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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2650/2024

ATAS/529/2025 du 30.06.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2650/2024 ATAS/529/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Guy ZWAHLEN, avocat

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née en ______ 1980 en Somalie, est arrivée en Suisse en février 1993 et a été reconnue en tant que réfugiée.

b. Elle souffre depuis la naissance du syndrome de Franceschetti-Klein, aussi appelé syndrome de Treacher-Collins, se manifestant par une déformation du visage, notamment une hypoplasie des malaires et une micromandibulie.

c. L'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a pris en charge plusieurs traitements de l'infirmité congénitale durant l'enfance de l'assurée, afin de corriger la dysmorphose faciale.

B. a. En date du 30 janvier 2008, l'assurée a déposé auprès de l'OAI une première demande de prestations pour adultes, laquelle a été rejetée par décision du 5 mai 2008, au motif que l’intéressée disposait d'une pleine capacité de travail. Un mandat au service de placement de l'OAI a cependant été émis, dans le but de soutenir l'assurée dans ses recherches d'emploi.

b. En 2010 et 2020, l'OAI a pris en charge la pose d'un appareil acoustique à titre de moyen auxiliaire.

c. En novembre 2014, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations, arguant que la surdité bilatérale qui l'affectait l'empêchait d'intégrer le marché du travail ordinaire. Elle occupait depuis 2008 un emploi de solidarité au centre de tri de la Croix-Rouge.

d. Dans le cadre de l'instruction du dossier, le service médical régional (ci-après : SMR) de l'OAI a considéré que l'assurée disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles suivantes : environnement de travail non bruyant, éviter les endroits dangereux, les travaux impliquant un contact direct et permanent avec la clientèle, ainsi que les contacts téléphoniques (avis du 8 février 2017).

e. En août 2017, l’assurée a également déposé une demande de mesures professionnelles.

f. Dans le cadre de l’instruction, l’OAI a notamment recueilli un rapport du docteur B______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 19 octobre 2017, posant les diagnostics d'état de stress post-traumatique (F43.1), de dysthymie (F34.1), de comportement mélancolique, de traits de personnalité à risque et de fragilité psychologique significative. Selon le médecin, l’assurée, compte tenu de sa souffrance psychologique significative, intimement liée à son syndrome somatique, ne pouvait plus travailler, même à temps partiel, l’exercice d’une activité lucrative pouvant même aggraver sa psychopathologie.

g. Mandaté par l'OAI, le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a conclu à une capacité de travail entière d'un point de vue psychiatrique, sans baisse de rendement. Le seul diagnostic retenu, sans répercussion sur la capacité de travail, était celui de dysthymie (rapport d'expertise du 5 juillet 2018).

h. Par décision du 25 septembre 2018, l'OAI a nié à l’assurée le droit à toute prestation.

C. a. Le 30 avril 2023, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations.

b. Dans une attestation du 8 juin 2023, le docteur D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents, a indiqué que l'état de santé psychiatrique de l'assurée s'était aggravé et qu'elle était totalement incapable de travailler.

c. Le docteur E______, spécialiste en médecine interne générale, a attesté, dans un rapport du 1er juillet 2023, que l'assurée avait été totalement incapable de travailler du 27 octobre au 1er novembre 2022 en raison d'un état anxio-dépressif et de troubles de l'adaptation. Il a aussi mentionné une spondylarthrose L4-L5 et une malformation du visage en tant qu'antécédents médicaux et précisé ne plus avoir revu l'assurée depuis 2022.

d. Dans un rapport du 20 septembre 2023, le Dr D______ a attesté d'une totale incapacité de travail de l'assurée depuis le 2 mai 2023, motivée par plusieurs diagnostics psychiatriques (F48.22, F88.0, F81.9, F94.8 et F62.8). Sa patiente se trouvait en grande souffrance, dans un dilemme entre volonté de voir sa pathologie reconnue et désir d'être normale et de travailler, ce qui nécessitait un grand effort de sa part. À titre de limitations fonctionnelles, le médecin a notamment mentionné un trouble d'ordre cognitif et affectif, ainsi qu'une maladie génétique.

e. Le SMR ayant jugé nécessaire la réalisation d'une expertise psychiatrique afin de déterminer s'il y avait eu aggravation de l'état psychique de l'assurée depuis l'expertise du Dr C______, l'OAI a mandaté le docteur F______, « psychiatre, psychothérapeute FMH », sous la supervision de la docteure G______, « psychiatre FMH, ce dont il a informé l'assurée par communication du 28 novembre 2023.

f. Selon les données enregistrées dans la plateforme des professionnels de la santé de l'administration fédérale (MedReg), le Dr F______ dispose d'un titre de médecin depuis 2006, reconnu en Suisse depuis 2022. Il est également membre de la FMH, mais sans spécialisation en psychiatrie et psychothérapie. Quant à la Dre G______, elle est spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie depuis 2019.

g. Le 15 janvier 2024, par l'intermédiaire de son précédent conseil et dans le délai expressément accordé par l'OAI, l'assurée a transmis les questions qu'elle souhaitait voir posées au Dr F______.

Elle a en outre remis un rapport du Dr D______ daté du 8 janvier 2024 mentionnant qu'elle présentait un traumatisme d'enfance et familial dû à la guerre en Somalie en 1990. Le syndrome de Treacher-Collins influençait son neurodéveloppement, son niveau de socialisation et son apprentissage. Son parcours était ponctué par des échecs professionnels et par une grande instabilité psychique, en alternant des phases plus ou moins normales avec des phases dépressives et renfermées à la maison. Sa souffrance psychologique était aussi présente au niveau de l'image de son corps, affectant le niveau pathologique du Moi et le niveau de stress vécu par le regard de l'autre. L'aggravation de son état pathologique, correspondant à l'évolution du syndrome de Treacher-Collins, ne lui permettait plus d'exercer une activité salariale ou une mesure de réadaptation, vu le bas niveau de capacité cognitive et ses ressources disponibles. Plusieurs maladies étaient diagnostiquées (Q75.4, F45.2, F41.2 et F43.2), qui annihilaient totalement sa capacité à travailler, tant dans son métier que dans une activité adaptée.

h. Lors d'un entretien téléphonique du 23 janvier 2024, l'OAI a fait remarquer au conseil de l'assurée qu’il lui avait adressé une liste de questions qu'il souhaitait faire poser par l'expert à l'assurée et non la liste de celles auxquelles l'expert devait répondre.

i. Le 23 janvier 2024, sous son papier en-tête, le Dr F______ a communiqué à l'assurée la date de l'examen médical qui serait pratiqué par ses soins. Il en a aussi informé l'OAI.

j. Par lettre du 24 janvier 2024, le conseil de l'assurée a indiqué à l'OAI qu'il n'avait aucune question complémentaire à poser à l'expert. Cela étant, il a demandé que les questions contenues dans son courrier du 15 janvier 2024 soient expressément posées à sa mandante, car elles lui paraissaient recouvrir des problématiques fondamentales.

k. Un rapport d'expertise daté du 23 février 2024, signé par la Dre G______, a été transmis par lettre du même jour de cette dernière à l'OAI.

Ce rapport mentionne que deux entretiens se sont tenus à des dates différentes, qu’ils ont duré 3h.30, respectivement 2h., et que l'expertise a été effectuée par la psychiatre précitée et une personne associée, Madame H______H______, psychologue. Cette dernière était intervenue pour l'« entretien psychologique sans évaluation de la capacité de travail ».

Ce document, qui ne liste pas, dans la synthèse du dossier, le rapport du Dr D______ du 8 janvier 2024, ne retient aucun diagnostic incapacitant, mais fait état de deux diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail (F41.2, troubles anxieux et dépressifs mixtes depuis mai 2023 et F62, modification traumatique de la personnalité F43.1, un état de stress post-traumatique suite à des expériences de guerre durant l'enfance).

Il conclut à une capacité de travail de 100% depuis mai 2023 en tenant compte des indicateurs standards, sans baisse de rendement, dans toute activité adaptée au niveau d'acquisition, sans relations sociales intenses ou stressantes, sans hiérarchie complexe, sans contact direct avec la clientèle et adaptée d'un point de vue somatique.

Il indique qu’un suivi psychiatrique régulier est nécessaire pour améliorer le pronostic, avec une aide pour la réinsertion professionnelle en cas de motivation future de la part de l'assurée, mais qu’ils ne sont pas exigibles, la capacité de travail étant entière.

l. En réponse aux questions complémentaires de l'OAI, la Dre G______ a précisé, le 8 mars 2024, qu'elle n'entendait pas convoquer l'assurée une nouvelle fois afin de lui poser les questions complémentaires de son avocat, puisqu'elle avait déjà été entendue à deux reprises et que deux anamnèses différentes avaient été faites par une psychologue et par elle-même pour améliorer la fidélité « inter juge ». Selon elle, certaines questions n'étaient pas adéquates à poser à une patiente dans le cadre d'une expertise et les réponses pouvaient être données sur la base de l'anamnèse et de l'analyse objective de la situation. La Dre G______ s'est ainsi déterminée sur l'ensemble des questions figurant dans la lettre du 15 janvier 2024. Elle a au surplus relevé que les difficultés légères relevées à la mini ICF ne justifiaient pas une incapacité de travail, ni des limitations fonctionnelles significatives, ce test montrant des limitations dans des activités non adaptées. L'activité habituelle – un stage réalisé auprès de l'administration cantonale – pouvait être adaptée, pour autant que l'assurée puisse évoluer dans un petit collectif de travail sans hiérarchie complexe et avec un cahier des charges clair. Le fait que l'assurée avait été déçue de ne pas être engagée à l'issue de son stage de deux ans ne permettait pas de conclure à un milieu non adapté. La psychiatre s'est enfin prononcée sur le rapport du Dr D______ du 8 janvier 2024.

m. Par communication du 26 mars 2024, l'OAI a informé l'assurée qu'aucune mesure de réadaptation n'était possible en raison de son état de santé.

n. Le 28 mars 2024, le SMR a retenu un état stationnaire, un syndrome de Franceschetti-Klein et de Treacher-Collins avec surdité bilatérale en tant qu'atteinte principale, et, en tant qu'autres atteintes, des troubles anxieux et dépressifs mixtes depuis mai 2023, ainsi qu'une modification traumatique de la personnalité faisant suite à un état de stress post-traumatique suite à des expériences de guerre durant l'enfance.

Il n'y avait pas d'incapacité de travail durable dans l'activité habituelle au centre de tri de la Croix-Rouge ou d'employée de saisie dans l'administration et la capacité de travail y était entière, tout comme dans une autre activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles suivantes : privilégier un environnement de travail non bruyant compte tenu de ce que l'ouïe n'était pas correcte malgré le port d'appareils, éviter les endroits dangereux car l'assurée n'entendrait probablement pas les appels urgents ou les sirènes, éviter les travaux impliquant un contact direct et permanent avec la clientèle de même que les contacts téléphoniques, privilégier un petit collectif de travail, sans hiérarchie complexe, sans relations stressantes ou intenses, avec un cahier des charges clair.

o. Le 8 avril 2024, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il envisageait de rejeter sa demande de prestations.

p. L’assurée a manifesté son opposition.

À la forme, elle a relevé qu'en contradiction avec ce qui avait été décidé, le Dr F______ n'était jamais intervenu dans l'expertise, sans aucune explication. Quand bien même cela n'était pas prévu, l'expertise avait été réalisée en grande partie par une certaine H______, psychologue, sans que personne n'en soit informé. Celle-ci avait été seule à conduire l'expertise de 10h. à 12h. lors du premier entretien, qui avait duré de 10h. à 13h.30, avec une pause de 30 minutes. Lors du deuxième entretien qui avait duré deux heures, la moitié avait été assuré par H______, hors la présence de la Dre G______ ou de l'interprète.

L'assurée a également développé plusieurs griefs sur le fond, relevant notamment qu'elle n'avait pas tenu certains propos qui lui étaient attribués et que l'experte n'avait pas tenu compte, ou seulement de manière partielle, de toutes ses explications. Elle lui reprochait par ailleurs de s’être montrée partiale et d’avoir adopté des ruses pour endormir sa méfiance. L'assurée demandait à entendre les enregistrements de l'expertise en présence de l'experte et d'un représentant de l'OAI. Elle demandait que soit ordonnée une contre-expertise par un nouvel expert, la Dre G______ n'offrant manifestement pas, selon elle, les garanties d'impartialité et d'indépendance requises par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

q. Dans une lettre du 30 mai 2024 versée au dossier, le Dr E______ a mentionné que l'assurée présentait une aggravation de son état de santé sous la forme de troubles psychiques importants inhérents à sa pathologie congénitale, qui l'empêchaient de gérer une activité et le regard des autres. L'état dépressif était important en tout cas depuis 2023. S’y ajoutaient des troubles de la personnalité secondaires à la maladie congénitale, avec un trouble de l'adaptation important. Il était illusoire de croire que l'assurée pouvait avoir une activité normale. Une rente de l'assurance-invalidité était souhaitable.

r. Le 11 juin 2024, le SMR a estimé que ce document ne faisait état d'aucun élément objectif d'aggravation ou nouveau et consistait simplement en une évaluation différente un même état de fait.

s. Par décision du 17 juin 2024, l'OAI a rejeté la demande de mesures professionnelles et/ou de rente, au motif que, selon l'instruction médicale et l'expertise, rien ne justifiait une diminution de la capacité de travail de l'assurée de longue durée. L'atteinte à la santé ne constituait pas une invalidité au sens de la loi.

D. a. Par acte du 19 août 2024, l’assurée a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision de l’OAI et au renvoi du dossier à l'intimé pour nouvelle décision après instruction complémentaire portant sur les conséquences des atteintes à sa santé physique et psychologique sur sa capacité de gain. Elle joint un rapport du Dr D______ du 2 juillet 2024 et un article concernant le syndrome de Treacher-Collins.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 18 septembre 2024, a conclu au rejet du recours.

Il indique avoir soumis les nouvelles pièces médicales au SMR, lequel a constaté qu’aucune aggravation de l'état de santé n'était rapportée, à défaut de changement du traitement psychotrope, de l'intensification du suivi ou de la nécessité d'une hospitalisation (avis du 4 septembre 2024).

L'intimé soutient pour le surplus que l'expertise de la Dre G______ doit se voir reconnaître pleine valeur probante et que la situation de la recourante est fortement influencée par un contexte psychosocial particulier, qui ne peut être pris en charge par l'assurance-invalidité.

c. Par écriture du 6 novembre 2024, la recourante a sollicité, à titre de mesures d'instruction, qu'une audience soit fixée en présence des parties et « des experts », en vue d'écouter l'enregistrement des deux entretiens d'expertise, qu'une nouvelle expertise médicale pluridisciplinaire soit ordonnée, subsidiairement une expertise somatique complémentaire. Elle conclut ensuite au renvoi du dossier à l'intimé afin qu'il procède à l'appréciation du degré d'invalidité en comparant le revenu qu'elle aurait pu obtenir d'une activité sans invalidité par rapport à celui pouvant être obtenu d'une activité avec invalidité.

La recourante reproche à l’intimé de ne pas s’être prononcé sur les griefs concernant la validité formelle de l'expertise, soulevés dans sa lettre motivée du 22 mai 2024. Elle soutient qu’en raison des vices de forme affectant l'expertise, celle-ci doit être écartée de la procédure. Le fait qu'un des experts nommés n'ait pas participé à l'expertise constitue déjà une violation de son droit d'être entendue, tout comme le fait que l’expertise ait été réalisée en grande partie par une experte dont l’identité ne lui a pas été communiquée préalablement. H______, psychologue, n'avait quoi qu'il en soit pas les connaissances requises pour officier en qualité d'experte.

La recourante fait également grief à l’intimé de n’avoir pas pris en compte dans l'analyse de sa capacité de travail les atteintes à sa santé physique - soit l'atteinte auditive et la baisse de vision rapportées dans l'expertise -, ainsi que leurs effets, cumulés aux problèmes psychologiques.

Enfin, elle fait remarquer que l’intimé n’a pas exposé avec précision quelle activité professionnelle serait adaptée, ni quels revenus pourraient en être obtenus.

d. Par écriture du 22 novembre 2024, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

Il argue que l'experte psychiatre a personnellement effectué les tâches fondamentales de l'expertise, puisque l'intervention de la psychologue n'a pas porté sur l'analyse de la capacité de travail. Bien que le nom de cette dernière n'ait pas été communiqué à la recourante, aucun élément concret ne lui est reproché. Selon lui, c’est le principe même de la délégation qui est attaqué, de manière infondée.

Quant aux atteintes somatiques, elles sont présentes de longue date, n’interdisent pas l’exercice d’une activité adaptée et n’ont d’ailleurs pas empêché la recourante d'assumer des activités variées, la dernière fois auprès de l'administration cantonale, cet emploi ayant cessé, non pas à cause de l'état de santé de l’intéressée, mais par impossibilité de proposer un poste fixe.

e. Par écriture du 13 janvier 2025, la recourante a persisté à son tour dans ses conclusions.

Elle soutient que la substitution de l'expert doit être autorisée par le mandant et être annoncée à l'assuré, sous peine de violer le droit d'être entendu de celui-ci. Le recours à un auxiliaire est par ailleurs strictement limité à des tâches secondaires, telles des tâches techniques, par exemple des analyses, des travaux de recherche ou de rédaction.

En l'occurrence, la psychologue a mené un entretien approfondi et a donc effectué des tâches fondamentales de l'expertise. Son analyse comporte seize pages et aborde des questions fondamentales, telles que la description de l'affection actuelle, les plaintes, les limitations fonctionnelles et sociales, la perception de la maladie, ainsi que la gestion des troubles au quotidien.

À défaut d'accord de l'intimé quant à la substitution et d'information préalable à elle-même, l'expertise est viciée et doit être retirée du dossier. Le fait que la Dre G______ ait « supervisé » l'expertise ne guérit pas les vices de forme, dès lors que cette « supervision » ne concernait que le rapport et non le processus d'expertise, en particulier les auditions et l'établissement du diagnostic sur cette base.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile compte tenu des féries estivales, le recours est recevable (art. 60 al. 1 et 2 LPGA cum art. 38 al. 4 let. b LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de la part de l'intimé et, en particulier, sur la validité formelle et la force probante de l'expertise psychiatrique du 23 février 2024.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l'absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l'application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l'examen d'une demande d'octroi de rente d'invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s'applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

En l'occurrence, la décision querellée porte sur une demande de prestations déposée postérieurement au 1er janvier 2022 et sur le droit éventuel de la recourante à des prestations après cette date, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022.

4.              

4.1 Conformément aux art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.

En vertu de l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).

Selon l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Il y a lieu de préciser que, selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.2 Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3 ; 122 V 157 consid. 1c).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

4.3 L'art. 44 LPGA, modifié au 1er janvier 2022, règle le recours par l'administration à une expertise médicale. Aux termes de l'art. 44 al. 1 LPGA, si l'assureur juge une expertise nécessaire dans le cadre de mesures d'instruction médicale, il peut ordonner notamment une expertise monodisciplinaire. L'art. 44 al. 2 LPGA précise que si l'assureur doit recourir aux services d'un ou de plusieurs experts indépendants pour élucider les faits dans le cadre d'une expertise, il communique leur nom aux parties. Les parties peuvent récuser les experts pour les motifs indiqués à l'art. 36 al. 1 LPGA, et présenter des contre-propositions dans un délai de dix jours. Si, malgré la demande de récusation, l'assureur maintient son choix du ou des experts pressentis, il en avise les parties par une décision incidente (art. 44 al. 4 LPGA).

L'art. 7m de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), entré en vigueur le 1er janvier 2022 (RO 2021 706), fixe les exigences concernant les experts. Selon l'al. 1, ceux-ci peuvent réaliser des expertises au sens de l'art. 44 al. 1 LPGA s'ils disposent d'un titre postgrade au sens de l'art. 2 al. 1 let. b et c de l'ordonnance du 27 juin 2007 sur les professions médicales (OPMéd - RS 811.112.0), sont inscrits dans le registre visé à l'art. 51 al. 1 de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales (LPMéd - RS 811.11), possèdent une autorisation de pratiquer valable ou ont rempli leur obligation de s'annoncer, pour autant que l'art. 34 ou 35 LPMéd l'exige, et disposent d'au moins cinq ans d'expérience clinique. Selon l'art. 7m al. 2 OPGA, les spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et en psychothérapie, en neurologie, en rhumatologie, en orthopédie ou en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l'appareil locomoteur doivent être titulaires d'une certification de l'association Médecine d'assurance suisse (Swiss Insurance Medicine, SIM). Font exception les médecins-chefs et les chefs de service des hôpitaux universitaires. Conformément à l'art. 7m al. 4 OPGA, avec le consentement de l'assuré, il peut être renoncé à certaines des exigences susvisées, pour autant que des raisons objectives le nécessitent. Enfin, en vertu de l'art. 7m al. 5 OPGA, des personnes ne remplissant pas encore toutes les exigences peuvent établir des expertises dans le cadre de leur formation universitaire, postgrade et continue. L'expertise est effectuée sous la supervision directe et personnelle des médecins spécialistes ou des neuropsychologues remplissant les conditions énoncées.

La disposition transitoire de la modification du 3 novembre 2021 énonce par ailleurs que si une certification SIM au sens de l'art. 7m al. 2 OPGA est requise, elle doit être obtenue dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur de la modification en cause, c'est-à-dire d'ici au 1er janvier 2027.

4.4  

4.4.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, par expert au sens de l'art. 44 LPGA, il faut comprendre celui qui (en tant que sujet mandaté) effectue une expertise et en porte la responsabilité. Il s'agit d'une part du sujet qui est mandaté pour l'expertise et, d'autre part, de la personne physique qui élabore l'expertise. La communication du nom de l'expert doit permettre à l'assuré de reconnaître s'il s'agit d'une personne à l'encontre de laquelle il pourrait disposer d'un motif de récusation. Cette communication doit avoir lieu suffisamment tôt pour que l'assuré soit en mesure de faire valoir ses droits de participation avant le début de l'expertise en tant que telle (ATF 146 V 9 consid. 4.2.1).

En sa qualité de mandant, l'assureur a droit à ce que l'expertise soit effectuée par la personne mandatée. La substitution ou le transfert (même partiels) du mandat à un autre spécialiste suppose en principe l'autorisation de l'organe ou de la personne qui a mis en œuvre l'expertise. L'obligation d'exécuter personnellement le mandat d'expertise n'exclut cependant pas que l'expert recoure à l'assistance d'un auxiliaire (« Hilfsperson »), qui agit selon ses instructions et sous sa surveillance, pour effectuer certaines tâches secondaires, par exemple assurer des tâches techniques (analyses) ou des travaux de recherche, de rédaction, de copie ou de contrôle. Une telle assistance fournie par un tiers compétent pour des tâches secondaires est admissible sans qu'on puisse y voir une substitution du mandataire soumise à l'accord de l'assureur, pour autant que la responsabilité de l'expertise, en particulier la motivation et les conclusions de celle-ci ainsi que la réponse aux questions d'expertise, reste en mains de l'expert mandaté. Il est en effet essentiel que l'expert mandaté accomplisse personnellement les tâches fondamentales d'une expertise médicale en droit des assurances, puisqu'il a été mandaté précisément en raison de son savoir, de ses connaissances scientifiques spécifiques et de son indépendance. Font ainsi notamment partie des tâches fondamentales d'expertise, qui ne peuvent être déléguées, la prise de connaissance du dossier dans son ensemble et son analyse critique, l'examen de la personne soumise à l'expertise ou le travail intellectuel de réflexion portant sur l'appréciation du cas et les conclusions qui peuvent être tirées, cas échéant dans le cadre d'une discussion interdisciplinaire (ATF 146 V 9 consid. 4.2.2).

Il ressort de ces principes posés par la jurisprudence en relation avec l'art. 44 LPGA, tant sous l'angle des droits de participation de l'assuré que des exigences en matière de substitution de l'expert mandaté, que l'obligation de communiquer le nom des médecins mandatés préalablement à l'expertise, respectivement le droit de l'assuré de connaître ce nom, concerne la personne qui est chargée par l'assurance-invalidité d'effectuer l'expertise. Cette obligation ne s'étend pas au nom du tiers qui assiste l'expert pour des activités annexes ne faisant pas partie des tâches fondamentales d'expertise. Ainsi, le nom de la tierce personne qui assiste l'expert en effectuant des analyses médicales (p. ex. une prise de sang) n'a pas à être communiqué. On ne saurait en revanche considérer comme un simple auxiliaire accomplissant une tâche secondaire le médecin qui est chargé par l'expert d'établir l'anamnèse de base de la personne soumise à l'expertise, d'analyser et de résumer le dossier médical ou de relire le rapport pour vérifier la pertinence de ses conclusions. L'activité intellectuelle déployée par le médecin dans ces situations peut en effet avoir une influence sur le résultat de l'expertise. Par exemple, la démarche consistant à établir le résumé du dossier médical implique une analyse comprenant déjà une certaine marge d'interprétation ; même si le résumé ne doit contenir que des extraits des pièces du dossier, il repose sur une sélection des dates, informations et données qui sont considérées comme déterminantes pour son auteur. Une telle sélection contribue au résultat de l'expertise. Dans les constellations mentionnées, les prescriptions de l'art. 44 LPGA sont applicables. Le nom du médecin auquel est confiée la tâche d'établir l'anamnèse de base ou le résumé du dossier ou celle de relire l'expertise afin d'en assurer la pertinence formelle doit être communiqué au préalable à l'assuré (ATF 146 V 9 consid. 4.2.3).

4.4.2 Au niveau cantonal, dans un arrêt récent (ATAS/204/2025 du 25 mars 2025 consid. 5.5.3), la Cour de céans a relevé que la dernière révision de la LAI entrée en vigueur le 1er janvier 2022 avait pour exigence davantage de transparence dans les expertises médicales et la mise en place de mesures visant à uniformiser l'assurance qualité. À cette fin, le Conseil fédéral avait mis sur pied la Commission fédérale d'assurance qualité des expertises médicales (ci-après : la COQEM), dont la mission était d'élaborer des recommandations et de veiller à ce qu'elles soient suivies. Dans le cadre de sa mission, la COQEM avait notamment développé six indicateurs de qualité des expertises médicales. Les trois premiers indicateurs portaient sur la qualité du processus et se rapportaient à la manière dont l'examen clinique était effectué et à la façon dont les expertises étaient réalisées. Les trois autres indicateurs portaient sur la qualité du résultat de l'expertise et permettaient d'examiner la précision et la fiabilité des évaluations de l'état de santé ou de la capacité de travail d'une personne. Les indicateurs de qualité avaient pour but d'améliorer la qualité de l'expertise, de la rendre plus transparente pour le public et de promouvoir le dialogue sur la qualité entre les mandants, les organismes d'expertise et les experts. Ces six indicateurs n'étaient pas exhaustifs mais servaient de point de départ pour améliorer en permanence la qualité de l'expertise et établir des normes de qualité. Outre les six indicateurs, la COQEM considérait que les Lignes directrices pour l'expertise médicale publiées par la SIM étaient obligatoires pour la réalisation d'expertises en matière de droit des assurances sociales (cf. présentation des indicateurs de qualité, disponible sur le site internet de la COQEM : Recommandations, Indicateurs de qualité).

Comme la Cour de céans l'a souligné dans l'arrêt précité, la SIM renvoie, sur son site internet (cf. Lignes directrices pour l'expertise médicale), aux Lignes directrices de qualité des expertises de psychiatrie d'assurance de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie (SSPP) dans leur 3e édition du 16 juin 2016. Ces lignes directrices ont par ailleurs été qualifiées par le Tribunal fédéral de standard reconnu pour l'expertise psychiatrique et sont considérées comme une recommandation à suivre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_260/2017 du 1er décembre 2017 consid. 3.3 et les références). À propos des principes de base, (« Qualification, attitude, rôle et tâche de l'expert »), ces lignes directrices énoncent que seul un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie peut procéder à une expertise de psychiatrie d'assurance. En milieu institutionnel, une partie des tâches peut être déléguée à un médecin-assistant qui suit une formation post graduée en psychiatrie et psychothérapie ou à un psychologue, dès lors que l'expertise est effectuée sous la conduite et la responsabilité de l'expert psychiatre. Cela implique que le médecin spécialiste effectue lui-même une partie substantielle de l'examen, suive l'élaboration de l'expertise, finalise le rapport d'expertise et en assume la responsabilité par sa propre signature (p. 4 des lignes directrices). La structure de l'expertise psychiatrique en médecine d'assurance, avec les différentes étapes à suivre, est décrite de manière précise en page 7 et suivantes des lignes directrices. Il y est expressément mentionné au point « 3. Examen / Investigation » que « [l]'expert est tenu d'examiner lui-même l'assuré » (p. 9 des lignes directrices). Une même indication ne figure pas aux autres points de la structure de l'expertise, telle qu'elle est prévue par les lignes directrices. Concernant le cadre externe de l'examen, les lignes directrices prévoient également qu'« [u]ne attitude empreinte d'empathie et adaptée aux circonstances d'une expertise permet à l'assuré examiné de s'exprimer plus facilement. Durant l'investigation, l'expert doit par conséquent accorder de l'importance à ses interactions avec l'assuré. Il convient ici de tenir compte des phénomènes de transfert et contretransfert – dès lors qu'ils sont clairement présents. » (p. 16 des lignes directrices).

En vertu des principes susvisés, dans l'arrêt ATAS/204/2025 du 25 mars 2025, la Cour de céans a considéré que l'expert psychiatre qui avait été présent lors des entretiens exploratoires principaux mais n'était nullement intervenu à ces occasions – contrairement aux psychologues aussi présentes qui avaient mené les discussions –, avait délégué à ces personnes auxiliaires une tâche essentielle de l'expertise et n'avait pas correctement exécuté son mandat. L'expertise était entachée d'un vice grave et n'avait pas valeur probante, raison pour laquelle la cause a été renvoyée à l'administration pour mise en œuvre d'une nouvelle expertise (consid. 6.1.1 et 6.3).

4.4.3 La doctrine partage le constat que la conduite de l'entretien exploratoire est une tâche fondamentale de l'expertise qui ne peut en principe être déléguée. L'opinion est défendue que « [s]i l'expert veut s'adjoindre les services d'un tiers, il doit en avertir préalablement l'autorité judiciaire et recevoir une autorisation expresse de celle-ci. (…). Ces professionnels, [auxiliaires ou spécialistes dont l'expert veut s'adjoindre les services], doivent être mentionnés dans le rapport d'expertise. La manière dont les auxiliaires ont été utilisés, leurs compétences spécifiques, les tâches à eux attribuées et la manière dont l'expert peut garantir l'exécution de ces tâches sous sa responsabilité doit notamment ressortir de son rapport. Au demeurant, l'expert ne peut déléguer à ses auxiliaires les questions essentielles de l'expertise et leurs réponses, même s'il en prend formellement la responsabilité en signant le rapport d'expertise. En définitive, l'expert désigné par l'autorité judiciaire doit diriger et organiser lui-même les travaux d'expertise. La limite dans laquelle des tâches sont susceptibles d'être qualifiées d'annexes, s'agissant du recours à des auxiliaires, est sujette à discussion. Celle-ci est assurément franchie quand un expert psychiatre délègue l'intégralité de l'entretien exploratoire à un assistant, dans la mesure où cette tâche constitue un élément essentiel de l'expertise » (Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, Volume II, Le médecin et les soignants, 2021, n. 3458 et les références). Est aussi relevé que le fait qu'une partie importante de l'expertise ne soit pas élaborée par l'expert nommé mais uniquement approuvée par ses soins par le biais de sa signature contrevient à la règle selon laquelle le mandat doit être exécuté personnellement (cf. art. 398 al. 3 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]) et rend l'expertise inapte à prouver les faits médicaux déterminants (Alfred BÜHLER, Die Mitwirkung Dritter bei der medizinischen Begutachtung im sozialversicherungsrechtlichen Verwaltungs-verfahren, Jusletter du 3 septembre 2007, n. 5 et 11).

5.             En l'espèce, il convient dans un premier temps d'examiner les griefs de nature formelle soulevés par la recourante contre l'expertise psychiatrique, sur la base de laquelle la décision de refus de prestations a été prise.

5.1 La recourante reproche en premier lieu au Dr F______ de ne pas avoir participé à l'expertise, alors qu'il avait personnellement été mandaté en qualité d'expert par l'intimé.

Il ressort du mandat d'expertise, et de la convocation envoyée à la recourante, que le Dr F______ avait en effet été désigné en tant d'expert et entendait procéder à la réalisation de l'expertise psychiatrique, sous la supervision de la Dre G______, probablement en raison du fait qu'il n'était pas encore spécialiste en psychiatrie. Contrairement au raccourci auquel procède l'intimé, l'expertise n'a ainsi pas été « mise en œuvre auprès de la Dre G______ ». Il n'est par ailleurs pas contesté que ce praticien n'est concrètement pas intervenu dans l'expertise, ni au stade des entretiens avec la recourante, ni à celui de la rédaction du rapport, sans aucune explication.

Au vu des développements qui suivent, la question de savoir si cette défection de l'expert formellement mandaté viole les droits de participation de la recourante et son droit d'être entendue de manière suffisamment grave pour justifier l'annulation de la décision – en ce sens que la personne assurée aurait droit à ce que l'expertise soit réalisée par l'expert désigné et non uniquement la personne qui aurait dû en assurer la supervision, seule détentrice du titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie – souffre de demeurer indécise.

5.2 La mise en œuvre de l'expertise a été caractérisée par le fait qu'une psychologue a participé à son élaboration. La recourante fait à ce propos valoir que le nom de cette personne ne lui a pas été communiqué à l'avance et qu'elle ne disposait pas des compétences requises pour effectuer l'expertise.

Il ressort des éléments de la procédure que la psychologue H______ est effectivement intervenue dans la réalisation de l'expertise. Selon le rapport du 23 février 2024, l'expertise a en effet été effectuée par la Dre G______ et une psychologue associée pour ce qui avait trait de l'« entretien psychologique sans évaluation de la capacité de travail ». Dans son complément du 8 mars 2024, la Dre G______ a précisé que la recourante avait été entendue à deux reprises et que deux anamnèses différentes avaient été faites par une psychologue et par elle-même pour améliorer la fidélité « inter juge ». Quant à la recourante, elle a exposé dans ses observations du 22 mai 2024 – sans être contredite – que la psychologue a été seule à conduire l'entretien durant deux heures lors du premier rendez-vous, sur une durée effective de trois heures. La moitié du deuxième entretien a aussi été assurée par cette personne, hors la présence de la psychiatre.

Le recoupement de ces informations permet de retenir que la psychologue H______ s'est parfois retrouvée seule à conduire les entretiens avec la recourante, dans une proportion qui ne peut être qualifiée d'anecdotique. L'intimé ne critique pas ces éléments factuels et ne remet pas en cause le fait que la psychologue a assumé une part importante des entretiens exploratoires. Or, ceux-ci ne peuvent être qualifiés de tâches accessoires, mais remplissent au contraire une fonction importante dans l'expertise, qui plus est lorsqu'elle est de nature psychiatrique, en servant de base à l'élaboration de l'anamnèse, en permettant de recueillir les plaintes spontanées de la personne assurée et de reconstituer sa journée-type, et en permettant de l'observer et d'en tirer des constatations psychiatriques. La doctrine estime d'ailleurs que les entretiens exploratoires constituent un élément essentiel de l'expertise (cf. consid. 4.4.3 supra), appréciation qui est du reste partagée par le Tribunal fédéral, la jurisprudence ayant explicitement retenu que l'examen de la personne assurée constitue une tâche fondamentale de l'expertise ne pouvant être déléguée (cf. ATF 146 V 9 consid. 4.2.2).

Dans un récent arrêt, la Cour de céans a par ailleurs admis que le fait que l'expert psychiatre désigné ne soit pas intervenu dans la conduite des entretiens principaux, alors qu'il était présent, et que seules les psychologues s'étaient chargées d'entrer en discussion et d'interroger l'assuré, constituait un vice grave (cfATAS/204/2025 consid. 6). Il en va a fortiori de même lorsque le spécialiste en psychiatrie n'était pas même présent à plusieurs entretiens et n'a pas toujours pu entendre personnellement la personne assurée.

Ce qui précède est en adéquation avec les recommandations des professionnels concernés eux-mêmes, puisque, dans ses lignes directrices concernant la qualité des expertises, la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie indique expressément que l'expert est tenu d'examiner lui-même l'assuré, et souligne l'importance des interactions directes entre l'expert et la personne expertisée.

Enfin, il convient de relever que le fait qu'une partie substantielle de l'expertise soit déléguée à des personnes auxiliaires contrevient directement aux prescriptions de l'art. 7m OPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2022. En effet, selon cette disposition, seuls des médecins ou des médecins-dentistes peuvent réaliser des expertises. Ces personnes doivent de plus remplir d'autres exigences, notamment être inscrites dans un registre officiel et posséder une autorisation de pratiquer valable (cf. al. 1). Contrairement à ce qui prévaut pour la règle de l'art. 7m al. 2 OPGA imposant que les spécialistes de plusieurs disciplines, dont la psychiatrie et la psychothérapie, soient titulaires d'une certification de la SIM (à l'exception des médecins-chefs et des chefs de service des hôpitaux universitaires), aucune disposition transitoire n'a par ailleurs été édictée concernant le respect des exigences de l'art. 7m al. 1 OPGA, de sorte que les conditions posées par cette norme sont directement applicables. Aux termes du texte de l'ordonnance, seul le consentement de l'assuré permet de renoncer à certaines des exigences, pour autant que des raisons objectives le nécessitent (cf. art. 7m al. 4 OPGA).

Il n'est en l'occurrence pas contesté que H______ n'est pas médecin et ne répond donc pas aux exigences de l'art. 7m OPGA.

En conclusion, il apparaît que le processus d'élaboration de l'expertise est entaché de graves vices formels qui ne permettent pas de la considérer comme suffisamment probante pour fonder le refus de prestations, indépendamment des chances de succès de l’assurée sur le fond.

5.3 Dans ces circonstances, il n'est pas nécessaire d'examiner en sus si, comme le prétend la recourante, le fait qu'elle n'ait pas été informée à l'avance que la psychologue H______ participerait à l'expertise constitue une violation irréparable de son droit d'être entendue, quand bien même elle a ensuite eu connaissance de l'identité de la psychologue et n'a formulé aucun motif de récusation à son égard.

Les problématiques ayant trait au respect des instructions données par le mandataire lors de la conclusion du mandat d'expertise (droit à ce que l'expertise soit effectuée par la personne mandatée, à être consulté pour tout transfert de mandat et à autoriser la substitution) et la question de savoir si la position adoptée ultérieurement par l'intimé peut constituer une approbation rétroactive de la substitution (dans ce sens, arrêt du Tribunal fédéral 8C_596/2013 du 24 janvier 2014 consid. 6.1.2.2, rendu avant l'ATF 146 V 9) peuvent aussi être laissées ouvertes.

5.4 Eu égard à ce qui précède, la cause doit être renvoyée à l'intimé afin qu'il ordonne a minima une nouvelle expertise psychiatrique dans le respect des prescriptions des art. 44 LPGA et 7m OPGA, puis statue à nouveau sur la demande de prestations. Il n'appartient en effet pas au juge de suppléer aux carences de l'instruction administrative, compte tenu de la nature formelle des vices affectant l'expertise.

Au vu de l'issue du litige, les mesures d'instruction requises par la recourante ne se justifient par ailleurs pas.

6.             Partant, le recours est partiellement admis et la décision du 17 juin 2024 annulée. La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 1’000.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 17 juin 2024.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l'art. 85 LTF, s'agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n'atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le