Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/574/2024 du 16.07.2024 ( LAMAL ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1330/2023 ATAS/574/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 16 juillet 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée), née le ______ 1988, de nationalité française, est domiciliée à Genève depuis le 30 septembre 2010, selon les données de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).
b. L’intéressée a travaillé en qualité de traductrice auprès des organisations internationales (ci-après : OI). Dès 2014, elle était titulaire de cartes de légitimation de type « G » (ci-après : carte de légitimation G) en tant que fonctionnaire internationale court-terme délivrées par le Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE).
c. Selon les données de l’OCPM, l’intéressée a sollicité une autorisation de séjour (permis B) qui lui a été octroyée le 7 mai 2020.
d. Par courrier du 29 septembre 2021, le service de l'assurance-maladie du canton de Genève (ci-après : le SAM) a dispensé l'intéressée de l'obligation de s'assurer pour les soins en cas de maladie pour la période du 21 juin 2021 au
1er octobre 2021. Étant en possession d'une carte de légitimation G, elle faisait partie des personnes pouvant être exemptée d'affiliation.
e. À la suite d'un courrier du 4 novembre 2021 du SAM indiquant que sa dispense d'affiliation à l'assurance-maladie arrivait bientôt à échéance, l’intéressée a, par courriel du 17 novembre 2021, requis une nouvelle dispense et sollicité un rendez-vous auprès du SAM.
Elle a indiqué qu'elle exerçait toujours son activité en tant que traductrice auprès des OI par le biais de contrats de courte durée. Si elle bénéficiait auparavant de cartes de légitimation annuelles G en tant que fonctionnaire internationale court-terme, elle avait décidé de renoncer à ces cartes annuelles en faveur d’un permis B, le but étant d’obtenir par la suite un permis C, puis la naturalisation suisse. Dans le cadre de ses contrats avec les OI, une carte de légitimation G lui était généralement délivrée. En contrepartie, elle consignait son permis B auprès de l'OCPM. Toutefois, la fabrication des cartes de légitimation prenait du temps et celles-ci n'étaient pas toujours remises lorsqu'il s'agissait de contrats de très courte durée, de sorte qu'elle ne pouvait envoyer au SAM une carte de légitimation pour chacune de ses missions. Elle ne souhaitait pas retourner dans le processus de délivrance de carte de légitimation annuelle, au risque de devoir renoncer à son permis B. Elle voulait être considérée comme une traductrice de conférences internationales travaillant à l'année auprès des OI et être exemptée durablement d'affiliation à l'assurance-maladie suisse.
B. a. Par décision du 18 janvier 2022, le SAM a refusé à l'intéressée toute dispense de l'obligation de s'affilier, au motif qu'elle se trouvait désormais titulaire d'une autorisation de séjour en Suisse et qu'elle ne disposait pas de carte de légitimation, de sorte qu'elle n'entrait pas dans les catégories de personnes dispensées de s'affilier à l'assurance-maladie obligatoire. Il lui a imparti un délai au 28 février 2022 pour s'affilier à un assureur admis à pratiquer l'assurance obligatoire.
b. Par courrier daté du 12 février 2022 et par courriel du 13 février 2022, l'intéressée s'est opposée à la décision du 18 janvier 2022. Elle a expliqué être au bénéfice d’un contrat temporaire avec l'Organisation mondiale du commerce (ci-après : OMC) et qu'une carte de légitimation devait lui être délivrée. Elle a sollicité un entretien avec le gestionnaire de son dossier afin d'exposer sa situation, et a indiqué avoir formulé deux demandes de rendez-vous par le formulaire en ligne du SAM, restées sans réponse.
c. Par échanges de courriels des 25 mars et 17 mai 2022, le SAM a indiqué à l'intéressée qu'en l'absence de carte de légitimation, elle était assujettie à l'assurance-maladie obligatoire et que son exemption d'affiliation ne pouvait pas être prolongée. L'intéressée a réitéré le fait que, pour les contrats de courtes durées, les cartes de légitimation ne lui étaient pas toujours délivrées et a demandé à s'entretenir avec le gestionnaire du SAM pour plus de clarté.
d. Par courrier du 17 mai 2022, l'intéressée a reçu de la part du SAM un avis d'affiliation d'office auprès d'ASSURA-BASIS SA (ci-après : ASSURA), avec effet au 1er mai 2022.
e. L'intéressée a adressé un courriel le 23 mai 2022 au SAM, contestant l'affiliation d'office auprès d’ASSURA et sollicitant une entrevue avec un gestionnaire du SAM. Elle a notamment fait valoir le fait qu'elle jouissait du statut de fonctionnaire internationale court-terme auprès des OI et était sous contrat avec l'organisation des Nations-Unies à Genève (ci-après : ONU).
f. Par courriel du 1er juin 2022, l’intéressée a transmis au SAM une attestation des ressources humaines de l'ONU datée du 31 mai 2022 certifiant qu'elle était « fonctionnaire international T-III », que la date d'entrée en service était le 3 mai 2022 et qu'elle était titulaire d'un contrat temporaire auprès de l'ONU dont la date de révision était le 31 mai 2022.
g. Par courriel du 7 juillet 2022, le SAM a informé l’intéressée qu’il maintenait la décision de refus de dispense du 18 janvier 2022. Se basant sur une réponse que l'intéressée aurait reçue de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU, l'intéressée était soumise au droit ordinaire, notamment à la législation en matière de sécurité sociale. Dans le même courriel, le SAM a requis de l'intéressée de confirmer par retour de courriel si elle souhaitait conserver son opposition à l'affiliation d'office ou si elle souhaitait la retirer.
h. Par retour de courriel du 8 juillet 2022, l'intéressée a confirmé son opposition à la décision d'affiliation d'office auprès d'ASSURA.
i. Le 12 juillet 2022, le SAM a requis auprès d'ASSURA la suspension de la procédure de recouvrement à l'encontre de l'intéressée dans l'attente de leur prochaine décision sur opposition.
j. Par décision sur opposition du 27 mars 2023, anticipée le 4 avril 2023 par courriel et envoyée par courrier recommandé du 6 avril 2023, le SAM a rejeté l'opposition formée contre la décision du 18 janvier 2022, partiellement réformé cette dernière en ce sens que l'intéressée était dispensée d'affiliation à l'assurance-maladie du 4 juillet 2022 au 16 septembre 2022, période pendant laquelle elle était au bénéfice d'une carte de légitimation, et maintenu ladite décision pour le surplus.
k. À la suite de plusieurs échanges de courriels et d'appels téléphoniques entre les 6 et 13 avril 2023, l'intéressée a fait savoir au SAM qu'elle ne comprenait pas la décision prise à son encontre, dans la mesure où elle avait envoyé ses cartes de légitimation et prouvé son statut de fonctionnaire internationale court-terme. Elle était également déjà affiliée auprès d'un assureur étranger avec une assurance complémentaire internationale, ce qui lui permettait d'être assurée à l'étranger, dans la mesure où elle était amenée à voyager dans le cadre de son activité.
Ces arguments n'avaient pas été retenus par le SAM. L'intéressée devait transmettre les cartes de légitimation et une preuve d'équivalence d'assurance ne pouvait pas la dispenser de s'affilier à l'assurance-maladie obligatoire. Une fois que la décision du 27 mars 2023 serait définitive et exécutoire, l'assureur d'office reprendrait sa procédure de recouvrement du 1er janvier au 3 juillet 2022 et du 17 septembre au 31 décembre 2022.
C. a. Par acte du 18 avril 2023, l'intéressée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d'un recours contre la décision sur opposition du 27 mars 2023, concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation de la décision d'affiliation d'office du SAM auprès d'ASSURA. Elle invitait la chambre de céans à lui reconnaître son statut de fonctionnaire internationale et, subsidiairement, lui reconnaître sa couverture d'assurance-maladie supérieure à la LAMal, lui permettant d'être dispensée d'affiliation.
Elle a notamment fait valoir qu'elle avait été affiliée auprès d'ASSURA dès le 1er mai 2022, alors que l'intimé lui avait indiqué qu'elle serait mise en recouvrement pour la période du 1er janvier au 3 juillet 2022, ainsi que du 17 septembre au 31 décembre 2022. Elle a contesté le recouvrement du second semestre 2022 et de l'année 2023 jusqu'à ce jour. En mai 2022, elle était au bénéfice d'un contrat temporaire au sein de l'ONU et avait un statut de fonctionnaire. Elle venait en outre de terminer un contrat temporaire de plus de trois mois à l'ONU. Elle ne se voyait pas systématiquement délivrer une carte de légitimation pour ses contrats temporaires auprès des OI, malgré ses demandes. Le délai de réponse de l'intimé était excessif et disproportionné, celui-ci ne l'ayant par ailleurs jamais reçu dans ses locaux malgré ses nombreuses demandes. Sans réponse après leur dernier échange en juillet 2022, elle pensait que la procédure était close et n'avait plus demandé d'attestations de la part de son employeur. Elle était au bénéfice d'une couverture d'assurance-maladie complète et supérieure à celle requise par la LAMal. Une adhésion à l'assurance de base LAMal et l'affiliation auprès d'un assureur agréé suisse, tel qu'ASSURA, engendrerait une nette dégradation de sa protection d'assurance et de la couverture de ses frais.
Étaient joints au recours des pièces, dont notamment :
- une attestation des ressources humaines de l'OMC datée du 1er septembre 2022 certifiant que la recourante faisait partie des fonctionnaires temporaires de cette organisation depuis le 1er juillet 2013 et que l'organisation faisait régulièrement appel à ses services ;
- une attestation du 17 avril 2023 de la Caisse des Français de l'étranger (ci-après : CFE) indiquant que la recourante était affiliée chez eux pour l'assurance maladie et maternité sous le produit MONDEXPAT » avec une option indemnités journalières, capital décès et invalidité, à compter du 1er octobre 2016 ;
- un document de l'assurance APRIL International Care France (ci-après : April international) comportant la carte d'assurée de la recourante, avec une date d'effet au 13 avril 2023 ;
- un formulaire de contrôle de l'équivalence de l'assurance-maladie signé par April international et daté du 13 avril 2023 ;
- des courriels échangés le 12 juillet 2022 notamment avec une personne interne au sein de l'ONU qui indiquaient qu'en raison des contrats à courte durée dont elle bénéficiait, aucune carte de légitimation n'était délivrée, mais qu'elle était annoncée à la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU.
b. Dans sa réponse du 7 juin 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la réforme de la décision d'affiliation d'office du 17 mai 2022 dans le sens que la recourante était affiliée d'office auprès d'ASSURA à partir du 16 septembre 2022.
En substance, l'intimé a indiqué qu'une dispense d'affiliation ne pouvait être octroyée à la recourante que si elle disposait de cartes de légitimation, l'existence d'un contrat de travail avec une organisation internationale ne permettant pas de déterminer le droit à une dispense d'affiliation. La recourante ne pouvait pas non plus être dispensée d'affiliation à l'assurance-maladie, au motif où une telle adhésion à l'assurance engendrerait une nette dégradation de la protection d'assurance, dans la mesure où elle était domiciliée dans le canton de Genève depuis 2010, que son âge ne faisait pas un obstacle à la conclusion d'une assurance complémentaire de la même étendue que son assurance étrangère et qu'elle n'invoquait aucune raison médicale l'empêchant de conclure une assurance complémentaire suisse. L'intimé a également relevé que la recourante n'avait pas démontré le caractère obligatoire de s'assurer, en tant que fonctionnaire internationale, contre la maladie selon le droit étranger, de sorte qu'aucune exception d'affiliation ne s'appliquait à son cas d'espèce.
Était joint à l'écriture un bordereau de pièces contenant notamment deux documents du 8 mars 2023 extraits de la base de données ORDIPRO et délivrés par le DFAE :
- le premier indiquant que la recourante possédait le statut de « fonctionnaire (court-terme) de l'OMC à Genève » avec une date d'entrée en fonction dès le 22 août 2022, ainsi qu'une date de départ au 16 septembre 2022 et qu'une carte de légitimation G était valable en faveur de la recourante pour cette période ;
- le deuxième indiquant que la recourante possédait le statut de « fonctionnaire (court-terme) de l'ONU » avec une date d'entrée en fonction dès le 4 juillet 2022 et une date de départ au 10 août 2022, période pour laquelle une carte de légitimation G était valable.
c. La recourante a répliqué le 7 juillet 2023, persistant principalement dans ses conclusions et, subsidiairement, sollicitant l'annulation de toutes les périodes de recouvrement retenues par l'intimé jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt de la chambre de céans et l'octroi d'un délai pour la résiliation de ses assurances actuelles. Elle a notamment réitéré ses arguments avancés dans le cadre du recours et fait valoir au surplus un déni de justice en raison du délai de réponse de l'intimé à la suite de son opposition du 12 février 2022 et au manque de considération pour ses multiples demandes de rendez-vous restées sans réponse.
d. Par duplique du 17 août 2023, l'intimé a persisté dans les conclusions prises dans son mémoire réponse. Il a indiqué que la recourante n'avait pas un droit d'être entendu oralement, et qu'elle avait pu suffisamment s'exprimer avant que la décision litigieuse n'ait été rendue. De plus, un déni de justice était sans objet, dans la mesure où une décision sur opposition avait été rendue.
Étaient joints à son courrier :
- une copie d'un courriel du 24 juillet 2023 entre la recourante et une secrétaire du service de l'immatriculation des internationaux de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU dans lequel cette dernière avait indiqué à la recourante que, dans la mesure où elle avait effectué des contrats de type « WAE », elle ne pouvait pas être considérée comme fonctionnaire et ne jouissait pas de privilèges et immunités, restant ainsi soumise au droit ordinaire suisse ;
- un courriel de la recourante du 2 septembre 2022 par lequel elle avait notamment transféré à l'intimé une carte de légitimation G valable pour la période du 4 juillet au 10 août 2022 ainsi qu'une attestation du 1er septembre 2022 de l'OMC établissant que la recourante faisait partie des fonctionnaires temporaires de cette organisation depuis le 1er juillet 2013.
e. Dans sa détermination du 6 septembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions et a relevé que la communication de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU du 24 juillet 2023 était erronée. L'Association internationale des traducteurs de conférence (ci-après : AITC), l'organe en charge de négocier directement avec l'ONU et autres OI les contrats et textes réglementaires régissant les traducteurs, considérait que les personnes titulaires d'un contrat « WAE » bénéficiaient du statut de fonctionnaire international et jouissaient des privilèges y relatifs pour les jours de travail effectués. Cet organe était plus apte que la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU pour connaître des divers statuts des traducteurs internationaux de conférence.
La recourante a joint un échange de courriels avec la secrétaire de l'AITC par lequel cette dernière affirmait que, dans le cadre des contrats de type « WAE », la personne sous contrat bénéficiait du statut de fonctionnaire pendant les périodes effectivement travaillées.
f. Par courrier du 3 octobre 2023, l'intimé a persisté dans ses conclusions et a relevé que la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU était l'organe compétent pour gérer le statut des collaborateurs des OI.
g. Par courrier du 19 octobre 2023, la recourante a également persisté dans ses conclusions. Elle a notamment précisé qu'elle possédait le statut de fonctionnaire international court-terme par intermittence tout au long de l'année avec un volume de travail annuel suffisant qui, par ailleurs, pourrait donner lieu à une carte de légitimation annuelle G en l'absence du permis B ou à condition d'annuler celui-ci. Elle a souligné que la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU était certes l'autorité qui servait d'intermédiaire entre les collaborateurs des OI, mais il revenait à l'AITC de déterminer le statut dont elle jouissait. Son activité de traductrice de conférence auprès des OI était régie par l'Accord entre le Conseil des chefs de secrétariat pour la coordination du système des Nations-Unies et l'AITC (Accord CEB-AITC). Elle a fait grief à l'intimé et à ASSURA d'avoir commis un déni de justice à son encontre, l'intimé ayant rendu une décision sur opposition tardivement et ASSURA en lui infligeant des frais pour affiliation tardive sans communication ou justification préalables. Elle venait également de prendre connaissance de la police d'assurance auprès d'ASSURA qui ne lui avait pas été envoyée ainsi que les conditions d'assurance.
Étaient notamment joints à ce courrier :
- la police d'assurance du 9 février 2023 de la recourante auprès d'ASSURA transmise le 17 octobre 2023 ;
- un document relatant l'adhésion individuelle de la recourante à une couverture en complément de la CFE avec la formule « hospitalisation et assistance rapatriement de base – médecine courante – optique/dentaire – maternité », avec un plafond global illimité et une zone de couverture en Suisse ;
- une offre d'assurance de base et d'assurances complémentaires pour un montant total de CHF 884.65 à titres de primes mensuelles de la part de la CSS ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : CSS) du 21 octobre 2023 à la suite d'une demande de la recourante, jugée par cette dernière équivalente à sa couverture actuelle ;
- un courriel du 31 octobre 2023 d'un collaborateur de la CSS précisant que le service médical de l'assurance ne pouvait pas évaluer l'offre tant qu'il y avait un traitement en cours.
D. a. Par courrier du 19 février 2024, la chambre de céans a interpellé la mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU pour solliciter des informations complémentaires sur le statut de la recourante, notamment les types de contrats auxquels elle avait été liée à compter du mois de mai 2022, ainsi que sur la question de savoir si, dans le cadre de ces contrats, elle avait bénéficié de cartes de légitimation G et, dans la négative, les raisons de la non délivrance de ces cartes.
b. Par courrier du 29 février 2024, la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU a expliqué que seules les OI pouvaient déterminer, en application de leurs règlements internes, les personnes pouvant bénéficier de la qualité de fonctionnaire et jouir des privilèges et immunités. Les OI annonçaient à la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU les personnes qu'elles recrutaient en sollicitant en leur faveur le type de carte de légitimation du DFAE correspondant à leur qualité et rang (soit fonctionnaire ou non-fonctionnaire). S'agissant de la recourante, cette dernière était, entre le 29 septembre 2014 et le 1er novembre 2019, titulaire d'une carte de légitimation G en tant que traductrice de conférence engagée pour des périodes de courte durée par les OI. À ce titre, elle jouissait de privilèges et immunités et n'était pas autorisée à travailler pour d'autres employeurs que les OI. Depuis le 1er novembre 2019, elle était détentrice d'un permis B délivré par le canton de Genève. Les traducteurs et interprètes de conférence étaient considérés par les OI comme des fonctionnaires avec des contrats de courte durée (fonctionnaires court-termes) et jouissaient, durant leur contrat, de privilèges et immunités. Les fonctionnaires court-termes recevaient une carte de légitimation G pour autant que la durée de leur contrat était égale à au moins trois semaines. Les personnes engagées pour une durée inférieure ne recevaient pas de carte de légitimation, mais devaient toutefois être annoncées par l'OI à la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU qui pouvait attester de leur statut. De telles personnes, qui étaient détentrices d'un permis, recevaient en échange de leur permis une carte de légitimation G si leur contrat avait bien été conclu pour au moins trois semaines.
Selon leur base de données, la recourante avait travaillé comme fonctionnaire court-terme :
- du 3 au 31 mai 2022 à l'ONU, sans l'établissement d'une carte de légitimation de type G en raison de la tardivité de la demande de l'ONU, mais avec l'inscription de son contrat pour la période concernée ;
- du 4 juillet au 10 août 2022 à l'ONU avec l'établissement d'une carte de légitimation de type G en échange de son permis B ;
- du 22 août au 16 septembre 2022 à l'OMC avec l'établissement d'une carte de légitimation de type G en échange de son permis B ;
- du 17 juillet au 11 août 2023 à l'ONU, sans l'établissement d'une carte de légitimation de type G en raison de la tardivité de la demande de l'ONU, mais avec l'inscription de son contrat pour la période concernée.
Selon les informations fournies par l'ONU, la recourante avait travaillé comme non-fonctionnaire pour l'organisation :
- du 4 janvier au 7 avril 2023 à l'ONU à New York avec un contrat de type « WAE » ; ce type de contrat était conclu par l'ONU avec du personnel autre que les fonctionnaires qui ne se voyaient pas accorder de privilèges et d'immunités ; ce contrat ayant été effectué hors de Suisse, la question de la carte de légitimation ne s'était pas posée ;
- du 1er novembre au 31 décembre 2023 à l'ONU avec un contrat de consultante, en conservant son permis B.
c. Par courrier du 11 mars 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et a notamment précisé que, contrairement à ce qu'avait indiqué la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU, elle avait effectué son premier contrat de type « WAE » depuis son domicile professionnel déclaré à l'ONU, soit à Genève. Elle n'avait en outre jamais travaillé en tant que consultante, mais toujours en qualité de fonctionnaire court-terme. Les contrats de type WAE représentaient les nouveaux contrats temporaires de courte-durée offerts par le siège de l'ONU à New-York, durant lesquels elle pouvait travailler depuis son domicile professionnel et bénéficier du statut de fonctionnaire international tous les jours ouvrés, soit du lundi au vendredi, mais pas les week-ends ou jours de congé. Elle n'avait pas présenté de demande de carte de légitimation pour le contrat de type « WAE » effectué du 4 janvier au 7 avril 2023, dans la mesure où elle n'était pas au courant de son affiliation d'office. De plus, elle n'avait pas travaillé auprès de l'ONU en fin d'année 2023, mais à l'OMC, à des dates légèrement différentes que celles mentionnées dans le courrier du 29 février 2024.
La recourante a transmis des échanges de courriers avec ASSURA, dont notamment :
- un courrier du 3 janvier 2024 d'ASSURA expliquant que l'affiliation d'office de la recourante, ainsi que la facturation des primes, étaient maintenues ; toutefois, au vu de la présente contestation de l'affiliation d'office devant la chambre de de céans, l'assurance restait dans l'attente d'une éventuelle exemption à l'obligation d'assurance émise par l'intimé ;
- un courrier du 29 janvier 2024 d'ASSURA informant la recourante que des frais de recouvrement facturés avaient été annulés et la poursuite y relative radiée, que des procédures de rappel, sommation et de poursuite avaient été suspendues jusqu'à réception de l'arrêt de la chambre de céans, et que l'affiliation à l'assurance obligatoire des soins ne pouvait être annulée que si l'arrêt de la chambre de céans le prévoyait, de sorte que la police d'assurance au 20 mai 2022, ainsi que le supplément de primes pour affiliation tardive, étaient maintenus.
d. Par courrier du 25 mars 2024, l'intimé a admis que, pour la période du 4 juillet au 16 septembre 2022, la recourante avait bénéficié d'une dispense. Concernant les périodes du 3 au 31 mai 2022 et du 17 juillet au 11 août 2023, la recourante pourrait bénéficier d'une dispense. Toutefois, en l'absence d'éléments probants, en particulier de l'absence de carte de légitimation, il déclarait s'en remettre à justice sur ces périodes. Pour le surplus, il confirmait et maintenait sa position.
e. Par observations spontanées du 3 avril 2024, la recourante a précisé ne pas être affiliée à l'assurance-maladie de l'ONU, soit l'assurance mutuelle personnel des Nations Unies. Il n'était pas facile de s'affilier auprès de cet organisme en raison de plusieurs conditions strictes, notamment le fait qu'il fallait être au bénéfice d'un contrat temporaire d'au moins trois mois, ce qui était rare dans son cas. Elle avait bénéficié de l'assurance-maladie de l'ONU lorsqu'elle avait des contrats de travail à plus longue durée, il y a de cela quelques années. Ce choix d'assurance ne pouvait être une solution durable puisqu'elle ne pouvait en bénéficier que pour les contrats de plus de 90 jours et pour la durée du contrat. La recourante a notamment expliqué qu' « il était possible de faire la jointure entre deux contrats temporaires si l'interruption n'était pas trop longue, mais dans ce cas-là, il fallait assumer la part employeur, en plus de notre cotisation employé… autant dire que cela devenait très coûteux et difficilement tenable, surtout lorsque l'on ne travaillait pas seulement pour l'ONU, mais aussi pour une ou plusieurs autres organisations internationales, comme c'est très souvent le cas pour les traducteurs de conférence ». Lorsqu'elle était recrutée dans le cadre des contrats temporaires pour une OI, il lui était demandé de fournir une preuve d'assurance ou de remplir un formulaire valant attestation sur l'honneur dans laquelle elle certifiait être au bénéfice d'une assurance-maladie, suisse ou étrangère, au moins équivalente aux conditions de l'assurance obligatoire prévue par la loi suisse. Elle bénéficiait d'assurance équivalente, voire supérieure, à l'assurance-maladie obligatoire suisse. Cette solution était adaptée à sa situation et à son statut professionnel atypique.
f. À l'issue de l'échange d'écritures, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur d l'art. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 S'agissant de la recevabilité du recours, les conditions de délai et de forme prévues aux art. 56ss LPGA et 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) sont remplies.
1.4 Au sujet des conclusions tendant sur la reconnaissance du statut de fonctionnaire internationale de la recourante et celles portant sur l'affiliation d'office auprès d'ASSURA, la chambre de céans relève ce qui suit.
Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 414 consid. 1a ; ATAS/972/2023 du 12 décembre 2023 consid. 4). L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente – à savoir ici la procédure de recours – est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaquée. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées ; ATAS/972/2023 du 12 décembre 2023 consid. 4).
1.5 En l'espèce, la conclusion portant sur la reconnaissance du statut de fonctionnaire internationale de la recourante est manifestement irrecevable, dans la mesure où la chambre de céans n'est pas compétente pour statuer en la matière. Cette compétence incombe aux OI qui elles seules peuvent déterminer, en application de leurs règlements internes, les personnes pouvant bénéficier de la qualité de fonctionnaire (cf. les Lignes directrices du 15 juillet 2015 sur la délivrance des cartes de légitimation aux fonctionnaires des organisations internationales [ci-après : LD – disponibles sur le site internet de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève] ; cf. les accords de siège des OI correspondantes, notamment l'accord sur les privilèges et immunités de l'Organisation des Nations Unies conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du 1er juillet 1946 [RS 0.192.120.1] et l'accord entre la Confédération suisse et l'Organisation mondiale du commerce en vue de déterminer le statut juridique de l'Organisation en Suisse du 2 juin 1995 [RS 0.191.122.632]).
S'agissant des conclusions portant sur l'affiliation d'office auprès d'ASSURA, celles-ci sont également irrecevables. En effet, la décision litigieuse du 27 mars 2023, qui détermine l'objet du litige, porte uniquement sur la question d'une éventuelle dispense d'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire à compter du 16 septembre 2022. La question de l'affiliation d'office auprès d'ASSURA a fait l'objet d'une autre décision datée du 17 mai 2022, qui a été frappée d'opposition et dont la procédure est actuellement en cours par-devant l'intimé. Ainsi, l'objet du litige est limité à la question de l'existence d'un motif de dispense à l'assujettissement de la recourante à l'assurance-maladie suisse à compter du 16 septembre 2022.
Par conséquent, la conclusion de l'intimé portant sur la réforme de la décision d'affiliation d'office du 17 mai 2022 (cf. réponse de l'intimé du 7 juin 2023), ainsi que les conclusions de la recourante portant sur l'annulation de l'affiliation d'office à ASSURA, sont exorbitants à l'objet du litige et dès lors irrecevables.
Pour le surplus, le recours est recevable.
2. L'objet du litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé de dispenser la recourante de son obligation d'être affiliée à l'assurance-maladie obligatoire suisse à compter du 16 septembre 2022.
3.
3.1 L'art. 3 al. 1 LAMal pose le principe de l'obligation d'assurance pour toute personne domiciliée en Suisse (ATF 126 V 268 consid. 3b et les références ; 129 V 161 consid. 2.1). Le domicile qui fonde l'obligation d'assurance, selon l'art. 3 al. 1 LAMal, est défini aux art. 23 à 26 du code civil (CC) (cf. art. 1 al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 - OAMal ; ATF 129 V 78 consid. 4.2). L'obligation de s'assurer en raison du domicile concerne aussi bien les ressortissants suisses que les ressortissants étrangers (Gebhard EUGSTER, Basler Kommentar, KVG/ KVAG, 2020, n. 20 ad art. 3 LAMal). Les travailleurs au bénéfice d'une autorisation de séjour ou d'établissement sont domiciliés en Suisse au sens des art. 23 et ss CC et assujettis au droit suisse des assurances sociales (Sylvie PÉTREMAND, La situation actuelle en Suisse des travailleurs migrants en provenance de l'Union européenne au regard des assurances sociales, in Annuaire suisse de droit européen 2020/2021, 2021, p. 536).
3.2 Aux termes de l'art. 3 al. 1 LAMal, toute personne domiciliée en Suisse doit s'assurer pour les soins en cas de maladie, ou être assurée par son représentant légal, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance en Suisse.
Selon l'alinéa 2 de cette disposition, le Conseil fédéral peut excepter de l'assurance obligatoire certaines catégories de personnes, notamment les personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités visées à l’art. 2, al. 2, de la loi du 22 juin 2007 sur l’état hôte (LEH – RS 192.12).
Faisant usage de cette compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 6 al. 1 OAMal, selon lequel les personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités visées à l’art. 2, al. 2, let. a et c, de la loi du 22 juin 2007 sur l’État hôte, à l’exception des domestiques privés, ne sont pas tenues de s’assurer. Elles peuvent demander à être soumises à l’assurance suisse.
Le Conseil fédéral a également édicté l'art. 2 OAMal qui prévoit les autres exceptions à l'obligation de s'assurer.
Compte tenu des principes de l'universalité et de l'obligatoriété de l'assurance sociale des soins, ainsi que de la solidarité entre les personnes en bonne santé et malades, les exceptions à l'obligation de s'assurer doivent être interprétées de manière stricte (ATF 132 V 310 consid. 8.3 ; 129 V 78 consid. 4.2).
3.3 Selon l'art. 6 LAMal, les cantons veillent au respect de l'obligation de s'assurer (al. 1). L'autorité désignée par le canton affilie d'office toute personne tenue de s'assurer qui n'a pas donné suite à cette obligation en temps utile (al. 2).
Selon l'art. 4 al. 1 loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), le service de l'assurance-maladie contrôle l'affiliation des assujettis.
L'art. 5 LaLAMal prévoit que le service de l'assurance-maladie statue sur les exceptions à l'obligation d'assurance.
3.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).
4. En l'espèce, à teneur de l'extrait Calvin de l'OCPM, la recourante est domiciliée à Genève depuis le 30 septembre 2010 et bénéficie d'une autorisation de séjour (permis B) délivrée le 7 mai 2020.
Au vu de son domicile en Suisse, elle est en principe tenue de s'affilier à une assurance-maladie suisse, sous réserve d'éventuels motifs de dispense.
4.1 Dans un premier grief, la recourante considère que, dans la mesure où elle exerce une activité de fonctionnaire court-terme auprès des OI, singulièrement l'OMC et l'ONU, et qu'elle bénéficie de carte de légitimation G dans le cadre de ces contrats de courte durée avec ces organismes, elle doit être exemptée d'affiliation à l'assurance-maladie suisse, et ce, quand même bien ladite carte n'est pas systématiquement délivrée en raison de ses contrats temporaires. Elle estime que, dans cette configuration particulière, l'intimé devrait lui admettre une exemption durable, sans qu'elle ne soit obligée d’envoyer pour chaque contrat une copie de sa carte de légitimation, celle-ci n’étant pas systématiquement délivrée. Elle fait également valoir que, contrairement à ce qu'indique la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU dans son courrier du 29 février 2024, elle a toujours travaillé en tant que fonctionnaire pour l'ONU et l'OMC, et ce, même lorsqu'elle est au bénéfice de contrat de type « WAE ».
Pour sa part, l'intimé a admis que pour les périodes où la recourante a bénéficié d'une carte de légitimation G et lorsque celle-ci lui a été effectivement délivrée, elle était exemptée d'affiliation au sens de l'art. 6 al. 1 OAMal. Dans sa décision litigieuse, l'intimée a ainsi admis une dispense d'affiliation jusqu'au 16 septembre 2020. Pour la période du 17 juillet au 11 août 2023, dans la mesure où la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU a enregistré un contrat en tant que fonctionnaire court-terme, l'intimé s'en est rapporté à justice sur la question d'une dispense d'affiliation pour cette période. Pour les périodes où la recourante n'a pas de carte de légitimation ou de preuve de son statut de fonctionnaire, l'intimé estime que la recourante doit être affiliée à une assurance-maladie suisse, dans la mesure où elle est désormais titulaire d'une autorisation de séjour.
S'agissant de la question de savoir si la recourante peut être exemptée d'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire suisse à compter du 16 septembre 2022 en raison de son statut de fonctionnaire, la chambre de céans relève ce qui suit.
4.1.1 Au regard de l'art. 2 al. 1 let. a LEH, la Confédération peut accorder des privilèges, des immunités et des facilités aux organisations intergouvernementales. En font notamment partie, les Organisations des Nations Unies, les institutions spécialisées des Nations Unies et l'OMC (FF 2006 p. 7616).
L'art. 2 al. 2 let. a LEH prévoit que la Confédération peut accorder des privilèges, des immunités et des facilités aux personnes appelées, à titre permanent ou non, en qualité officielle auprès de l'un des bénéficiaires institutionnels mentionnés à l'al. 1.
Selon l'art. 3 al. 1 let. h LEH, les privilèges et les immunités comprennent l'exemption du régime de la sécurité sociale suisse.
Aux termes de l'art. 6 al. 1 let. a OLEH, les organisations intergouvernementales se voient accorder l'ensemble ou, en consultation avec les bénéficiaires institutionnels concernés, certains des privilèges, des immunités et des facilités prévus à l'art. 3 LEH, conformément au droit international et aux usages internationaux.
Selon l'art. 9 OLEH, les privilèges, les immunités et les facilités octroyés aux personnes bénéficiaires sont accordés en faveur du bénéficiaire institutionnel concerné et non pas à titre individuel. Ils n'ont pas pour but d'avantager des individus, mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions du bénéficiaire institutionnel (al. 1). Les privilèges, les immunités et les facilités dépendent de l'exercice effectif d’une fonction officielle constaté par le DFAE, s’agissant des personnes mentionnées à l’art. 2, al. 2, let. a et b, LEH (al. 2, première phrase). Toute question relative à la constatation de l’exercice effectif d’une fonction officielle, à l’autorisation d’accompagner le titulaire principal, à la portée des privilèges, des immunités et des facilités accordés ou tout autre sujet concernant le statut juridique en Suisse des personnes bénéficiaires se règle entre le DFAE et le bénéficiaire institutionnel concerné, conformément aux usages diplomatiques, à l’exclusion de toute intervention de la personne bénéficiaire (al. 3).
Au regard de l'art. 17 OLEH, le DFAE délivre une carte de légitimation aux membres du personnel des bénéficiaires institutionnels établis en Suisse qui bénéficient de privilèges et d’immunités et aux personnes autorisées à les accompagner (al. 1 let. a). Il détermine les autres conditions d'octroi et les différents types de cartes de légitimation (al. 2). La carte de légitimation du DFAE sert de titre de séjour en Suisse, atteste d'éventuels privilèges et immunités dont jouit son titulaire et exempte ce dernier de l'obligation du visa pour la durée de ses fonctions (al. 3).
4.1.2 Sur la base notamment de la délégation de l'art. 17 al. 2 OLEH, le DFAE a arrêté les Lignes directrices du 15 juillet 2015 sur la délivrance des cartes de légitimation aux fonctionnaires des organisations internationales (LD) (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 6).
Le point 4.1 LD prévoit que les fonctionnaires, qui vivent en Suisse et qui sont titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement (permis) au moment de leur engagement, doivent obligatoirement échanger leur permis contre une carte de légitimation. À la fin de leurs fonctions pour le compte de l'organisation internationale, ils peuvent récupérer le permis qu'ils possédaient auparavant. Le nombre d'années passées en Suisse avec une carte de légitimation est pris en compte dans la détermination du droit à l'obtention d'une autorisation d'établissement (c'est-à-dire pour l'octroi d'un permis C).
Selon le point 5 LD, les ressortissants étrangers engagés avec un contrat de courte durée sont considérés comme des fonctionnaires « court-termes » (temporaires). Ces personnes reçoivent une carte de légitimation de type « G » pour autant que la durée de leur contrat soit égale à au moins trois semaines. Les personnes engagées pour une durée inférieure ne reçoivent pas de carte de légitimation, mais doivent toutefois être annoncées par l'organisation internationale à la Mission suisse qui pourra, au besoin, attester de leur statut.
Selon le manuel pratique d'application du régime des privilèges et immunités et des autres facilités, disponible sur le site internet de Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, il est notamment indiqué que les fonctionnaires avec un contrat de courte durée (OI) et membres du personnel détaché (OI) titulaires d'une carte de légitimation du DFAE de type « G » ne sont pas tenues de s'assurer à l'assurance-maladie.
Selon le tableau concernant la situation à l'égard de la LAMal des titulaires d'une carte de légitimation du DFAE ainsi que des membres de leur famille, également disponible sur le site internet de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU, la catégorie des membres du personnel « fonctionnaire court-terme (temporaire) (OI) » au bénéfice de la carte de légitimation de type « G » n'est pas soumis à la LAMal et sa couverture d'assurance correspond à la « caisse-maladie OI ou LAMal ».
4.1.3 Une norme de droit suisse doit être interprétée, en premier lieu, sur la base de sa lettre (interprétation littérale). Si celle-ci n’est pas absolument claire, soit si plusieurs interprétations de son texte sont possibles ou lorsque l'application d'autres méthodes d'interprétations font apparaître des éléments significatifs qui laissent penser que le vrai sens de la norme en cause diffère de celui de sa lettre claire, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 148 V 311 consid. 6.1 ; 148 V 234 consid. 5.1 ; 148 II 203 consid. 4.1 ; 148 V 28 consid. 6.1). Si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 148 II 218 consid. 5.2 ; 146 V 271 consid. 4.5.1 ; 147 V 79 consid. 7.3.1 ; 145 III 56 consid. 5.3.1).
4.1.4 Il convient par conséquent de rechercher le but de l'exemption à l'assurance-maladie voulu par le législateur s'agissant des fonctionnaires des organismes internationaux.
À cet égard, le Conseil fédéral a indiqué dans son message du 13 septembre 2006 relatif à la LEH qu'en règle générale, les conventions internationales créant un organisme international prévoient l’exclusion – pour l’organisme et son personnel – de toute obligation découlant de la législation en matière d’assurances sociales de l’État hôte. Les bénéficiaires institutionnels mettent en place leur propre régime de sécurité sociale à l’intention de leur personnel, ceci afin, d’une part, d’assurer une même couverture sociale à leurs employés quel que soit le lieu de leurs activités dans le monde et, d’autre part, de ne pas dépendre de la législation de l’État hôte dans la définition des droits sociaux de leurs fonctionnaires. Par ailleurs, ces assurances sociales sont financées par les contributions des membres des organismes internationaux, ce qui justifie la création d’un système propre à l’organisme, du moins lorsque celui-ci a atteint une certaine « masse critique » quant au nombre de personnes couvertes par un tel système d’assurances sociales. Il est donc logique que les personnes couvertes par le régime de sécurité sociale propre à l’organisation qui les emploie soient exemptées du régime de sécurité sociale de l’État hôte, afin d’éviter que les intéressés ne soient soumis à deux régimes cumulativement, et donc à l’obligation de verser deux fois des cotisations sociales. Par conséquent, en vertu des accords de siège, l'organisme international, en tant qu'employeur, n'est pas soumis aux assurances sociales suisses, notamment pour l'assurance-maladie, et les fonctionnaires internationaux ne sont pas soumis à la législation suisse sur l'assurance-maladie obligatoire (FF 2006, p. 7633).
Conformément à l'art. 9 OLEH, les privilèges, immunités et facilités octroyés aux personnes bénéficiaires n'ont pas pour but d'avantager des individus, mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions du bénéficiaire institutionnel.
S'agissant particulièrement de l'obligation d'assurance, il ressort du message du Conseil fédéral précité que le principe d'exclusion pour l'organisme international et son personnel de toute obligation découlant de la législation en matière d'assurances sociales de l'État hôte a pour but d'éviter que les intéressés ne soient soumis à deux régimes de sécurité sociale cumulatifs, et non pas d'avantager les individus en termes d'assurance-maladie. Le Conseil fédéral part du principe que dans la mesure où les bénéficiaires institutionnels mettent en place à l'intention de leur personnel leur propre régime de sécurité sociale financé par les contributions des membres des organismes internationaux, il est logique que les personnes couvertes par le régime de sécurité sociale propre à l'organisation qui les emploie soient exemptées du régime de sécurité sociale de l'État hôte.
Par conséquent, en créant un régime de sécurité sociale propre à l'organisme international, ce dernier permet d'assurer une même couverture sociale à leurs employés tout en tenant compte des spécificités de leur activité qui les amène bien souvent à devoir travailler dans divers endroits du globe. Ainsi, l'exemption d'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire suisse des fonctionnaires internationaux résulte du fait que ces derniers bénéficient déjà d'un régime d'assurance adéquat et adapté à leur fonction et mis en place par l'organisme institutionnel pour lequel ils travaillent.
Cette considération ressort également du tableau de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'ONU concernant la situation à l'égard de la LAMal des titulaires de carte de légitimation du DFAE, qui mentionne expressément que la couverture d'assurance du bénéficiaire d'une carte de légitimation G doit être soit affilié à la LAMal soit à la caisse-maladie de l'OI correspondante.
4.1.5 Au vu de ces développements, il convient de retenir que dans le cas de figure des OI dont le siège est à Genève, l'exemption à l'assurance-maladie obligatoire en Suisse de leur personnel est en principe conditionnée au fait que la personne est mise au bénéfice de l'assurance-maladie de l'organisation pour laquelle elle travaille, afin qu’elle ne soit pas soumise simultanément à deux régimes de sécurité sociale.
Or, dans le cas d'espèce, la recourante a fait le choix de ne pas s’affilier à l’assurance-maladie des organismes internationaux pour lesquels elle travaille (soit l’OMC et l’ONU). Pour justifier ce choix, elle met en avant des raisons pratiques et économiques (cf. courrier de la recourante du 3 avril 2024). Si cette affiliation peut certes s’avérer onéreuse lorsqu’elle se trouve dans une période non couverte par un contrat temporaire et peu pratique lorsqu'elle travaille pour plusieurs organismes, il n'en demeure pas moins que la recourante a la possibilité de s'affilier même pour une courte période auprès de l'assurance-maladie de l'organisme international pour lequel elle travaille (cf. à titres d'exemple notamment l'Annexe V du règlement de l'assurance mutuelle contre la maladie et les accidents du personnel des Nations unies de l'office des Nations Unies à Genève ; la couverture santé de l'OMC entrée en vigueur le 1er janvier 2019 avec Allianz Care). En faisant le choix de renoncer à cette affiliation, la recourante perd son privilège d’exemption à l’assurance-maladie obligatoire suisse, conformément au but de la LEH, et bascule dans le régime ordinaire d'assurance-maladie. En effet, pour bénéficier de cette dispense, il faut encore que la recourante soit soumise au régime de sécurité sociale de l’organisme employeur, ce qui n’est pas le cas en espèce.
À cet égard, la recourante ne saurait non plus se prévaloir de son affiliation au régime de sécurité sociale français afin de faire valoir une dispense, dans la mesure où son affiliation au système de l'État français ne repose pas sur l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et le règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) n°988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1). En effet, bien qu'étant une ressortissante française, la recourante ne peut être soumise qu'à la législation d'un seul État membre (art. 2 et 11 par. 1 du règlement n°883/2004). Dans la mesure où elle exerce son activité principalement à Genève, elle est soumise à la législation de l'État d'emploi, en l'occurrence la Suisse (art. 11 par. 1 du règlement n°883/2004 ; cf. ATF 142 V 192 consid. 3.1). Elle ne dispose en outre pas du statut de frontalière (cf. Annexe XI du règlement n°883/2004 sur la Suisse, par. 3 let. b) et ne fait pas partie de la catégorie de travailleurs détachés (cf. art. 12 du règlement 883/2004), de sorte qu'elle ne remplit aucune des conditions lui permettant de se prévaloir de l'assurance-maladie de son État d'origine au regard de l'ALCP et son règlement précité.
Par conséquent, dans le cas où elle renonce à l'affiliation auprès de l'assurance-maladie de l'organisme international avec lequel elle est liée par un contrat, elle ne saurait bénéficier d'un régime de sécurité sociale autre que le régime ordinaire suisse en ce qui concerne l'assurance-maladie, au risque de contourner le droit interne suisse.
Partant, quand bien même la recourante se voit reconnaître le statut de fonctionnaire court-terme et qu'une carte de légitimation G lui est octroyée conformément à l'OLEH et aux LD, elle ne saurait bénéficier d'une exemption d’affiliation à l’assurance-maladie suisse, dans la mesure où elle a fait le choix de ne pas s’affilier à l’assurance-maladie des organismes institutionnels qui l'emploient.
4.2 Dans un deuxième argument, la recourante fait valoir une dispense au regard de l'art. 2 al. 8 OAMal, invoquant une péjoration manifeste des conditions et de la couverture d'assurance.
4.2.1 Au regard de l’art. 2 al. 8 OAMal, sont exceptées sur requête les personnes dont l’adhésion à l’assurance suisse engendrerait une nette dégradation de la protection d’assurance ou de la couverture des frais et qui, en raison de leur âge et/ou de leur état de santé, ne pourraient pas conclure une assurance complémentaire ayant la même étendue ou ne pourraient le faire qu’à des conditions difficilement acceptables. La requête doit être accompagnée d’une attestation écrite de l’organisme étranger compétent donnant tous les renseignements nécessaires. L’intéressé ne peut revenir sur l’exception ou la renonciation à une exception sans raisons particulières.
Cette disposition ne peut être invoquée de manière générale par les personnes pour lesquelles le passage au système d'assurance suisse signifie, certes, une couverture d'assurance plus onéreuse ou moins étendue, mais qui peuvent encore s'assurer au-delà du minimum obligatoire au moyen d'assurances complémentaires au sens de la LCA (même si ces assurances offrent globalement une protection moindre, mais que la personne concernée peut bénéficier de cette protection ,dans la mesure où elle est disponible en Suisse). En outre, cette disposition ne peut être invoquée que par les personnes qui, dans le cadre de l'offre d'assurance disponible en Suisse, ne peuvent conclure une assurance complémentaire - ou seulement à des conditions inacceptables - en raison de leur âge ou de leur atteinte à la santé ; il s'agit d'éviter que ces personnes voient leur niveau de protection d'assurance diminuer, en raison de leur âge ou de leur état de santé, en entrant dans le système suisse (ATF 132 V 310 consid. 8.5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_750/2009 du 16 juin 2010 consid. 2.3).
Cette disposition ne doit pas servir à prévenir les simples désavantages subis par une personne du fait que le système suisse n'offre pas du tout ou pas aux mêmes conditions favorables la couverture d'assurance dont elle bénéficiait auparavant sous le système étranger (arrêts du Tribunal fédéral 9C_304/2017 du 27 septembre 2017 consid. 4.1.2 ; 9C_921/2008 du 23 avril 2009 consid. 4.3). Toutefois, elle doit au moins éviter l'inconvénient résultant du fait qu'une personne ne peut pas utiliser les offres effectivement disponibles en Suisse en raison de son âge et/ou de son état de santé, ou ne peut le faire que dans des conditions difficilement supportables avant d'atteindre son niveau d'assurance étranger précédent (arrêt du Tribunal fédéral 9C_8/2017 du 20 juin 2017 consid. 2.2.1).
L'art. 2 al. 8 OAMal vise une catégorie spécifique de personnes - de fait, en particulier les rentiers affectés d'un état de santé préexistant qui sont désireux de s'établir en Suisse - susceptibles d'être exemptées. Il s'agit des personnes au bénéfice d'une assurance-maladie étrangère pour qui l'adhésion à l'assurance suisse engendrerait une nette dégradation de la protection d'assurance ou de la couverture des frais dont ils disposent au moment de se rendre en Suisse, et dont on ne saurait exiger, en raison de leur âge et/ou de leur état de santé, qu'elles concluent une assurance complémentaire, soumise au droit privé et aux réserves qui l'accompagnent, afin de combler ces lacunes de protection. Cette disposition se démarque au travers de l'exigence que la couverture d'assurance offre une garantie non pas seulement équivalente, mais encore supérieure à la LAMal, et que la personne assurée soit empêchée de maintenir son standard de protection à l'aide de la souscription d'une assurance complémentaire, du fait de son âge et/ou de problèmes de santé antérieurs à son arrivée dans notre pays (Gregor CHATTON, Les exceptions à l'assurance obligatoire des soins : quelques points de contact entre le droit public et le droit privé, in RSAS 2011 p. 458).
L'art. 2 al. 8 OAMal permet d'exempter de la LAMal les personnes âgées ou malades dont l'adhésion à l'assurance suisse engendrerait une nette dégradation de la protection d'assurance ou de la couverture des frais (Pierre-Yves GREBER, Bettina KAHIL-WOLFF, Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, Romolo MOLO, Droit suisse de la sécurité sociale, 2010, pp. 80-81).
L'âge critique pour la conclusion d'une assurance complémentaire couvrant les soins stationnaires se situe à 55 ans (Gebhard EUGSTER in Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, n. 12 ad art. 3 LAMal).
Une prime d'assurance complémentaire suisse plus élevée ne suffit pas en soi à justifier une dispense d'adhérer à l'assurance suisse. En revanche, lorsque cette différence de coût s'explique par le fait que l'assureur complémentaire suisse augmente le montant des primes en fonction de l'âge d'entrée dans l'assurance, il peut tout à fait en résulter une difficulté accrue, due à l'âge, de conclure une assurance complémentaire, ce qui peut être pertinent au regard de l'art. 2 al. 8 OAMal. Toutefois, même dans ce cas de figure, seule une différence de prime prohibitive par rapport au montant de la prime étrangère peut rendre « difficilement acceptable » la conclusion d'une assurance complémentaire suisse et donc justifier une exception à l'obligation de s'assurer (arrêt du Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich KV.2007.00043 du 30 août 2008 consid. 4.3.3, cité in EUGSTER, op. cit., n. 12 ad art. 3 LAMal).
4.2.2 En l’espèce, il ressort des documents produits par la recourante que cette dernière s'est affiliée auprès de la CFE à compter du 1er janvier 2017 et bénéficie de la couverture auprès d'April International à tout le moins dès le 13 avril 2023.
La CFE n'étant pas reconnue comme un organisme de sécurité sociale régissant l'assurance-maladie obligatoire (cf. RAMA 1999 337), seule la couverture proposée par April International serait équivalente à l'assurance obligatoire des soins en Suisse.
Toutefois, la recourante ne démontre pas qu'une subordination à l'assurance suisse entraînerait une nette détérioration de la protection d'assurance conformément à la jurisprudence précitée. En effet, à la demande de la recourante, l'assurance CSS lui a soumis une offre comprenant une assurance obligatoire de soins et des assurances complémentaires au sens de la LCA qui lui permettrait d'accéder à une couverture jugée équivalente par la recourante à celle dont elle dispose actuellement avec sa couverture privée. Elle est par conséquent en mesure de bénéficier d'une protection équivalente, à tout le moins au-delà du minimum obligatoire, quand bien même cette couverture d'assurance se trouve plus onéreuse que la précédente. Il est rappelé à ce propos que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, une exemption selon l'art. 2 al. 8 OAMal ne peut pas être invoquée par des personnes pour lesquelles le passage au système d'assurance suisse signifie une couverture plus onéreuse ou moins étendue, mais qui peuvent s'assurer au-delà du minimum obligatoire au moyen d'assurances complémentaires (cf. considérant 4.2.1 supra). En outre, quand bien même la subordination à l'assurance suisse entraînerait une nette détérioration de la couverture d'assurance précédente, encore faut-il que la recourante se trouve dans l'impossibilité de souscrire à une assurance complémentaire ou ne pourrait le faire qu'à des conditions difficilement supportables en raison de son âge ou de son état de santé.
Or, force est de constater que la recourante est encore loin de l’âge considéré comme critique par la jurisprudence fédérale pour la conclusion d’une assurance complémentaire puisqu’elle était âgée de 35 ans au moment de la décision litigieuse. Le fait qu'il existe un risque de grossesse accru pour les femmes de plus de 30 ans n'est pas pertinent.
Par ailleurs, le dossier ne comprend aucun élément permettant de considérer que l'état de santé de la recourante serait de nature à empêcher la souscription d'une assurance complémentaire. La recourante allègue suivre une thérapie en France, sans produire toutefois de documents à ce sujet ni donner de plus amples informations sur son atteinte et la nature de cette thérapie. À cet égard, une thérapie pourrait également être suivie en Suisse, celle-ci pouvant par ailleurs être prise en charge par l'assurance de base. Le fait que l'assurance CSS, après avoir appris que la recourante bénéficiait d'une thérapie en France, n'ait pas pu évaluer l'offre n'est pas pertinent pour retenir que cette thérapie serait de nature à empêcher la souscription d'une assurance complémentaire, dans la mesure où la recourante ne démontre pas la raison pour laquelle cette thérapie ne peut être suivie qu'en France et non en Suisse.
De plus, la CSS n’est pas la seule assurance à proposer l’assurance-maladie complémentaire, de sorte que la recourante aurait pu s’adresser à d'autres assurances pour obtenir une offre, ce qu’elle ne semble pas avoir fait.
Les conditions de l’art. 2 al. 8 OAMal n’étant pas remplies, c’est à bon droit que l’intimé a refusé d’exempter la recourante de l’obligation d’être affiliée à l’assurance-maladie obligatoire.
4.3 Par surabondance, il convient également d'examiner le motif d'exemption de l'art. 2 al. 2 OAMal, dont la recourante n'a pas invoqué l'application, mais qui a été soulevé par l'intimé dans le cadre de sa réponse du 7 juin 2023.
4.3.1 Aux termes de l’art. 2 al. 2 OAMal, sont exceptées sur requête les personnes qui sont obligatoirement assurées contre la maladie en vertu du droit d’un État avec lequel il n’existe pas de réglementation sur la délimitation de l’obligation de s’assurer, dans la mesure où l’assujettissement à l’assurance suisse signifierait une double charge et pour autant qu’elles bénéficient d’une couverture d’assurance équivalente pour les traitements en Suisse. La requête doit être accompagnée d’une attestation écrite de l’organisme étranger compétent donnant tous les renseignements nécessaires.
Une dispense de l’obligation d’assurance ne peut être envisagée que si le ressortissant étranger est obligatoirement assuré contre la maladie en vertu du droit étranger (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in Schweizerisches Bundes-verwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd. 2016, n. 51, p. 424).
En vertu de l’art. 2 al. 2 OAMal, la possibilité de s’assurer à titre facultatif à l’étranger est exclue en raison de la possibilité de contourner facilement le caractère obligatoire de l’assurance suisse (RAMA 2000 p. 20 consid. 4c).
4.3.2 En l’espèce, la recourante n’a pas démontré l’existence d’une obligation de s’assurer à l’étranger en vertu du droit public étranger.
En effet, la recourante, qui est domiciliée en Suisse et qui exerce son activité principalement à Genève, n’a pas expliqué en quoi elle devait pouvoir bénéficier d’une couverture d’assurance française, hormis le fait que celle-ci se trouve plus avantageuse.
Par conséquent, aucun caractère obligatoire d’assujettissement à une assurance étrangère n’est démontré, de sorte que les conditions pour bénéficier d’une exemption en vertu de l’art. 2 al. 2 OAMal ne sont pas remplies.
4.4 Enfin, la recourante reproche à l'intimé le temps excessif pris pour se déterminer suite à son opposition.
Il est relevé à cet égard que la décision sur opposition doit être rendue dans un délai approprié (cf. art. 35 al. 4, 1ère phr. LaLAMal) et qu'une éventuelle surcharge de travail est dépourvue de pertinence en matière de retard à statuer (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.2 et les références). Il n'en demeure pas moins que la décision sur opposition ayant finalement été rendue, il n'y a pas lieu d'examiner si un éventuel déni de justice a été commis.
5. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Par ailleurs, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont en principe pas le droit à une indemnité de dépens (ATF 126 V 149 consid. 4).
Pour le surplus, la procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
Au fond :
1. Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.
2. Dit que la procédure est gratuite.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le