Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/932/2024 du 27.11.2024 ( AI ) , SANS OBJET
En droit
<rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2316/2024 ATAS/932/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 27 novembre 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______ représentée par Maître STICHER Thierry
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante) est née le ______ 1969, divorcée et mère de B______, née le ______ 2008.
b. Elle a demandé les prestations de l'assurance-invalidité le 3 août 2021.
c. Par décision du 24 janvier 2024, l'office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a octroyé à l'assurée une rente entière d’invalidité dès le 1er février 2022, sous déduction des indemnités journalières déjà perçues.
d. Par courriel du 4 février 2024, l'assurée a informé l'OAI que le père de sa fille et elle-même avaient l'autorité parentale conjointe sur leur fille, mais que la bonification pour tâches éducatives (ci-après : BTE) n'avait pas été attribuée à ce jour. L’assurée avait baissé son taux de travail à 50% à la naissance de sa fille pour s'en occuper et son père avait toujours travaillé à 100%, la BTE devait en conséquence lui être attribuée à 100%, ce avec quoi le père de sa fille était d’accord.
e. Par décision du 5 juin 2024, l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : l’OCAS) a informé l'assurée que les conditions d'octroi pour une rente d'invalidité étaient remplies. Sa rente mensuelle s'élevait pour elle à CHF 2'141.- pour la période du 1er février au 31 décembre 2022 et à CHF 2'195.- pour la période du 1er janvier au 31 janvier 2023. Pour sa fille, la rente s'élevait à CHF 857.- du 1er février au 31 décembre 2022 et à CHF 878.- du 1er janvier au 31 janvier 2023.
Elle avait droit à un paiement rétroactif pour la période du 1er février 2022 au 31 janvier 2023 de CHF 36'051.- avec des compensations externes sur ce montant en faveur de la caisse cantonale genevoise de compensation et de la Ville de Genève, pour un total de CHF 36'051.-.
f. Par seconde décision du 5 juin 2024, l'OCAS a informé l'assurée qu'elle avait droit à une rente de CHF 2'195.- dès le 1er septembre 2023 et à une rente de CHF 878.- pour sa fille dès le 1er septembre 2023.
Le montant rétroactif qui était dû à l'assurée s'élevait à CHF 27'657.- avec une compensation externe sur ce montant en faveur de la Ville de Genève.
g. Par courriel du 10 juin 2024, la Ville de Genève a indiqué à l'OCAS avoir reçu la décision de rétroactif pour l'assurée. Sa demande de compensation du 22 mai 2024 restait inchangée, soit CHF 60'961.50, mais la période de compensation demandée courait du 1er février 2022 au 30 septembre 2023 et non pas au 31 mai 2024. Elle demandait en conséquence, l’envoi d’une demande de restitution pour la période du 1er octobre 2023 au 31 mai 2024 afin que la rente pour cette période puisse être directement versée à l'assurée.
h. Le 13 juin 2024, l'assurée a demandé à l'OCAS pourquoi il ne lui avait pas attribué le 100% des BTE alors qu’elle l'avait déjà informé qu’elles lui revenaient à 100%.
i. Par décision du 17 juin 2024, l'OCAS a recalculé la rente de l’assurée, en raison de la rectification du paiement rétroactif.
Sa rente mensuelle s'élevait à CHF 2'195.- dès le 1er septembre 2023 et la rente complémentaire pour enfant liée à sa rente à CHF 878.- dès le 1er septembre 2023. Le total du paiement rétroactif qui lui était dû était de CHF 30'730.-. Un montant total de CHF 6'146.- était restitué.
Son avoir s'élevait à CHF 24'584.- et sa rente pour juillet 2024 à CHF 3'073.-. En conséquence, CHF 27'657.- lui étaient versés.
j. Par seconde décision du 17 juin 2024, l'OCAS a émis une décision de restitution adressée à la Ville de Genève. Il s'agissait d'une décision complémentaire à celle du 5 juin 2024, suite à son courrier du 10 juin 2024. Le bénéficiaire de la prestation était dans l'obligation de restituer le montant de CHF 24'584.-.
Ce montant se composait de la manière suivante : CHF 17'560.- pour la période du 1er octobre 2023 au 31 mai 2024 et CHF 7'024.- pour la période du 1er octobre 2023 au 31 mai 2024 (soit huit fois la rente d’invalidité de l’assurée et huit fois la rente complémentaire pour enfant).
Cette décision était adressée en copie à l'assurée.
k. Le 24 juin 2024, l'assurée a encore demandé à l'OCAS de lui attribuer le 100% des BTE.
l. Le 3 juillet 2024, l’OCAS a écrit à l'assurée en l'informant que les critères d'attributions concernant les BTE étaient la qualité d'assurer et l'exercice de l'autorité parentale. Dans son cas, la répartition avait été effectuée comme suit : dès la naissance de son enfant à la date du jugement tutélaire, les bonifications lui avaient été octroyées en entier, puis seulement la moitié à la suite à l'ordonnance du Tribunal tutélaire du 12 décembre 2011, à moitié.
m. Le 12 août 2024, l'OCAS a écrit à la Ville de Genève concernant la coordination des prestations : demande de compensation avec des paiements rétroactifs de l'AVS/AI.
Elle avait versé des prestations à l'assurée. Pour pouvoir examiner le droit à la compensation avec les prestations rétroactives AVS/AI, elle était priée de remplir le formulaire annexé.
Un recalcul de la rente d'invalidité de l'assurée avait fait été fait suite à la modification des BTE.
Du 1er février 2022 au 31 août 2024, l'assurée avait droit aux prestations rétroactives à hauteur de CHF 74'8978.-, dont il fallait déduire les prestations déjà fournies. Le total disponible était de CHF 1'970.-.
n. La Ville de Genève a répondu le 20 août 2024 qu'elle ne faisait pas valoir de compensation sur le montant de CHF 1'970.-.
B. a. L'assurée a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre les décisions rendues par l'OAI les 5 et 17 juin 2024 en tant qu'elles calculaient le montant mensuel de la rente d'invalidité sur la base de sept années et demi de bonifications pour tâches éducatives et prononçait une demande de restitution de rente. Elle concluait à ce qu'il soit dit que les bonifications pour tâches éducatives devaient lui être attribuées intégralement pour les années 2015 et suivantes et que le total des bonifications à prendre en compte pour le calcul pour le montant de la rente était de dix années et demi. En conséquence, aucune restitution de rente n'était due pour la période du 1er septembre 2023 au 30 juin 2024. Elle demandait le renvoi du dossier à l'OAI pour qu'il recalcule le montant de la rente sur la base des bonifications corrigées, avec suite de frais et dépens.
b. Par réponse du 24 septembre 2024, l’OAI à considérer qu’il se justifiait d'attribuer l'intégralité de la BTE à la recourante, car c'était elle qui avait limité son activité professionnelle pour s'occuper de son enfant.
Par deux nouvelles décisions du 13 septembre 2024 annexées, couvrant les périodes courant du 1er février 2024 au 31 janvier 2024 et dès le 1er septembre 2024, la caisse cantonale genevoise de compensation avait recalculé la rente de la recourante avec les mêmes éléments de calculs que dans les décisions querellées mais en prenant en compte dix années et demi de BTE. En conséquence, il était demandé à la chambre de céans de joindre les causes A/2316/2024 et A/2318/2024 et A/2321/2024 et de déclarer irrecevable la cause A/2320/2024 (recte : A/2321/2024). Pour le reste, l'intimé faisait droit aux conclusions de la recourante s'agissant des BTE.
L’intimé a concluait à l’irrecevabilité du recours interjeté par la recourante contre la décision du 17 juin 2024, lequel avait été enregistré sous la cause A/2320/20224 (recte : A/2321/2024), car cette décision était adressée à la Ville de Genève. Elle avait été établie en double exemplaire, le premier au nom de la Ville de Genève et le seconde au nom de la recourante, mais avec la mention « copie » pour information. Ce recours était sans objet dès lors qu’il visait une décision adressée à la Ville de Genève et non la recourante
L’intimé a produit :
- une décision de l’OCAS du 13 septembre 2024, qui informait la recourante qu'en raison de la modification de la répartition des BTE, la rente était recalculée en tenant compte des bonifications pour dix années et demi années pour la période du 1er février 2022 au 31 janvier 2023.
Le montant du rétroactif auquel elle avait droit pour sa rente et la rente liée pour son enfant était de CHF 37'025.-.
Le montant de CHF 345.15 faisait l'objet d'une compensation externe sur le paiement rétroactif en faveur de la caisse cantonale genevoise de compensation. Le solde du paiement rétroactif était de CHF 36'679.85. Le total de la restitution s'élevait à CHF 36'051.-. Son avoir était de CHF 628.85.
- une seconde décision de l’OCAS du 13 septembre 2024, qui informait l’assurée de la modification de la répartition des BTE (dix années et demi) et du fait que sa rente avait été recalculée en conséquence. Pour la période dès le 1er septembre 2023, elle avait droit à un rétroactif de rente de CHF 41'028.-. Le total de la restitution s'élevait à CHF 39'949.- et son avoir à CHF 1'079.-. Son droit à la rente pour octobre 2024 était de CHF 3'156.- et le versement était de CHF 4'235.-.
c. Le 8 octobre 2024, la recourante a répliqué. Dans la mesure où elle obtenait gain de cause, elle avait droit à une indemnité à titre de participation aux honoraires de son conseil.
S'agissant de la décision de restitution, à propos de laquelle la partie adverse plaidait l'irrecevabilité du recours, elle relevait que celle-ci lui avait été adressée et que ce n'était qu'en fin de page qu'il était mentionné, de manière sibylline, qu'il ne s'agissait que d'une copie d'une décision, sans explication, ce qui prêtait sérieusement à confusion. La mention selon il appartenait au bénéficiaire de restituer ajoutait encore à la confusion. Dès lors que l'intimé avait indiqué dans sa réponse que la décision ne concernait pas la recourante mais la Ville de Genève, il convenait de lui en donner acte et de dire que le recours n'avait plus d'objet sur ce point.
Le comportement peu clair de l'intimé ne devait pas porter préjudice à la recourante et celle-ci concluait à l'octroi de dépens également pour cette procédure.
Sur le fond, la recourante constatait que l'intimé mentionnait l'existence de deux nouvelles décisions du 13 septembre 2024. Ces décisions n'avaient pas été adressées à son conseil ni d'ailleurs à la recourante directement. Celle-ci avait indiqué cependant avoir bien reçu les montants de CHF 628.85 et CHF 4'235.- comme prévu dans ses décisions les 17 septembre et 3 octobre 2024. Le comportement de l’intimé dans ce dossier était pour le moins difficile à suivre. Quoi qu'il en soit, ces décisions n'étaient pas l'objet de la présente procédure. En conclusion, la recourante persistait dans ses conclusions.
d. Le 6 novembre 2024, l'intimé a fait valoir, s'agissant des dépens, que le litige ne présentait pas de difficultés particulières, seule étant litigieuse la répartition des BTE. Elle s’en est remise à justice à ce sujet.
Il était vrai les nouvelles décisions du 13 septembre 2024 auraient dû être notifiées au conseil de la recourante avant de les porter à la connaissance de la chambre de céans. Elle avait cependant jugé pratique de les transmettre directement à l'autorité de recours avec le dossier complet de la recourante, car les quatre causes formaient un tout homogène.
S'agissant des décisions de restitution, de manière générale lorsque des prestations étaient réclamées à des tiers, les décisions étaient adressées à l’assuré, avec la mention à la fin de la décision que l'original était adressé au tiers concerné.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Les recours ont été interjeté en temps utile contre les décisions de l’intimé du 17 juin 2024 et du 5 juin 2024 qui étaient adressées à la recourante (art. 60 al. 1 LPGA).
1.3 L’intimé a conclu à l’irrecevabilité du recours interjeté par la recourante contre la décision du 17 juin 2024, lequel avait été enregistré sous la cause A/2321/2024, car cette décision était adressée à la Ville de Genève. Elle avait été établie en double exemplaire, le premier au nom de la Ville de Genève et le seconde au nom de la recourante, mais avec la mention « copie » pour information. Ce recours était sans objet dès lors qu’il visait une décision adressée à la Ville de Genève et non la recourante.
La recourante a fait valoir que cette décision lui avait été adressée et que ce n'était qu'en fin de page qu'il était mentionné, de manière sibylline, qu'il ne s'agissait que d'une copie d'une décision, sans explication, ce qui prêtait sérieusement à confusion. À noter que la mention selon laquelle c'était au bénéficiaire qu'il appartiendrait de restituer ajoutait encore à la confusion. Dès lors que l'intimé avait indiqué dans sa réponse que la décision ne concernait pas la recourante, mais la Ville de Genève, il convenait de lui en donner acte avant de prononcer que le recours n'avait plus d'objet sur ce point.
Conformément à l'art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.
L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 130 V 196 consid. 3; ATAS/990/2018 précité consid. 3).
En l’espèce, bien que la décision du 17 juin 2024 ne lui ait pas été adressée directement mais en copie, la recourante pouvait avoir un intérêt à recourir contre celle-ci puisqu’elle la concerne directement.
Il se justifie ainsi de déclarer ce recours recevable, tout comme les trois autres qui lui étaient directement destinés.
2. Selon l'art. 70 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n'est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugée alors que la ou les autres viennent d'être introduites (al. 2).
En l’occurrence, il se justifie de prononcer la jonction des quatre procédures ouvertes (A/2316/2024, A/2318/2014, A/2320/2024 et A/2321/2024) sous A/2316/2024, dès lors qu’elles concernent une même situation.
3. Selon l’art. 53 al. 3 LPGA, jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, l’assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé.
Tel est le cas en l’espèce, puisque l’OCAS a rendu deux nouvelles décisions le 13 septembre 2024, recalculant le montant des rentes pour la recourante et sa fille en tenant compte de BTE pour dix années et demi, comme le requérait la recourante, pour la période du 1er février 2022 au 31 janvier 2023 et dès le 1er septembre 2023, annulant ainsi les décisions litigieuses des 5 juin et 17 juin 2024, qui étaient adressées à la recourante (en original).
Les recours interjetés contre ces décisions n’ont ainsi plus d’objet et la cause sera rayée du rôle en ce qui les concerne (A/2316/2024, A/2318/2014 et A/2320/2024).
S’agissant du recours interjeté contre la décision adressée en original à la Ville de Genève (A/2321/2024), il est également sans objet, la recourante ayant admis suite à la réponse de l’intimé qu’elle n’était pas touchée par celle-ci.
4. La recourante obtenant gain de cause, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA et 89H al. 1 LPA).
Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
1. Déclare les recours recevables.
2. Ordonne la jonction des procédures A/2316/2024, A/2318/2014, A/2320/2024 et A/2321/2024 (sous la procédure A/2316/2024).
3. Dit que les recours sont sans objet.
4. Alloue à la recourante CHF 1'500.- à titre de dépens à la charge de l’intimé.
5. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le