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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2218/2024

ATAS/749/2024 du 01.10.2024 ( AJ ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2218/2024 ATAS/749/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er octobre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______
représentée par Me Marc-Ariel ZACHARIA, avocat

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire), née en 1968 au Togo, arrivée en Suisse en 2003, a été naturalisée Suissesse en 2017. Elle est mère de deux enfants majeurs, un fils né en 1992 et une fille née 2000. Suite au décès de son époux le 30 décembre 2015, elle perçoit une rente de veuve depuis le
1er janvier 2016.

b. Le 24 mai 2016, la bénéficiaire a déposé une demande de prestations auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), indiquant que ses ressources étaient constituées de sa rente de l’AVS/AI de CHF 512.- et de la rente pour enfant de CHF 256.-, ainsi que des allocations d’études de CHF 300.-. Elle a notamment écrit « NEANT » sous chiffre 7 de la demande relatif à d’ « Autres rentes », notamment de la prévoyance professionnelle (2e pilier LPP). Elle a indiqué que deux personnes partageaient le logement.

Elle a joint une décision du 13 avril 2016 de la Caisse de compensation GastroSocial, faisant état de prestations AVS, soit une rente de veuve et une rente d’orphelin pour sa fille, à hauteur de CHF 512.-, respectivement CHF 256.-.

c. Le 25 mai 2016, le SPC a reçu des indications de la Centrale de compensation mentionnant les rentes de veuve et d’orphelin précitées.

d. Dans une attestation du 30 juillet 2018 transmise au SPC le 14 août 2018, GastroSocial a indiqué qu’elle versait mensuellement CHF 256.- à titre de rente d’orphelin et CHF 512.- à titre de rente de veuve.

e. Le 16 octobre 2018, un collaborateur du SPC a noté à la main, sur un décompte de la Centrale de compensation : « vu avec la Gastrosocial ils vont couper la rente au 31.07.2018 car les cours de langue à Genève ne font pas 20h par semaine ».

f. Le 18 octobre 2018, ce collaborateur a écrit sur l’extrait de la base de données Calvin concernant le fils de la bénéficiaire : « enfant vivant au domicile depuis le 05.08.2017 ».

g. Dans un courrier du 27 février 2024, la bénéficiaire a écrit au SPC qu’elle n’avait pas reçu de prestations complémentaires au mois de février 2024. Elle s’était rendue à trois reprises dans les locaux du SPC pour obtenir des informations et une personne qui l’accompagnait dans ses démarches avait également appelé pour avoir des renseignements. Ce n’était que lors de sa dernière visite, le 23 février 2024, qu’elle avait été informée que son dossier avait été transféré à la direction et qu’une décision serait prochainement rendue. Elle demandait à être tenue informée en temps utile si une situation similaire devait se reproduire.

h. Le 11 avril 2024, la bénéficiaire, accompagnée de sa fille, a été reçue par un collaborateur du SPC. Elle avait insisté sur sa situation financière précaire depuis l’arrêt des prestations et avait accumulé des arriérés de loyers et d’autres factures impayées. Sa situation était très urgente.

B. a. Par courrier du 3 mai 2024, le SPC a informé la bénéficiaire qu’il avait appris, dans le cadre de la révision périodique de son dossier entreprise au mois de novembre 2023, qu’elle était bénéficiaire d’une rente de veuve de la prévoyance professionnelle versée par GastroSocial et que sa fille percevait une rente d’orpheline de la même caisse, ce qu’il ignorait. En outre, il avait appris, après consultation de la base de données Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations, que son fils, ainsi que l’épouse et l’enfant de ce dernier, vivaient depuis plusieurs années avec elle, ce qui ne lui avait pas non plus été annoncé. Ces éléments ne lui avaient jamais été déclarés, ni lors du dépôt de la demande, ni lors de l’arrivée en Suisse de son fils puis de sa femme, ni après l’envoi des communications importantes de fin d’année. Ces circonstances dépassaient la simple violation du devoir d’annoncer, de sorte que les dispositions pénales s’appliquaient. Il avait repris le calcul des prestations rétroactivement au
1er janvier 2016 en tenant compte, de sa rente de veuve dès le 1er juin 2017, de la rente d’orphelin du 1er juin 2017 au 31 juillet 2018 et du 1er septembre 2019 au
31 août 2022, et du nombre de personnes résidant avec elle dans l’appartement et qui devaient participer au règlement du loyer depuis le 1er janvier 2018. Il en résultait, pour la période du 1er juin 2017 au 31 janvier 2024, qu’elle avait perçu indûment des prestations à hauteur de CHF 95'054.-, montant qui avait été partiellement compensé avec le rétroactif de prestations pour la période de février à avril 2024, ramenant sa dette à CHF 91'362.-. Ce montant devait être remboursé dans un délai de 30 jours dès l’entrée en force de la décision de restitution.

Le SPC a annexé une décision du 29 avril 2024, recalculant le droit aux prestations de la bénéficiaire du 1er janvier 2016 au 30 avril 2024 et fixant le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales à CHF 1'863.60 à compter du 1er mai 2024. Les plans de calcul ont été annexés à cette décision.

b. Le 10 mai 2024, la bénéficiaire, par l’intermédiaire d’un avocat, a demandé au SPC de lui mettre à disposition copie de son dossier.

c. En date du 22 mai 2024, la bénéficiaire, soit pour elle son avocat, a adressé au SPC une demande d’assistance juridique visant à la prise en charge des frais d’avocat dans le cadre de la procédure d’opposition. Elle avait toujours été de bonne foi s’agissant de sa situation personnelle, et notamment sur le fait qu’elle percevait une rente de veuve, « sur la base de laquelle elle était éligible aux prestations complémentaires ». Par ailleurs, son fils n’avait aucun revenu et ne pouvait participer d’aucune manière aux dépenses du ménage commun.

d. Le 27 mai 2024, le SPC a envoyé à la bénéficiaire le CD-Rom contenant son dossier.

e. Par décision du 5 juin 2024, le SPC a rejeté la demande de la bénéficiaire, au motif que la condition relative à la complexité de l’affaire n’était pas réalisée, dès lors que les points litigieux avaient trait aux rentes perçues et au nombre de personnes occupant son logement. Si elle ne s’estimait pas apte à entreprendre seule le dépôt d’une opposition, il lui était loisible de solliciter l’aide et les conseils d’un organisme social avant de faire appel à une étude d’avocats. Elle pouvait également s’adresser au service social de son lieu de résidence.

f. Le 5 juin 2024, la bénéficiaire, représentée par son avocat, a formé opposition à l’encontre de la décision du 29 avril 2024 et requis la restitution des prestations complémentaires non versées pour les mois de février, mars et avril 2024 d’un montant de total de CHF 4'392.-. Elle a rappelé que le SPC avait enregistré en août 2018 une attestation de GastroSocial et avait apposé une note manuscrite sur le relevé de la Centrale de compensation. Elle avait donc fourni tous les documents utiles et n’avait pas failli à son obligation d’annonce. Elle n’avait pas un devoir de garant vis-à-vis de l’autorité ni à se préoccuper de la manière dont l’administration gérait son dossier. En outre, le SPC savait que son fils était domicilié chez elle depuis le 5 août 2017, comme attesté par l’annotation de l’extrait de la base de données Calvin le 18 octobre 2018, indiquant « enfant vivant au domicile depuis le 05.08.2017 ». Elle a ajouté que son fils était venu en Suisse pour suivre des études et n’avait réalisé aucun revenu, à l’exception d’un peu d’argent de poche acquis grâce à des occupations très précaires. En l’absence de tout revenu imposable, comme attesté par ses avis d’imposition de 2017 à 2023, son fils n’avait pas été en mesure de participer aux dépenses du ménage. Ses frais, notamment d’études et d’assurances, avaient été assumés par son parrain, Monsieur B______. L’épouse de son fils n’était pour sa part venue s’installer dans l’appartement qu’en janvier 2024, de manière provisoire, le temps de trouver un logement adéquat. Elle avait perçu en 2023 un revenu annuel de CHF 39'758.-. L’enfant du couple était né le 15 juillet 2023. Par conséquent, le fait que ces trois personnes vivaient chez elle n’avait eu aucune incidence sur sa situation personnelle, laquelle était demeurée inchangée. Le SPC avait suspendu ses prestations de février à mai 2024, sans le moindre avertissement jusqu’au prononcé de la décision contestée, ce qui l’avait mise dans une situation financière critique et son bailleur l’avait menacée d’expulsion. Le SPC avait violé son droit d’être entendue et agi de manière arbitraire et totalement inadmissible.

La bénéficiaire a subsidiairement sollicité la remise de l’obligation de restituer. Après avoir résumé sa situation financière, elle a conclu que ses dépenses étaient nettement supérieures à ses revenus qui ne lui permettaient pas de rembourser le montant réclamé. Par ailleurs, elle avait été de bonne foi, puisqu’elle avait transmis toutes les pièces nécessaires à l’octroi des prestations et n’avait jamais dissimulé aucun fait.

C. a. Par acte du 28 juin 2024, la recourante a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision du 5 juin 2024 et conclu à l’annulation de cette dernière et à l’octroi de l’assistance juridique, sous suite de frais et dépens.

En substance, la recourante a fait valoir qu’elle avait déjà sollicité l’aide de juristes de l’association F-information, lesquels l’avaient assistée dans la rédaction de son courrier du 27 février 2024. Cependant, l’intimé n’y avait donné aucune suite. Elle avait multiplié les démarches, par des relances et des visites en personne, mais elle n’avait obtenu aucune réponse à ses questions. L’intimé avait suspendu ses prestations de janvier à mai 2024, ce qui l’avait mise dans une situation financière critique et son bailleur l’avait menacée d’expulsion.

Concernant les conditions du droit à l’assistance juridique, elle a relevé que sa démarche ne paraissait pas vouée à l’échec, ce qui n’était d’ailleurs pas contredit par l’intimé. En effet, elle ne lui avait jamais dissimulé que son mari était décédé, ni que sa fille et elle percevaient une rente en leur qualité de veuve et d’orpheline. Elle avait transmis tous les documents pertinents à cet égard. Son fils s’était installé en Suisse en 2017 pour suivre des études. Il n’avait réalisé aucun revenu, à l’exception d’un peu d’argent de poche acquis grâce à des occupations très précaires. Il n’avait pas été en mesure de participer aux dépenses du ménage et ses frais, notamment d’études et d’assurances, avaient été assumés par son parrain. Sa belle-fille s’était installée provisoirement dans son appartement en janvier 2024, avec son bébé de dix mois.

S’agissant de l’exigence relative à la complexité de l’affaire, elle a observé que l’état de fait avait été difficile à reconstituer, étant souligné que le dossier comprenait 346 pièces qu’il avait fallu classer et trier dans un court délai, et que la décision du 29 avril 2024 comprenait 35 pages. L’intimé avait tardé à lui transmettre les pièces de son dossier, en attendant le 28 mai 2024 alors qu’elle les avait demandées le 10 mai 2024. Elle les avait donc obtenues moins de dix jours avant l’échéance du délai de recours, ce qui avait exacerbé la complexité de l’affaire. Les questions de droit soulevées étaient par ailleurs difficiles et nécessitaient l’aide d’un avocat, au vu de sa maîtrise très limitée du français, de son peu d’instruction et de son absence de connaissances juridiques. La décision, truffée de calculs, abordait plusieurs questions juridiques, dont le devoir de renseigner, la conformité de la suspension des prestations et la demande de remise. S’agissant du premier volet, elle a relevé que la jurisprudence avait déjà critiqué la négligence de l’intimé dans le contrôle des dossiers, en ne procédant pas aux investigations nécessaires pour clarifier l’existence d’une rente malgré les indices évidents. Ces faits étaient similaires à ceux de la présente cause et ne relevaient pas de simples questions juridiques intuitives pouvant être résolues en faisant une simple recherche sur Internet. De même, une analyse de la jurisprudence s’était avérée indispensable concernant la suspension des prestations, laquelle devait faire l’objet d’une décision formelle. Enfin, s’agissant de la remise, la condition de la situation difficile requérait de procéder à la différence entre les revenus déterminants et les dépenses reconnues, ce qui présupposait d’établir le montant du loyer, incorrectement déterminé par l’intimé, ou encore les besoins vitaux et les cotisations. La valeur litigieuse était « stratosphérique », étant rappelé son revenu de CHF 2'593.90. Concernant l’analyse de la bonne foi, elle était marquée par de diverses interprétations explicites et implicites.

La recourante a produit plusieurs documents concernant son fils, notamment un diplôme obtenu en septembre 2018 en « Études de commerce – Mention Marketing », un diplôme de formation continue d’aide-comptable délivré le
30 avril 2019, une attestation de suivi aux cours préparatoires à l’examen fédéral de spécialiste en finance et comptabilité de septembre 2019 à mars 2023, les bordereaux de taxe personnelle de 2018 à 2023 selon lesquels il avait été taxé CHF 25.- par année, les certificats de salaire pour l’année 2021 à 2023, ainsi qu’une attestation de prise en charge financière le concernant signée le 29 mars 2017 par B______.

b. Dans sa réponse du 20 août 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours. Les points litigieux soulevés dans la procédure d’opposition concernaient les rentes perçues par la recourante et le nombre de personnes occupant son logement, soit des questions de droit qui n’étaient pas particulièrement difficiles. Les assistants sociaux des différents organismes connaissaient bien ces problématiques, étant relevé qu’ils déposaient régulièrement des oppositions à ces sujets et étaient à même de conseiller la recourante.

c. Par décision du 19 août 2024, la recourante a été mise au bénéfice de l’assistance juridique avec effet au 8 août 2024 dans le cadre du recours interjeté contre la décision sur opposition de l’intimé du 5 juillet 2024.

d. En date du 11 septembre 2024, la recourante a répliqué et maintenu son argumentation et ses conclusions. Elle a précisé que la décision entreprise était remplie de calculs complexes qui portaient sur une période de plus de huit ans, et abordait des thématiques variées qui dépassaient les capacités d’un individu moyen. Elle avait été complètement dépassée par le processus administratif et les exigences procédurales. Les conséquences financières étaient en outre graves. Elle s’était tournée vers un avocat, car l’intervention d’une juriste de F-information n’avait eu aucun succès et l’intimé n’avait pas daigné lui répondre.

e. Copie de cette écriture a été transmise à l’intimé le 13 septembre 2024.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du
6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134
al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Le refus ou l'admission de l'assistance juridique gratuite (art. 37 al. 4 LPGA) fait l'objet d'une décision d'ordonnancement de la procédure au sens de l'art. 52
al. 1 LPGA (ATF
131 V 153 consid. 1 et la référence), susceptible d'être directement attaquée par la voie du recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (art. 56 al. 1 et 57 LPGA ; art. 16 al. 3 du règlement d'application de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à
l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 23 décembre 1998
[RPFC – J 4 20.01] et art. 20 al. 3 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 juin 1999 [RPCC-AVS/AI - J 4 25.03]).

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). Les prestations complémentaires cantonales, en cas de silence de la LPCC, sont régies par la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales ainsi que par la LPGA et ses dispositions d'exécution (art. 1A al. 1 LPCC).

1.3 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable
(art. 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20] et art. 43 LPCC).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à l'assistance juridique pour la procédure d’opposition à la décision de l’intimé du 29 avril 2024 lui réclamant la restitution de la somme de CHF 95'054.-. Singulièrement, la question est de savoir si la complexité de la cause justifiait, à ce stade de la procédure, l’assistance d’un avocat.

3.             Aux termes de l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

L'octroi de l'assistance juridique gratuite signifie que la personne indigente est dispensée de payer les avances de frais et les sûretés exigées par l'autorité et que les frais d'avocat sont couverts par l'État. La dispense concerne également les frais inhérents à l'administration des preuves, comme les indemnités de témoins, d'interprètes ou les expertises (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/
Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3e éd., 2013, n. 1619).

3.1 Selon l’art. 37 al. 4 LPGA, dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur lorsque les circonstances l'exigent

La LPGA a ainsi introduit une prétention légale à l'assistance juridique dans la procédure administrative. La jurisprudence y relative rendue dans le cadre de
l'art. 4 aCst. (art. 29 al. 3 Cst.) sur les conditions de l'assistance judiciaire en procédure d'opposition (partie dans le besoin, conclusions non dépourvues de toute chance de succès, assistance objectivement indiquée d'après les circonstances concrètes) continue de s'appliquer, conformément à la volonté du législateur (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les références ; 131 V 153 consid. 3.1 et les références).

3.2 Selon l'art. 12 LPC, lorsque les circonstances l'exigent, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur pour la procédure devant le service (al. 1). Les modalités d'octroi de cette assistance sont définies par le règlement (al. 2).

D’après l'art. 16 al. 1 RPFC, l'assistance juridique gratuite est octroyée conformément aux prescriptions fédérales en matière de contentieux dans l'AVS, l'AI, les APG et les PC. Selon l'al. 2 de cet article, elle ne peut être octroyée que si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : la démarche ne paraît pas vouée à l'échec (let. a), la complexité de l'affaire l'exige (let. b) et l'intéressé est dans le besoin (let. c).

La réglementation cantonale a une teneur identique à la législation fédérale
(art. 43C al. 1 et 2 LPCC ; art. 20 al. 1 et 2 RPCC-AVS/AI).

3.2.1 Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 128 I 225 consid. 2.5 ; 125 V 371 consid. 5b et les références ; 125 V 201 consid. 4a). Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives et subjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la charge des frais qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.2 et les références).

Ces conditions d'octroi de l'assistance judiciaire, posées par la jurisprudence sous l'empire de l'art. 4 aCst., sont applicables à l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure non contentieuse. Toutefois, le point de savoir si elles sont réalisées doit être examiné à l'aune de critères plus sévères dans la procédure administrative (arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 précité
consid. 3.3 et les références). L'assistance par un avocat s'impose uniquement dans les cas exceptionnels où il est fait appel à un avocat parce que des questions de droit ou de fait difficiles rendent son assistance apparemment nécessaire et qu'une assistance par le représentant d'une association, par un assistant social ou d'autres professionnels ou personnes de confiance d'institutions sociales n'entre pas en considération (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les références). À cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d'espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative en cours. En particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l'état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité de s'orienter dans une procédure. Dès lors, le fait que l'intéressé puisse bénéficier de l'assistance de représentants d'association, d'assistants sociaux ou encore de spécialistes permet d'inférer que l'assistance d'un avocat n'est ni nécessaire ni indiquée. En règle générale, l'assistance gratuite est nécessaire lorsque la procédure est susceptible d'affecter d'une manière particulièrement grave la situation juridique de l'intéressé. Sinon, une telle nécessité n'existe que lorsque à la relative difficulté du cas s'ajoute la complexité de l'état de fait ou des questions de droit, à laquelle le requérant n'est pas apte à faire face seul (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 précité consid. 3.3 et la référence).

3.2.2 Le Tribunal fédéral a notamment confirmé le droit à l’assistance juridique :

- pour la procédure d'opposition à une décision de restitution de prestations complémentaires versées à tort, l’état de fait étant complexe, ce que démontrait déjà le fait que la commune avait dû s’adjoindre les services d’un expert externe pour traiter le cas, et le dossier étant par ailleurs incomplet, ce qui rendait les conséquences difficiles à évaluer pour l’assuré. En outre, la demande de remboursement d'un montant total de CHF 98'893.- constituait une atteinte considérable à la situation juridique de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_680/2016 du 14 juin 2017) ;

- pour un nouveau calcul du droit aux prestations complémentaires d’un ressortissant étranger, domicilié en Suisse, au bénéfice d’une rente d’invalidité, dont la fille mineure venait de prendre domicile chez lui ; le cas impliquait également d’autres assurances sociales ainsi que des éléments de droit étranger (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_492/2015 du 9 février 2016 consid. 8) ;

- pour la procédure d'opposition à une décision de refus de remise de l'obligation de restituer portant sur une somme de CHF 63'592.-. Dans cette procédure, la chambre de céans avait constaté que l'intéressée était analphabète, qu'elle vivait seule et qu'elle n'était pas en mesure de comprendre le contenu des décisions du SPC. Le refus de ce dernier d'accorder l'assistance juridique était incompréhensible puisque, avant de consulter un avocat, l'intéressée avait précisément eu recours à l'aide de l'assistante sociale de son quartier et aux conseils de l'Association Trialogue, lesquels avaient omis de former opposition à la décision de restitution. Selon le Tribunal fédéral, en regard de ces critères, auxquels on pouvait ajouter l’âge de l’intéressée, soit 75 ans à la date déterminante de la décision, et l’importance du montant dont la restitution était demandée, le jugement cantonal ne violait pas le droit fédéral en reconnaissant le droit de bénéficier d’un conseil juridique à l’occasion d’une demande de remise de l’obligation de restituer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_674/2011 du 3 août 2012 et ATAS/741/2011 du 17 août 2011).

3.2.3 Le Tribunal fédéral a, en revanche, rejeté la demande d’octroi de l’assistance juridique notamment :

- pour la procédure d'opposition à une décision de refus de la remise de l'obligation de restituer portant sur un montant de CHF 19'700.- par un bénéficiaire n'ayant pas annoncé à la caisse cantonale des allocations familiales le départ à l’étranger de ses deux filles. Le Tribunal fédéral a retenu que l’examen de la condition de la bonne foi, au sens de l’art. 25 al. 1 LPGA, ne pose pas de questions complexes au point de nécessiter l’assistance d’un avocat (arrêt du Tribunal fédéral 8C_178/2018 du 6 août 2018 consid. 5.3) ;

- pour la procédure d'opposition à une décision portant sur la restitution de
CHF 25'948.- de prestations complémentaires perçues en trop durant plusieurs années par un retraité illettré. La cause n'était pas particulièrement complexe dès lors que la décision de restitution était accompagnée d'un décompte de prestations allouées, si bien que des personnes comme des représentants d'associations, des assistants sociaux ou encore des spécialistes ou des personnes de confiance œuvrant au sein d'institutions sociales étaient objectivement en mesure d'assister l'intéressé dans la procédure d'opposition (arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 précité) ;

- malgré le fait qu’un rapport d’expertise de 57 pages devait être analysé, l’assuré n’ayant pas démontré qu’il avait au préalable tenté d’obtenir un conseil professionnel payé par les services sociaux, ou fourni par une autre institution (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2016 du 3 février 2017 consid. 6.5).

4.             En l'espèce, s’il n’est pas contesté que la recourante n’a pas de connaissances juridiques, qu’elle ne maîtrise pas la langue française et qu’elle était âgé de 56 ans au moment du prononcé de la décision de restitution portant sur un montant de CHF 95'054.-, ces seuls faits ne constituent cependant pas des circonstances particulières permettant de retenir qu’elle n’était pas en mesure de s'orienter dans la procédure. Cela étant, même à admettre que la recourante n’était pas apte à défendre seule ses propres intérêts dans la procédure d’opposition à la décision de restitution des prestations indues et qu'une assistance par un tiers était justifiée, cela ne signifie pas encore qu’elle devait nécessairement être assistée par un avocat.

Il convient en effet d’examiner, au regard de la difficulté du cas du point de vue objectif, s’il s’agit d’un cas exceptionnel justifiant l’intervention d’un avocat ou si une assistance fournie par un assistant social, un autre professionnel ou une personne de confiance se serait révélée suffisante.

S’agissant de la complexité des faits, il convient de rappeler que l’intimé a accompagné la décision en restitution d’un courrier explicatif, daté du 3 mai 2024, dans lequel il a clairement indiqué à la recourante qu’il lui reprochait deux manquements à son obligation de renseigner : d’une part, ne pas avoir annoncé que sa fille et elle bénéficiaient de rentes de veuve et d’orphelin du deuxième pilier, et, d’autre part, ne pas avoir déclaré que son fils et la famille de ce dernier vivaient depuis plusieurs années chez elle. Il a expliqué avoir repris le calcul des prestations depuis le 1er janvier 2016, précisant en outre les dates à partir desquelles il avait pris en considération des rentes de veuve et d’orphelin, ainsi qu’un changement du nombre de personnes résidant avec elle et qui devaient participer au règlement du loyer. Que la décision annexée contienne 35 pages, en raison des nombreux plans de calcul annexés qui découlent de la longue période visée, n’est dans ces circonstances pas pertinent. De même, le court délai invoqué par la recourante pour se déterminer sur la décision initiale, soit dix jours, ne justifie pas le recours à un avocat, plutôt qu’à une autre forme d’assistance.

Au niveau juridique, les questions de droit soulevées n’apparaissent pas particulièrement pointues et n’exigent pas des connaissances fouillées en droit des assurances sociales, et, partant, l'intervention d'un avocat. Comme déjà relevé, les griefs portent sur une prétendue violation de l’obligation d’annoncer des rentes du deuxième pilier et le nombre de personnes partageant le logement de la recourante.

En outre, la recourante n’avait pas besoin, dans le cadre de la procédure d’opposition, de développer une argumentation juridique portant sur le devoir de l’intimé de rendre une décision formelle portant sur la suspension des prestations complémentaires, dès lors qu’elle n’a pris aucune conclusion à cet égard. Elle n’était pas davantage tenue à analyser les conditions relatives à sa situation financière et à sa bonne foi, dès lors qu’une demande de remise de l’obligation de restituer ne peut en l’état pas être examinée, en l’absence de toute décision de restitution entrée en force.

Contrairement à ce que soutient la recourante, l’intervention d’un avocat n’était pas rendue nécessaire en l’absence d’une réaction au courrier du 27 février 2024. En effet, la recourante a clairement indiqué dans cette correspondance qu’elle avait été renseignée lors sa visite du 23 février 2024 et demandait à être tenue informée en temps utile si une situation similaire devait se reproduire. Cette lettre n’appelait donc pas de réponse de la part de l’intimé.

Si la recourante ne s’estimait pas apte à déposer seule une opposition à la décision du 29 avril 2024, il lui était loisible de solliciter l'aide et les conseils de représentants d'associations, d’assistants sociaux ou encore de personnes de confiance œuvrant au sein d'institutions sociales, lesquels sont aptes à formuler une telle opposition.

Ainsi, dans la mesure où l'assistance d'un avocat doit demeurer l'exception et vu l'absence, en l'espèce, de circonstances particulières rendant objectivement nécessaire une telle intervention, le recours à un avocat n'était pas justifié.

Eu égard à ces considérations, la condition de la nécessité d'une assistance par un avocat n’était donc pas réalisée, de sorte qu’il est inutile de vérifier si les autres conditions – cumulatives – sont remplies.

5.             Le recours, infondé, est par conséquent rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le