Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/729/2024 du 24.09.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3783/2023 ATAS/729/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 24 septembre 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), né le ______ 1972, s’est inscrit auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), le 26 mai 2023, et a sollicité des indemnités de chômage dès cette même date de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC). L’intéressé soutenait qu’il avait été engagé par deux sociétés, B______ et C______, aujourd’hui en faillite, pour ses compétences de gérant et en matière financière. Il avait travaillé pour elles entre le 26 mai 2021 et le 30 avril 2023, sans recevoir de salaire. Il exposait que dès le 13 mars 2020, les établissements publics que lesdites sociétés exploitaient avaient dû être fermés en raison de la pandémie. Dès cet instant, il n’avait plus compté ses heures pour trouver des prêts et des crédits COVID pour ces sociétés. Il avait été compréhensif et n’avait pas voulu déranger en demandant le paiement de son salaire. Il avait toute confiance en ces sociétés et ses ex-associés gérants.
b. Selon son contrat de travail avec C______, l’intéressé a été engagé en tant que directeur d’exploitation de D______ dès le 1er janvier 2020 pour un salaire mensuel brut de CHF 8'450.-. Il devait être affilié à la caisse de compensation GASTROSOCIAL. Selon les fiches de salaire produites concernant les mois de mai à septembre 2021, d’octobre 2021 à avril 2022 et de mai 2022 à avril 2023, le salaire mensuel brut de l’intéressé était de respectivement CHF 8'450.-, CHF 11'450.83 et CHF 11'700.90. Le contrat de travail a été résilié, selon courrier du 15 mars 2023, par l’employeur au 30 avril 2023. L’attestation de l’employeur indiquait un salaire brut de CHF 177'450.- pour la période du 1er janvier 2020 au 30 septembre 2021 (soit CHF 8'450.- par mois) et de CHF 210'616.20 du 1er octobre 2021 au 30 avril 2023 (soit CHF 11'085.- par mois) pour 17 heures de travail par semaine.
c. Selon son contrat de travail avec B______, l’intéressé a été engagé en tant que directeur de l’établissement E______ dès le 1er janvier 2020 pour un salaire mensuel brut de CHF 9'750.50. Il devait être affilié à la caisse de compensation GASTROSOCIAL. Selon les fiches de salaire produites concernant les mois de mai 2021 à mars 2023, le salaire mensuel brut de l’intéressé était de CHF 12'750.83. Le contrat de travail a été résilié, selon courrier du 1er mars 2023, par l’employeur au 30 avril 2023. L’attestation de l’employeur B______ indiquait un salaire brut de CHF 177'000.- pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 (soit CHF 14'750.- par mois), de CHF 153'010.20 du 1er janvier 2021 au 30 décembre 2022 (soit CHF 6'375.40 par mois), puis de CHF 51'003.40 pour les quatre premiers mois de 2023 (soit CHF 12'750.85 par mois), pour 26 heures de travail par semaine.
d. Les deux contrats de travail ainsi que les lettres de licenciements sont identiques dans leur teneur et leur police d’écriture.
e. Aucun des salaires qui y sont mentionnés n’a été payé selon l’intéressé, lequel a ajouté ne pas avoir pu percevoir les indemnités COVID qu’il avait sollicitées en sa qualité de dirigeant desdites sociétés et avoir dû saisir la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) pour cette raison. Plusieurs arrêts ont été prononcés sur recours de l’intéressé (ATAS/851/2023 : recours tardif, ATAS/194/2023 : rejet du recours contre une décision de refus d’APG vu le caractère tardif de l’opposition, ATAS/980/2023 demande irrecevable et ATAS/981/2023 recours irrecevable).
f. Il ressort de l’extrait de compte individuel de l’intéressé que ce dernier n’a été déclaré en tant que salarié par les deux sociétés précitées que pour les années 2020 et 2021 et non pas en 2022 et 2023. Les salaires déclarés étaient respectivement de CHF 101'400.- par C______ et CHF 117'000.- par B______ en 2020 et de CHF 110'402.- et CHF 117'000.- en 2021.
Son compte individuel permet en outre de connaître les précédents salaires réalisés par l’intéressé en tant que salarié. Les salaires annoncés représentaient les revenus annuels suivants :
· 2019 : CHF 3'217.-
· 2018 : aucun revenu d’activité lucrative
· 2017 : CHF 1'001.-
· 2016 : CHF 14'141.-
· 2015 : CHF 2'774.-
· 2010 à 2014 : aucune inscription
· 2009 : CHF 300.-
· 2008 : aucune inscription
· 2007 : CHF 19'830.-
· 2006 : CHF 8'178.-
· 2005 : CHF 1'150.-
· 2004 : CHF 7'863.-
· 2003 : aucun revenu
· 2002 : CHF 28'018.-
· 2001 : CHF 71'002.
· 2000 : CHF 44'519.-
· 1999 : CHF 14'346.-
· 1998 : CHF 14'099.-
B. a. Par décision du 28 juillet 2023, l’intéressé a été informé que faute d’avoir cotisé en tant que salarié durant douze mois sur une période de deux ans avant son inscription à l’OCE et faute de motif de libération de l’obligation de cotiser, il ne pouvait pas bénéficier d’indemnités de chômage.
b. Le 29 août 2023, l’intéressé s’est opposé à cette décision en demandant à la caisse de fixer sa période de cotisation du 1er janvier 2020 au 21 décembre 2021 pour qu’il puisse justifier de douze mois de cotisations et percevoir des d’indemnités de chômage. L’intéressé a également fait valoir qu’il avait été en incapacité de travail en raison d’un accident du 3 août 2022 au 28 février 2023.
c. Par décision sur opposition du 13 octobre 2023, la CCGC a rejeté l’opposition en maintenant sa décision. L’incapacité de travail pour cause d’accident alléguée par l’intéressé n’avait pas été de douze mois, de sorte qu’elle ne pouvait pas être prise en considération. En outre, le délai-cadre de cotisation ne pouvait commencer que deux ans plus tôt, de sorte qu’il n’était pas possible de le faire commencer au 1er janvier 2020.
C. a. Par acte du 14 novembre 2023, l’intéressé a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision pour obtenir ses indemnités de chômage.
b. La CCGC a conclu au rejet du recours.
c. La cause a été gardée à juger à la suite de l’échange d’écriture, le recourant n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti pour ce faire.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de refuser au recourant des indemnités de chômage et plus particulièrement sur la question de savoir si le recourant peut justifier d’une période de cotisation suffisante ou de libération de l’obligation d’avoir cotisé 12 mois sur les deux ans ayant précédé son inscription au chômage.
3.
3.1 En vertu de l'art. 8 al. 1 let. e LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage pour autant, notamment, qu'il remplisse les conditions relatives à la période de cotisation ou qu'il en soit libéré (art. 13 et 14).
En vertu de l'art. 9 LACI, des délais-cadre de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la présente loi (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (al. 2). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).
Selon l'art. 13 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3) a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations, remplit les conditions relatives à la période de cotisation (al. 1). Compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l'assuré est partie à un rapport de travail, mais ne touche pas de salaire parce qu'il est malade (art. 3 LPGA) ou victime d'un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations (al. 2 let. c).
Aux termes de l'art. 14 al. 1 LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) et pendant plus de douze mois au total, n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, notamment en raison de maladie (art. 3 LPGA), accident (art. 4 LPGA) ou maternité (art. 5 LPGA), à condition qu'elles aient été domiciliées en Suisse pendant la période correspondante (let. b).
Le motif empêchant l'assuré de remplir les conditions relatives à la période de cotisation au sens de l'art. 14 al. 1 LACI doit avoir duré pendant plus de 12 mois (« 12 mois au total ») ; à défaut, si la durée de l'empêchement est inférieure à 12 mois, l'assuré dispose d'assez de temps pendant le délai-cadre de cotisation pour exercer une activité suffisante soumise à cotisation (ATF 121 V 336 consid. 5b).
La libération des conditions relatives à la période de cotisation de l'art. 14 LACI est subsidiaire à la période de cotisation de l'art. 13 LACI (voir aussi SVR 1999 ALV n° 7 p. 19), la première de ces dispositions ne s'appliquant que lorsque les conditions de la seconde ne sont pas réunies (DTA 1995 p. 167 consid. 3b/aa et 170 consid. 4c). Il en ressort également qu'il n'y a pas de cumul possible entre les périodes de cotisation (et celles qui leur sont assimilées) et les périodes de libération. Il n'est ainsi pas admissible de combler des périodes de cotisation manquantes par des périodes de libération des conditions relatives à la période de cotisation ou le contraire (ATF 141 V 674 consid. 4).
4.
4.1 En l’espèce, le recourant s’est inscrit à l’OCE le 26 mai 2023 et a sollicité des indemnités de chômage de la caisse intimée dès cette même date.
Le recourant voudrait que le délai-cadre de cotisation soit fixé au 1er janvier 2020, pour pouvoir justifier de douze mois de cotisations. Il fait valoir que par le passé, il avait pu s’inscrire au chômage après l’échec d’une activité indépendante en tant que restaurateur, en 2003, et que la caisse avait accepté de fixer le délai-cadre de juin 2000 à juin 2002 (date de la fin d’un précédent emploi salarié). Il estime que l’intimée devrait en faire de même aujourd’hui.
La chambre de céans constate que le délai-cadre de cotisation a valablement été fixé par l’intimée du 26 mai 2021 au 26 mai 2023, dans la mesure où le recourant s’est inscrit à cette dernière date en vue de percevoir des indemnités de chômage. L’intimée ne pouvait pas faire rétroagir le délai au 1er janvier 2020 sauf à violer l’art. 9 LACI.
Le recourant ne peut rien tirer de la comparaison entre sa situation actuelle et une précédente inscription au chômage (2002) puisque les situations évoquées ne sont pas similaires. En effet, selon les explications du recourant, ce dernier avait pu bénéficier de prestations de chômage en 2003, après s’être inscrit au chômage au mois de juin 2002 et avoir tenté, sans succès, d’entreprendre une activité en tant qu’indépendant. Dans le présent cas, le recourant ne s’est pas inscrit en janvier 2022 ni n’a allégué avoir entrepris une activité indépendante par la suite, de sorte que le délai-cadre d’indemnisation ne pouvait en aucun cas courir du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021.
4.2 Reste à vérifier si le recourant peut justifier, dans le délai-cadre de cotisation de mai 2021 à mai 2023, de douze mois de cotisation ou peut en être libéré.
À cet égard, le dossier contient deux contrats de travail identiques quant à leur formulation et leur police signés par le recourant et les représentants des sociétés C______ et B______ en 2020. Engagé en tant que directeur des deux sociétés gérant des établissements publics quelques mois avant la pandémie, le recourant a indiqué que les établissements n’avaient pas pu être ouverts en raison des mesures prises par les autorités et ensuite faute d’autorisation d’exploiter.
Les fiches de salaire établies pour la durée de chacun des contrats indiquent des salaires excessivement élevés pour un taux horaire très faible. Ces fiches de salaire ne reflètent pas la réalité des salaires versés, puisque le recourant a toujours indiqué ne pas avoir reçu de salaire malgré le travail fait dans ces sociétés, en particulier pour chercher des prêts et des aides COVID. L’on ne saurait dès lors se fonder sur les contrats de travail et les fiches de salaires établies selon toute vraisemblance par le recourant lui-même, pour admettre que le recourant a réellement exercé une activité en tant que salarié pour lesdites sociétés. Par ailleurs, le recourant a indiqué avoir mis à disposition de ces deux sociétés sa patente l’autorisant à exploiter un établissement public (les sociétés n’ayant pas été autorisées à ouvrir) et avoir été inscrit au Registre du commerce pour cette raison avec une procuration et pouvoir de signature à deux (pour C______ dès le 21 octobre 2021 et pour B______ dès le 16 mai 2022 selon le registre du commerce). Il avait en outre recherché avec acharnement des prêts et des financements des autorités (prêts COVID, APG) en faveur desdites sociétés. Il a de plus sollicité des APG-COVID pour lui-même en tant que personne assimilée à un employeur. Enfin, il n’avait jamais reçu ni sollicité les salaires de la part des deux sociétés, raison pour laquelle il souhaitait que l’intimée modifie le délai-cadre de cotisation. Il sied de relever que les salaires mentionnés dans les contrats apparaissent peu réalistes au vu du peu d’heures pour lesquelles le recourant était engagé par chacune des sociétés et sont excessivement élevés en comparaison aux salaires précédemment perçus par le recourant (cf. A.f. ci-dessus) Le recourant a enfin de lui-même renoncé à faire valoir son droit au salaire, expliquant avoir été patient au vu des relations qu’il entretenait avec les ex-administrateurs. Il n’a pas élevé de créances salariales dans le cadre des procédures de faillite.
À cela s’ajoute le fait que le recourant n’a été inscrit comme salarié auprès des caisses de compensation que jusqu’en décembre 2021.
À la lumière de l’ensemble de ces éléments, le rôle du recourant ne correspond manifestement pas à celui d’un salarié et l'existence même d'une activité salariée pour les deux sociétés au-delà du 31 décembre 2021 ne saurait être considérée comme établie au degré de la vraisemblance prépondérante. Le recourant ne peut ainsi pas justifier de la durée minimale de cotisation requise de douze mois entre le mois de mai 2021 et le mois de mai 2023.
4.3 Quant à une éventuelle libération de l’obligation de cotiser, force est de constater que le recourant soutient avoir été en incapacité de travail à la suite d’un accident, entre le 3 août 2022 et le 28 février 2023. Cette incapacité étant inférieure à douze mois, elle ne peut justifier une libération.
Les conditions du droit à percevoir des indemnités de chômage ne sont dès lors pas remplies. Par voie de conséquence, la décision de l’intimée doit être confirmée.
5. Mal fondé, le recours est rejeté.
6. La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le