Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/293/2025 du 22.04.2025 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/4244/2024 ATAS/293/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 22 avril 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : le recourant), né le ______ 1956, marié, père de quatre enfants, B______ née le ______ 1992, C______ née le ______ 1993, D______ née le ______ 1995 et E______ née le ______ 1998, est au bénéfice de prestations complémentaires fédérales (PCF) et cantonales (PCC).
b. Dès le 14 septembre 2020, E______, la fille du recourant, a débuté une formation de Bachelor of science HES-SO en soins infirmiers à la haute école de santé de Genève et le recourant a régulièrement transmis au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) les attestations de formation de sa fille E______.
c. Le 25 novembre 2020, le recourant a communiqué la fiche de salaire de sa fille E______, pour une activité de stagiaire au département de l’instruction publique (DIP) en octobre 2020, attestant d’un gain de CHF 400.- net.
d. Le 1er septembre 2021, la caisse suisse de compensation a informé le recourant qu’elle avait transmis une demande de rente à l’Institut national de sécurité sociale de Jérusalem et le 18 octobre 2021 celui-ci a informé la caisse suisse de compensation qu’il convenait de les contacter six mois avant les 67 ans du recourant.
e. Le 13 octobre 2023, le recourant a informé le SPC que sa fille E______ avait terminé ses études et qu’elle recevrait son diplôme le 22 novembre 2023.
f. Dès le 5 décembre 2023, l’épouse du recourant, qui travaille pour F______, a présenté une incapacité totale de travail.
g. Le 14 février 2024, le recourant a transmis au SPC une décision du 7 janvier 2024 de l’Institut national de sécurité sociale de Jérusalem, lui octroyant, depuis le 1er juillet 2023, une rente de retraite mensuelle de CHF 224.-.
B. a. Par décision du 25 juin 2024, le SPC a recalculé les prestations dues au recourant depuis le 1er janvier 2022 et conclut à un trop-perçu de CHF 4'584.- pour la période du 1er janvier 2022 au 30 juin 2024.
Le revenu d’activité lucrative était de CHF 28'898.- du 1er janvier au 31 décembre 2022 (au lieu de CHF 27'122.-), de CHF 27'673.75 du 1er janvier au 30 septembre 2023 (au lieu de CHF 27'122.-) et de CHF 22'873.75 du 1er octobre 2023 au 30 juin 2024 (au lieu de CHF 22'322.-).
Par ailleurs, une rente étrangère de CHF 2'800.45 a été ajoutée aux revenus pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.
b. Courant 2024, le SPC a versé au dossier les avis de taxation 2021 et 2022 du recourant et de son épouse, attestant d’un salaire brut respectivement de CHF 25'758.- et CHF 24'449.-.
c. Le 27 juin 2024, le recourant a communiqué au SPC les fiches de paie de son épouse du 1er janvier au 30 juin 2024, attestant d’un revenu mensuel brut de CHF 1'760.-.
d. Le 1er juillet 2024, il a communiqué le certificat de salaire de son épouse pour l’année 2023, mentionnant un revenu brut de CHF 26'400.- et net de CHF 24'291.‑.
e. Par décision du 10 juillet 2024, le SPC a recalculé les prestations dues au recourant du 1er janvier 2023 au 31 juillet 2024 et conclut à un solde en faveur de celui-ci de CHF 872.-.
Le revenu d’activité lucrative était de CHF 29'091.- du 1er janvier au 30 septembre 2023 (au lieu de CHF 27'673.75), de CHF 24'291.- du 1er octobre au 31 décembre 2023 (au lieu de CHF 22'873.75) et de CHF 18'984.60 dès le 1er janvier 2024 (au lieu de CHF 22'873.75).
f. Le 25 juillet 2024, le recourant a écrit au SPC qu’il demandait la « restitution » de CHF 4'584.-, en référence à la décision du 25 juin 2024, car cela le mettrait dans une situation difficile.
g. Par décision du 13 septembre 2024, le SPC a refusé la demande de remise de l’obligation de restituer CHF 4'584.-.
La demande de restitution était due à la fin des rentes pour enfant de la fille E______ du recourant au 30 septembre 2023 et à la prise en compte d’une rente israélienne dès le 1er juillet 2023 ainsi que, principalement, en raison de la mise à jour des gains d’activité de son épouse dès janvier 2022.
L’information de l’arrêt des études de la fille du recourant et la décision de rente israélienne rétroactive au 1er juillet 2023 avaient été communiquées sans retard. En revanche, ce n’était qu’à travers la consultation de la base de données de l’administration fiscale cantonale, lors du contrôle du dossier, que le SPC avait pris connaissance de l’augmentation du gain d’activité de l’épouse depuis 2021. Ces informations n’ayant pas été communiquées sans retard, la condition de la bonne foi n’était pas réalisée.
h. Le 26 septembre 2024, le recourant a fait opposition à la décision du SPC du 13 septembre 2024. Le salaire de son épouse avait baissé entre 2020 et 2022. Il était de CHF 26'400.- brut durant 15 ans mais avait baissé durant la période Covid. Depuis le 5 décembre 2023, son épouse était malade et son revenu était de CHF 1'760.- brut par mois.
Les revenus annuels de son épouse étaient de CHF 26'400.- en 2019, CHF 24'640.- en 2020, CHF 25'758.- en 2021, CHF 24'449.- en 2022 et CHF 26'400.- en 2023.
i. Le 10 octobre 2024, le SPC a reçu l’avis de taxation 2023 du recourant et de son épouse, lequel atteste d’un salaire brut de CHF 26'400.-.
j. Par décision du 22 novembre 2024, le SPC a rejeté l’opposition du recourant, au motif que ce n’était qu’à la lecture des avis de taxation 2022 et 2023 que le SPC avait pris connaissance de l’augmentation du gain d’activité de son épouse, déjà depuis 2021. Le recourant n’avait pas spontanément annoncé ces hausses de revenus.
C. a. Le 20 décembre 2024, le recourant a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours à l’encontre de la décision précitée. Son épouse avait gagné CHF 26'400.- par année depuis 2008, puis son salaire avait baissé en 2020, 2021 et 2022 pour revenir à la normale en 2023. Il contestait la position du SPC qui continuait de prétendre que son épouse avait eu une augmentation de salaire et insinuait qu’il voulait la cacher. Il a joint une attestation du directeur de F______ selon laquelle le salaire de son épouse n’avait jamais été augmenté durant les années de travail et baissé durant le Covid.
b. Le 26 janvier 2025, le SPC a conclu au rejet du recours.
c. À la demande de la chambre de céans, le SPC a donné les précisions suivantes le 19 mars 2025 :
Du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023, un gain d’activité de l’enfant E______ de CHF 4'800.- avait été ajouté au revenu de l’épouse du recourant qui était de CHF 24'098.- net en 2021 (CHF 25'758.- brut selon l’avis de taxation 2021) et de CHF 24'291.- net (CHF 26'400.- brut) du 1er janvier au 30 septembre 2023.
Du 1er octobre 2023 au 30 juin 2024, le revenu de l’épouse du recourant était de CHF 24'449.- brut, selon l’avis de taxation 2022. L’enfant E______ sortait du calcul des prestations complémentaires dès octobre 2023. Le recourant avait transmis avec retard le revenu de CHF 28'898.- pour 2022 (au lieu de CHF 27'122) et de CHF 24'291.- en 2023 (au lieu de CHF 22'332.-).
d. À la demande de la chambre de céans, le SPC a indiqué le 10 avril 2025 que selon la pièce n° 16 de son dossier, l’enfant E______ avait obtenu un gain de CHF 400.- en octobre 2020, lequel avait été annualisé et maintenu jusqu’au 30 septembre 2023.
e. Le 14 avril 2025, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.
Le recourant a déclaré qu’il avait chaque année transmis les certificats de salaire de son épouse, en les déposant dans la boite à l’entrée de l’intimé, soit également ceux de 2021, 2022 et 2023. Il n’avait pas compris que le gain d’activité lucrative comprenait le salaire de sa fille E______ en plus de celui de son épouse.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur la question de savoir si le recourant peut bénéficier d’une remise de l’obligation de rembourser CHF 4'584.-.
3.
3.1
3.1.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).
L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).
3.1.2 À teneur de l’art. 24 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).
L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.
3.1.3 Au regard de la jurisprudence relative à l'art. 25 LPGA, la procédure de restitution des prestations implique trois étapes en principe distinctes : une première décision sur le caractère indu des prestations, soit sur le point de savoir si les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision par laquelle celles-ci ont été allouées sont réalisées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 207/04 du 20 janvier 2006 consid. 4) ; une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations, qui comprend en particulier l'examen des effets rétroactifs ou non de la correction à opérer en raison du caractère indu des prestations, à la lumière de l'art. 25 al. 1, 1re phrase LPGA et des dispositions particulières et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l'obligation de restituer au sens de l'art. 25 al. 1, 2e phrase LPGA (cf. art. 3 et 4 OPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.1.1 et 5.2).
Le délai de 30 jours prévu par l'art. 4 al. 4 OPGA pour le dépôt de la demande de remise est un délai d'ordre et non un délai de péremption (ATF 132 V 42 consid. 3).
3.2
3.2.1 Selon l’art. 31 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l'obligation d'informer l'assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l'octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).
3.2.2 Selon l’art. 24 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.
À teneur de l’art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.
3.3 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).
La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2).
3.3.1 On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; ATF 138 V 218 consid. 4). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).
Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d'annoncer ou de renseigner ; peuvent entrer en ligne de compte également d'autres comportements, notamment l'omission de se renseigner auprès de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2023 du 21 décembre 2023 consid. 3.2.2 et la référence).
A en particulier été niée la bonne foi d’une bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait omis d’annoncer une rente AI versée à son conjoint, dont une partie était versée avec effet rétroactif : la bonne foi a été niée pour la période postérieure à la décision d’octroi de la rente AI ; en effet, à compter de la date de versement de la rente, la bénéficiaire avait pu prendre connaissance de la décision d’octroi de rente à son époux et aisément se rendre compte que l’existence d’un revenu supplémentaire dans le couple était de nature à influencer son droit aux prestations complémentaires ; il lui incombait dès lors d’informer immédiatement la caisse de cette nouvelle situation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.3).
3.3.2 En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 1387 V 218 consid. 4 ; 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 ; 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n. 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).
3.4 Conformément à l’art. 4 OPGA, la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). Les autorités auxquelles les prestations ont été versées en vertu de l’art. 20 LPGA ou des dispositions des lois spéciales ne peuvent invoquer le fait qu’elles seraient mises dans une situation difficile (al. 3).
L'art. 16 RPCC-AVS/AI reprend les mêmes principes que la législation fédérale susmentionnée : est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al.1) ; il y a une situation difficile lorsque les conditions de l'art. 5 OPGA, appliqué par analogie, sont réalisées (al. 2).
3.4.1 Dans le cadre de l'examen de la condition de la situation difficile (art. 25 al. 1 LPGA), lorsqu'un assuré a reçu, pour une période pendant laquelle il a déjà perçu des prestations complémentaires, des éléments de fortune versés rétroactivement (par exemple un paiement rétroactif de rentes), il convient de prendre en considération cette circonstance. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que dans l'hypothèse où le capital obtenu grâce au paiement de la rente arriérée est encore disponible au moment de l'entrée en force de la décision de restitution, la situation difficile doit être niée. En cas de diminution du patrimoine avant l'entrée en force de la décision de restitution, il faut en examiner les raisons. S'il s'avère que l'assuré a renoncé à des éléments de fortune sans obligation juridique ou sans avoir reçu, en échange, une contre-prestation équivalente (sur ces notions, ATF 146 V 306 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_787/2020 ; 9C_22/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2 et les références), le patrimoine dont il s'est dessaisi devra être traité comme s'il en avait encore la maîtrise effective, en appliquant par analogie les règles sur le dessaisissement de fortune au sens des art. 11 al. 1 let. g aLPC et 17a aOPC-AVS/Al (arrêts du Tribunal fédéral 8C_954/2008 du 29 mai 2009 consid. 7.2 et les références ; 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.2 ; C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 5.3.4 ; 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 3.3).
Par ailleurs, la détermination des revenus et des dépenses doit être effectuée en tenant compte de l’ensemble des conditions d’existence de la personne tenue à restituer. Ainsi, pour les personnes mariées, le revenu et la fortune de deux conjoints sont pris en compte sans égard à leur régime matrimonial pour autant qu’ils ne soient pas séparés (ATF 116 V 290 consid. 2a). Si la restitution incombe aux héritiers, cette condition doit être remplie par chacun d’eux (ATF 96 V 72 consid. 2).
3.4.2 À teneur des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC), valables dès le 1er avril 2011 (état au 1er janvier 2021), pour l’établissement des revenus déterminants et de la fortune, on se fondera en règle générale sur les revenus obtenus au cours de l’année civile précédente et sur la fortune déterminante au 1er janvier de l’année civile au cours de laquelle la décision de restitution est exécutoire. S’agissant des rentes, pensions et autres prestations périodiques, ce sont toutefois les prestations de l’année en cours qui sont prises en compte. Si la situation économique s’est modifiée jusqu’au moment où la décision de restitution est exécutoire, il importe de tenir compte des changements intervenus (DPC n. 4653.03).
Si des PC doivent être restituées en raison d’un versement rétroactif de prestations d’assurances sociales, on ne saurait notamment opposer à l’ordre de restitution une éventuelle situation difficile lorsque le bénéficiaire de PC a utilisé les moyens financiers résultant du versement rétroactif à d’autres fins malgré l’attente d’une éventuelle restitution des PC (DPC n. 4653.04).
3.5 Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve (« Beweisführungslast ») incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6 ; 117 V 261 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1).
4. En l’occurrence, l’intimé conteste la bonne foi du recourant pour la période du 1er janvier 2022 au 30 juin 2024, en relevant que ce dernier a omis de lui communiquer la hausse de revenu de son épouse. Le recourant fait valoir qu’il a toujours été de bonne foi en communiquant tous les documents utiles à l’intimé, singulièrement les certificats de salaire de son épouse au-delà de l’année 2020.
4.1 L’intimé estime tout d’abord que le recourant a annoncé sans retard, en février 2024, son droit à une rente étrangère. À cet égard, les pièces au dossier démontrent que, courant février 2024, le recourant a été informé de son droit à une rente de l’Institut national de sécurité sociale de Jérusalem, rétroactive au 1er juillet 2023, selon une décision de celui-ci du 7 janvier 2024, suivie d’un versement effectif de la rente en février 2024 (procès-verbal de l’audience de comparution personnelle du 14 avril 2025). Aucun élément au dossier ‑ et l’intimé ne le prétend pas - ne démontre que le recourant savait ou aurait dû savoir, antérieurement à février 2024, qu’une rente étrangère lui serait effectivement versée dès juillet 2023. En particulier, ni le courrier du 18 octobre 2021 de l’Institut national de sécurité sociale de Jérusalem à la caisse suisse de compensation, selon lequel il convenait de les contacter six mois avant l’âge de la retraite du recourant (67 ans), ni celui du 7 décembre 2023, l’informant qu’il serait traité comme un non-résident israélien, ne permettent d’admettre que le recourant pouvait s’attendre à recevoir les prestations rétroactives de l’Institut national de sécurité sociale de Jérusalem au 1er juillet 2023.
Au demeurant, le recourant ne pouvait pas savoir qu’une partie des prestations complémentaires versées du 1er juillet 2023 au 28 février 2024 était indue, dans la mesure où le revenu retenu ne prenait pas en compte la rente étrangère. Par ailleurs, le recourant n’a pas commis de négligence grave dès lors qu’il a transmis à l’intimé le 14 février 2024 la décision de l’Institut national de sécurité sociale de Jérusalem du 7 janvier 2024, ce que l’intimé admet.
Dans ces conditions, la bonne foi du recourant doit être admise pour la période de huit mois du 1er juillet 2023 au 28 février 2024 s’agissant des prestations complémentaires versées sans tenir compte du montant de CHF 2'800.45 dans le revenu déterminant, correspondant à la rente étrangère annuelle du recourant. L’intimé ne s’étant toutefois pas prononcé sur la condition de la situation difficile, la cause lui sera renvoyée dans ce sens.
4.2 L’intimé a pris en compte un revenu de l’épouse du recourant de CHF 22'322.- pour la période du 1er janvier 2022 au 30 juin 2024, soit le revenu net de l’épouse du recourant pour l’année 2020.
Or, ce revenu était en réalité en 2021 de CHF 25'758.- brut et CHF 24'098.- net, en 2022 de CHF 24'449.- brut et CHF 22'873.75 net et en 2023 de CHF 26'400.- brut et CHF 24'292.- net.
L’intimé a eu connaissance de l’augmentation du revenu de l’épouse du recourant seulement au jour de la procédure de révision du dossier, courant 2024, de sorte qu’il peut être reproché au recourant de ne pas avoir communiqué l’augmentation de revenu de son épouse à temps.
À cet égard, le recourant a déclaré qu’il avait régulièrement déposé dans la boite à l’entrée de l’intimé les certificats de salaire de son épouse, en particulier ceux des années 2021, 2022 et 2023. Le certificat de salaire 2023 figure effectivement au dossier de l’intimé mais mentionne une réception tardive le 1er juillet 2024. En revanche, les certificats relatifs aux années 2021 et 2022 n’y figurent pas. Dans ces conditions, le recourant, nonobstant ses déclarations crédibles sur le fait qu’il a régulièrement déposé tous les documents utiles auprès de l’intimé, échoue à en prouver la transmission en temps utile, de sorte qu’il supporte l’échec de la preuve.
En conséquence, la bonne foi du recourant ne peut être reconnue s’agissant de la prise en compte d’un revenu inférieur à celui effectivement réalisé par son épouse durant la période litigieuse.
Cela dit, et comme le représentant de l’intimé l’a admis lors de l’audience de comparution personnelle du 14 avril 2025, les décisions de l’intimé ne sont pas claires car elles ne spécifient pas, dans la rubrique revenu d’activité lucrative, quels montants de revenus sont cumulés. En l’occurrence, le recourant aurait pu aisément se rendre compte du montant du revenu de son épouse pris en compte par l’intimé si celui-ci avait été mentionné séparément de celui de l’enfant E______. Vu le défaut de transmission des certificats de salaire de l’épouse du recourant, pour les années 2021 et 2022, ainsi que la transmission tardive du certificat de salaire 2023, le recourant ne peut cependant en tirer aucun droit.
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse annulée. La cause sera renvoyée à l’intimé dans le sens des considérants.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision de l’intimé du 22 novembre 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimé, pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le