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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/237/2024

ATAS/670/2024 du 03.09.2024 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/237/2024 ATAS/670/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 septembre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______ et B______
représentés par Me Aliénor WINIGER, avocate

 

 

 

recourants

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Feue Madame C______, décédée le 22 mars 2022, et son époux feu Monsieur D______, décédé le 26 avril 2022 (ci-après : les bénéficiaires), résidaient dans l’établissement médico-social E______ (ci-après : l’EMS) et bénéficiaient de prestations complémentaires. Ils laissent pour héritiers leurs deux enfants, Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les héritiers).

b. Par décisions du 28 mars 2022, le service des prestations complémentaires
(ci-après : le SPC) a recalculé le droit aux prestations du bénéficiaire à partir du 1er février 2022, en tenant notamment compte d’une « épargne partagée » de
CHF 119'352.50 sur la base des relevés bancaires reçus le 16 février 2022, et dès le 1er avril 2022 en prenant en considération des rentes de l’AVS diminuées suite au décès de la bénéficiaire.

c. Le 28 avril 2022, le SPC a reçu la déclaration de décès du bénéficiaire.

d. Par décision du 3 mai 2022, le SPC a constaté que le droit aux prestations du bénéficiaire avait pris fin au décès de ce dernier et que des prestations avaient été versées en trop, soit CHF 977.- pour la période du 27 au 30 avril 2022 et
CHF 3'000.- pour le mois de mai 2022.

e. Le 18 mai 2022, le SPC a écrit à l’héritier que le solde de cette dette ne comprenait en réalité pas les prestations du mois de mai 2022, lesquelles n’avaient pas été versées.

f. Le 4 juillet 2022, le SPC a reçu la déclaration fiscale 2022 suite au décès du bénéficiaire, laquelle fait état d’une fortune brute mobilière de CHF 127'576.-

B. a. Par décision du 19 mai 2023, le SPC a demandé à l’héritière la restitution d’un montant de CHF 86'457.15, dont les héritiers étaient codébiteurs. La fortune nette connue du bénéficiaire s’élevait à CHF 127'576.- au moment de son décès et la restitution était seulement exigible pour la part de la succession supérieure à
CHF 40'000.-. Il a joint le détail relatif au calcul de la restitution des prestations complémentaires légalement perçues.

b. Le 14 juin 2023, les héritiers ont contesté le montant de la fortune retenu et reproché au SPC de ne pas les avoir informés précédemment d’un éventuel devoir de rembourser. Pensant de bonne foi que ces fonds étaient pleinement disponibles, ils les avaient utilisés pour l’acquisition d’un appartement chacun. Ils sollicitaient la renonciation à la restitution, compte tenu du fait qu’ils n’auraient jamais utilisé cet argent s’ils avaient su qu’ils devraient en rendre une partie et du fait que la restitution leur causerait d’énormes préjudices financiers.

c. Par décision sur opposition du 8 décembre 2023, le SPC a partiellement admis l’opposition et ramené le montant à restituer à CHF 38'820.-, au vu des justificatifs produits et de la prise en compte de la franchise de CHF 40'000.-.

C. a. Par acte du 22 janvier 2024, les héritiers ont interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation. En substance, les recourants ont soutenu que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’organe aurait dû connaître les circonstances justifiant l’obligation de restituer, à savoir soit le décès du bénéficiaire, soit l’obligation de restituer car la succession était supérieure à CHF 40'000.-. Or, l’intimé savait depuis le 28 mars 2022 que la fortune de leurs parents s’élevait à plus de
CHF 40'000.- et qu’une obligation de restituer existait. Le délai de péremption relatif d’un an n’avait donc pas été respecté, l’intimé ayant eu connaissance des circonstances fondant l’obligation de restituer le 3 mai 2022 au plus tard s’agissant du décès du bénéficiaire et le 28 mars 2022 concernant les avoirs de la succession. Enfin, l’intimé avait informé le recourant que la dette de la succession s’élevait à CHF 977.-, de sorte qu’ils avaient estimé de bonne foi qu’il n’y avait aucune obligation de restituer et avaient tenu compte de cet avoir dans les dispositions prises suite à la succession.

b. Dans sa réponse du 8 février 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, motif pris que le droit de demander la restitution n’existait qu’une fois que l’organe avait connaissance de l’acceptation de la succession par au moins un héritier et de l’étendue de la fortune nette du défunt au moment de son décès.

c. Par réplique du 11 mars 2024, les recourants ont persisté, considérant que le délai d’une année avait commencé à courir dès que l’administration aurait dû connaître les circonstances fondant l’obligation de restituer en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Or, l’intimé connaissait l’état de la fortune du bénéficiaire, puisque la décision du 28 mars 2022 mentionnait déjà une fortune de CHF « 129'352.50 » (recte : 119'352.50), soit un montant bien supérieur à la limite de CHF 40'000.-, et qu’il existait donc une obligation de restituer. La date de la remise de la déclaration fiscale importait peu. En outre, ils pouvaient se prévaloir du principe de la confiance, étant rappelé le courrier de l’intimé du 18 mai 2022 qui mentionnait que le solde de la dette s’élevait à CHF 977.-, sans la moindre réserve. Ils avaient réinvesti le montant de la succession dans l’acquisition d’appartements et le versement à l’intimé de
CHF 38'820.- les contraindrait à revendre ces biens et leur ferait subir un préjudice conséquent.

d. Le 8 avril 2024, l’intimé a également maintenu ses conclusions. La mise à jour de la fortune du bénéficiaire effectuée le 28 mars 2022 était fondée sur l’état de sa fortune au 31 décembre 2021, sur la base des documents reçus le 16 février 2022. Le bénéficiaire était décédé quatre mois plus tard et, dans le cadre de la procédure en restitution des prestations légalement perçues, était déterminante la fortune au jour du décès. De plus, certains éléments de fortune qui ne devaient pas être pris en compte dans les calculs de prestations complémentaires du vivant d’un bénéficiaire devaient l’être dans le cadre de l’évaluation de la fortune déterminante effectuée postérieurement au décès. La législation en vigueur ne lui permettait donc pas de se fonder sur le dernier état connu de la fortune, même si celui-ci était relativement récent. Quant au courrier du 18 mai 2022, il se référait expressément à la décision du 3 mai 2022, duquel il ressortait que la dette de
CHF 977.- concernait la période du 27 au 30 avril 2022, soit les prestations versées après le décès en mains de l’EMS. Il n’avait donc donné aucune assurance s’agissant des éventuelles prestations légalement perçues avant le décès que les héritiers devaient restituer.

e. Copie de cette écriture a été transmise aux recourants le 17 avril 2024.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du
6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134
al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie à raison de la matière.

1.2 En vertu de l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours.

Cette norme est seule applicable pour régler la compétence des tribunaux cantonaux des assurances en matière de prestations complémentaires, la LPC ne contenant aucune disposition réglant différemment la question (ATF 143 V 363 consid. 3).

Les notions d'assuré ou d'autre partie, au sens de l'art. 58 al. 1 LPGA, doivent être interprétées à la lumière de leur signification légale en fonction du domaine de prestations concerné (ATF 143 V 363 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_489/2022 du 27 avril 2023 consid. 3.2.1). En cas de contestations portant sur des prestations, la compétence à raison du lieu se détermine en principe d'après le domicile de la personne assurée. Le domicile d'une autre partie n'est déterminant que s'il n'existe pas de rattachement au domicile de la personne assurée
(ATF 139 V 170). Les héritiers qui font valoir des droits directs à des prestations d'assurance ne peuvent être considérés eux-mêmes comme la personne assurée, mais tombent sous la définition d' « autre partie » selon la version française de l'art. 58 al. 1 LPGA ; ils peuvent donc agir devant le tribunal de leur lieu de domicile (ATF 135 V 153 consid. 4.11). À l'inverse, en matière de prestations complémentaires, reste compétent le tribunal cantonal des assurances du domicile du bénéficiaire pour la période pour laquelle le droit aux prestations existe concrètement, même en cas de décès de celui-ci, ses héritiers n'ayant qu'un droit dérivé, issu du décès (ATF 143 V 363 consid. 5.3 et la référence). Les recourants, en tant qu'héritiers pouvant être tenus à restituer les prestations complémentaires légalement perçues, doivent être considérés comme des « autres parties » au sens de l'art. 58 al. 1 LPGA (ATAS/321/2024 du 8 mai 2024).

Partant, la chambre de céans est également compétente à raison du lieu, compte tenu du domicile à Genève des recourants.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur le
1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du
22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du
15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité - RS 831.301], modification du 29 janvier 2020,
RO 2020 599).

Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210
consid. 4.3.1 ; 136 V 24 consid. 4.3 ; 130 V 445 consid. 1 et les références).

Selon les dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (Réforme des PC), les art. 16a et 16b LPC ne s’appliquent qu’aux prestations complémentaires versées après l’entrée en vigueur de cette modification (al. 2).

En l’occurrence, la décision litigieuse porte sur la restitution de prestations complémentaires versées postérieurement au 1er janvier 2021, de sorte que sont applicables les dispositions légales et réglementaires en vigueur dès cette date.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimé sollicitant la restitution de CHF 38'820.- à la charge de la succession, singulièrement sur le principe de la péremption, le montant retenu n’étant pas contesté.

4.             Selon l'art. 3 al. 1 LPC, les prestations complémentaires se composent de la prestation complémentaire annuelle, versée mensuellement (let. a) et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (let. b).

À teneur de l’art. 16a LPC, les prestations légalement perçues en vertu de l’art. 3 al. 1 LPC doivent être restituées à la charge de la succession après le décès du bénéficiaire. La restitution est seulement exigible pour la part de la succession supérieure à CHF 40'000.- (al. 1). Pour les couples, l’obligation de restituer prend naissance au décès du conjoint survivant, sous réserve des conditions de restitution prévues à l’al. 1 (al. 2).

Selon l’art. 16b LPC, le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’organe visé à l’art. 21 al. 2 LPC a eu connaissance du fait, mais au plus tard dix ans après le versement de la prestation.

L’art. 27 OPC-AVS/AI prévoit que la restitution des prestations légalement perçues visée à l’art. 16a al. 1 et 2 LPC doit être effectuée dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en force de la décision en restitution (al. 1). S’il faut vendre un ou plusieurs immeubles pour procéder à la restitution, ce délai est porté à une année, mais à 30 jours au plus après le transfert de la propriété (al. 2).

Aux termes de l'art. 27a al. 1 OPC-AVS/AI, pour le calcul de la restitution des prestations légalement perçues, la succession doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile qui concernent l’évaluation de la fortune. La fortune au jour du décès est déterminante.

4.1 Les art. 16a et 16b LPC ont été introduits dans le but d’insérer une nouvelle règle selon laquelle les prestations complémentaires légalement perçues du vivant du bénéficiaire doivent être restituées par les héritiers du bénéficiaire lorsqu’à son décès la masse successorale nette de la succession de ce dernier dépasse les
CHF 40'000.- (Stéphanie MONOD, La substitution fidéicommissaire pour le surplus, analyse de droit suisse, 2024, p. 485).

Conformément à l'art. 16b LPC, l’organe compétent doit réclamer le remboursement de chaque prestation dans un délai d'un an à compter du moment où il a eu connaissance du droit à la restitution ou dans un délai de dix ans à compter du versement de la prestation individuelle. Ainsi, il est possible de réclamer au maximum les prestations complémentaires des dix dernières années. Il ressort de la loi que ces délais sont des délais de péremption. Par conséquent, ils ne peuvent pas être interrompus. Selon les directives de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), le délai de péremption absolu de dix ans s'applique également au premier conjoint décédé. La créance en restitution s'éteint donc chaque fois que plus de dix ans se sont écoulés entre le décès du premier et du deuxième conjoint décédé. Comme l’organe doit, selon l'art. 16b LPC, réclamer les prestations dans un délai d'un an après avoir eu connaissance de la créance en restitution, on peut en outre se demander si l’organe doit rendre une décision de restitution au décès du premier défunt. Comme la créance de l’organe ne naît que de la succession du second défunt, il ne doit, selon l'opinion défendue ici, rendre une décision qu'après le décès du second défunt. La créance ne doit sans doute pas encore être inventoriée au décès du premier défunt (Pius KOLLER, Rückerstattungspflicht der Erben gemäss Art. 16a ELG und weitere Auswirkungen der EL-Revision auf das Erbrecht, 2023, in : successio 2023
p. 125-140, n°3.2.4).

Le délai de péremption de l'art. 16b LPC s'applique également en ce qui concerne le premier conjoint décédé, dont les prestations complémentaires ne peuvent être réclamées qu'après le décès du conjoint survivant (Erwin CARIGIET/
Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2021, p. 134-151).

Ce qui est déterminant pour le délai d'un an prévu à l’art. 16b LPC, ce n'est pas la prise de connaissance effective, mais le moment où l'autorité aurait pu en prendre connaissance en faisant preuve d'une attention raisonnable. Il existe donc tout de même une limite temporelle (Thomas FLÜCKIGER, Verband solothurnischer Notare - 100 Jahre Festschrift, 2022, p. 169-197, n° 5.5).

Dans la mesure où l’art. 27a OPC-AVS/AI prévoit que la « succession » déterminante pour la restitution des prestations doit être évaluée au jour du décès et selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct sur la fortune, il en découle implicitement que le terme « succession » de l’art. 16a al. 1,
2ème phrase LPC ne vise que le patrimoine net du de cujus à son décès, soit les actifs transmissibles de celui-ci après déduction de ses dettes transmissibles. En tant qu’elle est due « après le décès du bénéficiaire », la restitution des prestations légalement perçues, prévue à l’art. 16a al. 1 LPC, fait partie des dettes de la succession. En résumé : la restitution des prestations légalement perçues n’est due que si le patrimoine net du de cujus à son décès (actifs transmissibles, moins les dettes transmissibles, à l’exclusion des rapports, des réunions et des dettes de la succession) dépasse CHF 40'000.- (Paul-Henri STEINAUER, Les nouveaux articles 16a et 16b de la loi fédérale sur les prestations complémentaires, in Maryse PRADERVAND-KERNEN, Michel MOOSER, Antoine EIGENMANN, Journée de droit successoral 2021, p. 207 ss, n° 23, n° 34 ss).

Au décès de la personne bénéficiant de prestations complémentaires, ses héritiers doivent restituer lesdites prestations complémentaires perçues du vivant du bénéficiaire. Cette restitution est obligatoire si la succession – qu’il faut comprendre comme étant la masse successorale nette du bénéficiaire – dépasse CHF 40'000.-. Afin de garantir que la restitution soit exécutée, il est nécessaire que l’autorité compétente déterminée selon le droit cantonal prenne une décision qui l’ordonne (art. 27 al. 1 OPC-AVS/AI). Après l’entrée en force de la décision, les héritiers doivent procéder au remboursement de cette dette successorale du
de cujus dans un délai de trois mois (Stéphanie MONOD, op. cit., p. 478).

La demande de remboursement ne peut pas être remise (Pius KOLLER, op. cit.,
p. 125-140, n° 3.1).

4.2 La Circulaire de l’OFAS concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC (C-R PC, valable dès le 1er janvier 2021) rappelle qu’après l’entrée en vigueur de la réforme, les prestations complémentaires perçues légalement par une personne avant son décès doivent, dans certains cas, être restituées à la charge de la succession. Seules les prestations complémentaires versées à partir du
1er janvier 2021 sont soumises à l’obligation de restituer (C-R PC ch. 5001).

Les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI éditées par l’OFAS (DPC, état au 1er janvier 2024) précisent notamment que l’élément déterminant pour le montant de la restitution est la succession nette (succession brute moins les dettes) au moment du décès du bénéficiaire de prestations complémentaires et, dans le cas des couples mariés, au moment du décès du deuxième conjoint. Les frais survenus après le décès du bénéficiaire de prestations complémentaires (par exemple les frais découlant du décès) ne sont pas pris en compte. Le moment déterminant est celui de la naissance de la créance et non celui de la facturation (DPC n° 4720.03).

Pour calculer le montant de la masse successorale, il peut être fait recours à : un inventaire dressé par l’autorité compétente (inventaire successoral, inventaire dressé à titre de mesure conservatoire, inventaire dressé dans le cadre du bénéfice d’inventaire, inventaire fiscal ordinaire, etc.) ; la déclaration ou à la taxation fiscale intermédiaire si aucun inventaire n’est dressé. En l’absence de documents probants, il faut se baser sur la fortune prise en compte pour le dernier calcul des prestations complémentaires (DPC n° 4720.09).

4.3 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste
(ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4).

4.4 Enfin, les rapports entre les administrés et l'administration sont régis notamment par le principe fondamental selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi », si bien qu'un assuré ne peut en principe pas tirer avantage de sa propre ignorance du droit (ATF 124 V 215 consid. 2b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_364/2022 du 26 septembre 2022 consid. 4.2 ; 9C 588/2021 du 27 juin 2022 consid. 6.1.2).

5.             En l’espèce, les recourants invoquent la péremption du droit de demander la restitution des prestations complémentaires légales perçues par les bénéficiaires. Ils soutiennent qu’un tel droit s’éteint un an après le moment où l’organe aurait dû connaître, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui, les « circonstances » justifiant l’obligation de restituer, à savoir soit le décès du bénéficiaire, soit le fait que la fortune de celui-ci était supérieure à
CHF 40'000.- selon le dernier calcul des prestations complémentaires. Ils rappellent à cet égard que l’intimé savait, au plus tard, depuis le 3 mai 2022 que le bénéficiaire était décédé, et depuis le 28 mars 2022 que les avoirs de la succession excédaient le montant déterminant de CHF 40'000.- et qu’il existait donc une obligation de restituer, puisque la décision dudit jour mentionnait une fortune de CHF 129'352.50.

5.1 L’art. 16b LPC a la teneur suivante : « Le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’organe visé à l’art. 21, al. 2, a eu connaissance du fait, mais au plus tard dix ans après le versement de la prestation ».

Si la version française ne semble pas indiscutablement claire, puisque la notion de « fait » peut prêter à discussion en l’absence de toute précision ou renvoi expresse, tel n’est pas le cas des versions allemande (« Der Rückforderungsanspruch erlischt nach Ablauf eines Jahres, nachdem die Stelle nach Artikel 21 Absatz 2 davon Kenntnis erhalten hat, spätestens aber nach Ablauf von zehn Jahren nach der Entrichtung der einzelnen Leistung ») et italienne (« Il diritto di chiedere la restituzione decade un anno dopo che l’organo di cui all’articolo 21 capoverso 2 ne ha avuto conoscenza, al più tardi però dieci anni dopo il versamento della prestazione »). En effet, les termes « davon » et
« ne » font indéniablement référence à ce qui a été précédemment mentionné, soit le « droit de demander la restitution ».

L’interprétation littérale de cette disposition permet ainsi de conclure que le droit au remboursement s'éteint à l'expiration du délai d’une année après que l'organe compétent « en a eu connaissance », à savoir a eu connaissance du droit à la restitution, mais au plus tard dix ans après le versement de la prestation.

5.2 C’est également le sens qui se dégage du but et de l’esprit de la norme. Il est rappelé à cet égard que la réforme des prestations complémentaires initiée par le législateur a précisément abouti, entre autres dispositions, à l'adoption de
l'art. 16a LPC, qui oblige l'autorité compétente à solliciter, auprès de la succession, la restitution des prestations légalement perçues depuis le 1er janvier 2021, pour la part qui excède CHF 40'000.-. Cette nouvelle règle a été adoptée afin que les prestations complémentaires légalement perçues du vivant du bénéficiaire soient restituées par ses héritiers lorsqu’à son décès la masse successorale nette dépasse les CHF 40'000.-.

Le droit de demander la restitution des prestations complémentaires légalement perçues présuppose donc le décès du bénéficiaire des prestations, mais également l’évaluation de son patrimoine net, sur la base d’un inventaire ou de documents fiscaux. Ce n’est qu’en l’absence de tels documents probants qu’il est possible de se fonder sur la fortune prise en compte pour le dernier calcul des prestations complémentaires, puisque l’étendue des avoirs doit être déterminée au moment du décès du bénéficiaire seulement. Le délai de péremption d’une année ne saurait donc commencer à courir avant la naissance de la créance.

5.3 En l’occurrence, le recourant a établi le 4 juillet 2022 la déclaration fiscale de feu son père pour la période du 1er janvier au 26 avril 2022. C’est donc à cette date uniquement que l’intimé pouvait avoir connaissance, au plus tôt, du fait que les conditions pour exiger la restitution des prestations légalement perçues étaient remplies, en particulier que la masse successorale au moment du décès du bénéficiaire était supérieure à CHF 40'000.-.

La décision du 19 mai 2023 respecte donc le délai de péremption d’une année.

Les recourants ne contestent pas le montant à restituer en tant que tel, soit
CHF 38'820.-. La chambre de céans se limitera donc à constater que l'intimé a valablement restreint la demande de remboursement aux prestations complémentaires versées à partir du 1er janvier 2021 et a tenu compte de la part de la succession supérieure à CHF 40'000.-.

Partant, la décision litigieuse ne prête pas le flanc à la critique.

5.4 Les recourants se prévalent ensuite du principe de la confiance, faisant valoir que le courrier de l’intimé du 18 mai 2022 mentionnait que le solde de la dette s’élevait à CHF 977.-, sans la moindre réserve.

La chambre de céans observe cependant que la lettre précitée visait uniquement à corriger la décision du 3 mai 2022. En effet, dans cette dernière, l’intimé avait retenu que des prestations avaient été versées en trop pour la période courant du 27 avril au 30 mai 2022, correspondant à la somme de CHF 3'977.-, compte tenu du décès du bénéficiaire survenu le 26 avril 2022. Puis, le 18 mai 2022, l’intimé a constaté que, contrairement à ce qui avait été indiqué dans la décision du
3 mai 2022, les prestations du mois de mai n’avaient pas été versées et n’étaient donc pas dues. Ces deux missives concernent ainsi uniquement les prestations complémentaires versées en trop en raison du fait que l’intimé ignorait encore le décès du bénéficiaire. Elles ne portent donc pas sur la restitution des prestations légalement perçues.

Enfin, il est rappelé que « nul n'est censé ignorer la loi » et que les recourants ne démontrent pas qu'ils auraient eu un échange de correspondance avec l’intimé dans le but d'obtenir des informations sur une éventuelle obligation de restituer d’autres prestations, singulièrement celles perçues légalement. Ils ne font pas non plus état de circonstances particulières qui auraient obligé l’intimé à les renseigner à cet égard.

Le grief des recourants doit donc être écarté.

5.5 Les recourants sollicitent implicitement la remise de l’obligation de restituer, faisant valoir qu’ils avaient de bonne foi utilisé l’argent reçu dans le cadre de la succession, pensant qu’il n’y avait aucune obligation de restituer. Ils ajoutent que la restitution les contraindrait à revendre le bien immobilier que chacun d’eux avait acheté et les mettrait dans une situation financière difficile.

La chambre de céans rappellera donc que l’opposition et le recours formés contre une décision en matière de restitution ont un effet suspensif, ce qui fait obstacle à leur exécution immédiate (arrêts du Tribunal fédéral 8C_804/2017 du
9 octobre 2018 consid. 3.2 et 8C_130/2008 du 11 juillet 2008 consid. 3.2 et les références). Dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte. Intrinsèquement, une remise de l'obligation de restituer n'a de sens que pour la personne tenue à restitution (arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2009 du 26 février 2010 consid. 3.1).

La demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard trente jours à compter de l'entrée en force de la décision de restitution (art. 4 al. 4 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 [OPGA - RS 830.11]). La remise fait l'objet d'une décision (art. 4 al. 5 OPGA).

Les conditions concernant la remise de l'obligation de restituer ne pourront donc être examinées par l’intimé qu'une fois la décision de restitution entrée en force.

6.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le