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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1154/2024

ATAS/645/2024 du 23.08.2024 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1154/2024 ATAS/645/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 août 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______
représenté par Me Jean-Michel DUC, avocat

 

 

recourant

 

contre

CNA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1982, sans formation certifiée, est arrivé en Suisse en novembre 2001. Après avoir travaillé dans la restauration de 2001 à 2004 puis en tant que plâtrier pour diverses entreprises dès 2005, il a été engagé dès le 1er avril 2008 en qualité de staffeur par B______ (ci-après : l’employeur). Il bénéficiait, à ce titre, d’une couverture d’assurance pour les accidents professionnels et non professionnels auprès de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la CNA ou l'intimée).

b. Le 25 août 2016, alors qu’il posait un faux plafond sur un chantier, l’assuré a glissé et est tombé d’une échelle. Selon la déclaration de sinistre complétée par son employeur le 10 octobre 2016, il s’est blessé au bras, à la jambe et a dû être acheminé aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG).

c. Le cas a été pris en charge par la CNA.

B. a. Dans le cadre de l'instruction de la demande, la CNA a recueilli plusieurs renseignements médicaux auprès des médecins traitants de l'assuré et organisé deux séjours de celui-ci auprès de la clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR), du 16 janvier au 20 février 2018 et du 13 juin au 10 juillet 2018.

b. Le 15 octobre 2018, l’assuré a été examiné par le docteur C______, médecin d’arrondissement de la CNA et spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie. Le médecin d’arrondissement a retenu les diagnostics de luxation antérieure de l’épaule gauche, de fracture du trochiter, de fracture déplacée de la colonne antérieure du cotyle gauche ostéosynthésée, de raideur de l’épaule gauche et de petit cal vicieux de la hanche gauche. À plus de deux ans de la survenance de l’accident, le cas pouvait être considéré comme stabilisé ou en voie de stabilisation sur le plan somatique (poursuite de la rééducation pendant un an, notamment au niveau du membre inférieur). Dans son travail de plâtrier, il était douteux que l’assuré puisse travailler à plus de 30% – taux qu'il exerçait alors auprès de son employeur –, vu ses limitations fonctionnelles. En revanche, dans le cadre d’une activité respectant les limitations fonctionnelles en lien avec le membre supérieur, permettant d’alterner les positions assise et debout, n’impliquant ni montées répétées de pentes ou d’escaliers, ni d’élévation au niveau du plan des épaules en force au-delà de 10 kg, avec par conséquent des changements de position réguliers, le Dr C______ estimait qu’une activité à temps complet « pourrait » être exigible.

c. Invité une nouvelle fois par la CNA à se prononcer, le Dr C______ a estimé, le 26 novembre 2018, que le cas était stabilisé. Il a rappelé que pour le membre supérieur, les limitations fonctionnelles concernaient l’absence de port répété de charges supérieures à 10-15 kg, le travail prolongé ou répétitif au-dessus du plan des épaules ou avec le membre supérieur gauche en porte-à-faux. L'état de l'épaule gauche justifiait une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ci-après : IPAI) de 10%, alors que la coxarthrose au membre inférieur ne donnait actuellement pas droit à une telle indemnité, bien que cela puisse être le cas à l’avenir en fonction de l’évolution.

d. Le 6 février 2019, l’employeur a licencié l’assuré pour le 28 février 2019.

e. Par décision du 27 février 2019, après avoir mis fin à la prise en charge des soins médicaux et au paiement des indemnités journalières avec effet au 28 février 2019, la CNA a octroyé à l’assuré une IPAI de 10% (CHF 14'820.-) mais lui a refusé le droit à une rente d’invalidité. La CNA a retenu que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité professionnelle adaptée à ses limitations fonctionnelles (permettant d’alterner les positions assise-debout et d’éviter le port répété de charges supérieures à 10˗15 kg, le travail prolongé ou répétitif au-dessus du plan des épaules ou avec le membre supérieur gauche en porte-à-faux, l’élévation au niveau du plan des épaules « en force » au-delà de 10 kg, ainsi que les montées répétées de pentes ou d’escaliers).

f. Par décision du 2 avril 2019, la CNA a rejeté l’opposition formée contre cette décision, arguant qu’il incombait à l’assuré de limiter le préjudice subi. En effet, il était exigible qu’il reprît une activité différente de celle qu’il exerçait auparavant, et qui fût adaptée aux limitations fonctionnelles déterminées par le Dr C______.

g. Sur recours de l'assuré, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a, par arrêt du 6 octobre 2020 (ATAS/833/2020), annulé la décision sur opposition du 2 avril 2019, dans la mesure où elle portait sur le droit du recourant à une rente d'invalidité, et renvoyé la cause à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants. Elle a retenu qu'il s'imposait de réaliser une expertise, à tout le moins rhumatologique, au vu des avis médicaux contradictoires au dossier.

h. Après plusieurs échanges, la CNA et l'assuré se sont mis d'accord pour que l'expertise soit réalisée par le docteur D______, médecin praticien, lequel a rendu son rapport le 1er juin 2021.

Aux termes de celui-ci, les diagnostics en lien de causalité avec l'accident étaient une coxarthrose gauche post-traumatique dans le cadre d'un status après fracture du cotyle gauche traitée par ostéosynthèse avec lésion labrale consécutive, ainsi qu'un syndrome sous-acromial avec une épaule gelée dans le cadre d'un status après luxation antéro-inférieure gléno-humérale gauche. L'activité habituelle de peintre en bâtiment était impossible et le taux de 30% qui avait été exercé par l'assuré correspondait à une activité occupationnelle. Dans une activité adaptée qui respectait les limitations fonctionnelles décrites dans le cadre de l'évaluation des capacités fonctionnelles, l'assuré avait une capacité de travail de 50% (demi-journées, 5j/7). Concernant la diminution de rendement, l'expert a évoqué une baisse de 30%, alternativement de 50%, en raison de la douleur imposant un changement postural et des adaptations constantes.

i. Le 28 décembre 2021, le Dr D______ a répondu aux questions complémentaires de la CNA et de l'assuré et précisé que ce dernier avait une capacité de travail de 50% avec une baisse de rendement de 30% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

j. Par décision du 22 février 2022, la CNA a octroyé à l'assuré une rente d'invalidité de 63%, correspondant à une perte de gain de ce taux, fondée sur une capacité de travail de 50% avec une baisse de rendement de 30% dans une activité adaptée.

k. Le 23 mars 2022, l'assuré a formé opposition contre la décision précitée, qu'il a complétée le 31 mars 2022, sollicitant l'octroi d'une rente d'invalidité sur la base d'une incapacité de gain supérieure à 63%. Seul le calcul du taux d'invalidité était critiqué (absence d'abattement et gain de valide pris en considération), à l'exclusion des questions afférentes à sa capacité de travail. Le 1er septembre 2022, l'assuré a encore complété son opposition, se fondant sur de nouvelles pièces, à savoir :

-          avis médical du service médical régional (ci-après : SMR) du 17 mai 2022 établi dans le cadre de l'instruction de la demande de prestations déposée par l'assuré, le 7 février 2017, auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), concluant à une capacité de travail nulle dans toute activité dès le 25 août 2016, et définitivement nulle dans l'activité habituelle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 50% dès le 20 octobre 2018. La baisse de rendement pourrait être évaluée plus précisément lors de l'examen médico-professionnel qui allait se dérouler auprès du Centre d’observation professionnelle de l’assurance-invalidité (ci-après : COPAI) ;

-          rapport de la mesure COPAI effectuée au sein des Établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI) du 25 avril au 22 mai 2022, concluant que les rendements mesurés sur un mi-temps dans des activités légères, pratiques et répétitives, étaient de l'ordre de 40%, sans progression sur la durée, et se trouvaient très éloignés de ceux attendus dans le premier marché de l'emploi ;

-          rapport du 20 juin 2022 de la docteure E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, ayant supervisé la mesure COPAI, relevant que les douleurs étaient omniprésentes malgré l'antalgie et impactaient la santé physique et psychique de l'assuré. Ce dernier était très volontaire pour reprendre une activité professionnelle mais ses difficultés physiques, sa fatigabilité et le faible niveau de formation de base n'étaient pas compatibles avec une reprise du travail sur le premier marché.

l. Le 12 septembre 2022, la docteure F______, spécialiste FMH en chirurgie, de la division médecine d'assurance de la CNA, a recommandé la mise en œuvre d'une seconde expertise médicale afin de clarifier la capacité de travail de l'assuré dans une activité professionnelle adaptée. Elle jugeait en effet que l'expertise du Dr D______ ne décrivait pas clairement les limitations fonctionnelles et argumentait peu la diminution de la capacité de travail et la baisse de rendement. L'état douloureux pris en compte par l'expert n'était guère pertinent, le traitement antalgique, basé uniquement sur du Tramal sans associer une antalgie mineure, étant peu cohérent. Plusieurs points étaient par ailleurs, selon elle, troublants : aucun dosage/sérologie n'avait été réalisé pour vérifier la compliance de l'assuré, l'expert relevait que la position assise était tenue entre 5 et 10 minutes alors que l'assuré se rendait au Kosovo, notamment en avion, les résultats de l'assuré aux différents tests réalisés étaient souvent supérieurs aux valeurs minimales reconnues alors que l'expert retenait le contraire, aucune amyotrophie au niveau du membre supérieur gauche n'avait été constatée lors de l'examen clinique et seule une amyotrophie très discrète au niveau du membre inférieur gauche, ne permettant pas de conclure à une sous-utilisation de ces deux extrémités, la force musculaire des membres inférieurs n'était pas diminuée et celle de la main gauche était surprenante, car seule l'épaule gauche avait été atteinte. Le complément d'expertise du Dr D______ n'était pas clair, et surtout peu argumenté.

m. Répondant à une lettre de la CNA l'informant qu'elle entendait mettre en œuvre une nouvelle expertise, l'assuré a requis la nomination du Dr D______, à supposer que l'expertise soit maintenue malgré l'absence de justification solide à sa réalisation.

n. Le 17 avril 2023, le Dr D______ a répondu aux questions qui lui avaient été soumises par la CNA et par l'assuré. Il a notamment indiqué que la diminution de la force de la main n'était pas en lien avec le problème de l'épaule, que l'assuré pouvait porter 5 kg à gauche le long du corps, 4 kg de manière régulière et 6 kg de manière occasionnelle jusqu'à hauteur de la tête, que la marche en terrain irrégulier n'était pas possible, que l'assuré devait alterner la position debout/assise toutes les 30 minutes, qu'une augmentation de l'antalgie en associant le Paracetamol avec le Tramadol pourrait conduire à des améliorations sur la tolérance, que des adaptations de posture étaient probablement faites lors des voyages en avion, que la kinésiophobie et la catastrophisation pouvaient amener à une majoration des symptômes et devaient être prises en charge pour aider l'assuré à sortir de cette situation et, finalement, que dans une activité purement sédentaire « on pourrait estimer » une augmentation de la capacité de travail de l'assuré à 50%, sans baisse de rendement. Il avait dû revoir sa position en relisant l'expertise avec les éléments à sa disposition et ne retenait désormais plus de baisse de rendement, mais une capacité de travail à 50%.

o. Le 16 mai 2023, l'assuré s'est exprimé sur le dernier complément d'expertise du Dr D______ et a souligné qu'il était important que celui-ci puisse prendre position sur les observations découlant du stage aux EPI, ainsi que sur les avis médicaux récents du SMR et de la Dre E______. Il regrettait que la CNA prenne le soin de poser des questions orientées sur de prétendus vols pour le Kosovo, mais pas sur des rapports médicaux et un examen médico-professionnel COPAI. Cela en disait long sur le caractère orienté des compléments expertaux requis. Au surplus, la nouvelle appréciation médicale reposait sur des observations cliniques totalement obsolètes et était insuffisamment motivée.

p. Le 12 juin 2023, la Dre F______ s'est montrée très critique quant à la valeur probante du deuxième complément d'expertise. L'argumentation était peu convaincante, les réponses aux questions et les discussions médicales étaient entachées d'incohérences et d'inexactitudes.

q. Le 10 novembre 2023, l'assuré a déposé un nouveau complément d'opposition et, s'agissant de l'IPAI, a annoncé une aggravation et demandé le réexamen de celle accordée en 2018. Il s'est prévalu d'un rapport rendu le 27 octobre 2023 par le professeur G______, professeur honoraire de l'université de Genève et spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, dans lequel étaient diagnostiqués, au niveau de l'épaule gauche, une fracture luxation consécutive à l'accident du 25 août 2016, un déplacement et enfoncement du trochiter post-traumatique, une lésion de Hill-Sachs de l'humérus proximal suite à l'accident, une tendinopathie de la coiffe des rotateurs, et une arthrose débutante. Au niveau de la hanche gauche, les diagnostics de coxarthrose post-traumatique, status après fracture du cotyle gauche (colonne antérieure et toit du cotyle) et fracture de l'aile iliaque, status après ostéosynthèse par vis le 31 août 2016 et status après ablation du matériel d'ostéosynthèse étaient posés. Ces diagnostics affectaient tous la capacité de travail de l'assuré. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : port répété de charges supérieures à 10-15 kg, travail prolongé et/ou répétitif au-dessus du plan des épaules en force au-dessus de 10 kg ou avec le membre supérieur gauche en porte-à-faux, alternance des postures assis-debout et éviter de monter des pentes ou des escaliers de façon répétée. Au vu du status et de l'imagerie, ainsi que des efforts d'intégration lors de la mesure COPAI, la capacité de travail dans une activité adaptée restait nulle. L'arthrose gléno-humérale débutante justifiait une IPAI de 5% et l'arthrose moyenne de la hanche de 15%, soit une IPAI totale de 20%. L'assuré a par ailleurs requis que la CNA prenne en charge les frais d'établissement du rapport médical du Prof. G______.

r. Après que la CNA eut déclaré qu'elle jugeait le rapport d'expertise du Dr D______, même complété, non probant, de sorte qu'elle souhaitait mettre en œuvre une nouvelle expertise, et qu'elle statuerait ultérieurement sur les frais du rapport du Prof. G______, l'assuré a indiqué que, soucieux de respecter son devoir de collaboration, il était d'accord de se soumettre à une nouvelle expertise.

s. La CNA a alors contacté plusieurs médecins qui ont refusé le mandat, ainsi que le docteur H______, spécialiste en rhumatologie, officiant au sein du I______ (I______), lequel s'est montré favorable à réaliser l'expertise.

t. Informé par communication de la CNA du 11 mars 2024 de l'intention de confier l'expertise au Dr H______ et dans le délai qui lui était accordé pour prendre position sur l'opportunité de l'expertise, le centre d'expertise proposé et le questionnaire, l'assuré a relevé, le 15 mars 2024, qu'en reprenant l'analyse complète du dossier il avait constaté avoir admis par erreur la mise en œuvre d'une expertise médicale. L'instruction lacunaire de son dossier avait été complétée par les nombreuses pièces médicales qu'il avait été contraint de recueillir et de produire. La CNA ne pouvait pas remettre systématiquement en œuvre des expertises jusqu'à obtenir les conclusions souhaitées, sous couvert du devoir de collaboration de l'assuré. Cela était d'autant plus vrai qu'il existait une expertise privée convaincante du Prof. G______, dont la valeur probante n'était remise en cause par aucune pièce médicale, et que l'instruction médicale devenait interminable alors que sa situation était extrêmement difficile. Dans le cas où la CNA persisterait à vouloir mettre en œuvre une nouvelle expertise médicale, il était requis qu'elle rende une décision sur l'opportunité de cette mesure et, dans un second temps, si celle-ci était maintenue, l'assuré se déterminerait dans le délai qui serait imparti sur le choix de l'expert et les questions du mandat.

u. Par décision incidente du 20 mars 2024, la CNA a retenu que ni l'expertise du Dr D______, ni le rapport du Prof. G______, ne pouvaient se voir reconnaître de valeur probante. Elle confirmait donc tant le principe de la seconde expertise que la personne de l'expert, à savoir le Dr H______, ainsi que le questionnaire, ces deux derniers points n'étant pas critiqués par l'assuré. S'agissant de l'évaluation du Prof. G______, il ne s'agissait pas d'une expertise selon le droit des assurances sociales et ses conclusions ne convainquaient pas. Il ne discutait aucunement de la problématique de la causalité des atteintes en cause, discutable par rapport à la tendinopathie de la coiffe des rotateurs. La reconnaissance d'une totale incapacité de travail était insuffisamment motivée, dans la mesure où elle reposait uniquement sur le résultat final de la procédure de l'OAI. Or, celui-ci avait retenu que l'invalidité de l'assuré était totale, pour des raisons partiellement non médicales. Ce résultat ne pouvait donc être repris par le Prof. G______, qui, en tant que médecin, devait se limiter à évaluer la capacité de travail sur un plan strictement médical.

C. a. Par acte du 8 avril 2024 déposé par-devant la chambre de céans, l'assuré, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours contre la décision précitée, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que la cause soit renvoyée à l'intimée afin qu'elle désigne un autre expert rhumatologue que le Dr H______, qu'elle s'efforce de parvenir à un consensus sur la personne de l'expert médical et, en cas d'échec, rende une décision formelle sujette à recours, et qu'elle lui impartisse un délai pour poser des questions complémentaires à l'expert médical. Il a exposé ne plus contester le principe même de l'expertise, mais reprocher à l'intimée d'avoir unilatéralement déterminé le nom de l'expert et les questions à lui soumettre. En faisant fi de sa requête du 15 mars 2024 visant à ce que l'intimée se prononce en premier lieu sur l'opportunité de l'expertise et, si cette mesure était maintenue, lui permette de se prononcer sur le choix de l'expert et les questions à lui soumettre, celle-ci avait violé son droit d'être entendu et n'avait pas respecté l'approche consensuelle imposée par le Tribunal fédéral quant au choix de l'expert. La manière de procéder en deux temps qu'il avait suggérée avait comme avantage d'éviter des frais d'avocat superfétatoires dans l'hypothèse où l'intimée renoncerait finalement à l'expertise médicale. Le recourant a en outre soutenu que le Dr H______ devait être récusé, dans la mesure où il avait travaillé pendant plusieurs années pour la CRR et y avait tissé des liens singulièrement étroits avec ses anciens collègues. Le recourant avait lui-même séjourné à plusieurs reprises à la CRR et les conclusions médicales qui y avaient été prises avaient été infirmées par le Dr D______, le Prof. G______, et plusieurs autres médecins. Le Dr H______ n'était par ailleurs pas membre de la FMH et n'avait pas les compétences requises pour trancher un cas complexe et emporter l'adhésion. L'intimée avait en outre toujours pris le soin de cacher ses liens étroits avec ce médecin.

À l'appui de son recours, le recourant a joint :

-          un extrait de la plateforme des professionnels de la santé mentionnant l'octroi d'une autorisation de pratiquer en faveur du Dr H______ par le canton du Valais en 2016, pour l'adresse de la CRR ;

-          une publication du Dr H______ sur le réseau « Linkedin » dans laquelle il écrivait ce qui suit : « J'ai décidé d'arrêter fin d'année ma collaboration avec la Clinique Romande de Réadaptation de Sion en Valais. J'y ai été accueilli avec une grande bienveillance par notre "patron", le Dr J______, en 2016. Je le remercie très sincèrement de m'avoir pris sous son aile et de m'avoir enseigné toutes les arcanes de l'assécurologie […]. Des liens fraternels, dont je me réjouis régulièrement, se sont établis entre nous deux. L'évaluation multidisciplinaire en expertise est un atout majeur dont dispose la Suisse. J'ai ainsi beaucoup appris au contact de mes collègues d'autres spécialités avec lesquels j'ai pu partager sur tant de dossiers durant toutes ces années […]. Aujourd'hui, je vais recentrer ma pratique expertale » ;

-          un extrait du site internet de la FMH ne mentionnant aucun résultat pour le Dr H______.

b. Par mémoire de réponse du 6 mai 2024, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Le recourant avait souhaité scinder en deux la procédure de désignation de l'expert, ce que ne consacrait pas la jurisprudence. Elle avait donc à juste titre rendu une décision incidente concernant tant le principe de la nouvelle expertise que la personne de l'expert et le questionnaire d'expertise. De plus, les griefs du recourant vis-à-vis de la personne de l'expert et du questionnaire d'expertise étaient tardifs et irrecevables car il avait renoncé à s'en prévaloir dans son courrier de mars 2024. Or, un motif de récusation devait être invoqué dès que possible, soit dès sa connaissance. Au surplus, le fait que le Dr H______ ne disposait pas du titre de spécialiste FMH était sans pertinence puisqu'il était reconnu en tant que médecin spécialiste dans ce domaine par la Confédération et était au bénéfice d'une autorisation cantonale de pratiquer. Quant aux propos tenus par l'expert sur la plateforme « Linkedin » vis-à-vis de l'ancien employeur quitté en décembre 2022, ils ne témoignaient pas d'un motif d'amitié étroit avec une des parties. Cet éventuel lien d'amitié ne concernait pas l'une des parties ou son mandataire, mais une précédente autorité médicale qui était intervenue dans le dossier. Les propos avaient par ailleurs été tenus sur un site internet dédié à la recherche d'emplois. Il était donc tout naturel que le médecin y parle en termes élogieux de ses anciens collègues de la CRR, sans pour autant que cela ne constitue une apparence d'un parti pris, d'un point de vue objectif.

c. Le recourant a répliqué le 21 mai 2024 et persisté dans ses conclusions. Contrairement à ce que soutenait l'intimée, il ne se désavouait pas en acceptant dorénavant la mise en œuvre d'une nouvelle expertise. Même s'il continuait à penser qu'une telle expertise était superfétatoire, au vu des expertises déjà versées au dossier et des raisons exposées dans son courrier du 15 mars 2024, il avait suivi une approche pragmatique et ne s'était pas obstiné dans son argumentation, qui n'avait pas trouvé d'écho favorable auprès de l'intimée. Il voulait, en sus, démontrer qu'il collaborait activement à l'instruction interminable de son cas. Par ailleurs, dans son courrier du 15 mars 2024, il n'avait pas renoncé à invoquer un motif de récusation contre le Dr H______, l'intimée n'ayant pas communiqué sur ses liens avec ce médecin et n'ayant ainsi pas fait montre de transparence à ce propos.

d. Le 23 mai 2024, une copie de cette écriture a été adressée à l'intimée, pour information.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA (applicable par le renvoi de l’art. 1 al. 1 LAA). Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.2 En outre, l'art. 44 LPGA réglant la mise en œuvre d'une expertise administrative a été modifié au 1er janvier 2022 (RO 2021 705). La décision contestée, confirmant la nécessité d'une seconde expertise et la nomination du Dr H______ en qualité d'expert, ayant été rendue après l'entrée en vigueur de cette modification, la disposition dans sa teneur dès le 1er janvier 2022 sera ainsi appliquée.

3.             Concernant la recevabilité du recours, il convient de relever ce qui suit.

3.1 Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Ces dernières visent les décisions incidentes que le législateur a soustraites à la procédure d'opposition, afin d'éviter des retards excessifs dans le déroulement de la procédure (ATF 131 V 42 consid. 2.1).

Lorsqu'il y a désaccord quant à l'expertise telle qu'envisagée par l'assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente au sens de l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Il s'agit d'une décision d'ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l'opposition n'est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA ; cf. ATF 131 V 42 consid. 2.1) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances (art. 56 al. 1 LPGA).

L'art. 44 al. 4 LPGA entré en vigueur le 1er janvier 2022 prévoit désormais expressément que si, malgré la demande de récusation, l'assureur maintient son choix du ou des experts pressentis, il en avise les parties par une décision incidente.

Le recours contre les décisions incidentes n’est admis qu’à des conditions restrictives pour éviter qu’une multiplication de recours ne ralentisse excessivement le déroulement d’une procédure. Ces conditions reposent sur des motifs d’économie de procédure ou, en cas de risque de préjudice irréparable, sur la nécessité de garantir des voies de droit effectives conformément à l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ‑ RS 101). Dans tous les cas, le recours contre la décision incidente rendue séparément n’est recevable qu’à la condition que le recours soit ouvert contre la décision finale à rendre ultérieurement (Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 28 ad art. 56 LPGA et les références).

En vertu de l’art. 45 al. 1 PA, applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les décisions incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur une demande de récusation – au sens de l’art. 10 al. 1 PA, respectivement 36 al. 1 LPGA – peuvent faire l’objet d’un recours (ATAS/270/2022 du 22 mars 2022 consid. 4.2.1 ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 31 ad art. 56 LPGA). Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement (art. 45 al. 2 PA). Selon l’art. 46 al. 1 PA, par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les autres décisions incidentes notifiées séparément peuvent faire l’objet d’un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).

Selon la jurisprudence, l'assuré, qui, faute de consensus, entend contester la mise en œuvre d'une expertise médicale (que ce soit en soulevant des objections matérielles ou des motifs formels de récusation) satisfait en principe aux conditions de l'intérêt digne de protection et du préjudice irréparable (ATF 141 V 330 consid. 2 ; 139 V 339 consid. 4.4 ; 138 V 271 consid. 1 ; 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2012 du 3 juillet 2013 consid. 1.2.6 et 1.2.7). À l'ATF 138 V 318, le Tribunal fédéral a considéré qu'en cas de désaccord, il fallait également ordonner une expertise dans le domaine de l'assurance-accidents par le biais d'une décision incidente sujette à recours auprès du tribunal cantonal des assurances (respectivement du Tribunal administratif fédéral) et que la personne assurée bénéficiait des droits de participation antérieurs en ce sens qu'elle pouvait s'exprimer sur les questions posées à l'expert. Les modalités à respecter se déterminaient selon l'arrêt ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.9 appliqué par analogie (consid. 6.1).

3.2 En l'occurrence, la décision du 20 mars 2024 ne statue pas directement sur une demande de récusation de l'expert, le recourant n'ayant pas, avant son acte de recours, développé de griefs contre la nomination du Dr H______. Le fait de savoir si cette décision tombe sous le coup de l'art. 44 al. 4 LPGA, respectivement de l'art. 45 al. 1 PA, – dans la mesure où elle confirme la désignation de ce médecin –, ou de l'art. 46 al. 1 PA n'a pas d'incidence pratique, puisque, dans tous les cas, la jurisprudence reconnaît à l'assuré un intérêt digne de protection à recourir lorsqu'il conteste la mise en œuvre d'une expertise médicale.

3.3 L'intimée semble soutenir que le recours est irrecevable en tant qu'il porte sur la désignation du Dr H______ et des questions à lui poser, eu égard au fait que le recourant n'aurait pas immédiatement invoqué de motifs de récusation à son encontre, ou demandé à compléter les questions d'expertise.

Ces éléments ne doivent pas être considérés sous l'angle de la recevabilité du recours, mais sur le fond (cf. infra 5).

3.4 Au surplus, interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 56, 60 et 61 let. b LPGA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 20 mars 2024 par laquelle l'intimée a désigné unilatéralement le Dr H______ aux fins d'expertiser le recourant et lui a soumis une liste de questions à cet effet. L'opportunité de la nouvelle expertise n'est à ce stade plus contestée.

5.             Le recourant reproche à l'intimée de ne pas avoir respecté la procédure de nomination consensuelle de l'expert et de l'avoir empêché de soumettre des questions complémentaires d'expertise. Il se prévaut en outre de motifs de récusation contre le Dr H______.

À titre liminaire, il convient de déterminer si le recourant est fondé à soulever ces arguments, ou s'il est forclos, dans la mesure où ils n'ont pas été avancés devant l'intimée.

Bien que l'art. 44 al. 2 et 3 LPGA énonce qu'une partie peut récuser les experts et présenter des contre-propositions dans un délai de dix jours dès la communication de leur nom et, dans le même délai, remettre des questions complémentaires, les circonstances particulières du cas d'espèce justifient d'entrer en matière sur les griefs du recourant. Ce serait en effet faire preuve de formalisme excessif (ATF 149 IV 9 consid. 7.2 ; 145 I 201 consid. 4.2.1 ; 142 IV 299 consid. 1.3.2) que de considérer que les objections à la désignation de l'expert ont été élevées tardivement, dans la mesure où le recourant avait sollicité un délai complémentaire pour se prononcer sur ce point, dans l'hypothèse où la nécessité d'une seconde expertise était maintenue. Au vu de l'instruction qui avait déjà été menée par l'intimée et des avis versés au dossier, il n'était pas déraisonnable de penser que l'intimée pouvait revenir sur son choix d'une nouvelle expertise. Une fois la décision incidente du 20 mars 2024 rendue (avant l'écoulement du délai de dix jours de l'art. 44 al. 2 et 3 LPGA), le recourant ne pouvait par ailleurs plus faire valoir ses objections devant l'intimée et il a, au surplus, immédiatement motivé sa demande de récusation dans son écriture de recours.

Il ne ressort par ailleurs pas des faits de la cause que le recourant aurait tardé à se prévaloir des motifs de récusation contre le Dr H______, après en avoir eu connaissance. Rien n'indique en effet qu'il aurait connu le parcours professionnel de ce médecin avant la décision du 20 mars 2024, étant relevé qu'un assuré, ou son mandataire, n'a aucune obligation générale d'effectuer des recherches quant à la personne de l'expert ou des liens qu'il entretient (arrêt du Tribunal fédéral 8C_514/2021 du 27 avril 2022 consid. 4.3).

Concernant les questions d'expertise, au vu de son courrier du 15 mars 2024, le recourant pouvait aussi légitimement penser qu'il aurait l'occasion de poser les siennes dans une phase ultérieure de la procédure.

Il convient ainsi d'examiner sur le fond les arguments du recourant, même si, contrairement à ce que prescrit l'art. 44 al. 4 LPGA, l'intimée ne s'est pas prononcée en première instance sur ceux-ci, les parties ayant au surplus pu entièrement exposer leurs points de vue devant la chambre de céans, laquelle dispose par ailleurs d'un plein pouvoir de cognition.

6.             L’art. 44 LPGA a été modifié dans le cadre du Développement continu de l'AI et est entré en vigueur le 1er janvier 2022. Selon son alinéa deuxième, si l’assureur doit recourir aux services d’un ou de plusieurs experts indépendants pour élucider les faits dans le cadre d’une expertise, il communique leur nom aux parties. Les parties peuvent récuser les experts pour les motifs indiqués à l’art. 36 al. 1 LPGA et présenter des contre-propositions dans un délai de dix jours. Lorsqu’il communique le nom des experts, l’assureur soumet aussi aux parties les questions qu’il entend poser aux experts et leur signale qu’elles ont la possibilité de remettre par écrit des questions supplémentaires dans le même délai. L’assureur décide en dernier ressort des questions qui sont posées aux experts (al. 3). Si, malgré la demande de récusation, l’assureur maintient son choix du ou des experts pressentis, il en avise les parties par une décision incidente (al. 4).

6.1 S'agissant de la récusation des experts, le Conseil fédéral a relevé, dans son Message du 15 février 2017 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (Développement continu de l'AI ; FF 2017 2363), que la notion de raisons pertinentes pour la récusation des experts qui prévalait jusqu'alors était abandonnée. Désormais, l'art. 44 al. 2 LPGA renvoyait aux motifs de récusation de l’art. 36 al. 1 LPGA, qui reprenait ceux de l’art. 10 PA (dans ce sens également : Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 6 ad art. 36 LPGA).

L’art. 36 al. 1 LPGA dispose que les personnes appelées à rendre ou à préparer des décisions sur des droits ou des obligations doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l’affaire ou si, pour d’autres raisons, elles semblent prévenues.

L’art. 10 al. 1 PA prévoit que les personnes appelées à rendre ou à préparer la décision doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a) ; si elles sont le conjoint ou le partenaire enregistré d’une partie ou mènent de fait une vie de couple avec elle (let. b) ; si elles sont parentes ou alliées d’une partie en ligne directe, ou jusqu’au troisième degré en ligne collatérale (let. c) ; si elles représentent une partie ou ont agi dans la même affaire pour une partie (let. d) ; si, pour d’autres raisons, elles pourraient avoir une opinion préconçue dans l’affaire (let. e). Les principes relatifs à la récusation en vertu de l’art. 10 al. 1 PA sont également applicables en matière de récusation au sens de l’art. 36 LPGA (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 6 ad art. 36 LPGA).

Les motifs visés à l’art. 36 al. 1 LPGA sont de nature formelle parce qu'ils sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2013 du 31 décembre 2013 consid. 2.3).

6.2 Selon la jurisprudence développée avant l'entrée en vigueur du nouvel art. 44 LPGA, le fait de ne pas permettre à un assuré d’exercer les prérogatives résultant de son droit d’être entendu, soit en particulier celui de se prononcer sur la nomination de l’expert, les questions à poser, ainsi que le résultat de l’expertise, constituait une grave violation de ce droit (arrêt du Tribunal fédéral U 22/03 du 10 juillet 2003 consid. 4). Ce vice ne pouvait être réparé lorsque l’expertise constituait l’élément central et prépondérant de l’instruction (ATF 120 V 357 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral U 265/04 du 23 septembre 2005 consid. 2.3).

À l'ATF 137 V 210 consid. 3, le Tribunal fédéral a instauré de nouveaux principes visant à consolider le caractère équitable des procédures administratives et de recours judiciaires en matière d'assurance-invalidité par le renforcement des droits de participation de l'assuré à l'établissement d'une expertise (droit de se prononcer sur le choix de l'expert, de connaître les questions qui lui seront posées et d'en formuler d'autres), et ce afin que soient garantis les droits des parties découlant notamment du droit d'être entendu et de la notion de procès équitable (art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LPGA et art. 6 ch. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 [CEDH - RS 0.101] ; ATF 137 V 210 consid. 3.2.4.6 et 3.2.4.9). Le Tribunal fédéral a également considéré qu'il convenait d'accorder une importance plus grande que cela avait été le cas jusqu'ici, à la mise en œuvre consensuelle d'une expertise, en s'inspirant notamment de l'art. 93 de la loi fédérale sur l'assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM - RS 833.1) qui prescrit que l'assurance militaire doit rendre une décision incidente susceptible de recours (seulement) lorsqu'elle est en désaccord avec le requérant ou ses proches sur le choix de l'expert. Selon le Tribunal fédéral, il était de la responsabilité tant de l'assureur social que de l'assuré de parer aux alourdissements de la procédure qui pouvaient être évités. Il fallait également garder à l'esprit qu'une expertise qui reposait sur un accord mutuel donnait des résultats plus concluants et mieux acceptés par l'assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6).

S'agissant plus particulièrement de la mise en œuvre d'une expertise consensuelle, le Tribunal fédéral a précisé dans un arrêt subséquent qu'il était dans l'intérêt des parties d'éviter une prolongation de la procédure en s'efforçant de parvenir à un consensus sur l'expertise, après que des objections matérielles ou formelles ont été soulevées par l'assuré. La recevabilité des objections n'était soumise à aucun délai, étant précisé que, conformément au principe de la bonne foi, l'assuré était tenu de les formuler dès que possible. Si le consensus n'était pas atteint, l'assureur devait ordonner une expertise, en rendant une décision qui pouvait être attaquée par l'assuré (ATF 138 V 271 consid. 1.1). Ainsi, depuis l'ATF 137 V 210, il existait en principe une obligation de la part de l'assureur de s'efforcer à mettre en œuvre une expertise consensuelle avant de rendre une décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_908/2012 du 22 février 2013 consid. 5.1).

À l'ATF 139 V 349, le Tribunal fédéral a qualifié d'incombance la procédure de mise en œuvre d'une expertise consensuelle. Il a considéré que pour les expertises médicales mono- et bidisciplinaires qui n'étaient pas attribuées selon le principe aléatoire, l'incombance de l'OAI et de la personne assurée de s'efforcer d'aboutir à une désignation consensuelle de l'expert ou des experts prenait une importance particulière et que, lorsqu'il entendait confier une telle expertise à un COMAI, l'OAI avait l'obligation d'entreprendre cette procédure de désignation consensuelle (consid. 5.4). Si l'assureur-accidents – comme l'office AI pour les expertises mono- ou bidisciplinaires – devait s'efforcer de mettre en œuvre une expertise sur une base consensuelle et prendre en considération les objections soulevées par l'assuré quant à la personne de l'expert, le Tribunal fédéral a clairement rejeté la conception selon laquelle un expert ne pourrait être désigné qu'avec le consentement de l'assuré dès que celui-ci émettait des objections sur la personne de l'expert, car cela reviendrait à reconnaître un droit de veto à l'assuré ; il a précisé que même en cas d'objection justifiée de l'assuré, l'assureur n'était pas tenu de suivre sans autre ses contre-propositions (consid. 5.2.1) (ATAS/444/2020 du 8 juin 2020 consid. 4h ; ATAS/863/2022 du 30 septembre 2022 consid. 3.1.2).

6.3 L'un des buts de la réforme ayant conduit à l'adaptation de l'art. 44 LPGA était, selon le Message du Conseil fédéral, d'inscrire dans la loi la jurisprudence relative aux expertises médicales ayant renforcé les droits de participation des assurés (FF 2017 2448, 2452 s.). Le commentaire de l'art. 44 al. 4 LPGA renvoie aux ATF 139 V 349 et 137 V 210 et stipule : « Comme aujourd'hui, lorsque le principe aléatoire ne s'applique pas, les assureurs doivent rechercher un accord avec l'assuré avant de rendre une décision » (FF 2017 2507). En outre, le rapport explicatif pour la procédure de consultation du 4 décembre 2020, établi par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), énonce que si un assureur et un assuré ne parviennent pas à s'entendre sur un expert, l'assureur communique sa conclusion par décision incidente (art. 44 al. 4 LPGA). Toutefois, un accord doit si possible être trouvé par l'assureur et l'assuré avant la décision. La procédure de conciliation est précisée dans l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11).

L'art. 7j OPGA, intitulé « recherche de consensus » dispose que si une partie récuse l'expert en vertu de l’art. 44 al. 2 LPGA, l’assureur doit examiner les motifs de récusation. En l’absence de motif de récusation, les parties tentent de trouver un consensus (al. 1). La recherche de consensus peut être effectuée par oral ou par écrit et doit être consignée dans les dossiers (al. 2). Si un mandat d’expertise est attribué de manière aléatoire, il n’y a pas lieu de rechercher un consensus (al. 3).

La circulaire sur la procédure dans l'assurance-invalidité (ci-après : CPAI) édictée par l'OFAS expose, dans le chapitre relatif à l'attribution de mandats d'expertise monodisciplinaire, que si l'assuré ne soulève pas de motifs de récusation ou d'objections, le mandant est attribué à l'expert. Si l'assuré soulève des motifs de récusation ou des objections, l'office AI examine si l'un des motifs de récusation (art. 36 al. 1 LPGA en lien avec l'art. 10 al. 1 PA) est présent. Si un tel motif est admis, un nouvel expert doit être désigné en considérant les contre-propositions de l'assuré. Si un motif de récusation n'est pas présent mais que d'autres objections à l'égard de l'expert ont été soulevées, une recherche de consensus doit avoir lieu. L'office AI examine s'il peut accepter un des experts proposés par l'assuré. Si l'assuré n'a pas présenté de contre-propositions ou si l'office AI ne peut pas accepter un des experts proposés, la recherche d'un consensus est nécessaire (art. 7j al. 1 OPGA), et l'office AI remet à l'assuré la liste des experts.

6.4 La doctrine a réservé un accueil mitigé à la modification de l'art. 44 LPGA proposée par le Conseil fédéral. Il a en particulier été exposé que la révision conduirait à une détérioration des droits de la personne assurée, au motif que, contrairement à l'art. 44 LPGA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 qui permettait de demander la récusation de l'expert pour des raisons pertinentes, seuls des motifs formels de récusation au sens de l'art. 36 al. 1 LPGA pouvaient désormais être invoqués (Massimo ALIOTTA, Zur geplanten Revision von Art. 44 ATSG, Bemerkungen zu den Bestrebungen des Bundesrates zur umfassenden Revision von Art. 44 ATSG, in SZS/RSAS, 2018, p. 155 ; Philipp EGLI, MEDAS : Unabhängigkeit stärken, nicht schwächen !, in iusNet Arbeitsrecht und Sozialversicherungsrecht du 17 décembre 2017 ; plus nuancé : Marco WEISS, Anmerkungen zur geplanten Revision des Art. 44 ATSG, in SZS/RSAS, 2018, p. 487 ss).

Après l'adoption de la modification légale, une partie de la doctrine a fait remarquer qu'il existait une contradiction entre l'intention exprimée du législateur et le libellé du texte de l'ordonnance. À teneur de l'art. 7j al. 1 OPGA, un motif de récusation devait exister afin que la procédure de recherche de consensus soit menée, alors que selon les textes de l'OFAS cette procédure devait être menée avant le prononcé d'une décision incidente au sujet du choix de l'expert. Il était encore incertain de savoir à laquelle des deux variantes le Tribunal fédéral accorderait sa préférence dans sa future jurisprudence, mais l'auteure était personnellement optimiste quant au futur de la recherche du consensus (Anne-Sylvie DUPONT, Weiterentwicklung der IV, Was bringt sie wem ?, in SZS/RSAS 2022, p. 8). D'autres auteurs ont souligné qu'en raison du rapport rendu le 10 août 2020 portant sur l'évaluation des expertises médicales dans l'assurance-invalidité (Evaluation der medizinischen Begutachtung in der Invalidenversicherung, Bericht zuhanden des Generalsekretariats des Eidgenössischen Departements des Innern EDI (GS-EDI)) et des prises de position dans le cadre de la procédure de consultation, l'ordonnance avait donné un sens plus large à la recherche de consensus que celui initialement décidé par le législateur avec l'adoption de l'art. 44 al. 2 LPGA (Corinne ZBÄREN-LUTZ/Ralf KOCHER, Neuerungen bei Begutachtungen in den Sozialversicherungen, in November-Tagung zum Sozialversicherungsrecht 2021, 2022, p. 32).

7.             En l'espèce, le recourant avance plusieurs motifs pour s'opposer à la désignation du Dr H______ en qualité d'expert, notamment des motifs formels de récusation.

7.1 Ce médecin, au bénéfice d'une formation délivrée en France et non titulaire du titre de spécialiste FMH en rhumatologie, n'aurait pas les compétences requises pour se prononcer sur le cas et rendre une évaluation qui emporterait l'adhésion.

Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises que la possession d'un titre FMH ou l'appartenance à cette organisation n'étaient pas nécessaires, seul comptant le fait que l'expert dispose d'une formation spécialisée dans le domaine en question, laquelle a pu être acquise à l'étranger (arrêts du Tribunal fédéral 9C_270/2008 du 12 août 2008 consid. 3.3 ; 9C_736/2009 du 26 janvier 2010 consid. 2.1 ; 9C_268/2011 du 26 juillet 2011 consid. 6.2.2 et les références).

Or, à teneur de la base de données des professionnels de la santé gérée par la Confédération, le Dr H______ dispose d'un titre de spécialiste en rhumatologie (formation postgrade), acquis en France en 1991 et reconnu en Suisse en 2015.

L'argument doit par conséquent être rejeté.

7.2 Le recourant invoque ensuite le fait que le Dr H______ a travaillé durant plusieurs années à la CRR, où il a lui-même séjourné à deux occasions. Il se fonde en particulier sur un arrêt rendu par la Cour des assurances sociales du canton de Vaud (arrêt AA 67/19 - 99/2019 du 12 août 2019), aux termes duquel il avait été retenu que le fait qu'un assuré ait séjourné à la CRR, où des constatations avaient été faites contribuant à orienter la suite du dossier, pouvait constituer un motif matériel de récusation, dans les cas où l'expert travaillait régulièrement comme co-expert avec les médecins de cette clinique. Selon les juges vaudois, il se justifiait alors de tenir compte des réticences de l'assuré, dans le cadre d'une recherche de consensus sur la personne de l'expert, et de désigner un autre expert.

Compte tenu des développements qui suivent, la question de savoir si l'analyse des juges vaudois est pertinente dans le cas d'espèce peut demeurer ouverte, étant néanmoins précisé que, selon le Tribunal fédéral, la seule circonstance qu'un expert travaille pour le même institut, laboratoire ou centre d'expertises qui a déjà émis un avis dans la même affaire n'autorise pas en soi à le croire incapable d'agir avec la neutralité voulue (arrêt du Tribunal fédéral 8C_514/2021 du 27 avril 2022 consid. 3.4 et 5.2).

7.3 Comme vu plus haut, un expert peut être récusé sur la base des art. 44 al. 2, 36 al. 1 LPGA et 10 al. 1 PA.

Un expert passe pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à apporter. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l'expert. L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.3.2 et les références).

Selon la jurisprudence, pour entraîner la récusation, un rapport d'obligation ou de dépendance que le juge (respectivement l'expert) entretient avec l'une des parties ou toute personne intéressée à la procédure doit être étroit et de nature à compromettre sa liberté de jugement. Des sentiments d'inimitié marquée (ou d'amitié étroite) à l'égard d'une partie ou de son avocat, peuvent, en principe, justifier une demande de récusation pour apparence de prévention. En revanche, des rapports de voisinage, des études, des obligations militaires communes ou des contacts réguliers dans un cadre professionnel ne suffisent en principe pas (arrêt du Tribunal fédéral 9C_336/2013 du 2 décembre 2013 consid. 5.2.1 et les références). Les liens d'amitié doivent impliquer une certaine proximité allant au-delà du simple fait de se connaître (Bekanntschaft) ou de se tutoyer (Duzverhältnis) (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et s. et les références ; 138 I 1 consid. 2.4 ; dans ce sens également Anna BÖHME, Der medizinische Sachverständigenbeweis in der obligatorischen Unfallversicherung, Thèse, 2018, p. 237).

Compte tenu de l'importance considérable que revêtent les expertises médicales en droit des assurances sociales, il y a lieu de poser des exigences élevées à l'impartialité de l'expert médical (ATF 132 V 93 consid. 7.1 ; 120 V 357 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_514/2021 du 27 avril 2022 consid. 3.4).

En l'occurrence, le texte publié par le Dr H______ sur la plateforme « Linkedin » interpelle et peut en effet faire douter de son indépendance par rapport à l'intimée. Le médecin précité ne se contente en effet pas de décrire positivement les conditions de travail qu'il a eues au sein de la CRR (ce qui pourrait être attendu sur une plateforme servant, entre autres, à des recherches d'emploi et au recrutement de personnel), mais tient des propos plus qu'élogieux vis-à-vis du Dr J______, qu'il qualifie de « patron » et qui est remercié pour l'avoir « pris sous son aile ». Surtout, le Dr H______ qualifie de « fraternels » les liens qui se sont établis entre eux deux. De tels propos dépassent la reconnaissance professionnelle et sont l'expression d'une amitié étroite – si ce n'est quasi fraternelle – qui font douter de la liberté de jugement du Dr H______ dans les cas où l'intimée est partie. La gestion de la CRR est en effet l'une des activités accessoires de l'intimée, selon la loi (art. 67a al. 1 let. a LAA), de sorte que des liens particulièrement étroits entre un expert et le personnel de la clinique donnent une apparence de prévention qui devrait être évitée.

Cela étant, la question de la récusation du Dr H______ peut demeurer ouverte, dans la mesure où sa nomination doit être écartée pour d'autres motifs.

8.             Il est constant que le but de la réforme de l'art. 44 LPGA était d'ancrer dans la loi les droits de participation de l'assuré, dégagés de la jurisprudence du Tribunal fédéral, singulièrement des arrêts 137 V 210 et 139 V 349. Le Message du Conseil fédéral se réfère en effet expressément à ces deux arrêts et insiste sur la nécessité de renforcer les droits de participation de l'assuré, pour toutes les branches des assurances sociales. De plus, bien qu'initialement la réforme ait été accueillie avec circonspection, la doctrine a plutôt jugé favorablement la nouvelle réglementation légale après son adoption, relevant que la recherche de consensus avait pris une autre dimension par le biais de l'OPGA.

Ainsi, alors que, précédemment, les droits de participation de l'assuré constituaient une incombance – à moins qu'un office de l'assurance-invalidité ait souhaité confier une expertise mono- ou bidisciplinaire à un COMAI (cf. consid. 6.2 supra) – la possibilité, pour l'assuré, de s'exprimer sur le choix de l'expert revêt dorénavant une importance plus grande puisque, selon le libellé de l'art. 7j al. 1 OPGA, en l'absence de motifs de récusation, les parties tentent de trouver un consensus.

Comme l'a récemment mentionné le Conseil fédéral, la procédure de recherche de consensus est désormais réglée dans l'OPGA et vient renforcer les droits de participation des assurés : lorsque le mandat d'expertise est attribué directement à l'expert par une assurance et que l'assuré formule des objections qui ne constituent pas un motif de récusation, les parties doivent se concerter oralement ou par écrit pour tenter de parvenir à une proposition commune (réponse du Conseil fédéral du 17 mai 2023 à la motion parlementaire 23.3282 du 16 mars 2023).

Une même interprétation de l'art. 7j OPGA se dégage de la CPAI édictée par l'OFAS (ch. 3080 ss, consid. 6.3 ci-dessus). Bien que celle-ci s'adresse aux organes chargés de l'application de la loi sur l'assurance-invalidité, il n'y a pas de raison objective de dégager un sens différent à la disposition suivant le domaine des assurances sociales considéré, la LPGA et l'OPGA s'appliquant à toutes ses branches.

Au vu du but de la réforme de la LPGA, des textes du Conseil fédéral et de l'OFAS, il y a ainsi lieu de retenir que dans les cas où un motif de récusation au sens de l'art. 36 al. 1 LPGA est absent (car il n'est pas présenté ou est rejeté), une recherche de consensus entre l'assureur et l'assuré doit avoir lieu, lorsque des objections à l'égard de l'expert ont été soulevées.

Or, tel est précisément le cas puisque le recourant a invoqué plusieurs griefs contre la désignation du Dr H______ en qualité d'expert qui, s'ils ne devaient pas conduire à sa récusation, seraient néanmoins des objections précisément formulées, permettant de requérir une discussion consensuelle au sujet du choix de l'expert.

Compte tenu de la procédure suivie par l'intimée – confirmation par décision incidente de la nécessité de la seconde expertise, de la personne de l'expert et des questions à lui poser – la recherche d'un consensus entre les parties quant à la désignation de l'expert n'a pas pu avoir lieu et le recourant n'a pas non plus pu soumettre d'éventuelles questions complémentaires. La recherche d'un consensus, outre qu'elle constitue une exigence légale depuis le 1er janvier 2022, ne paraissait au demeurant pas vaine puisque, dans le passé, les parties avaient réussi à s'entendre sur le choix de l'expert (le Dr D______ avait été proposé par le recourant). Le recourant, qui ne s'oppose désormais plus au principe de la seconde expertise, a par ailleurs démontré qu'il savait faire des concessions.

9.             Par conséquent, la désignation du Dr H______ en qualité d'expert ne peut être maintenue et il se justifie de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle nomme un autre expert.

À ce propos, la CPAI indique que lorsque le motif de récusation est admis, l'office AI doit considérer les contre-propositions de l'assuré et transmettre une nouvelle communication à l'assuré avec le nom et le titre médical professionnel de l'expert ; si un motif de récusation n'est pas présent, mais que d'autres objections à l'égard de l'expert ont été soulevées, une recherche de consensus doit avoir lieu et l'office AI examine s'il peut accepter un des experts proposés (ch. 3081 ss). Il n'existe ainsi pas fondamentalement de différence entre les cas où la récusation est admise et ceux où elle est refusée, car, dans les deux cas, les parties doivent tenter de s'entendre sur le choix de l'expert et l'assureur doit examiner s'il peut accepter une des contre-propositions de l'assuré.

Il apparaît ainsi nécessaire de renvoyer la cause à l'intimée afin que la procédure décrite ci-dessus puisse être respectée et les droits de participation du recourant garantis.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision incidente du 20 mars 2024 sera annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

11.         Les jugements cantonaux concernant la mise en œuvre d'expertises médicales ne sont pas susceptibles d'être déférés au Tribunal fédéral, à moins que des motifs de récusation aient été tranchés (ATF 138 V 271 consid. 1-4).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision du 20 mars 2024.

4.        Renvoie la cause à l'intimée dans le sens des considérants.

5.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le