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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3453/2023

ATAS/655/2024 du 22.08.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3453/2023 ATAS/655/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 août 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

recourante

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS – SUVA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1979, a été engagée le 21 septembre 2021 en qualité de nettoyeuse à plein temps par B______ (ci-après : l’employeur).

b. Elle est assurée contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA).

B. a. Le 24 novembre 2022, la SUVA a reçu :

-          une déclaration de sinistre du 24 novembre 2022, par laquelle l’employeur
annonçait que, le 16 novembre 2022 : « [l’assurée] portait une machine très lourde avec son collègue. Il pleuvait très fort, ce qui [faisait] glisser la machine. Elle ne voulait pas la lâcher pour ne pas casser la façade du client et a senti que sa jambe [droite] lui [faisait] mal. Quelques jours après, elle a voulu monter dans le bus mais sa jambe s’est bloquée. Elle [se soumettra à] une [radiographie] le 25.11.22 » ;

-          un certificat daté du 21 novembre 2022, dans lequel le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, indiquait que l’état de santé de l’assurée justifiait un arrêt de travail à 100% du 21 au 27 novembre 2022, en raison d’un accident.

b. Dans un rapport du 25 novembre 2022, relatif à une imagerie par résonance magnétique (IRM) du genou droit pratiquée le même jour, la docteure D______, radiologue, a conclu à une méniscopathie avec fissure horizontale oblique de la jonction entre le corps et la corne postérieure méniscale médiale, extrudée, associée à une bursite superficielle et profonde du ligament collatéral médial et à un épanchement articulaire.

c. Le 1er décembre 2022, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a prescrit neuf séances de physiothérapie à l’assurée en raison d’une entorse au genou droit.

d. Dans un rapport du 20 décembre 2022, la docteure F______, spécialiste FMH en médecine interne, a posé le diagnostic différentiel de syndrome de la patte d’oie vs. méniscopathie, ce second diagnostic étant motivé par la reprise des conclusions figurant au rapport du 25 novembre 2022 de la Dre D______.

e. La SUVA a pris en charge le cas et informé l’assurée que les indemnités journalières (CHF 130.75 par jour calendaire) lui seraient versées via son employeur dès le 19 novembre 2022 ; les frais de traitement seraient payés directement aux fournisseurs de prestations.

f. Dans un rapport du 15 février 2023, la docteure G______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a posé le diagnostic de méniscopathie avec fissure horizontale oblique de la jonction entre le corps et la corne postérieure méniscale médiale. L’évolution était marquée par « [une] impotence fonctionnelle + et [une] douleur +++ ». L’assurée était suivie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

g. Dans un rapport du 23 mars 2023, faisant suite à un examen du 9 février 2023, le docteur H______, médecin chef de clinique auprès du service de chirurgie orthopédique des HUG, a relaté que l’assurée, en bonne santé habituelle, avait été victime, le 16 novembre 2022, d’une glissade sur son lieu de travail ayant entraîné un traumatisme au genou droit. En raison d’importantes douleurs de la face médiale, une IRM avait été effectuée le 25 novembre 2022, qui avait révélé une lésion méniscale interne. Les séances de physiothérapie prescrites par le Dr E______ après un examen, le 28 novembre 2022, n’avaient apporté qu’un bénéfice modéré au niveau des douleurs, également nocturnes. En revanche, l’assurée ne rapportait ni blocage, ni tuméfaction de son genou. À l’examen de l’IRM du 25 novembre 2022, le Dr H______ confirmait la présence d’une lésion horizontale de la corne postérieure du ménisque interne avec une languette méniscale luxée dans le récessus ménisco-tibial. Il n’y avait en revanche ni atteinte ligamentaire, ni chondropathie majeure. Compte tenu de ce bilan radio-clinique et des douleurs en diminution, mais néanmoins persistantes, le Dr H______ recommandait la poursuite du traitement conservateur, soit, notamment, une infiltration du mur méniscal sous échographie. En cas de douleurs persistantes après cette infiltration, la nécessité d’une méniscectomie serait réévaluée.

h. Par pli du 23 mars 2023, la SUVA a invité les HUG à lui faire parvenir un rapport préopératoire pour lui permettre de statuer sur le droit aux prestations de l’assurée.

i. Par courrier du même jour, la SUVA a informé l’assurée qu’elle cesserait « préventivement » sa prise en charge le 1er avril 2023. L’assurée était invitée à communiquer les coordonnées de son assurance-maladie et, cas échéant, de son assurance-maladie perte de gain, afin que la SUVA leur demande une prise en charge provisoire des prestations.

j. Par courriel du 6 avril 2023, l’assurée a invité la SUVA à rendre dans les plus brefs délais une décision motivée sujette à opposition.

k. Par téléphone du 21 avril 2023, l’assurée a annoncé à la SUVA que son employeur lui avait signifié son licenciement avec effet au 31 mai 2023. Il était prévu qu’elle subisse une intervention chirurgicale le 26 avril 2023.

l. Le 10 mai 2023, le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de la SUVA, a constaté que l’IRM du 25 novembre 2022 confirmait une lésion méniscale dégénérative horizontale. Il n’y avait aucune lésion osseuse, donc pas de traumatisme à haute énergie susceptible de causer une décompensation définitive. Il convenait selon lui d’admettre une décompensation temporaire d’une durée de six semaines après l’événement du 16 novembre 2022.

m. Par décision du 22 mai 2023, la SUVA a informé l’assurée qu’elle clôturait le cas au 1er avril 2023, date au-delà de laquelle les prestations d’assurance (indemnités journalières et frais de traitement) ne seraient plus allouées. L’assurance, se référant à l’avis de son médecin-conseil, considérait que les troubles persistant au niveau du genou droit de l’assurée n’étaient plus en lien avec l’accident, lequel n’avait entraîné qu’une décompensation temporaire d’une durée de six semaines. En conséquence, la SUVA ne prendrait pas en charge les frais de l’opération du 26 avril 2023.

n. Le 31 mai 2023, HELSANA ASSURANCES SA (ci-après : HELSANA), assureur-maladie de l’assurée, s’est opposée à cette décision.

o. Le 2 juin 2023, HELSANA a retiré son opposition en soulignant que ce retrait ne signifiait pas qu’elle était d’accord avec l’évaluation de la SUVA, mais simplement qu’elle renonçait à la contester.

p. Dans un rapport du 19 mai 2023, intitulé « compte-rendu opératoire », le Dr H______ a fait état d’une lésion horizontale du ménisque interne du genou droit
avec languette méniscale luxée dans le récessus ménisco-tibial. Pratiquée par arthroscopie le 26 avril 2023, l’intervention avait consisté en une méniscectomie partielle interne au « shaver ».

q. Le 21 juin 2023, l’assurée s’est opposée à la décision du 22 mai 2023.

Elle peinait à comprendre sur quels éléments le Dr I______ s’était fondé pour émettre son avis et arguait que, puisque ses médecins traitants recommandaient la continuation du traitement, on pouvait légitimement douter de sa fiabilité.

r. Le 15 août 2023, la SUVA a reçu un rapport rédigé le 21 novembre 2022 par le
Dr C______, à l’attention de la docteure J______, spécialiste en médecine interne générale. Sur le plan anamnestique, ce médecin rapportait que l’assurée, femme de ménage, était en bonne santé habituelle. Souvent accroupie, elle souffrait depuis une semaine de gonalgies droites en progression, sans notion de traumatisme.

s. Le 16 août 2023, le Dr I______ s’est référé à de la littérature médicale selon laquelle les lésions horizontales de la corne postérieure du ménisque correspondent à des lésions de clivage d’étiologie dégénérative, contrairement aux lésions obliques pures, sans lésion ligamentaire, associées en général à un impact osseux vulnérant, avec modification de l’os sous-chondral à l’IRM. En l’occurrence, le bilan radiographique (IRM) du 25 novembre 2022 confirmait une méniscopathie avec fissure horizontale, bursite et épanchement intra-articulaire. Ces éléments étaient de nature dégénérative. De plus, l’IRM du 25 novembre 2022 ne montrait pas de lésions osseuses : la Dre D______ avait noté « l’absence d’anomalie d’intensité de signal des différentes pièces osseuses visualisées ».

Le Dr I______ concluait des éléments anamnestiques (consultation en urgence auprès du Dr C______) et radiologiques (IRM du 25 novembre 2022), qu’au degré de la vraisemblance prépondérante, ces pathologies du ménisque étaient présentes avant la date d’annonce du sinistre.

En l’absence de traumatisme certain du genou droit, selon le rapport du 21 novembre 2022 du Dr C______, le Dr I______ proposait par ailleurs de réviser sa position du 10 mai 2023 et de ne plus admettre l’existence d’une décompensation temporaire de six semaines.

Selon lui, l’atteinte méniscale était due de manière prépondérante à l’usure.

t. Par courrier du 16 août 2023, la SUVA a informé l’assurée qu’elle concluait du rapport du 21 novembre 2022 du Dr C______ que l’événement du 16 novembre 2022 s’était produit sans élément déclencheur (traumatisme).

Suivant l’avis de son médecin-conseil, elle considérait que l’atteinte méniscale était due manifestement à l’usure/maladie.

Qui plus est, l’événement du 16 novembre 2022, tel que décrit dans la déclaration du 24 novembre 2022, ne faisant état d’aucune circonstance particulière telle qu’une glissade ou une chute, ne pouvait être considéré comme un accident.

Il n’y avait pas non plus d’obligation de prester pour une lésion assimilée à un accident, la lésion méniscale étant imputable de manière prépondérante à l’usure/maladie.

A moins d’un retrait de l’opposition d’ici au 6 septembre 2023, la SUVA entendait donc réformer sa décision du 22 mai 2023 en défaveur de l’assurée et réclamer à celle-ci la restitution de l’intégralité des prestations versées.

u. Dans un rapport du 31 août 2023, le Dr H______ et le docteur K______, médecin interne auprès du service de chirurgie orthopédique des HUG, ont indiqué avoir régulièrement suivi l’assurée du 9 février au 14 août 2023. Ils soulignaient que le compte-rendu opératoire du 19 mai 2023 décrivait certes une lésion méniscale horizontale, mais aussi une languette méniscale luxée dans le récessus ménisco-tibial. Or, cette dernière pouvait être d’origine traumatique. Une reprise du travail était prévue au 1er septembre 2023.

v. Par pli du 4 septembre 2023, l’assurée a maintenu son opposition en tirant argument du rapport des Drs H______ et K______ et en réclamant une expertise orthopédique indépendante.

w. Par décision du 21 septembre 2023, la SUVA a rejeté l’opposition.

En se fondant sur les premières déclarations de l’assurée, la cause extérieure extraordinaire faisait défaut, mais on ne pouvait exclure que l’assurée ait glissé sous la pluie alors qu’elle portait une lourde machine, comme l’avait précisé le Dr H______ dans son rapport du 23 mars 2023. Cet élément (glissade), même s’il ne ressortait pas des premières déclarations de l’assurée, devait être considéré comme une précision de l’événement du 16 novembre 2022, dont il y avait lieu de reconnaître le caractère accidentel. L’avis de reformatio in pejus du 16 août 2023 devait ainsi être considéré comme nul et non avenu. Cela étant, il convenait de n’admettre comme conséquence de l’accident qu’une décompensation temporaire, d’une durée de six semaines.

C. a. Le 23 octobre 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, en concluant en substance à ce que la SUVA soit condamnée à lui verser des prestations au-delà du 1er avril 2023.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 3 novembre 2023, a renvoyé à la motivation de la décision querellée.

c. Le 18 décembre 2023, la recourante a formulé des conclusions complémentaires, visant à obtenir que l’événement du 16 novembre 2022 soit considéré comme un accident, subsidiairement, à ce que ses atteintes soient qualifiées de lésions assimilables à un accident.

À l’appui de sa position, la recourante relève que le Dr H______ a fait état non seulement d’une lésion horizontale du ménisque interne, mais aussi d’une languette méniscale luxée dans le récessus ménisco-tibial, dont l’origine peut être traumatique (cf. compte-rendu opératoire du 19 mai 2023 et rapport du 31 août 2023). Elle en tire la conclusion que l’intimée ne pouvait dès lors valablement se fonder sur l’appréciation de son médecin-conseil pour mettre fin aux prestations sans investigations médicales complémentaires.

Elle ajoute que si l’existence d’une lésion assimilée à un accident devait être admise, il n’est pas possible de considérer, en l’état du dossier et au vu des appréciations divergentes des Drs I______ et H______, que la lésion méniscale est due de manière prépondérante, c’est-à-dire à plus de 50% de tous les facteurs en cause, à l’usure ou à une maladie.

d. Le 10 janvier 2024, le Dr I______ a fait valoir qu’à lire le rapport des Drs H______ et K______, le caractère traumatique de la lésion était tout au plus possible, mais non établi au degré de la vraisemblance prépondérante. Il maintient que la lésion horizontale du ménisque n’est pas traumatique mais de type dégénératif, sans déstabilisation déterminante. Selon lui, pour pouvoir admettre l’existence d’une décompensation aigüe due à une lésion traumatique, il aurait fallu que le traitement chirurgical fût nécessaire en urgence ou semi-urgence dans les 30 jours suivant l’événement ; or, l’intervention a eu lieu le 26 avril 2023.

e. Par écriture du 12 janvier 2024, l’intimée a rappelé avoir admis le caractère accidentel de l’événement du 16 novembre 2022, dont elle a estimé qu’il n’avait aggravé que temporairement un état dégénératif préexistant.

f. Le 24 janvier 2024, la recourante a produit un autre rapport du Dr C______.

Dans ce document, daté du 21 novembre 2022, adressé à la Dre G______, ce médecin indiquait que la recourante avait « glissé et [était] tombée sur le dos avec, selon elle, [une] possible torsion du genou droit. Elle [présentait] depuis, des douleurs au niveau de ce genou. Elle [avait] apposé de la glace durant le week-end mais au vu de la persistance des douleurs ce jour, elle [s’était rendue en urgence à la consultation du 21 novembre 2022] ».

La recourante en tire la conclusion qu’il y a donc bel et bien eu traumatisme avec torsion du genou.

Pour le surplus, la recourante a demandé à pouvoir prendre connaissance du rapport médical initial du 20 décembre 2022 de la Dre F______, évoquant des gonalgies.

g. Le 26 janvier 2024, la Cour de céans lui a transmis une copie de ce rapport figurant dans le bordereau complémentaire de pièces de la recourante du 18 décembre 2023 (cf. pièce 4).

h. Par courrier du 6 février 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

i. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la Chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA). Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3 LPGA et 17 al. 3 LPA).

1.5 Après réception de la décision sur opposition le 23 septembre 2023, le délai de recours a commencé à courir le lendemain et est arrivé à échéance le 23 octobre 2023. Posté le dernier jour du délai, le recours a été interjeté en temps utile. Respectant également les exigences de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B LPA), le recours est recevable.

2.             Dans la mesure où l’accident est survenu le 16 novembre 2022, le droit de la recourante aux prestations d’assurance est soumis aux dispositions en vigueur depuis le 1er janvier 2017 (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2).

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations d’assurance au-delà du 1er avril 2023.

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident, professionnel ou non, et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse être qualifié d’accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).

4.1.1 Suivant la définition même de l’accident, le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d’un accident, il ne suffit pas que l’atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d’extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l’effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l’effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n’y a pas d’accident, au sens de ce qui précède, lorsque l’effort en question ne peut entraîner une lésion qu’en raison de facteurs maladifs préexistants, car c’est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

4.1.2 Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d’un « mouvement non coordonné ». Lors d’un mouvement corporel, l’exigence d’une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d’un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l’environnement extérieur. Dans le cas d’un tel mouvement non coordonné, l’existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d’exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13
p. 40).

4.2 Selon l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : les fractures (let. a), les déboîtements d’articulations, les déchirures du ménisque (let. c), les déchirures de muscles
(let. d), les élongations de muscles (let. e), les déchirures de tendons (let. f), les lésions de ligaments (let. g), les lésions du tympan (let. h).

4.3 Dans un arrêt 8C_22/2019 du 24 septembre 2019 (publié aux ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents a admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffre d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que, dans cette hypothèse, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss.; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).

4.4 En l’espèce, faisant sienne l’appréciation émise le 10 mai 2023 par le Dr I______, la décision (initiale) du 22 mai 2023 considérait que le statu quo sine vel ante avait été rétabli six semaines après l’accident du 16 novembre 2022, raison pour laquelle il était mis un terme à la prise en charge avec effet au 1er avril 2023.

Après avoir eu connaissance du rapport adressé le 21 novembre 2022 par le Dr C______ à la Dre J______, mentionnant l’absence de « notion de traumatisme », le Dr I______, en date du 16 août 2023 est revenu sur sa position et a suggéré qu’en « l’absence de traumatisme certain du genou droit », il ne soit pas admis de décompensation temporaire. Dans un premier temps, l’intimée a suivi cette suggestion et annoncé à l’assurée une possible reformatio in pejus de sa décision du 22 mai 2023. Cependant, par la suite, dans la décision litigieuse, elle a considéré qu’en tant que le rapport du 23 mars 2023 du Dr H______ faisait état d’une glissade de l’assurée sur son lieu de travail, avec un traumatisme au genou droit, il y avait lieu de reconnaître malgré tout le caractère accidentel de l’événement du 16 novembre 2022 et de déclarer nul et non avenu l’avis de reformatio in pejus du 16 août 2023.

A cet égard, on rappellera que, selon la jurisprudence, il convient en général d’accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, faites alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être – consciemment ou non – le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; 115 V 143 consid. 8c). La jurisprudence concernant les premières déclarations ou les déclarations de la première heure ne constitue cependant pas une règle de droit absolue, faute de quoi elle entrerait en conflit avec le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_204/2021 du 11 août 2021 consid. 3.4).

En l’occurrence, c’est à juste titre que l’intimée s’est écartée de l’avis de son médecin-conseil et a reconnu l’existence d’un évènement accidentel. En effet, même si la déclaration de sinistre du 24 novembre 2022 ne mentionnait pas, dans le déroulement de l’événement, la présence d’un facteur extérieur de nature extraordinaire (cf. ci-dessus : consid. 4.1.2), le Dr H______, dans son rapport du 23 mars 2023, évoquait une glissade et l’existence d’un élément déclencheur traumatique a également été évoquée par le Dr C______. Dans un second rapport du 21 novembre 2022 (cf. pièce 16 recourante), suivant de peu l’événement du 16 novembre 2022, ce médecin a aussi fait mention d’une glissade, suivie d’une chute sur le sol et d’une possible torsion du genou droit. Il a expliqué que c’était la raison pour laquelle l’assurée avait sollicité la consultation du 21 novembre 2022.

Dans ces circonstances, il n’apparaît pas critiquable d’admettre, à l’instar de l’intimée, le caractère accidentel de l’évènement. Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si les lésions du genou droit figurent dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA.

5.             Il convient à présent d’examiner, au regard des principes exposés à l’ATF 146 V 51 mentionné supra, la question du lien de causalité entre les lésions constatées et l’accident du 16 novembre 2022, étant précisé qu’en relation avec les art. 10 (droit au traitement médical) et 16 (droit à l’indemnité journalière) LAA, l’art. 6 al. 1 LAA implique, pour l’ouverture du droit aux prestations, l’existence d’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident, d’une part, le traitement médical et l’incapacité de travail de la personne assurée, d’autre part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1).

5.1 Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré.

5.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l’accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

5.3 En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Si un accident n’a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l’assuré et l’accident doit être nié lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou s’il est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l’accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 ; 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

5.4 Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l’assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a ; 117 V 359 consid. 5d/bb; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1;
133 V 450 consid. 11.1.3; 125 V 351 consid. 3).

6.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

6.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d’un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012
consid. 4.1 et les références).

6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ;
125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.              

8.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

8.2 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46) entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

9.             Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

10.         L’assureur-accidents a la possibilité de mettre fin avec effet ex nunc et pro futuro à son obligation d’allouer des prestations, qu’il avait initialement reconnue en versant des indemnités journalières et en prenant en charge les frais de traitement, sans devoir se fonder sur un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale), sauf s’il réclame les prestations allouées (ATF 133 V 57 consid. 6.8; arrêt du Tribunal fédéral 8C_3/2010 du 4 août 2010 consid. 4.1). Ainsi, il peut liquider le cas en invoquant le fait que selon une appréciation correcte de l’état de fait, un événement assuré n’est jamais survenu (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral des assurances a précisé en outre que les frais de traitement et l’indemnité journalière ne constituent pas des prestations durables au sens de
l’art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations visées par cette disposition légale (cf. ATF 137 V 424 consid. 3.1 et la référence) ne sont pas applicables (ATF 133 V 57 consid. 6.7). En revanche, l’arrêt des rentes d’invalidité ou d’autres prestations versées pour une longue période est soumis aux conditions d’adaptation, reconsidération et révision procédurale
(ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). La jurisprudence réserve les cas dans lesquels le droit à la protection de la bonne foi s’oppose à une suppression immédiate des prestations par l’assureur-accidents (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1).

11.         Bien qu’en l’espèce, la décision litigieuse admette que la recourante a bel et bien été victime d’un accident, elle n’en considère pas moins que cet événement n’a aggravé que de manière temporaire un état dégénératif préexistant.

Pour sa part, la recourante conteste, en substance, la survenance du statu quo sine vel ante six semaines après l’événement du 16 novembre 2022. Elle considère que les douleurs aigües ainsi que la lésion méniscale sont toujours en lien avec l’accident du 16 novembre 2022 et qu’en conséquence, c’est à tort que l’intimée a mis fin à sa prise en charge des frais de traitement et au versement des indemnités journalières avec effet au 1er avril 2023.

11.1 À l’appui de leurs positions respectives, les parties se fondent principalement sur les avis du Dr I______, d’une part, sur ceux du Dr H______, d’autre part. Ces médecins s’accordent à retenir, sur la base de l’IRM effectuée le 25 novembre 2022, l’existence d’une lésion horizontale de la corne postérieure du ménisque interne (cf. rapports du 23 mars 2023 du Dr H______ et du 16 août 2023 du Dr I______). Alors que le Dr I______ conclut, dans son appréciation du 10 mai 2023, à l’origine dégénérative de cette lésion, tout en admettant une décompensation temporaire (six semaines), le Dr H______, sans contester le caractère dégénératif de l’atteinte, souligne la mise en évidence, par l’IRM du 25 novembre 2022, d’une languette méniscale luxée dans le récessus méniscal tibial, confirmée dans le compte-rendu opératoire du 19 mai 2023, dont il affirme l’étiologie possiblement traumatique dans son rapport du 31 août 2023. Comme le relève le Dr I______, le Dr H______ évoque une lésion qui « peut être d’origine traumatique », ce qui revient à admettre un possible lien de causalité avec l’accident, sans l’établir au degré de la vraisemblance prépondérante. Quoi qu’il en soit, indépendamment de l’origine éventuellement traumatique de la luxation de la languette méniscale, le Dr I______ avait admis, dans un premier temps, une décompensation temporaire (six semaines), avant de revenir sur sa position.

La Cour de céans constate que le Dr I______ ne se prononce ni sur le rapport du 23 mars 2023 du Dr H______ – qui fait état d’une « glissade sur son lieu de travail […] avec un traumatisme du genou droit » –, ni sur le second rapport du 21 novembre 2022 du Dr C______ (qui ne lui a pas été soumis ; pièce 16 recourante) – qui mentionne que la recourante « a glissé et est tombée sur le sol avec, selon elle, [une] possible torsion du genou ». Dans ces conditions, les conclusions du Dr I______ du 16 août 2023 niant toute décompensation – même temporaire – de la lésion méniscale du genou droit du fait de l’accident, n’emportent pas la conviction.

Il en va de même de l’avis émis le 10 mai 2023 par le médecin-conseil. En effet, le Dr I______, qui n’a jamais examiné l’assurée, n’argumente pas son estimation de la durée de la déstabilisation de l’état antérieur – six semaines –, durée pourtant démentie par les rapports des 23 mars, 19 mai et 31 août 2023 du Dr H______, faisant état de la persistance de troubles et/ou de douleurs à tout le moins jusqu’au 31 août 2023 (cf. rapport du 31 août 2023, prévoyant une reprise du travail le 1er septembre 2023), bien au-delà de la date du 1er avril 2023 retenue pour la clôture du cas. Le Dr I______ se borne à affirmer que « les conclusions de l’appréciation médicale datée du 16.08.2023 ne sont pas modifiées par les différents rapports médicaux ». En raisonnant de la sorte, le Dr I______ et, à sa suite, l’intimée, ne tiennent pas compte du fait qu’une causalité partielle entre la persistance du traitement et de l’incapacité de travail – au-delà du 1er avril 2023 – et l’accident du 16 novembre 2022 suffirait. Selon la jurisprudence, en effet, les causes pertinentes au sens de l’art. 6 al. 1 LAA comprennent également les circonstances dans lesquelles l’atteinte à la santé ne serait pas survenue au même moment. Une atteinte traumatique dommageable fonde ainsi un droit aux prestations d’assurance, même lorsque, sans l’événement assuré, le dommage serait survenu tôt ou tard et qu’ainsi, l’accident constitue la condition sine qua non uniquement pour ce qui concerne le moment de la survenance du dommage. En revanche, la situation est différente si l’accident ne constitue qu’une cause occasionnelle ou fortuite – qui rend manifeste un risque présent qui aurait pu se produire à tout moment – et qu’il est dépourvu de toute portée propre d’un point de vue causal (arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2016 du 7 juillet 2016 consid. 4.1.1 ; Doris VOLLENWEIDER/ Andreas BRUNNER, in FRÉSARD-FELLAY, LEUZINGER, PÄRLI [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 19 ad art. 36 LAA).

Dès lors que le Dr I______ motive sa conclusion selon laquelle le statu quo sine aurait été atteint six semaines après l’évènement par le seul fait qu’une aggravation traumatique passagère d’un état maladif préexistant est par principe limitée dans le temps, cela apparaît insuffisant. Cette position implique en effet qu’aurait été établie, au degré de la vraisemblance prépondérante, la nécessité de pratiquer une infiltration articulaire le 24 mars 2023 et une méniscectomie partielle le 26 avril 2023, indépendamment de la survenance de l’événement assuré du 16 novembre 2022. Or, ce dernier point n’a fait l’objet d’aucune mesure d’instruction de la part de l’intimée, en particulier d’aucune comparaison avec le genou gauche.

La jurisprudence rappelée notamment par l’arrêt 8C_337/2016 implique, dans le cas d’espèce, que tant et aussi longtemps que les suites de l’accident du 16 novembre 2022 constituent encore une cause, même partielle, d’un traitement médical et/ou d’une incapacité de travail, l’intimée doit prester. En d’autres termes, l’assurance est tenue de verser ses prestations jusqu’à ce qu’il soit établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’atteinte à la santé ne s’explique plus que par des causes antérieures à l’événement du 16 novembre 2022.

En l’espèce, on ne saurait conclure, en l’état de l’instruction médicale, qu’il serait établi, au degré de la vraisemblance prépondérante que l’accident du 16 novembre 2022 n’est pas la cause, même partielle, des troubles du genou droit, ou, dans l’hypothèse d’une décompensation d’un état maladif préexistant, que la causalité aurait cessé le 1er avril 2023. La Cour de céans ne saurait tirer de conclusions des rapports du Dr H______, d’une part parce que la causalité entre la luxation de la languette méniscale et l’accident y est simplement qualifiée de possible (cf. rapport du 31 août 2023), d’autre part parce que ce médecin ne se prononce pas sur la seconde hypothèse, soit celle d’une décompensation et sa durée éventuelle.

Vu l’absence d’avis médicaux probants sur la question litigieuse de l’éventuelle survenance du statu quo sine, il se justifie de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle procède à des investigations complémentaires sur ce point.

Partant, le recours est partiellement admis. La décision litigieuse est annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

12.         Étant donné que le recourant obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1’500.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision sur opposition du 21 septembre 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 1’500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le