daté du 19 décembre 2018 et délivré par le centre d’études et de formation intégrée du Léman.
g. Par projet de décision daté du 18 avril 2019, l’OAI a informé l’assuré de sa détermination de refuser le versement d’une rente d’invalidité au motif qu’après comparaison de son revenu sans invalidité et d’un revenu avec invalidité dans une activité adaptée à ses troubles de la santé, il en résultait une perte économique nulle correspondant à un degré d’invalidité nul. Par ailleurs, il avait déjà bénéficié d’un coaching puis d’un cours de formation organisés par le service de réadaptation. Par décision du 11 juin 2019, l’OAI a refusé toute prestation pour les raisons déjà exposées dans son projet de décision. Non contestée, la décision est entrée en force.
B. a. Inscrit auprès de l’Hospice général, l’assuré a bénéficié d’un stage d’évaluation à l’emploi, organisé par les Établissements publics pour l’intégration. À l’issue du stage, qui a duré du 14 septembre 2020 au 12 mars 2021, l’assuré a fait l’objet d’un rapport final indiquant qu’il était investi dans sa recherche d’un nouveau projet professionnel et qu’il obtenait les notations allant de bien à très bien pour les critères d’observation et d’évaluation. Il était notamment précisé qu’il possédait de réelles aptitudes en qualité d’intendant social, qu’il savait gérer une équipe, avait une conscience professionnelle très développée et que les retours professionnels étaient très positifs.
b. À la suite d’une IRM lombo-sacrée et sacro-iliaques effectuée le 15 septembre 2021, le professeur F______, spécialiste en neuro- radiologie, a constaté que par rapport à l’imagerie comparative IRM lombaire du 28 septembre 2017, au niveau L5-S1, il y avait une légère progression d’une hernie discale excentrique à droite, avec rétrécissement d’origine multifactorielle recessale droite, au contact étroit avec l’émergence de la racine S1 droite ainsi qu’un rétrécissement d’origine multifactorielle L5–S1 foraminale, bilatérale au contact avec les racines L5 bilatérales et l’apparition d’une petite hernie discale L3 – L4 postéro médiane non conflictuelle.
c. En date du 20 décembre 2021, l’OAI a reçu une nouvelle demande de prestations invalidité déposée par l’assuré, se fondant sur la même atteinte à la santé. L’assuré indiquait être suivi par la docteure G______, spécialiste en médecine générale, et par le docteur H______, médecin adjoint agrégé auprès du service de rhumatologie des HUG.
d. Ce dernier a rendu un rapport médical daté du 22 décembre 2021 dans le cadre de la consultation spécialisée du rachis lombaire (bilan ProMIDos). Il était mentionné que l’assuré avait connu un état dépressif dans le contexte de son problème de douleurs et avait été suivi par le docteur I______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie depuis 2017, qui lui avait prescrit des antidépresseurs. Le bilan de la consultation mettait en évidence une évolution très défavorable physiquement et psychiquement, depuis la prise en charge multidisciplinaire de 2017. Le Dr H______ considérait que la capacité de travail de l’assuré était nulle en raison de douleurs nociceptives sur syndrome lombo vertébral chronique, des douleurs neuropathiques sur un syndrome radiculaire L5 gauche, secondaire à une hernie discale, et des douleurs nociplastiques sur phénomène de sensibilisation centrale qui se présentait à la fois sous forme de douleurs de fond, avec en plus des épisodes d’exacerbations de une à deux semaines, quasiment chaque mois, dès qu’il augmentait un peu son activité physique. Non seulement la position assise était mal tolérée mais même l’alternance fréquente des positions ne permettait pas de le soulager suffisamment s’il n’y incorporait pas des périodes en décubitus. En conséquence, il n’était pas possible d’envisager des limitations ou des aménagements de poste suffisants pour permettre une reprise d’activité professionnelle, même à temps partiel. Il était conseillé de compléter la prise en charge par un suivi psychiatrique.
e. Par avis médical du 12 janvier 2022, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a considéré que l’assuré avait rendu plausible une aggravation de son état de santé.
f À la demande de l’OAI, la Dre G______ a rendu un rapport médical daté du 22 avril 2022, dans lequel elle a renvoyé à l’appréciation du Dr H______, tout en mentionnant une capacité de travail nulle de l’assuré.
g. Par avis médical du 27 avril 2022, le docteur J______, du SMR de l’OAI, a considéré que le rapport du 22 décembre 2021 du Dr H______ ne renseignait pas suffisamment sur le taux de capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée ; il a donc proposé la réalisation d’une expertise orthopédique, qui a été confiée par l’OAI au docteur K______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.
h. L’expert K______ a rendu son rapport d’expertise orthopédique en date du 22 décembre 2022. Il a retenu un diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de lombosciatalgies à droite non déficitaires. L’expert considérait que les chances de guérison étaient minimes et que l’assuré devait suivre un programme d’amaigrissement et de tonification de la musculature paravertébrale et abdominale, avec des exercices en piscine, car ces mesures étaient susceptibles de diminuer l’intensité des douleurs dont il se plaignait. Le médecin relevait que l’assuré avait parfaitement collaboré à la réalisation de l’examen mais qu’il y avait des signes de non organicité qui indiquaient des facteurs non somatiques jouant un rôle important dans l’évolution du cas. L’expert estimait que l’assuré pouvait uniquement effectuer une activité professionnelle adaptée aux limitations fonctionnelles, c’est-à-dire une activité sédentaire ou semi sédentaire, dans laquelle il puisse alterner, à sa guise, la position debout avec la position assise, tout en ajoutant que de courts déplacements à plat étaient possibles. La capacité de travail dans l’activité habituelle ne respectait pas les limitations fonctionnelles, mais l’assuré pouvait exercer une activité adaptée aux limitations fonctionnelles à 100% ; toutefois, en raison des douleurs chroniques, une diminution du rendement de 30% pouvait se justifier.
i. Dans son rapport SMR du 10 janvier 2023, le Dr J______ a repris les conclusions de l’expert, soit une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle et une capacité de travail de 100% dans l’activité adaptée avec perte de rendement de 30%, en proposant de retenir la date du 15 septembre 2021 pour le début de la capacité de travail dans une activité adaptée.
j. S’agissant du volet psychiatrique, le psychiatre traitant de l’assuré, le docteur L______, a rendu un rapport médical daté du 20 janvier 2023 à l’attention de l’OAI. Il retenait un épisode dépressif moyen (F32.1), sans impact sur la capacité de travail et indiquait que l’évolution de l’état de santé psychique de l’assuré était marquée par des fluctuations thymiques et dépendait beaucoup des aspects pratiques, notamment des troubles somatiques et de l’attente de l’issue de sa demande de prestations invalidité. Un nouvel essai avec un antidépresseur Escitalopram avait été mal supporté par l’assuré, mais le suivi psychothérapeutique, à raison d’une séance tous les 15 jours depuis le 14 septembre 2022, semblait aider l’assuré. Le psychiatre mentionnait encore que l’assuré passait beaucoup de temps à son domicile, qu’il était assez limité dans ses déplacements en raison de ses douleurs et cela même s’il essayait de sortir se promener régulièrement ; il s’occupait des tâches ménagères et passait du temps avec son fils et son épouse. La symptomatologie anxiodépressive limitait son fonctionnement quotidien, sans toutefois que cet impact soit irréversible, étant précisé que l’assuré était motivé pour travailler, mais ses limitations physiques avaient un impact significatif.
k. L’assuré a été convoqué à un entretien de réadaptation professionnelle en date du 6 avril 2023. Il a confirmé qu’il devait alterner ses positions et ne pas rester debout immobile, mais qu’il était ouvert à des mesures d’orientation et restait motivé. Des indemnités journalières AI lui ont été octroyées dès le 21 août 2023 et il a été convoqué pour un examen approfondi dans le cadre du conseil en orientation professionnelle. Les mesures d’orientation auprès de la Fondation PRO ont débuté le même jour à 70%, puis sont passées à 50% dès le 24 août, puis à 20% dès le 28 août 2023. Une note de travail du 2 octobre 2023 mentionnait que c’était principalement les douleurs qui étaient problématiques ; le rendement était de 80% environ et il était précisé que la mesure se déroulait bien au niveau des ateliers. Dans une note de travail du 9 octobre 2023, résumant la teneur d’un entretien téléphonique entre l’assuré et le service de réadaptation de l’OAI, il était mentionné que la mesure avait réveillé les douleurs de l’assuré au niveau des lombaires et des jambes et que l’assuré était très déçu de lui-même car il considérait qu’il était impossible de maintenir une activité, même à 50%. L’OAI l’informait de la fin de la mesure, en raison des nombreuses absences et de la diminution d’activité. Un projet de décision lui parviendrait bientôt.
l. L’OAI a procédé à la détermination du degré d’invalidité de l’assuré, par note du 10 octobre 2023, se fondant sur une diminution de rendement de 30% qui aboutissait à un revenu brut, avec invalidité, de CHF 45'752.- pour l’année 2022, et à un revenu sans invalidité fondé sur l’échelle de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), TA1_tirage_skill_level, pour un homme, avec une activité hebdomadaire de 41,7 heures et une indexation, selon l’indice suisse nominal des salaires (ISS), de CHF 62’056.-. La perte de gain, suite à la comparaison des revenus, correspondait à un pourcentage de 26.32%, soit un taux d’invalidité de 26%.
C. a. Par projet de décision du 13 octobre 2023, l’OAI a informé l’assuré qu’à l’issue de l’instruction médicale, il lui reconnaissait une incapacité de travail de 100% dans son activité habituelle, dès le 14 juin 2018, date du début du délai d’attente d’un an. L’OAI estimait que, dans une activité adaptée à son état de santé, sa capacité de travail était de 100%, dès le 15 septembre 2021. Au vu des mesures de réadaptation qui avait été entreprises, l’OAI considérait que l’assuré était formé dans une activité adaptée à son état de santé ; il fixait son taux d’invalidité à 26%, à l’issue du calcul de comparaison des revenus. Dès lors que le taux d’invalidité était inférieur à 40%, l’assuré n’avait pas droit à une rente, pas plus qu’à des mesures professionnelles qui n’étaient pas nécessaires dans sa situation.
b. Dans un rapport d’activités et d’aptitudes daté du 14 novembre 2023, la conseillère en évaluation de la Fondation PRO a conclu que, sur l’ensemble de la mesure, l’assuré était une personne consciencieuse, assidue et ponctuelle, qui s’intégrait rapidement au sein des équipes et savait se faire rapidement apprécier de ses responsables. Toutefois, la mesure avait surtout permis de mettre en lumière ses limitations fonctionnelles, qui impactaient de manière significative son orientation et sa réinsertion professionnelle sur le marché ordinaire. À l’heure actuelle, sa capacité de travail résiduelle ne semblait pas pouvoir dépasser le seuil de 25 à 30% et ceci malgré son attitude volontaire et son implication. Dès lors, l’entrée sur le marché ordinaire du travail paraissait difficilement envisageable.
c. Par courrier du 27 octobre 2023, l’assuré a contesté le projet de l’OAI en mentionnant que sa santé n’avait fait qu’empirer avec le temps et que malgré sa motivation, le stage d’évaluation auprès de la Fondation PRO avait montré qu’il n’était pas capable de travailler plus de deux heures par jour, en raison de ses douleurs. Il annonçait que des appréciations médicales de ses médecins traitants allaient bientôt être adressées à l’OAI et demandait à ce dernier de réévaluer sa situation et son dossier.
d. Par courrier du 8 novembre 2023, le Dr L______ s’est adressé à l’OAI pour rappeler que l’assuré présentait actuellement un épisode dépressif marqué par une thymie triste, avec perte d’espoir pour l’avenir, une anxiété persistante avec perturbation de son sommeil et une anhédonie marquée. Il rapportait un sentiment de déception et de dévalorisation importante, en lien avec ses douleurs persistantes et les difficultés à trouver une solution médicale satisfaisante tout en constatant que ses troubles de la santé ne lui permettaient pas de travailler. Il suivait un traitement antidépresseur d’Escitalopram, à raison de 10 mg par jour et de somnifère Stilnox 10 mg. Le médecin ajoutait qu’une réévaluation de la capacité de travail de l’assuré à moyen et à long terme était actuellement nécessaire et ceci, malheureusement, également en lien avec la péjoration de sa santé mentale.
e. Le second médecin traitant de l’assuré, le docteur M______, médecin praticien, s’est adressé à l’OAI par courrier du 6 novembre 2023, dans lequel il s’est étonné du projet de refus de rente d’invalidité, dès lors que l’assuré présentait des lombalgies invalidantes, en raison de douleurs importantes depuis 2017. Les lésions rachidiennes lombaires étaient inopérables ; le patient bénéficiait d’un suivi conjoint psychiatrique et de médecine générale et le service de rhumatologie des HUG était à disposition pour des avis complémentaires.
f. Par avis médical du SMR, daté du 13 novembre 2023, le Dr J______ a considéré qu’aucun élément nouveau n’était présent au dossier concernant le volet somatique. S’agissant du volet psychiatrique, la qualification de l’intensité du trouble dépressif manquait, raison pour laquelle le SMR proposait la réalisation d’une expertise psychiatrique pour savoir si l’état de santé psychique de l’assuré était compatible, d’un point de vue psychiatrique, avec une capacité de travail résiduelle de 70%.
g. L’OAI a mandaté le docteur N______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, pour effectuer une expertise psychiatrique de l’assuré. Ce dernier a rendu son rapport d’expertise en date du 1er février 2024, concluant à une capacité de travail dans une activité adaptée de 80%, depuis le mois de septembre 2022 jusqu’à présent. Il retenait un diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de trouble dépressif récurrent moyen, avec syndrome somatique (F33.11). Les limitations psychiatriques étaient considérées comme légères, chez un assuré limité par sa tristesse et sa fatigue subjective, mais sans ralentissement psychomoteur objectivé, sans trouble de la concentration objectivable, sans anhédonie totale, mais partielle. Dans ce contexte d’absence de limitations fonctionnelles significatives, le degré de gravité fonctionnel était très partiellement rempli d’un point de vue psychiatrique, depuis septembre 2022 jusqu’à présent.
h. Par avis médical du 19 février 2024, le Dr J______, au nom du SMR, a commenté les résultats de l’expertise, en considérant que l’assuré gardait des capacités et des ressources personnelles satisfaisantes d’un point de vue psychiatrique, sans limitations fonctionnelles significatives psychiatriques dans une activité adaptée. L’expert ne retenait pas de limitations fonctionnelles psychiatriques significatives uniformes dans les domaines de la vie courante au vu de l’anamnèse, de la description de la journée-type et de l’examen clinique. Partant, le SMR a confirmé les conclusions de son avis médical du 10 janvier 2023, qui retenait une capacité de travail de 70%, dans une activité adaptée.
i. Par décision du 20 février 2024, l’OAI a confirmé son projet de décision du 13 octobre 2023 de refus de rente, en retenant une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée et une perte de gain de 26% correspondant à un taux identique de degré d’invalidité.
D. a. Par acte de son avocat, posté le 22 mars 2024, l'assuré a interjeté recours à l'encontre de la décision du 20 février 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant préalablement, à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, à son audition et principalement, à l’annulation de la décision entreprise et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, le tout sous suite de frais et dépens. Dans les grandes lignes, le recourant contestait les conclusions des expertises, se fondant notamment sur les appréciations de ses médecins traitants ainsi que sur les observations faites pendant le stage auprès de la Fondation PRO. Il était reproché à l’OAI de n’avoir pas tenu compte des conclusions du rapport de la Fondation PRO qui montraient les nombreuses difficultés rencontrées dans le quotidien du recourant, telles que les angoisses, les troubles du sommeil, l’anhédonie marquée, la tristesse, la fatigue et les difficultés de concentration. L’instruction du dossier était lacunaire et les deux expertises administratives étaient incomplètes et ne pouvaient se voir accorder de valeur probante, car les avis médicaux des médecins traitants n’avaient pas été pris en compte. S’agissant de la fixation du taux d’invalidité, au vu des nombreuses limitations fonctionnelles, il n’était pas possible de se fonder, pour le salaire avec invalidité, sur le tableau TA1 pour un homme et un abattement de 25% devait être effectué sur ce nouveau salaire statistique. À l’appui de son recours, l’assuré joignait un courrier de son médecin psychiatre daté du 19 mars 2024, dans lequel ce dernier reprenait, en substance, les termes de son appréciation du 8 décembre 2023, ajoutant que l’évolution était actuellement défavorable et que l’assuré présentait une incapacité de travail de 100% en raison de la péjoration significative de ses symptômes dépressifs tout en précisant que le pronostic était actuellement difficile à évaluer. Par courriers du 13 mars et du 22 mars 2024 joints au recours, le Dr M______ exposait que le problème essentiel de l’assuré était que ses douleurs invalidantes ne pouvaient pas être objectivées par des tests et des examens complémentaires mais que lesdites douleurs étaient réelles, dès lors que le patient s’en plaignait. Il relevait que sur une IRM du 2 novembre 2023, des remaniements dégénératifs de la colonne lombaire, au niveau L5–S1, étaient visibles. Il était encore mentionné que l’assuré se plaignait de lombalgies et sciatalgies bilatérales, de paresthésies du membre inférieur droit, 24 heures sur 24, qu’il devait changer fréquemment de position et ne dormait qu’environ quatre heures par nuit, avec un sommeil haché, réveillé par les douleurs. Suivait une liste de médicaments pris par l’assuré.
b. Par réponse du 22 avril 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, se fondant sur les deux expertises, respectivement rhumatologique puis psychiatrique, qu’il avait ordonnées, et concluant que ces dernières devaient se voir reconnaître une pleine valeur probante, dès lors que les plaintes subjectives du recourant avaient été prises en compte, notamment sur la base de l’examen clinique en ce qui concernait les problèmes somatiques. Du point de vue psychiatrique, l’analyse de la vie quotidienne indiquait qu’il n’existait pas de limitations uniformes dans tous les aspects de la vie quotidienne et montrait que le recourant disposait de ressources personnelles préservées ; en outre, le traitement antidépresseur n’était pas pris à des taux sanguins efficaces et il n’y avait pas eu d’hospitalisation psychiatrique ni de suivi psychiatrique hebdomadaire, ce qui plaidait aussi indirectement contre un trouble psychiatrique invalidant à 100%. Enfin, les conclusions du rapport de la Fondation PRO avaient été prises en compte dans l’analyse finale du dossier, sans que cela ne signifie pour autant que lesdites conclusions soient contraignantes et que l’OAI soit lié par ces dernières. En ce qui concernait le revenu d’invalide exigible, le tableau TA1 qui avait été retenu était adéquat et s’appliquait, en principe, à tous les assurés qui ne pouvaient plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle était physiquement trop astreignante pour leur état de santé mais qui conservaient, néanmoins, une capacité de travail importante dans des travaux légers. S’agissant de l’abattement, il avait été remplacé en 2022 par les dispositions réglementaires sur l’évaluation du taux d’invalidité entraînant une appréciation complète de la capacité fonctionnelle ; c’était dans le cadre du travail à temps partiel que l’abattement avait désormais un rôle prépondérant. En absence de temps partiel, l’OAI considérait avoir, à juste titre, renoncé à retenir un abattement. S’agissant des nouvelles pièces médicales soumises à l’appui du recours, à savoir les appréciations du Dr M______, datées respectivement du 13 et du 22 mars 2024, ainsi que l’attestation médicale du Dr L______ du 19 mars 2024, elles avaient fait l’objet d’un avis médical du SMR du 22 avril 2024, joint en annexe, qui concluait que le contenu de ces nouvelles pièces médicales n’était pas de nature à modifier la précédente appréciation du SMR du 10 janvier 2023.
c. Par réplique de son avocat, déposée le 18 juin 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions, contestant l’appréciation du SMR du 22 avril 2024. Il joignait à sa réplique une attestation médicale du Dr M______ du 7 mai 2024, une attestation médicale du Dr L______ du 14 mai 2024 et un avis médical du Dr H______ du 4 juin 2024. Le Dr M______ confirmait que le recourant se plaignait de dorsolombalgies chroniques irradiantes dans les deux membres inférieurs, ce qui nécessitait des changements antalgiques de position et un traitement quotidien contre les douleurs, ainsi que la prise de différents traitements antalgiques et anti-inflammatoires topiques. Le Dr L______ exposait qu’en raison de ses symptômes dépressifs et d’une anxiété importante, le recourant ne pouvait pas travailler actuellement et ses symptômes s’étaient péjorés avec le temps et ceci malgré le suivi et le traitement médicamenteux. Il précisait que la fluctuation des symptômes faisait souvent partie du tableau critique clinique, sans toutefois que ces améliorations soient constantes, mais plutôt occasionnelles, étant précisé que le médecin avait remarqué une diminution significative de la fonctionnalité du patient, qui essayait encore de maintenir une certaine activité pour les tâches basiques du quotidien, bien qu’il soit limité encore plus dans ses déplacements et ses interactions sociales. Le Dr H______ reprenait l’anamnèse médicale et concluait que, globalement, en comparaison avec les éléments obtenus lors du dernier entretien, l’évolution clinique et surtout fonctionnelle était très défavorable, malgré tous les traitements introduits, y compris une prise en charge multidisciplinaire, avec éducation thérapeutique aux sciences de la douleur. L’examen clinique mettait en évidence un patient limité dans toutes les activités de la vie quotidienne, y compris la position assise, la marche sur des courtes distances et toute activité en position basse et en porte-à-faux, ce qui était parfaitement corroboré par un suivi sur un plus long terme « en condition naturelle » tel que mentionné dans le rapport de stage de la Fondation PRO, qui précisait que l’assuré avait une capacité de travail inférieure à 50%, même dans un poste adapté. Le rhumatologue constatait une importante incohérence avec les conclusions de l’évaluation orthopédique de décembre 2022 dont il critiquait l’analyse. Il s’étonnait également de la note du SMR qui estimait que le rapport de la Fondation PRO n’avait pas amené d’éléments concrets supplémentaires, alors même que ledit rapport mentionnait la présence de limitations fonctionnelles très importantes, ce qui était en contradiction avec les éléments de l’expertise orthopédique. Le Dr H______ considérait que la réalité physique du recourant, à la lumière de tous ces éléments, l’amenait à conclure à une incapacité (recte : capacité) de travail inférieure à 50% même dans un poste adapté. On pouvait imaginer une reprise de travail progressive en débutant à 25 ou 30%, avec un suivi clinique rapproché afin de l’aider à retrouver un emploi à 50% dans un poste adapté, ce qui représentait, sans aucun doute, le maximum de ce que l’on pouvait attendre de quelqu’un dans sa condition.
d. Par duplique du 16 juillet 2024, l’OAI a persisté dans ses conclusions, en se référant à un avis médical du SMR daté du 2 juillet 2024. Dans ce dernier, le Dr J______ écartait l’appréciation du Dr H______, en considérant que dans l’expertise orthopédique, il avait été tenu compte des plaintes subjectives de l’assuré, ainsi que de ses douleurs chroniques et de la nécessité de faire des pauses, raisons pour lesquelles une perte de rendement de 30% avait été décidée. L’appréciation du médecin traitant était simplement une évaluation différente d’un même état de fait, qui ne reposait pas sur des éléments cliniques quantifiables. S’agissant de l’évaluation du psychiatre traitant, les symptômes dépressifs et l’anxiété importante n’étaient pas qualifiés en termes de CIM 10, étant rappelé qu’il n’y avait aucune modification de la prise en charge du traitement médicamenteux qui, selon le médecin du SMR, n’était pas correctement suivi, car le dosage était infra thérapeutique. Il était également noté que le psychiatre traitant ne se positionnait pas sur un taux de capacité de travail résiduel. Enfin, l’attestation du Dr M______ ne faisait que répéter les plaintes de l’assuré qui devait changer de position, étant précisé que par rapport à la liste des médicaments qu’il mentionnait, il ressortait du rapport de consultation de juin 2024 du Dr H______ que l’assuré ne prenait que deux comprimés de Zaldiar par jour et que le Tilur n’était pris qu’une semaine sur deux, soit un traitement médical simple, en rapport avec le diagnostic retenu de lombosciatalgies communes chroniques, sans déficit moteur et sensitif objectif.
e. Par courrier daté du 9 août, mais posté le 20 août 2024, le Dr H______ s’est adressé au responsable de l’équipe médicale de l’OAI de Genève, pour se plaindre de la gestion par le SMR des assurés souffrant de problèmes rachidiens et de la dévalorisation persistante des observations cliniques objectives rapportées par les médecins traitants. Le médecin traitant reprenait plusieurs points de l’avis médical du SMR du 2 juillet 2024 et contestait les appréciations du Dr J______, faisant notamment état d’erreurs d’interprétation et concluant à un éventuel déficit de ce médecin dans la formation continue concernant les pathologies rachidiennes.
f. Par observations spontanées du 9 septembre 2024, le recourant a considéré que le Dr H______ avait expliqué de manière circonstanciée, sur le plan médical, ses appréciations selon lesquelles ses atteintes à la santé l’empêchaient de travailler et qu’une reprise de travail n’était envisageable qu’à un taux de 20 à 30% ; pour le surplus, le recourant persistait dans ses conclusions.
g. Par courrier du 10 septembre 2024, l’OAI a rappelé que les rapports du SMR constituaient des appréciations sur les rapports médicaux présents au dossier et qu’il ne pouvait pas être reproché à ce service de s’être fondé sur lesdites pièces pour aboutir à la conclusion qu’au vu des limitations fonctionnelles, une capacité de travail entière, avec une perte de rendement de 30%, était exigible dans une activité adaptée.
h. Par courrier du 12 septembre 2024, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise psychiatrique et rhumatologique aux docteurs O______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et P______, spécialiste en rhumatologie.
i. À l’issue du délai qui leur avait été fixé, les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation à l’encontre des experts proposés.
j. Par courrier du 3 décembre 2024, la chambre de céans a proposé aux parties un projet de mission d’expertise.
k. L’OAI n’a fait aucune remarque ou proposition de modification quant au projet d’expertise. Par courrier du 23 décembre 2024, le recourant a demandé l’ajout de plusieurs questions en rapport avec les observations contenues dans le rapport d’évaluation de la Fondation PRO. La chambre de céans a globalement tenu compte de ces propositions et a partiellement modifié son projet de mission d’expertise.
l. L’expert psychiatre O______ a rendu son rapport en date du 29 mai 2025. Il a retenu comme diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel modéré, sans symptômes psychotiques (CIM 11 : 6A71.1). Les limitations fonctionnelles étaient : les troubles de la concentration, le manque de motivation avec une fatigue consécutive et un épuisement pouvant amener l’expertisé à abandonner une tâche en cours. Les limitations sociales pouvaient être également alimentées par de l’irritabilité ou une tendance à se mettre en colère facilement et, finalement, la tristesse et le manque d’espoir pouvaient également impacter la motivation à effectuer des tâches. D’un point de vue strictement psychiatrique, la capacité de travail était présente à hauteur de 80%, que ce soit dans l’activité habituelle ou dans une activité adaptée et ceci depuis 2017.
L’expert rhumatologue P______ a rendu son rapport en date du 30 mai 2025. Il a retenu comme diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail : des lombalgies communes chroniques et une chondropathie du genou droit de grade IV avec des lésions secondaires associées à des troubles dégénératifs. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pour les lombalgies, il fallait éviter le port de charges et si c’était nécessaire, porter des charges d’un maximum de 5 kg près du corps et 10 kg de manière occasionnelle. Il fallait éviter la position penchée en avant ou en arrière, ainsi que les rotations du tronc. Pour les lombalgies et la chondropathie, il fallait autoriser les changements de position toutes les heures et éviter la position debout statique. Les déplacements sur terrain lisse et plat étaient possibles jusqu’à une heure, par demi-journée de travail, mais il fallait éviter les escaliers, pentes, échelles et échafaudages. Du point de vue strictement rhumatologique, la capacité de travail dans l’activité habituelle était nulle, mais dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, une activité à 100% était exigible avec une perte de rendement de 20 à 30% depuis juin 2018. En raison de la longue période d’inactivité, l’expert préconisait une période de transition, avec l’augmentation progressive du taux horaire en commençant avec un taux horaire initial de 70%, à augmenter sur trois mois jusqu’à 100%.
Dans le cadre de leur appréciation consensuelle, les deux experts ont estimé qu’il fallait respecter les limitations fonctionnelles rhumatologiques et qu’il ne fallait pas dépasser 6.5 heures de travail par jour, soit un taux de travail de 80%, afin de permettre un temps de récupération adapté du point de vue psychiatrique. À ce taux horaire de 80%, les experts ont évalué que le rendement restait diminué d’un taux maximum de 30% par les douleurs somatiques, le traitement médicamenteux antalgique et les changements de position fréquents et nécessaires du point de vue de la statique du rachis. La capacité globale, dans une activité adaptée, était donc de 56% depuis juin 2018 et la capacité de travail dans l’activité habituelle de chauffeur-livreur était nulle, dès le mois de février 2017. De surcroît, la capacité de travail était nulle, dans toute activité, entre février 2017 et mai 2018, en raison d’un état de santé rhumatologique non stabilisé.
m. L’OAI s’est déterminé par courrier du 18 juin 2025 en se fondant sur le préavis de son SMR du 17 juin 2025. Il a considéré que les conclusions des deux experts ne pouvaient pas être suivies quant à leur estimation consensuelle de la capacité de travail. Il considérait que les deux experts décrivaient les mêmes limitations fonctionnelles et, de ce fait, retenaient deux fois l’impact des troubles de la santé sur la capacité de travail. Dès lors, les rapports d’expertise étaient dénués de valeur probante et devaient être écartés. L’OAI persistait dans ses conclusions.
n. Le recourant s’est déterminé par écriture du 30 juin 2025, rappelant, en substance, les arguments déjà invoqués en rapport avec les appréciations de ses médecins traitants et a considéré que les expertises ne pouvaient pas se voir accorder de valeur probante et que les rapports médicaux des médecins traitants faisaient foi, raison pour laquelle le recourant devait se voir accorder une rente invalidité. Il a fait valoir que la seule activité proposée, compatible avec ses limitations fonctionnelles, était un emploi dans le domaine administratif, alors qu’il était dépourvu de compétences dans ce domaine ; il n’avait pas de formation et ne pourrait pas être formé au vu de son âge. Partant, il lui était impossible de trouver un tel emploi dans un marché équilibré. Si, par impossible, une capacité résiduelle de travail était malgré tout retenue, il estimait qu’un abattement de l’ordre de 40% devait être appliqué, au vu de ses limitations fonctionnelles importantes et du fait qu’il ne pouvait exercer une activité qu’à hauteur de 50%. Deux attestations médicales, signées respectivement le 23 juin et le 24 juin 2025, par les Drs L______ et M______, étaient jointes à l'écriture.
o. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
p. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le refus par l’OAI d’octroyer des prestations invalidité.
3.
3.1 Par renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
En l’occurrence, les troubles de la santé pouvant donner droit à des prestations invalidité sont apparus antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.
3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière, s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente, s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).
4.
4.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
4.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
5. Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)
A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)
Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).
B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2)
C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)
- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4)
Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).
Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).
6.
6.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).
6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
6.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
6.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
6.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).
6.7 Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).
6.8 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).
En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 531/04 du 11 juillet 2005 consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêts du Tribunal fédéral I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).
7. En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé, susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.1 et 5.2 et les références).
8.
8.1 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
8.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
9. En l'espèce, l'intimé se fonde sur les conclusions des expertises administratives rhumatologique et psychiatrique et les avis de son SMR pour refuser le droit à une rente en faveur de l’assuré. Il considère que l’expertise judiciaire est dépourvue de valeur probante dans la mesure où les mêmes limitations fonctionnelles seraient comptées à double et fausseraient ainsi l’estimation de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée.
Le recourant, en revanche, se fonde sur les appréciations de ses médecins traitants et les observations de la Fondation PRO et estime avoir droit à une rente entière d’invalidité. Il réfute la valeur probante des expertises, considérant que les experts n’ont pas tenu compte des impacts cumulés des troubles somatiques et psychiques dans l’estimation de sa capacité de travail et qu’en raison de son âge (49 ans) et de sa formation, il n’est pas réaliste de considérer qu’il pourrait retrouver un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles.
9.1 En premier lieu, il sied d’examiner la valeur probante des rapports d’expertise.
Le rapport des experts correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical dont les pièces sont résumées. Il contient, en outre, une anamnèse personnelle et familiale détaillée, évoquant notamment les années de guerre en Bosnie-Herzégovine et le départ pour la Suisse. La vie sentimentale du recourant est décrite et sa vie professionnelle, dans des activités parfois très physiques, est soigneusement résumée.
9.2 Lors de l’anamnèse pratiquée par l’expert psychiatre, l’assuré a décrit son enfance, les souffrances vécues pendant la guerre des Balkans, les différents emplois qu’il a occupés, ainsi que les problèmes de nature personnelle ou d’activités physiques auxquels il a été confronté sur le plan professionnel, de même que le départ pour l’Autriche, puis pour l’ex-Yougoslavie, son divorce et sa séparation d’avec ses enfants et son retour en Suisse, en 2009, avec de nombreuses dettes. C’est après avoir travaillé comme chauffeur-livreur chez D______, de 2010 à 2017, qu’il connaîtra ses premiers problèmes physiques, notamment à sa jambe droite, puis dans le dos. Le Dr I______ est consulté à la fin de l’année 2017 et diagnostique un trouble de l’adaptation, avec réaction dépressive prolongée et lui prescrit des antidépresseurs dont la prise sera stoppée par la suite, le recourant ne supportant pas le traitement de Fluoxétine. En dépit de ces troubles, le Dr I______ considère que sur le plan psychiatrique, l’assuré bénéficie d’une capacité de travail totale dans toute activité.
Invité à décrire une journée-type, l’expertisé mentionne qu’il a peu d’amis et ne les voit pas beaucoup. Il reste souvent seul à la maison et a perdu le goût de faire des balades, car il ne ressent plus de plaisir et est gêné par les douleurs physiques. Il dort quatre à cinq heures par nuit, se réveille à 6h30 le matin, va promener son chien, prend son petit déjeuner et attend que son fils parte à l’école. À midi, il n’a pas toujours l’envie de se faire à manger et se contente souvent de pizzas. L’après-midi, il se rend à ses rendez-vous médicaux ou s’attelle à faire un peu de ménage, mais pas autant qu’auparavant. Il s’occupe des petites courses mais lorsqu’il s’agit de courses plus importantes, il est accompagné de son fils et de son épouse, car ses douleurs l’empêchent de porter de lourdes charges. Il s’occupe de ses affaires administratives et paye ses factures. Le soir, il va dormir vers 23 heures ; il ne fait pas de sport, ne boit pas d’alcool et a arrêté de fumer en 2016. Il a des problèmes d’apnée du sommeil, qui n’ont pas pu être résolus avec un appareil CPAP et envisage de porter une gouttière [orthèse d’avancée mandibulaire] pendant la nuit.
Les plaintes de l’assuré sont longuement répertoriées ; en substance, il a perdu foi dans l’avenir et est honteux de devoir demander de l’aide financière à ses parents ; il aimerait travailler, mais il a « tout donné » et se considère comme handicapé. Même s’il était engagé, il devrait prendre des médicaments, se faire masser et, au final, il ne pourrait plus bouger, ce qui l’amène à la conclusion qu’il est pris dans un cercle vicieux.
L’expert psychiatre a rapporté ses observations cliniques de manière détaillée, à la suite de trois entretiens approfondis de 50 minutes chacun. Le diagnostic retenu avec répercussion sur la capacité de travail est soigneusement motivé et le Dr O______ a précisé sur quels critères il se fondait, en évoquant les diagnostics différentiels.
L’expert ne mentionne pas d’exagération de symptômes au niveau de la symptomatologie psychique, mais il observe des exagérations dans les symptômes physiques, mentionnant, notamment, qu’en dépit des importantes douleurs qu’il mentionne, le recourant a pu rester assis plus d’une demi-heure sans trop bouger, puis s’est levé une à deux fois, sans toutefois que cela ne lui pose de problème.
Les ressources, au niveau psychique, sont considérées comme relativement limitées car l’assuré a peu de capacité de recul sur lui-même et semble ruminer sans cesse la situation actuelle, ce qui participe significativement à sa détresse psychique, car il ne supporte pas de devoir dépendre des autres, ce qui limite ses ressources extérieures pour faire face à sa maladie. Au final, l’impact des limitations fonctionnelles psychiques est de 20% au maximum et n’a jamais été au-delà, ce qui correspond à une capacité de travail, dans toute activité, de 80% et ceci depuis 2017. L’expert mentionne, cependant, qu’il est probable qu’avec une prise en charge psychothérapeutique adéquate, l’assuré pourrait rapidement avoir une capacité de travail de 100% sur le plan psychique.
En ce qui concerne les appréciations des autres médecins, l’expert partage l’avis du psychiatre traitant L______ sur les diagnostics, mais pas sur son estimation d’une incapacité de travail de 100% dès mars 2024, car il n’observe pas de péjoration des symptômes dépressifs depuis le rapport du 20 janvier 2023 dans lequel le Dr L______ concluait à un épisode dépressif d’intensité moyenne, sans impact sur la capacité de travail ; il a tenté de joindre téléphoniquement le médecin, sans succès. Il est d’accord avec les conclusions de l’expertise administrative psychiatrique du Dr N______, soit un taux de 80% correspondant à 6.4 heures de présence par jour. Concernant les avis médicaux du SMR, l’expert est, dans l’ensemble, d’accord sur les aspects psychiatriques mentionnés, mais relève que le médecin J______ du SMR n’a tenu aucun compte du taux horaire réduit de 80% retenu par le Dr N______ et précise qu’il faut tenir compte du taux de 80% dans l’appréciation de la capacité de travail de l’expertisé, en plus de la baisse de rendement de 30%, résultant des limitations fonctionnelles sur le plan somatique.
9.3 En ce qui concerne les aspects somatiques, les précédents rapports médicaux sont soigneusement étudiés et commentés par l’expert P______ sur plusieurs pages. Le rhumatologue décrit les plaintes somatiques de l’assuré qui estime que ces problèmes de taux lui ont causé des problèmes psychiatriques car « tout s’est cumulé » ce qui l’a conduit à prendre des antidépresseurs.
Pendant la consultation, l’expert décrit minutieusement l’attitude de l’assuré qui se lève et se rassied à plusieurs reprises pour déambuler, sans toutefois que l’expert n’observe une attitude algique ou une manifestation douloureuse.
À l’issue de l’examen clinique, les diagnostics retenus sont expliqués en rapport avec les pièces qui les objectivent ou avec la littérature médicale scientifique. La gravité de la lombalgie chronique est considérée comme moyenne et la gravité de la chondropathie du genou droit est considérée comme légère.
L’expert note qu’il n’a pas d’explication rhumatologique pouvant expliquer les changements de position fréquents et les déambulations observées pendant l’entretien avec l’expertisé et pense que l’intensité des symptômes douloureux paraît surestimée. Néanmoins, les lombalgies et la chondropathie sont objectivées par le médecin qui note que l’importante obésité abdominale de l’assuré a probablement des répercussions sur ses lombalgies et gonalgies. La capacité de travail dans l’activité habituelle est nulle dès le 1er février 2017 et dans une activité adaptée, estimée comme devant être administrative, le taux horaire est fixé à huit heures par jour soit une activité à 100%, mais avec une baisse de rendement de l’ordre de 20 à 30%, depuis juin 2018.
En ce qui concerne les rapports médicaux des autres médecins, les conclusions de l’expert convergent avec celle du Dr K______, à la différence près que la gonarthrose débutante impose des limitations fonctionnelles que l’expert considère comme incapacitantes. En ce qui concerne les appréciations du Dr H______, l’expert les commente sur plusieurs pages, relevant à plusieurs reprises qu’il ne partage pas son avis sur la capacité de travail et pense que ce dernier s’est surtout fondé sur l’anamnèse et sur le rapport de la Fondation PRO pour conclure à une capacité de travail limitée à 50%. Il relève également que la différence entre sa propre appréciation de la capacité de travail et celle du médecin traitant s’explique par le fait que ce dernier maintient une relation de confiance réciproque avec l’assuré, ce qui implique qu’il fait un postulat de sincérité de son patient alors que le rôle de l’expert est d’examiner les plaintes subjectives sous un angle neutre et de les recouper avec des faits objectivables, ce qui explique, selon lui, les discordances d’appréciation entre les experts et les médecins traitants. Concernant les avis médicaux du Dr J______ du SMR, l’expert partage son évaluation des éléments somatiques mais relève une erreur quant à la posologie quotidienne de Zaldiar, qui est sous-estimée par le SMR. De surcroît, il estime que le début de la réadaptation dans une activité adaptée doit être fixé en juin 2018 et non pas en septembre 2021 dès lors qu’il n’y a pas eu d’aggravation objectivable et durable de l’état de santé rhumatologique de juin 2018 jusqu’à ce jour. Enfin, en ce qui concerne les observations de la Fondation PRO, l’expert relève que les changements de position mécaniques de l’assuré n’ont pas de corrélations somatiques, dès lors que ce dernier n’exprime aucune plainte douloureuse verbale ou non verbale et que les douleurs décrites dans le bras droit n’ont aucun rapport avec une atteinte significative et ne proviennent, probablement, que d’une contracture musculaire du muscle angulaire de l’omoplate, ce qui est fréquent et banal. L’expert note encore que la plus grande part de la diminution de la capacité de travail, telle qu’estimée par la Fondation PRO, provient de la réduction du taux horaire de l’assuré qui, sur certificat médical de ses médecins traitants, a réduit sa présence à 2h00 – 2h30 par jour en moyenne, ce qui est un taux qui ne peut pas s’expliquer par son problème de lombalgies.
9.4 Le recourant critique, notamment, la valeur probante de l’expertise en raison de sa durée car, écrit-il, l’expert rhumatologue n’a eu qu’un entretien d’une durée de moins de 2h30.
À cet égard, il convient de rappeler que dans les limites du mandat confié, la conduite de l'expertise (modalités de l'examen clinique et choix des examens complémentaires) est laissée au libre arbitre de l'expert. Dans ce contexte, une prétendue courte durée de l'entretien entre la personne assurée et le médecin ou la non-prise de contact de ce dernier avec un confrère ne permettent pas de dénier toute force probante à une expertise psychiatrique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 7.1.2 et la référence).
Selon la jurisprudence, la durée de l'examen - qui n'est pas en soi un critère de la valeur probante d'un rapport médical -, ne saurait remettre en question la valeur du travail de l'expert, dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur l'état de santé psychique de l'assuré dans un délai relativement bref (arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2021 du 30 novembre 2022 consid. 5.3.4 et les références).
Ce grief doit donc être écarté.
En ce qui concerne les avis donnés par ses médecins traitants, qui selon le recourant doivent prévaloir par rapport à ceux des experts, ni les intensités de douleurs différentes, ni le fait que l’expert rhumatologue suggère des activités adaptées, qui sont critiquées par le recourant, ne suffisent à discréditer les résultats des expertises ; de même sur le plan psychiatrique, on comprend mal pourquoi l’expert qui retient un taux horaire limité à 80% par jour ne pourrait pas être suivi en raison du fait qu’il appuie le rapport de la Fondation PRO qui mentionne que le recourant est triste, fatigué, irrité, a une faible estime de lui-même et que les médicaments pris peuvent influer négativement sur la capacité de travail. Ces deux termes peuvent cohabiter, car ce n’est qu’au niveau de l’estimation de la capacité de travail résiduelle que les avis divergents ; or, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 531/04 du 11 juillet 2005 consid. 4.2).
Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans estime que les appréciations des médecins traitants sur la capacité de travail de l’assuré sont différentes de celles des experts judiciaires et que le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc).
Le recourant n’invoque aucun élément objectivement vérifiable ayant été ignoré dans le cadre de l'expertise et qui serait suffisamment pertinent pour remettre en cause les conclusions des experts. Ses remarques concernant le fait que les experts ne se seraient pas déterminés sur les impacts cumulés [de ses troubles] tombent à faux dès lors que les effets des troubles somatiques et psychiatriques ont été évalués conjointement, dans le cadre de l’évaluation consensuelle, pour déterminer la capacité de travail globale.
Le recourant critique également la capacité de travail résiduelle retenue, alléguant qu’en raison de son âge et de son manque de formation, il ne saurait trouver d’activité adaptée.
Il convient d'admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on doit convenir qu'un nombre significatif sont adaptées aux limitations du recourant et accessibles sans aucune formation particulière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 consid. 4).
Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'oeuvre (VSI 1998 p. 293).
Enfin, les attestations médicales des 23 et 24 juin 2025, transmises en annexe à l'écriture du 30 juin 2025 du recourant, ne modifient pas la situation. Le Dr M______ décrit des troubles qui sont déjà connus et qui ont été pris en compte par les experts. Le Dr L______, quant à lui, estime que le trouble dépressif a un impact beaucoup plus lourd sur la capacité de travail que ce qui a été retenu dans l’expertise et estime que la capacité de travail actuelle ne dépasse pas 20%. Il évoque des traits de personnalités borderline qui ont déjà été pris en compte par l’expert psychiatre, sans que ce dernier ne considère qu’il en résulte des répercussions sur la capacité de travail. Les autres appréciations du médecin traitant ne sont pas objectivées.
Partant, les griefs du recourant doivent être écartés.
9.5 L’OAI réfute la valeur probante de l’expertise en considérant que les experts auraient cumulé des limitations fonctionnelles qui se « recoupent presque intégralement », raison pour laquelle la valeur probante de l’expertise judiciaire est niée.
Cette remarque s’oppose à celle des experts qui critiquent le fait que le taux d’activité de 80% retenu par le psychiatre N______ n’a pas du tout été pris en compte par le SMR de l’OAI.
Il sied donc d’examiner si les limitations fonctionnelles se recoupent et ont été comptées à double pour estimer la capacité de travail de l’assuré.
L’expert psychiatre retient comme limitations fonctionnelles les troubles de la concentration, le manque de motivation avec une fatigue consécutive et un épuisement pouvant amener l’expertisé à abandonner une tâche en cours, les limitations sociales pouvant être également alimentées par de l’irritabilité ou une tendance à se mettre en colère facilement et, finalement, la tristesse et le manque d’espoir pouvant également impacter la motivation à effectuer des tâches.
L’expert rhumatologue retient comme limitations fonctionnelles, pour les lombalgies, éviter le port de charges et si c’est nécessaire, porter des charges d’un maximum de 5 kg près du corps et 10 kg de manière occasionnelle ; éviter la position penchée en avant ou en arrière, ainsi que les rotations du tronc. Pour les lombalgies et la chondropathie, autoriser les changements de position toutes les heures et éviter la position debout statique. Les déplacements sur terrain lisse et plat sont possibles jusqu’à une heure, par demi-journée de travail, mais il faut éviter les escaliers, pentes, échelles et échafaudages.
Dans le cadre de l’examen consensuel, les deux experts ont confronté leurs appréciations pour aboutir au cumul d’une activité limitée à 80% avec un rendement diminué de 20 à 30%, retenant finalement une capacité de travail dans une activité adaptée de 56% depuis juin 2018. On peine à suivre l’argumentation de l’OAI selon laquelle les limitations fonctionnelles se recoupent presque intégralement ; le SMR se contente d’affirmer qu’on ne peut pas faire la différence entre un trouble de la concentration d’origine médicamenteuse (soit découlant d’une atteinte somatique) et un trouble de la concentration d’origine purement psychiatrique car la distinction de causalité est impossible, ce qui montrerait, toujours selon le SMR, que les mêmes limitations fonctionnelles ont été évaluées globalement deux fois.
Or, à part ce cas très particulier de l’éventuel cumul d’un trouble de la concentration psychiatrique et médicamenteux, le SMR ne donne pas d’autres exemples de cumul qui pourraient affecter la valeur probante de l’expertise judiciaire.
À cet égard, on rappellera qu’en dehors de l’exemple du trouble de la concentration, relevé par le SMR, l’expert psychiatre a mentionné d’autres limitations fonctionnelles, telles que le manque de motivation avec une fatigue consécutive et un épuisement pouvant amener l’expertisé à abandonner une tâche en cours, les limitations sociales pouvant être également alimentées par de l’irritabilité ou une tendance à se mettre en colère facilement et, finalement, la tristesse et le manque d’espoir.
Le temps de récupération, que l’expert psychiatre intègre pour arriver à un taux d’activité de 80%, tient compte des troubles de la concentration, qui sont également pris en compte par l’expert rhumatologue, qui les chiffre à 10% (rapport d’expertise rhumatologique, p. 77).
Cet exemple isolé ne suffit pas pour conclure à l’absence de valeur probante de l’expertise.
À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans considère que les rapports d’expertise présentent une pleine valeur probante.
Néanmoins, le trouble de la concentration semblant effectivement avoir été pris en compte deux fois, la baisse de rendement de 30% retenue par les experts sera modifiée en une baisse de rendement de 20%, qui exclut les 10% correspondant aux troubles de la concentration, étant rappelé que l’expert rhumatologue a, à plusieurs reprises, mentionné dans son rapport d’expertise une baisse de rendement de 20 à 30%.
9.6 Compte tenu de cette modification du rendement, c’est une capacité de travail dans une activité adaptée de 64% qui sera retenue, en lieu et place de 56%.
Le recourant critique la manière dont le taux d’invalidité a été calculé en mentionnant qu’aucun empêchement n’est pris en compte.
À titre de revenu sans invalidité, l’OAI a pris en compte le salaire qu’aurait réalisé le recourant, en 2022, s’il était resté chauffeur-livreur dans l’entreprise D______, soit CHF 54’055.- et a constaté que le revenu était inférieur de plus de 5% de la valeur statistique médiane usuelle dans la branche selon l’ESS, raison pour laquelle il a réévalué le salaire sans invalidité, pour l’année 2022, retenant 95% du salaire médian de CHF 65'322.-, ce qui aboutit à un salaire sans invalidité de CHF 62'056.-, pour une activité à 100%.
En ce qui concerne le salaire après invalidité, l’OAI s’est fondé sur l’ESS (TA1 tirage_skill_level pour un homme) avec indexation pour l’année 2022 et a abouti à un salaire après invalidité de CHF 65'322.-, pour une activité à 100%.
Les données prises en compte par l’OAI pour fixer le salaire avec et sans invalidité ne prêtent pas le flanc à la critique.
Néanmoins, lors du calcul du taux d’invalidité, l’OAI n’a pas pris en compte le taux global de capacité de travail dans une activité adaptée de 64% et n’a pas retenu d’empêchement.
9.7 La capacité de travail fonctionnelle n’étant pas égale ou inférieure à 50%, on ne saurait retenir les empêchements forfaitaires de la nouvelle teneur de l’art. 26bis al. 3 RAI, soit 10% dès le 1er janvier 2022, puis 20% dès le 1er janvier 2024.
Cependant, dans un arrêt de principe (8C_823/2023 du 8 juillet 2024), le Tribunal fédéral a considéré que le régime de déduction sur les salaires statistiques des ESS, tel que prévu de manière exhaustive à l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), n’est pas compatible avec le droit fédéral. Le Tribunal fédéral a relevé notamment qu’il ressortait des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LAI (Développement continu de l’AI), que la jurisprudence actuelle en matière d’abattement devait être, pour l’essentiel, reprise et que la méthode d’évaluation du taux d’invalidité devait, en principe, rester inchangée (cf. consid. 9.4.2). Or, en limitant la déduction à 10% dans le cas où les capacités fonctionnelles de la personne assurée ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins (cf. art. 26bis al. 3 RAI), le Conseil fédéral avait choisi une autre voie (consid. 9.4.3). Par conséquent, si en raison des circonstances du cas d’espèce, le salaire statistique des ESS doit être adapté au-delà de ce que prévoit l’art. 26bis al. 3 RAI, il y a lieu recourir, en complément, à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Tribunal fédéral (consid. 10.6).
Compte tenu de l’âge du recourant et du fait qu’il ne peut réaliser qu’une activité partielle à un taux de 64%, moins bien rémunérée qu’une activité à plein temps, il sied de retenir un abattement de 15%, étant rappelé qu’une activité à un taux de 50% justifie un abattement de 20%.
Dès lors que la capacité de travail, dans une activité adaptée, est établie à 64%, en prenant en compte un revenu annuel brut, avec invalidité, de CHF 65’322.-, ce dernier doit être abaissé à CHF 41’806.- (CT de 64%) puis corrigé par un abattement de 15% (soit CHF 6'271.-), ce qui aboutit à un revenu annuel brut raisonnablement exigible, avec invalidité, de CHF 35'535.-.
La perte de gain, pour l’année 2022, s’élève donc à CHF 26’521.- (CHF 62'056.- – CHF 35’535.-).
Comparé au revenu sans invalidité de CHF 62'056.-, il en résulte un degré d'invalidité de 42.73%, arrondi à 43% qui ouvre le droit à un quart de rente.
9.8 L’assuré a déposé sa demande de prestations le 20 décembre 2021.
En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.
Suite au dépôt de la demande, le 20 décembre 2021, la période de six mois s’est terminée le 20 juin 2022 et le droit à la rente est donc né au mois de juin 2022.
9.9 Considérant que le recourant a eu amplement la possibilité de s’exprimer dans ses écritures, sa demande d’audition sera écartée par appréciation anticipée, dès lors que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c).
10.
10.1 S’agissant des coûts de l’expertise, conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).
Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).
L’OAI a mandaté deux experts ; le fait que leurs conclusions soient différentes de celles des experts judiciaires mandatés par la chambre de céans ne permet pas de déduire que l'autorité administrative a diligenté une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées. Dès lors, les frais des expertises judiciaires seront laissés à la charge de l’État.
10.2 Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l’espèce à CHF 3’000.-.
10.3 Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument (art. 69 al. 1bis LAI), arrêté à CHF 200.-.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision du 20 février 2024.
4. Dit que le recourant a droit à un quart de rente d’invalidité, dès le mois de juin 2022.
5. Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 3'000.- à titre de frais et dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le