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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1886/2024

ATAS/11/2025 du 14.01.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1886/2024 ATAS/11/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 janvier 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

Représentée par Me Rocio GONZALEZ

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire), née le ______ 1990, ressortissante du Portugal, au bénéfice d'un permis d’établissement en Suisse avant d’être naturalisée au mois de juin 2024, perçoit des prestations complémentaires à sa rente d’invalidité. Elle a donné naissance à une fille le ______ 2012, issue d’une première union, puis à un fils le
______ 2019, dont le père est Monsieur B______, qu’elle a épousé le 6 novembre 2020.

b. B______, né le ______ 1992, ressortissant somalien, est arrivé en Suisse le 11 juillet 1992. Selon les informations du registre Calvin, il est reparti le 23 décembre 2016 et s’est à nouveau installé à Genève le 6 novembre 2020. Il a été mis au bénéfice d’un livret B-CE (autorisation de séjour accordée dans le cadre du regroupement familial du conjoint et partenariat enregistré ; activité lucrative à temps complet) à partir du 24 mars 2021. Il a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales, la dernière ayant entrainé son incarcération du 17 mars au 26 septembre 2022, suite au jugement prononcé le 12 mai 2021.

c. Par courrier du 9 avril 2022 faisant suite à une demande de justificatifs du SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES (ci-après : SPC) concernant la situation de son mari, la bénéficiaire a exposé que ce dernier avait reçu son permis de séjour en décembre 2021, qu’il ne possédait ni compte bancaire, ni bien immobilier, ni avis de taxation avant mariage, au vu de son passé carcéral de sept ans. Ses antécédents et son absence de formation avaient été un réel frein dans ses recherches d’emploi et il était à nouveau incarcéré depuis le
17 mars 2022, pour une durée non communiquée. Elle a notamment transmis une copie du permis de son époux, délivré le 2 décembre 2021 et valable jusqu’au
23 mars 2023.

d. Le 26 juillet 2022, le SPC a informé la bénéficiaire qu’il devait interrompre le versement des prestations à compter du 30 novembre 2020 afin de tenir compte de son mariage. Il en résultait qu’un montant de CHF 60'132.- avait été versé en trop pour la période du 1er décembre 2020 au 31 juillet 2022.

e. Par décision du 28 juillet 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations de la bénéficiaire pour la période du 1er décembre 2020 au 31 mars 2022, tenant notamment compte d’un revenu annuel hypothétique du conjoint à hauteur de CHF 62'710.80 pour la période du 1er au 31 décembre 2020, de CHF 63'539.10 pour l’année 2021 et de CHF 64'064.40 dès le 1er janvier 2022. L’intéressée avait droit à des prestations complémentaires cantonales du 1er décembre 2020 au
31 décembre 2021 à hauteur de CHF 7'792.-. Ce montant était soustrait de la dette existante.

f. Le même jour, le SPC a rendu une seconde décision portant sur le droit de la bénéficiaire du 1er avril au 31 juillet 2022, révélant un montant en sa faveur de CHF 12'724.-, porté en déduction du solde à restituer. À partir du 1er août 2022, les prestations fédérales et cantonales étaient fixées CHF 4'015.40.

g. Le 17 août 2022, le SPC a rappelé à la bénéficiaire qu’elle avait perçu trop de prestations entre le 1er décembre 2020 et le 31 juillet 2022 et qu’elle devait rembourser un montant de CHF 39'616.-.

h. Par courrier du 20 août 2022, la bénéficiaire a contesté les montants retenus par le SPC, rappelant que son époux n’avait reçu son permis de séjour qu’en décembre 2021, qu’il devait faire face à des difficultés pour trouver un emploi et qu’il était incarcéré depuis le mois de mars 2022. Sa peine prendrait fin en
février 2023.

i. Par décision sur opposition du 19 octobre 2022, le SPC a admis l’opposition de la bénéficiaire et tenu compte d’un revenu hypothétique pour l’époux dès le
1er janvier 2022 et jusqu’à son incarcération. Suite à de nouveaux calculs, un montant de CHF 14'701.- était dû en faveur de la bénéficiaire.

j. Par courrier du 4 juillet 2023, le SPC a procédé à la mise à jour du dossier de la bénéficiaire, suite à la libération conditionnelle de son époux. Celle-ci avait droit à CHF 5'746.20 à titre de prestations complémentaires mensuelles dès le
1er juillet 2023 et à un solde de CHF 10'092.- pour la période du 1er avril 2022 au 30 juin 2023. Un revenu hypothétique serait imputé à son mari après un délai de six mois, soit dès le 1er janvier 2024.

B. a. Par décision du 11 décembre 2023, le SPC a établi le droit aux prestations de la bénéficiaire à compter du 1er janvier 2024. Il ressort de son plan de calcul annexé qu’il a retenu un revenu annuel hypothétique du conjoint à hauteur de
CHF 61'371.-, ce qui a entraîné la diminution des prestations mensuelles, arrêtées à CHF 1'754.80.

b. En date du 16 janvier 2024, la bénéficiaire a contesté la prise en compte d’un gain hypothétique pour son époux. Elle a expliqué que ce dernier était toujours dans l’attente de son permis de séjour, malgré les démarches effectuées par son avocat. Sans ce titre de séjour, une formation lui avait été refusée et il ne pouvait ni exercer une activité professionnelle, ni s’inscrire à l’assurance-chômage. Elle a fait part des difficultés financières de la famille.

Elle a notamment remis des courriers de l’avocate de son époux concernant la demande de renouvellement de son passeport pour étranger et un courrier de la Croix-Rouge requérant la production du titre de séjour et du permis de travail de son mari dans le cadre de sa candidature à une formation d’auxiliaire de santé.

c. Le 11 mars 2024, le SPC a reçu de la bénéficiaire plusieurs pièces concernant son mari, dont une copie de son permis B (regroupement familial avec activité lucrative autorisée) délivré le 7 février 2024, valable jusqu’au 23 mars 2025, la confirmation de son inscription au cours d’auxiliaire de santé de la Croix-Rouge et une décision de la caisse cantonale genevoise de chômage du 19 mars 2024 rejetant la demande d’indemnités de son mari, au motif qu’il ne remplissait pas les conditions relatives à la période de cotisations ni n’invoquait de motif de libération.

d. Sur demande du SPC, l’adjointe administrative du service étrangers – secteur autorisations de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) lui a répondu que l’époux de la bénéficiaire était sous livret N (requérant d’asile) du 17 juillet 1992 au 17 octobre 1993, sous livret F (admission provisoire) du 25 août 1993 au 25 août 2005, sous permis B (transformation de F en B) du
7 juillet 2005 au 7 juin 2011 et sous permis B depuis le 24 mars 2021, date de la demande de regroupement familial. Depuis le 10 août 2020, date de l’émission de l’attestation en vue de la préparation du mariage qui équivalait à un permis L en vue de mariage, son séjour était donc légal. Il était autorisé à travailler depuis le 24 mars 2021.

e. Par décision sur opposition du 2 mai 2024, le SPC a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 11 décembre 2023. L’époux de la bénéficiaire était parfaitement en mesure de travailler dès le 24 mars 2021, comme confirmé par l’OCPM. Or, aucune recherche d’emploi n’avait été produite, pas plus qu’une confirmation d’inscription à l’office cantonal de l’emploi. Il ne pouvait donc considérer que son inactivité était due à des motifs conjoncturels. Partant, il était retenu un revenu hypothétique correspondant à une activité simple et répétitive à plein temps dès le 1er janvier 2024.

C. a. Par acte du 3 juin 2024, l’assurée, représentée par un avocat, a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision attaquée et au renvoi du dossier à l’intimé pour nouvelle décision. Son époux ne disposait pas d’un titre de séjour avant le 8 décembre 2021, date de réception du permis par son conseil. Il avait en outre un lourd passé carcéral et avait fait l’objet d’une nouvelle condamnation par jugement du 12 mai 2021 et d’une peine privative de liberté du 17 mars au 26 septembre 2022, avant d’être suivi par le service de probation et d’insertion. En raison de cette incarcération, il n’avait pas été en mesure de renouveler son permis de séjour dans l’immédiat. L’intimé avait donc retenu à tort qu’il était parfaitement en mesure de travailler depuis le 24 mars 2021, puisque son précédent permis, valable jusqu’en
mars 2023, n’avait été renouvelé que le 7 février 2024. Avant cette date, il était dans l’impossibilité objective de trouver un emploi. L’intimé n’avait en outre pas tenu compte de ses difficultés de réintégration sur le marché du travail, étant rappelé qu’il ne disposait d’aucune formation et avait effectué de longues peines privatives de liberté au cours des dernières années. Il était pourtant notoire qu’en présence d’un casier judiciaire, notamment pour des infractions contre le patrimoine, les opportunités de trouver un emploi à temps plein étaient faibles, même dans le secteur du nettoyage. Aucun revenu hypothétique ne pouvait être imputé à son époux.

La recourante a notamment produit un courrier du 21 juillet 2023 du service des bourses et prêts d’études sollicitant la remise de plusieurs documents, dont une copie du permis de travail ou d’établissement, suite à la demande d’un chèque annuel de formation déposée la veille, ainsi qu’un courriel du 20 septembre 2023 de la Croix-Rouge genevoise lui indiquant que son dossier restait en attente de son permis.

b. Dans sa réponse du 2 juillet 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, relevant que l’OCPM délivrait en tant que de besoin des attestations durant la procédure de renouvellement d’une autorisation de séjour, et précisément dans le but de permettre à l’administré de justifier non seulement de la légalité de son séjour, mais également de son autorisation de travailler.

c. Par réplique du 7 août 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle avait déjà expliqué à de nombreuses reprises à l’intimé que son époux n’avait pas pu conserver des promesses d’embauche, compte tenu de l’attente d’une année pour l’émission de son permis de séjour. Elle avait d’ailleurs produit une copie du refus d’inscription au Centre de formation de la Croix-Rouge. De plus, son mari ne disposait pas de document d’identité valable à cette époque, son passeport pour étrangers étant en cours de renouvellement en février 2023 et ayant finalement été délivré en juin 2024. En l’absence de document d’identité et de permis de séjour valable, les opportunités d’embauche étaient fortement limitées, voire illusoires. Ses chances de retrouver un emploi étaient en outre encore réduites par son lourd casier judiciaire. Il était notoire qu’une attestation de l’OCPM ne suffisait généralement pas aux employeurs, qui privilégiaient les candidats en possession d’un permis de séjour valable. Une telle attestation ne lui permettait pas non plus d’ouvrir un compte bancaire ni de renouveler son abonnement de téléphone ou même de s’inscrire au chômage à sa sortie de détention en 2022. Ainsi, la production d’une attestation de procédure de l’OCPM ne pouvait pas justifier à elle seule la possibilité objective de trouver un emploi avant un délai convenable suite à la délivrance de son permis de séjour en février 2024. Le revenu hypothétique retenu à compter de janvier 2024 était injustifié.

La recourante a transmis une copie du passeport pour étrangers de son époux, délivré le 4 juin 2024.

d. Dans sa duplique du 2 septembre 2024, l’intimé a également maintenu ses conclusions. Il constatait qu’en dépit de la délivrance du titre de séjour, l’époux de la recourante ne justifiait d’aucune démarche entreprise depuis lors. De nombreux emplois pouvaient s’exercer sans devoir préalablement produire un extrait du casier judiciaire. Il n’était en tout état pas démontré que l’inactivité de l’intéressé serait due à des circonstances d’ordre économiques ou conjoncturelles.

e. Copie de cette écriture a été transmise à la recourante le 6 septembre 2024.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du
6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134
al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

1.3 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] : art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 2 mai 2024, par laquelle l’intimé a confirmé la prise en considération, dans le calcul du droit aux prestations complémentaires de la recourante, d’un montant à titre de revenu hypothétique pour son époux à compter du 1er janvier 2024, étant relevé que la détermination de ce montant en tant que tel n’est pas contesté.

3.             Selon l’art. 9 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants (al. 1) : la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a) ; 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de
l’art. 10 al. 3 let. d (let. b). Les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints et des personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI sont additionnés. Il en va de même pour des orphelins faisant ménage commun (al. 2).

L’art. 11 al. 1 let. a LPC prévoit que les revenus déterminants comprennent deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement CHF 1'000.- pour les personnes seules et CHF 1'500.- pour les couples et les personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI ; pour les conjoints qui n’ont pas droit aux prestations complémentaires, le revenu de l’activité lucrative est pris en compte à hauteur de 80% ; pour les personnes invalides ayant droit à une indemnité journalière de l’AI, le revenu de l’activité lucrative est intégralement pris en compte.

Selon l’art. 11a al. 1 LPC, si une personne renonce volontairement à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger d’elle, le revenu hypothétique correspondant est pris en compte comme revenu déterminant. La prise en compte de ce revenu est réglée par l’art. 11 al. 1 let. a LPC.

Au niveau cantonal, l’art. 15 al. 1 LPCC dispose que le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant. Aux termes de l’art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations.

3.1 Hormis la prise en compte, à hauteur de 80%, du revenu hypothétique d’une activité lucrative du conjoint sans droit aux prestations complémentaires
(cf. art. 11 al. 1 let. a LPC), l’art. 11a al. 1 LPC reprend sur le fond la pratique actuelle en matière de prise en compte du revenu hypothétique (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, FF 2016 7249
p. 7322).

3.2 Il y a dessaisissement lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du code civil (CC - RS 210). Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références).

En ce qui concerne, en particulier, le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail et examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_30/2009 du 6 octobre 2009 consid. 4.2 et la référence). L'impossibilité de mettre à profit une capacité résiduelle de travail ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_376/2021 du 19 janvier 2022 consid. 2.2.1 et la référence).

L’absence de formation et d’expérience d’une activité lucrative n’est pas un motif empêchant la mise en valeur de la capacité de travail exigible du conjoint de la personne bénéficiaire de prestations complémentaires, conformément à la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 9C_357/2023 du 17 août 2023 ; 9C_946/2011 du 16 avril 2012 ; 9C_717/2010 du 26 janvier 2011).

L'obligation faite à la femme d'exercer une activité lucrative s'impose en particulier lorsque l'époux n'est pas en mesure de le faire en raison de son invalidité parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Dès lors que l'épouse y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2).

Il incombe au demandeur de prestations de prouver qu'il n'y a pas eu de renonciation à un revenu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_255/2013 du
12 septembre 2013 consid. 4.1 et la référence). Celui-ci doit étayer les motifs allégués et offrir autant que possible des preuves à cet égard, notamment en apportant la preuve de recherches d'emploi restées infructueuses (ATF 137 V 20 consid. 2.2 et la référence).

3.3 Le Tribunal fédéral a considéré qu’au regard des motifs relatifs à la situation concrète du marché du travail en relation avec la formation et l'expérience professionnelles de l'épouse d’un bénéficiaire, l'inactivité de l’épouse pendant une période de dix mois ne constituait pas une renonciation à des ressources, dès lors qu’elle avait cherché dès le premier mois à mettre en valeur sa capacité de gain dans le domaine de l'enseignement, lequel correspondait tant à sa formation qu'à l'expérience professionnelle acquise jusqu'alors dans son pays d'origine. Elle s'était inscrite au chômage où elle avait bénéficié de la possibilité de parfaire ses connaissances de la langue française et avait effectué en parallèle des recherches d'emploi, qui étaient restées vaines. Compte tenu des démarches entreprises pour trouver un emploi dans les branches de l'enseignement et de la traduction - dûment documentées au dossier -, il y avait lieu d'admettre que l'intéressée avait fait tout ce qu'on pouvait attendre d'elle pour chercher un travail correspondant à sa formation et son expérience professionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_30/2009 du 6 octobre 2009).

Le Tribunal fédéral a également estimé qu’après une période d'adaptation de six mois suivant la date de son mariage, l’épouse d’un assuré invalide, âgée de 32 ans, en bonne santé, sans enfant à charge, était en mesure d'exercer à plein temps une activité dans le secteur de la production/industries manufacturières, nonobstant sa méconnaissance quasi totale du français (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 38/05 du 25 août 2006 consid. 4.2).

Il a aussi jugé que l'épouse d’un assuré retraité, en bonne santé, n’ayant pas à s'occuper d'enfants en bas âge, pouvait, après une période d'adaptation de dix mois suivant son arrivée en Suisse, exercer une activité lucrative pour participer à l'entretien du ménage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du
3 septembre 2010 consid. 3 et 4.2).

3.4 Selon les Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC), si le revenu de l’activité lucrative est inexistant ou trop faible, on présume que la personne concernée peut en principe réaliser les montants minimaux, à savoir les revenus visés aux nos 3521.05 et 3521.06 ; dans ce cas, ce sont ces montants qui doivent être pris en compte (DPC no 3521.03). La présomption énoncée au n° 3521.03 peut être renversée par l’assuré si celui-ci établit la preuve que des facteurs objectifs ou subjectifs, étrangers à l’invalidité, empêchent ou rendent plus difficile la réalisation du revenu en question
(DPC no 3521.12).

Pour les conjoints non invalides, le revenu hypothétique à prendre en compte est fixé sur la base des tables de l’Enquête suisse sur la structure des salaires ; il s’agit en l’occurrence de salaires bruts. Afin de fixer le montant, on tiendra compte des conditions personnelles telles que la région de domicile, l’âge, l’état de santé, les connaissances linguistiques, la formation professionnelle, les activités exercées précédemment, la durée d’inactivité ou les obligations familiales (prise en charge d’enfants en bas âge ou d’un conjoint impotent ou nécessitant des soins p. ex. ; DPC no 3521.07).

Aucun revenu hypothétique n’est pris en compte dans les situations suivantes (DPC no 3521.14) :

-          malgré tous leurs efforts, le bénéficiaire de PC ou son conjoint ne trouve aucun emploi ; cette hypothèse est considérée comme réalisée lorsque la personne concernée est adressée à un ORP, qu’elle peut justifier du nombre de candidatures demandé par l’ORP et que ces candidatures respectent les exigences de l’ORP ; les organes PC peuvent déléguer à l’ORP le suivi et le contrôle des recherches d’emploi et sont, dans ce cas, libérés de l’obligation de contrôler ces recherches ;

-          le bénéficiaire de PC ou son conjoint touchent des allocations de chômage ;

-          le conjoint non invalide a atteint l’âge de 60 ans et est arrivé en fin de droit dans l’assurance-chômage ; les exigences relatives aux efforts d’intégration s’appliquent alors à cette personne ;

-          sans l’assistance et les soins de son conjoint non invalide, le bénéficiaire de PC devrait être placé dans un home ;

-          les veuves et les veufs ont des enfants mineurs.

Pour déterminer s’il est possible de renoncer à prendre en compte un revenu hypothétique pour d’autres raisons, on considérera la situation individuelle de la personne, comme ses obligations familiales, son âge, son état de santé, ses connaissances linguistiques, sa formation, les activités exercées précédemment, la situation concrète sur le marché du travail et, le cas échéant, la durée pendant laquelle elle n’a pas (ou plus) exercé d’activité professionnelle. Dans les situations suivantes, il est possible de renoncer à prendre en compte un revenu hypothétique et à effectuer des recherches d’emploi pendant douze mois (DPC n° 3521.17) :

-          l’ORP juge la personne concernée inapte au placement ;

-          la personne concernée a fait un nombre suffisant de candidatures pendant deux ans, mais sans succès.

3.5 Il faut octroyer au conjoint, selon la jurisprudence, un délai de transition réaliste pour la prise exigible d'une activité lucrative ou l'augmentation du taux d'activité aussi bien lorsque des prestations sont en cours que dans le cadre d'une première demande de prestations complémentaires. Ce principe ne vaut pas lorsqu'au vu de l'obtention prévisible des prestations complémentaires par l'un des conjoints, en raison par exemple de l'accession à l'âge de la retraite AVS et de la cessation de l'activité lucrative, l'autre conjoint a disposé de suffisamment de temps pour une intégration professionnelle (ATF 142 V 12 consid. 5.4 et les références).

4.             Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ;  125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

5.             En l’espèce, l’intimé a tenu compte d’un revenu hypothétique pour l’époux de la recourante à partir du 1er janvier 2024.

La recourante conteste la prise en considération d’un tel gain, faisant valoir que son époux a un lourd passé carcéral, qu’il ne dispose d’aucune formation et que son autorisation de séjour ne lui a été délivrée que le 7 février 2024.

5.1 La chambre de céans rappelle au préalable que l’intimé a averti la recourante le 4 juillet 2023 qu’un revenu hypothétique serait imputé à son époux après un délai de six mois, soit dès le 1er janvier 2024. Ce délai de transition apparaît suffisamment long, ce d’autant plus que l’intéressée savait depuis le prononcé de la décision sur opposition du 19 octobre 2022 qu’un tel revenu hypothétique serait retenu par l’intimé dès la fin de l’incarcération de son conjoint, laquelle est intervenue en septembre 2022 déjà.

Elle rappelle ensuite que l’absence de formation et d’expérience d’une activité lucrative n’est pas un motif en tant que tel empêchant la mise en valeur de la capacité de travail exigible du conjoint de la personne bénéficiaire de prestations complémentaires. La recourante n’expose d’ailleurs pas les raisons pour lesquelles son mari ne serait pas en mesure d’exercer une activité peu qualifiée, ne requérant pas de formation préalable, à l’instar d’un métier dans la branche économique de la production.

Le passé carcéral de l’intéressé n’est pas propre à l’empêcher de réintégrer le marché du travail, étant relevé que la plupart des emplois ne requièrent pas la production d’un extrait du casier judiciaire, comme relevé à juste titre par l’intimé.

S’agissant de la délivrance du permis de séjour, il ressort des faits de la cause que l’intéressé était autorisé à travailler depuis le 24 mars 2021, date de la demande de regroupement familial. Son livret B, délivré le 2 décembre 2021, était valable jusqu’au 23 mars 2023, de sorte qu’il a semble-t-il tardé à demander le renouvellement de son titre de séjour, puisque son incarcération a pris fin en septembre 2022 et qu’il disposait ainsi de six mois pour entreprendre les démarches utiles. Outre le fait que l’intéressé ne saurait tirer avantage de ses propres manquements, il sied de relever qu’il aurait pu demander à l’OCPM une attestation aux termes de laquelle sa demande de renouvellement de permis en vue d’un regroupement familial était un cours.

Enfin, il sied de constater avec l’intimé que si la recourante fait état de difficultés à trouver un emploi, elle n’a produit aucune pièce attestant d’éventuelles candidatures effectuées par son mari ni n’allègue que ce dernier aurait postulé en vain à de nombreuses offres d’emploi. La décision du 19 mars 2024 de la caisse de chômage nie le droit de son conjoint à des prestations, au motif que la condition relative à la période de cotisations n’était pas remplie. Cette pièce ne permet en aucun cas de retenir que l’intéressé ne parviendrait pas, malgré ses efforts, à trouver une activité professionnelle. Que le service des bourses et prêts d’études ou la Croix-Rouge genevoise aient sollicité la production d’un titre de séjour ou de travail valable n’est d’aucune utilité pour la recourante, dès lors que ces démarches ne concernent pas l’employabilité de son époux.

5.2 Partant, la recourante n’a pas établi que son mari n’était pas en mesure de trouver un emploi dès le 1er janvier 2024.

À toutes fins utiles, il sera observé qu’aucun élément du dossier ne laisse penser que l’intéressé ne serait pas en bonne santé, et la recourante ne soutient pas qu’elle serait dépendante de son assistance ou de ses soins.

Dans ces conditions, l’intimé était fondé à prendre en considération un gain hypothétique dès le 1er janvier 2024.

Pour le reste, il sera rappelé que la recourante ne fait valoir aucun grief à l’encontre du revenu hypothétique retenu par l’intimé. Rien ne justifie de s’en écarter.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le